Le juste retour des choses
Luna mit un certain temps avant de quitter le seuil de l'entrepôt.
-T'es sûr que tu veux pas rentrer ? Demanda Félix.
-Non, je me suis jurée de ne plus jamais y revenir, tu le sais.
-C'est ton choix ma vieille, répondit calmement Sylvain.
-Bon, on se voit demain ?
-En souvenir du bon temps ?
-On va dire plutôt en célébration de ce qu'a fait mon fils.
Sylvain lui fit un clin d'œil.
-Ca roule Luna. Allez, ciao.
Ils fermèrent la porte après lui avoir fait tour à tour la bise. Luna rentra chez elle, silencieuse. Une fois la porte de l'entrepôt fermée Félix et Sylvain se regardèrent, sans un mot, comme figés.
-AAAAAAAAAAAAAAH ! Hurlèrent-ils alors en se ruant vers la petite pièce qui faisait office de chambre pour Félix, bousculant les quelques Antis qui flânaient dans la grande salle. Ils s'empressèrent de fermer la porte et immédiatement Félix chercha sous les coussins. Il retira un petit sachet transparent remplis d'une sorte de poudre marron. Sylvain s'empressa de récupérer le paquet et commença à fumer le contenu.
-Punaise, ça fait je sais pas combien d'année que j'avais pas fumé ce genre de mixture !
Félix éclata de rire.
-Mon pauvre, t'étais drogué à ce point ?
-C'est pas par manque, sinon je serais mort depuis longtemps ! Mais j'avais oublié combien c'était bon ! Allez, vas-y me fais pas mourir ! Sors-la !
-J'y ai pas touchée depuis que t'es partie, elle doit être désaccordée…
Félix sortit une belle guitare noire d'un de ses placards et la remit dans les bras tremblants de Sylvain.
-Waaaaah ! Ma bonne vieille Gibson !
Il regarda d'un air suspicieux le rasta.
-Tu y as joué ?
-Non…
-Félix… T'as une Gibson d'origine chez toi et tu y as pas jouée ?
-Non, tu m'as dit de pas y toucher…
-Félix…
-Bon d'accord un tout ptit peu.
Sylvain rit. Il sortit son harmonica et accorda sa guitare avec. Après avoir fait quelques accords il regarda Spliffman.
-En tout cas, ça fait du bien de rentrer au bercail.
* * *
-Je suis tellement heureuse. J'ai… Je comprends ce que ressent Thomas, c'est tellement dur de se dire que tout est fini. On a souffert tellement longtemps et d'un coup… pouf !
Léa restait blottie contre le torse de Maxime qui lui caressait doucement les cheveux, assis sur son lit. Laetitia continua :
-Tu crois que ça va aller pour Tom ?
-J'en suis sûr, t'inquiète pas pour lui.
* * *
-Alors ?
-Alors quoi…
-Rien à dire ?
-Bah si… je regrette et euh…
Il rougit.
-Je m'excuse… Je… J'ai compris que je pouvais pas me passer de toi.
Gaëlle sourit et l'embrassa sur la joue.
-Moi ça je le sais depuis très longtemps et c'est réciproque mon pitit Darkounet.
-Mwé, mwé… fit Jérôme de plus en plus rougissant.
Voyant que cette débauche de tendresse ne l'enchantait guère, elle changea de sujet.
-Alors monsieur, où vont nous mener vos futures escapades ?
-Je pensais aller dans le nord, il y a pas mal d'arènes assez réputées.
-Bien. A vos ordres chef !
* * *
-Tu m'as manqué mon chéri.
-Toi aussi maman.
-Ne dis pas de sottises, je sais que ton esprit était plutôt focalisé sur Marie, et c'est bien normal.
-Non, pendant tout ce temps je pensais à vous tous.
-Tu veux rentrer à la maison Thomas ? Marie t'y attend, elle a dit qu'elle t'attendrait le temps qu'il faudra. J'allais pas vous laisser seul dans votre grande baraque tout de suite.
-Merci, t'as bien fait. Si ça te dérange pas, j'aimerais un peu marcher, t'as qu'à rentrer déjà, dit lui que je serais de retour avant minuit.
-Très bien. A plus tard mio filio.
* * *
-Simon, Simon ? Simon qu'est-ce que tu fais ? Ca fait une heure que je t'appelle ! Ton souper va être froid.
Elle s'avança, énervée, vers le bureau de son mari. Il s'était encore perdu dans ses documents de médecine. Elle frappa à la porte.
-Chéri, qu'est-ce que tu fais !
-N'entre pas.
-Je ne veux pas entrer je veux que toi tu sortes ! La bouffe va être froide !
-Chérie, c'est dommage…fit la voix derrière la porte.
-Quoi ?
-Au départ… ma vie, elle était normale.
-Qu'est-ce que tu racontes ?
-Je t'aimais et… on dirait que la mort de mon frère m'a rendu hystérique…
-Pourquoi parles-tu de lui maintenant ?
-Je ne l'ai jamais montré mais… ça m'a bouleversé, la mort… j'avais tellement peur d'elle et… j'ai tellement voulu voir ce qu'on pouvait faire contre, lutter contre… que j'en ai perdu… tout en fait… j'ai tout perdu. Chérie, je voulais te dire que même si je le montrais pas, même si je le pense pas, une partie qui est en moi t'aime encore.
-Simon qu'est-ce que tu…
Un coup de feu retentit, affolée elle ouvrit la porte.
-Si…. SIMOOOOOOOOOOOOOON !
* * *
Rain avait trahi, le caïd Indien n'avait pas réussi… Plus le temps passait et plus ce Thomas semblait devenir un obstacle à l'organisation. Lord Rocket était furieux de la défaite Franco-Indienne. Et lui, Jack Hannot, ne savait plus trop quoi faire, reculé dans son QG à Bordeaux, ayant perdu beaucoup d'hommes. Son groupe pouvait-il être dissous ?
Depuis que j'ai repris les reines de l'organisation en France, on a réussi à affaiblir notre main mise sur nos activités, mais jamais personne, pas même le Triumvirat n'a réussi à menacer directement l'organisation. Est-ce que c'est un malheureux concours de circonstances, ou est-ce que le fils de Bratin avait tout planifié… C'est impossible, il ne pouvait pas savoir que… que Rain péterait un câble. J'aurais du y penser en voulant le doubler. Est-ce que je deviens vieux… est-ce que je commence à faire des erreurs ? Moi qui me vantais d'être le meilleur Caïd… même James Rocket était convaincu que j'étais un des meilleurs… C'est l'influence de ce gosse… Depuis l'usine… non, depuis le POPB, il fait capoter nos plans, sans le vouloir… Il… Pour l'instant, il faut que je pense à consolider l'organisation, je m'occuperai de lui plus tard… je dois faire profil bas en attendant.
* * *
-Père, puis-je rentrer ?
-Oui, répondit une voix faible.
Le jeune homme rentra dans la chambre richement décorée. Un homme vieux et aux cheveux blancs était allongé dans le somptueux lit à baldaquin et regardait cette arrivée, les yeux mi-clos.
-J'ai des mauvaises nouvelles père.
-Je commence à y être habitué.
Il toussa plusieurs fois et continua, d'une voix encore plus éraillée.
-Que viens-tu m'apprendre cette fois-ci ? Y aurait-il encore d'autres incapables que notre ami Indien et l'autre Français ?
-Non, à mon humble avis, cela est bien plus grave.
-…
-La lignée Baraïto est encore vivante, vous le savez déjà, mais le … côté encore plus déplaisant est qu'un des descendants aurait réussi à rencontrer Alaok.
Le vieil homme se releva brusquement, le visage blanc et toussa plusieurs fois, assis sur son lit.
-Calmez-vous père.
-Comm…comment veux-tu que je me calme ? Il a réussi à faire ce que je n'ai jamais pu ! Quels sont tes plans ?
-Laissons Hannot se débrouiller. Et observons de quoi il est capable. Il viendra de lui-même.
-Tu es bien sûr de toi. Qui te dit qu'il sait où nous sommes ?
-Je le ferai venir jusqu'à moi.
Le jeune homme sortit, secouant d'un mouvement rapide ses longs cheveux blancs.