World of Tem : Tome 7 : Je te sauverai de CaliKen

Il l'attendait, le visage masqué par ses cheveux dansants d'une façon macabre au gré du sifflement sinistre du vent. La tempête s'était levée soudainement, mais le relief des lieux protégeait partiellement l'entrée de la grotte du plus gros de la dépression. Cependant, cela n'empêchait pas de grosses rafales glacées de zigzaguer soudain entre les deux hommes, et d'emporter avec elles des filets de neiges s'envolant dans l'horizon immaculé. Thomas avançait doucement, d'un pas lent et régulier.
-Tu es celui qui nous as tiré dessus n'est-ce pas ?
-Effectivement. Tu es plus rapide que ne l'était ton ami crâne d'œuf.
-Qu'as-tu fais de Xiangpo ?
-Lui, je ne l'ai pas raté.
Le jeune homme serra les dents. Rain continua, dans cette atmosphère irréelle.
-Et je ne te raterai pas une seconde fois.
Il dégaina.
-Ensuite, j'irais m'assurer que ta copine est bien morte et enterrée. Franchement, j'espère que les Rockets ne l'ont pas tuée. C'est la première fois que je rate ma proie, et je peux te dire que j'ai envie de me rattraper avec elle !
Thomas desserra le nœud du bandana vert qui entourait son front. Il défit le morceau de tissu et s'en servit pour entourer son poing.
-T'es même plus de la famille des ordures, t'es juste un fou furieux. Tu… tu fais ça pour l'argent c'est ça ?
-D'un certain point de vue… oui. Mais, beaucoup de personnes adorent leurs métiers…
Rain lécha la partie métallique de son revolver, glacée par le froid.
-J'aime ça, j'aime tuer, parce que … c'est de l'art. J'aime sentir ces vies qui s'accrochent à quelque chose qui glisse, qui se sentent mourir peu à peu. C'est magnifique. C'est un sentiment pur, aussi pur que celui qui t'a poussé à faire tout ce chemin pour sauver un bout de cadavre.
-Ne parle pas de Marie, chuchota Tom.
-Marie… Je sais très bien que c'est la corde sensible chez toi. Vraiment, te rends-tu compte de l'imbécillité de ton acte ? A quoi sert de sauver une vie ? Elle partira forcément un jour ! Ta pauvre Marie doit se faire manger par les vers en ce mo…
-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Rain recula immédiatement. L'air était devenu subitement très chaud et le sens du vent avait changé. David du se protéger le visage des flocons bouillants qui venaient le percuter. Il laissa cependant un espace entre ses bras pour voir et comprendre ce qu'il se passait.
Une immense lueur bleue entourait Thomas et montait jusqu'au ciel, jusqu'à disparaître dans les nuages. L'espèce de tube d'énergie avait un diamètre de 30 mètres autour du garçon.
Au fond de sa grotte Alaok tremblait.
C'est impossible ! J'ai verrouillé son pouvoir ! Il ne peut se servir que de 10% de l'énergie totale, et encore, seulement sous certaines conditions ! Et… Non… je ne sens pas le verrou qui a cédé… Cela voudrait dire que cette formidable énergie ne représente que 10% de toute la... A moins que le verrou ne marche tout simplement pas en raison de sa grande colère… C'est incroyable.

-Qu'est-ce que c'est que ce bordel ! Hurla David qui tentait de se protéger le visage.
Il tira toutes les balles de son revolver sur Thomas, mais celles-ci firent un simple ''flop'' en touchant la tube bleu et disparurent en fumée. De rage, David Rain jeta son arme encore fumante.
Le tube disparut soudainement, laissant Thomas seul, gorge déployée et cambré, respirant lentement et profondément. Il reprit une posture normale et pointa Rain du doigt.
-Je vais passer mes nerfs sur toi !
Le meurtrier cracha par terre.
-Je ne sais pas ce que c'est que ce cirque, mais c'est pas un gamin qui va me donner des leçons !
Les deux se foncèrent dessus, et commença alors un vrai combat impressionnant dans lequel David Rain trouva un adversaire aussi fort et rapide que lui. Bientôt, les deux opposants ne cherchèrent plus à éviter les coups. Xiangpo n'avait pas touché une fois Rain, pourtant celui-ci, bien qu'ayant frappé à maintes reprises Thomas, saignait déjà de la bouche. Le combat était violent et à chaque coup donné et rendu, une traînée de sang venait se poser sur la blancheur du sol neigeux. Cependant, si Rain ressentait quelque chose qu'il n'avait plus ressentit depuis longtemps : la douleur, les coups qu'ils donnait à son ennemi, bien que puissants, ne semblait pas affecter celui-ci. Le garçon revenait toujours à la charge.
Un coup de talon dans le genou de David l'obligea à s'agenouiller, interrompant le combat. Tom s'arrêta, haletant, debout devant celui qui était la cause de tout.
-Vas-y, finis-moi petit con.
-Comment veux-tu que je te finisse, j'ai pas d'arme et j'ai pas envie d'avoir un meurtre sur la conscience.
-J'ai tué ta copine, rappelle-toi.
-Justement enfoiré, j'veux que tu souffres, pas que tu meurs !
-Tu comprends rien à rien alors…
Rain se releva d'un coup et planta le couteau qu'il venait de cacher dans sa main en plein milieu du ventre de Thomas.
-Il y a toujours un mort lors de mes confrontations, toujours.
Le garçon donna un violent coup de tête à son agresseur qui retomba à terre, lâchant par la même occasion son couteau qui resta planté dans le ventre de Thomas. Rain ne se releva pas, mais se permit de rire :
-C'est terminé pour toi. Je ne sais pas trop ce que tu étais comme extra-terrestre mais avec quatre centimètres de métal dans le bide tu…
Thomas sortit violemment le couteau de son ventre, faisant gicler son sang.
-J'ai pas le droit de mourir ! T'as pas compris ça ?

Il se jeta sur Rain et les deux roulèrent sur le sol enneigé, se frappant mutuellement sans se lâcher. Sans s'en rendre compte, ils s'approchaient dangereusement du ravin. Peu à peu, les coups donnés les faisaient glisser vers le dangereux gouffre que Thomas avait sauté quelques minutes plus tôt avant de rencontrer Alaok. Rain tenta de se relever mais Tom le repoussa d'un violent coup de poing. L'écart fut alors d'environ cinq mètres entre les deux hommes. Le tueur essuya du revers de sa manche les filets pourpres qui coulaient de sa lèvre et couraient le long de son menton.
-T'es vraiment pas un type banal toi. Je m'étonne plus de t'avoir loupé quand j'étais à Monche-Ville.
Il sortit un étrange pistolet dont l'extrémité était plus large que chez les modèles classiques et qui ressemblait à un gros tube noir d'environ trois centimètres de large.
-Qu'est-ce que…
Thomas n'eut pas le temps de finir sa phrase, une terrible explosion éclata devant son regard, pourtant il ne sentit pas même le souffle de celle-ci. La fumée se dissipa rapidement, aidée par la tempête qui n'en finissait pas. Rain était à terre, mais se releva, tremblant. Son visage était bruni à certains endroits par l'explosion et des croûtes de sang s'étaient formées sur ses joues creuses.
-P…pourquoi ça a pété avant de te toucher ! Tu n'es pas humain… Comment peux-tu… Peu importe, il ne sera pas dit que David Rain se sera fait battre par un mioche !

Il voulu se jeter sur Thomas, mais étrangement, le chemin à parcourir sembla s'étirer. Les deux hommes ne comprirent pas ce qu'il se passait, jusqu'à ce que la neige posée sur le sol paraisse disparaître, comme aspirée par le fond. Il y eut ensuite un grand craquement sinistre et, en un instant, le sol se déroba sous les pieds de Rain qui tomba dans le ravin. Tom tomba à terre en raison de la violente secousse et par pur réflexe attrapa le bras de David. Immédiatement il se mit à glisser, entraîné par le poids de Rain. Il freinait comme il pouvait, agrippant le sol glacé de sa main libre, appuyant avec ses pieds et ses genoux. Il sentit le froid qui rentrait dans la plaie ouverte de son ventre ainsi qu'une traînée de sang impressionnante qui marquait sa glissade.
Rain était suspendu dans le vide, un bras tenant la main de Tom, l'autre son mystérieux revolver.
-Lâche ce putain de truc et donne moi l'autre main !
-Hors de question, c'est un prototype, il n'en existe qu'un seul au monde.
-Putain bordel, pour une fois dans ta vie essaye au moins de sauver une âme, même si c'est la tienne.
David ouvrit de grands yeux.
-Petit, t'es vraiment étrange. Pourquoi tu me laisses pas tomber ? J'ai tué ta copine !
-Je te l'ai dit punaise, je veux que tu vives, si tu meurs tu pourras pas souffrir…Allez, lâche ça, sinon on va tous y passer.
-Petit, arrête tes bêtises, même si je le lâche on va crever tous les deux.
-Hors de question. Allez, file-moi ton autre main !
-Hey gamin, tout à l'heure je t'ai dit que sauver une vie c'était moins intéressant qu'en tuer une.
-Arrête tes charabias, laisse-moi te remonter que je te pète la gueule !
-Tu sais quoi ? Je crois que faut être plus fort pour sauver une vie que pour en ôter une.
-… LACHE CE FLINGUE !
-Et tu sais quoi d'autre ? On va voir ce que ça fait de sauver une vie.

Rain lâcha son arme, et de sa main libre agrippa le poignet de Thomas. Mais au lieu de l'enserrer, de ses ongles il planta ses doigts de chaque côté. Tom hurla de douleur et sentit que les muscles de sa mains cessèrent immédiatement de lui obéirent. Sa main s'ouvrit et Rain tomba.
-Essaye de pas crever, et sauve ta donzelle, fit-il en tombant dans le gouffre.
Il éclata de rire alors que son corps tombait dans le ravin. On entendit ensuite un léger bruit et le rire s'arrêta immédiatement. Tout en rampant, Tom s'éloigna du précipice et se retourna. Ses yeux se fermaient malgré lui. Il regarda sa blessure qui continuait de saigner.
-M…merde… Marie, il faut que…
Son corps ne lui obéissait plus, il ne parvenait pas même à bouger ses mains.
-M…Marie… j'ai fait tout ce que je pouvais, mais… ce putain de corps ne m'obéit plus…
Alors qu'il fermait les yeux pour la dernière fois, Tom crut voir une petite ombre s'approcher de lui.


* * *


Marie ! Marie, c'est moi, je suis arrivé. Marie ! T'es où ? Punaise, allez, c'est pas drôle, tu sais depuis combien de temps j'attends de te retrouver ?
Hého Marie ! Mais enfin, t'es où !
Tu… ne me dis pas que…
Tu n'es pas là ?