L'heure de prouver
Pour la troisième fois, le torrent de flammes s'abattit sur le bouclier psychique. Brasegali atterrit quelques mètres plus loin, et évita d'extrême justesse un Choc Mental de son ennemi. Sylvain ne paraissait pas troublé par ce combat difficile, et son Pokémon suivait ce comportement, allant même jusqu'à sourire, ce qui déconcentrait non seulement le Caïd Indien mais petit à petit, également son Alakazam. Tout se passa ensuite très rapidement.
-Brasegali, Lance-Flamme !
-Alakazam, continu à faire ton bouclier, il va fatiguer et tu arriveras à le toucher !
Mais à cet instant, la Caïd ne s'aperçut pas que le Pokémon Feu ne prenait pas la même pose que pour lancer son jet de feu. Au contraire il courait vers l'Alakazam, en agitant les bras d'une curieuse façon. Il percuta le bouclier de plein fouet.
-Casse-Brique, ordonna Sylvain.
Son Pokémon frappa trois fois assez faiblement sur le mur de lumière qui protégeait l'Alakazam. La protection eut un reflet étrange puis, après quelques secondes de silence, éclata dans un bruit de cristal avant de disparaître. Alakazam, certainement affecté par cette explosion, se tint la tête entre les mains, certainement en raison d'une douleur crânienne. Brasegali ne laissa pas passer cette chance et fit voler son adversaire d'un puissant coup de pied en pleine tête. Le Pokémon ne se releva pas, et son système électronique s'arrêta, visiblement cassé. Affolé, le Caïd Rocket se permit cependant un sourire.
-Tu… tu l'as tué imbécile ! Tu te dis défenseur des opprimés et… Héhé, regarde ce que tu as fait.
Sylvain eut un petit sourire en coin, s'approcha, suivi de son Pokémon, du cadavre de l'Alakazam. Il s'agenouilla, toucha son front et se releva.
-Je n'ai jamais dit être le défenseur des opprimés.
Il rappela son Brasegali.
-Et puis, je suis très heureux d'avoir permis à ce Pokémon d'être libéré de cette vie.
-Qu…Quoi ?
-Regarde son sourire. Ca lui change de l'expression de douleur qu'il avait en combattant.
-Tu…
-Maintenant mon gros, je te conseille de partir avec ta troupe de cirque, avant que je ne m'énerve.
-Tuez-le ! Cracha le Caïd.
-Chef, il n'est pas armé !
-J'ai dit…
Sylvain sortit une Pokéball et appela alors un Pokémon qu'aucun Rocket, ni Shaolin ne reconnut. D'ailleurs il était difficile de discerner distinctement la créature car un épais brouillard la cachait.
-Tans pis, ça risque d'être douloureux pour vous.
Il se tourna vers son Pokémon.
-Envoie les loin.
Dans l'épaisse fumée, certains crurent apercevoir la créature élever un membre, certainement un bras. Puis il y eut un bruit sourd, une sorte d'explosion étouffée, et tous les Rockets se mirent à flotter dans les airs, avant d'être secoués jusqu'à ce que leurs Pokéballs et armes tombent. Finalement ils furent éjectés au loin, et roulèrent sur eux-mêmes, emportés par leur vitesse. Sylvain rappela son Pokémon. Ichao, inquiet, lui demanda s'il n'avait pas tué ses assaillants.
-Ne t'inquiète pas Ichao, ils sont justes un peu groggy et ne reviendront pas de si tôt.
Il rentra dans le temple comme si de rien n'était.
* * *
-Et je dois aller où ?
Sans un mot, Alaok lui montra une petite cavité dans un des murs de la salle. Le garçon s'en approcha et constata qu'il s'agissait d'un tunnel, plus petit que celui de l'entrée.
-Là-dedans ?
Le Pokémon inclina la tête et Thomas avança. Le chemin ne fut pas long et il arriva rapidement dans une immense salle de glace. Cette pièce avait quelque chose d'étrange, comme si elle lui était familière. En effet, de chaque côtés de la salle se trouvaient de grandes pentes douces qui lui rappelaient singulièrement les grandes arènes Pokémon qu'il avait maintes fois vu à la télévision. D'ailleurs, il crut même entendre le bruit du public, mais il s'agissait sans doute du vent qui glissait le long du tunnel. Tom sentit d'étranges vibrations et sa tête lui tourna un long moment. Il ferma les yeux et tenta de conserver son calme. Ce vertige était certainement dû à la haute altitude et au manque d'oxygène.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il rouvrit ses paupières ! Il était bel et bien dans un immense stade, un de ceux utilisés pour les rencontres internationales ! Cependant, quelque chose clochait. Thomas regarda, surpris, autour de lui, et comprit rapidement qu'il n'était pas à sa place. Il se trouvait dans l'arène et non pas sur la plate-forme réservée aux dresseurs. Sur l'autre plate-forme se trouvait Alaok et, en dessous de lui, sur le terrain, un impressionnant Rhinoféros dont la corne frontale tournait rapidement.
-Tu devras subir ce que tu fais subir, chuchota Tom en grimaçant. Mince, j'aurais du me douter que ça se passerait comme ça…
Le Rhinoféros leva une de ses grosses pattes arrières puis frappa le sol avec, ce qui fit vibrer une bonne partie du terrain. Le Pokémon ne tarda pas à charger Thomas qui l'évita de justesse.
-Hey ! Mais je vais crever ! J'ai rien pour combattre !
Alaok ne répondit pas.
En plus, pensa le garçon, j'ai l'impression que depuis tout à l'heure, l'espèce de koala m'a verrouillé mon pouvoir… Allez Tom, réfléchis bien ! Qu'ordonnerais-tu à un de tes Pokémons s'il était aussi faible que toi face à ce mastodonte ?
Celui-ci s'était rapidement retourné et chargeait une nouvelle fois le garçon. Cette fois, il ne put l'éviter que partiellement et s'écroula lourdement sur le sol sableux.
-Après tout, ceci n'est qu'un tour de magie ! Je vais rapidement dissiper cette illusion !
Je sais ce que je ferais si j'avais un Pokémon incapable de battre un autre. Je le rappellerais immédiatement pardi ! Et je ferai appel à un mieux adapté à la situation !
Il mit la main à une de ses Pokéballs tout en se relevant. Mais au moment d'appeler son Tortank à la rescousse, un bruit sinistre se fit entendre et aucun Pokémon n'apparut.
-Il est plus facile de prendre des risques quand on est en sécurité, marmonna Alaok. J'ai une profonde méprise pour ceux qu'on appelle dresseurs et qui se permettent de mettre en jeu la santé de '' leurs '' Pokémons…
Les trois Pokémons de Thomas apparurent alors là où aurait dû se trouver le garçon : la plate-forme depuis laquelle le dresseur donnait ses ordres. Ils regardèrent étonnés leur ami, sans comprendre ce qu'il se passait. Rhinoféros le chargea violemment, et le garçon se retrouva à terre, essayant de récupérer sa respiration, car cette fois, il avait pris le coup de plein fouet.
-Tu te sens faible n'est-ce pas ? Demanda Alaok.
Tom toussa plusieurs fois, mais il répondit.
-Tu sais pourquoi je ne fais rien ?
-…
-Parce que j'ai pas envie de me battre ! Je suis pas chaud tu vois ! Si tu veux te battre contre moi, descends trou d'uc, mais demande pas à ton Poké imaginaire de faire le sale boulot à ta place !
-Combien de fois t'es-tu défendu face à des humains avec des Pokémons ?
-Aucune si je me souviens bien !
Le Rhinoféros chargea Thomas une nouvelle fois. Mais il n'y eut pas d'impact, une formidable force venait de soulever le Pokémon rhinocéros et le projeta à terre. Firsty, le Tortank de Thomas, venait de sauver la mise à son dresseur en descendant de la plate-forme de dressage. Reptincel et Alakazam entouraient eux aussi leur ami.
-Rept, reptin, tin tin tin, tincel ! Reptin, cel, tin Rep, rep, reptincel !
Alaok se mit à sourire.
-Alors comme ça tu insinues que ton dresseur ne t'a jamais demandé de lui sauver la mise ? Pourtant j'ai lu dans tes pensées, tu as déjà attaqué des humains !
-Reptin, rep… Tincel !
-Seulement lorsqu'il n'y avait plus de danger pour toi ? Tu me fais bien rire…
Alakazam leva lui aussi la tête en direction du Pokémon légendaire.
-Alakazam, alakaaa…zam.
-…
Firsty fit de même.
-Toooooooooooooortank !
D'un coup, le stade disparu ainsi que le bruit sourd de la foule. Le sol sablonneux redevint glace, et Alaok, ainsi que le Rhinoféros se dissipèrent dans une sorte de brume blanche. On entendit cependant, comme un écho faible, la voix du koala.
-Votre maître est votre ami… il n'a jamais hésité à venir vous secourir en plein match comme vous l'avez fait… intéressant…
Les quatre se retrouvaient seuls, dans cette pièce qui semblait d'un coup moins imposante.
-Merci, fit faiblement Thomas.
Alakazam plissa les yeux, Reptincel tourna la tête et Firsty frotta les cheveux de son dresseur. Celui-ci rappela ses amis et aperçut un autre tunnel dans un des coins de la salle qu'il emprunta.
Tu affronteras ta plus grande peur, pensa-t-il en pénétrant dans un nouvelle salle.
Alaok y était déjà et regardait, impassible, ce qui allait se produire. Un des pans de mur sembla changer de consistance et Thomas s'aperçut qu'il agissait désormais tel un miroir. Il s'approcha alors de la paroi et se vit, seul, amaigri, l'œil terne, les cheveux sales.
Il resta ainsi quelques secondes puis détourna son regard.
-La plus grande peur que j'ai jamais eu, c'était de vivre ce que je vis depuis ces jours-ci, fit-il en sortant de la salle sans avoir eut le moindre frisson.
Alaok resta pensif alors que le garçon sortait de la pièce.
Thomas traversa de nouveau un couloir étroit qui débouchait de nouveau dans une salle, encore plus petite que les autres. Alaok y était déjà, son air était grave, ses petits yeux plissés et sa tête baissée. Il était assis sur le haut d'un stalagmite dont la pointe était plate, à la hauteur du garçon malgré sa petite taille.
-Et maintenant, la question ultime, fit ironiquement Thomas.
Alaok ne répondit pas. Il leva la tête, observant de ses yeux noirs et inquisiteurs le visage du jeune homme. Puis un sourire s'afficha sur sa tête.
-Et bien bravo, fit-il, tu as tout réussi.
-Pardon ?
-Il n'y a pas besoin de troisième épreuve, tu m'as paru honnête rien qu'avec la première et la seconde ne m'a que confirmé ta franchise, ton envie de sauver cette fille.
Tom eut un semblant d'éclaircie sur son visage.
-Alors c'est bon ? Vous allez sauver Marie ?
-Oui. Mais je veux un tout petit rien en échange.
-Quoi ? Qu'est-ce que je peux donner … qu'est-ce qui peut intéresser un Pokémon comme vous ?
Alaok ouvrit sa bouche et dévoila ses petites dents dont certaines étaient pointues.
-Ta vie.
Thomas recula, le Pokémon reprit, visiblement excité :
-Alors ? Tu aurais peur de la mort ? Je croyais que tu étais prêt à tout pour sauver ta chère et tendre ! Tu es comme les autres ! Si facile de jouer les héros, de crier à tue-tête qu'on va sauver untel, tellement plus dur de donner sa vie réellement ! Je croyais que tu l'aimais ? Même ton esprit le croyait, et c'est pour ça que tu as réussi l'épreuve de la peur ! Seulement, maintenant, si tu retournais dans la salle, ta plus grande peur serait de mourir ! Tu tiens à elle ? Alors donne-moi ta …
-TA GUEULE ! Hurla Tom.
Alaok s'arrêta, encore tremblant.
-Regarde-toi… tu dénigres les hommes et tu es devenu comme ceux que tu critiques ! Tu cherches à tout prix à te prouver que l'homme est mauvais, MAIS C'EST TOI QUI L'EST LE PLUS ! Regarde comme tu t'excites !
Il laissa un silence.
-Je refuse de mourir pour Marie.
-Alors c'est que tu ne l'aimes pas, répondit Alaok qui s'était calmé.
-Si, au contraire.
A ce moment, les larmes perlèrent sur les joues de Thomas et ne s'arrêtèrent plus. Pourtant sa voix restait calme, sans aucun sanglot.
-Je ne suis pas du genre à croire en moi, je ne suis pas de ceux qui débordent de confiance. Je ne suis pas du genre à accorder ma confiance au premier venu. Mais je ne suis pas du genre à cacher mon Amour derrière une fausse modestie qui n'aurait rien à faire là ! La… La modestie, l'orgueil, ce sont des valeurs humaines, alors que ce que je ressens… C'est autrement plus fort que ça…. J'ai pas de mots, pas de mots pour décrire ça, tout simplement parce que les mots ne sont rien et que mon Amour est tout. Et cet Amour, que tu le veuilles ou non, n'est pas à sens unique, je le sais, j'en suis sûr. Pas ''persuadé'', ''sûr''… ''persuadé'', c'est pas assez fort, ça voudrait dire que quelqu'un m'a prouvé par A plus B que je suis amoureux et qu'elle l'est aussi, alors que c'est faux. Personne ne me l'a prouvé, je le sais depuis toujours, je le sais avant que le temps n'existe et au delà de toute limite. Et je suis aussi sûr de mon Amour pour elle que de son Amour pour moi, car c'est le même. Je ne veux pas vivre sans elle, ni mourir sans elle. Et surtout… je ne veux pas que Marie vive ce que j'ai vécu, et ce que je vis depuis qu'elle est comme ça… je ne veux pas lui manquer, je ne veux pas qu'elle sente qu'on lui a arraché quelque chose au plus profond de ses tripes.
Il s'écroula à terre, à quatre pattes, et termina, dans un sanglot, devant l'air ébahi d'Alaok.
-Et si vous ne voulez pas la sauver, alors tuez-nous, tant pis pour mes amis qui restent, mais je ne peux pas vivre sans elle… Mais… je vous en supplie, sauvez-la. Oui, c'est égoïste, parce que quand je dis ''sauvez-la'' je dis ''sauvez-nous''.
Le silence s'installa dans la petite salle glacée. Le temps même semblait s'être arrêté, ému au point de ne pouvoir faire son office.
-Relève-toi.
Thomas se releva, les cheveux devant les yeux.
-Prends.
Dans la paume d'Alaok, une étincelle verte. Tom s'avança.
-Qu'est-ce que …
-Tu as réussi la troisième épreuve.
-Vous ne vouliez pas me tuer ?
-L'envie d'éradiquer un autre humain ne me déplaît pas, mais … tu es différent. Ton amour est… en effet, il n'y a pas de mots.
La petite étincelle verte s'éleva de la main d'Alaok et s'approcha du garçon avant de disparaître, dans un dernier éclat émeraude. Tom ne put s'empêcher de penser aux longs cheveux de Marie, sensiblement de la même couleur.
-Tu peux retourner là-bas. Mais dépêche-toi, la mort tente de prendre celle que tu aimes. Elle se bat, je la sens à travers toi, mais la lutte est difficile. Va sauver Marie.
-J'ai confiance en elle.
Alaok s'approcha du garçon.
-Maintenant je vais t'amener directement à…
Le Pokémon se raidit et ne bougea plus.
-J'ai l'impression qu'il te reste une dernière épreuve mon jeune ami.
-Ah non ! Vous m'aviez dit trois !
-Celle-ci est indépendante de ma volonté… Quelqu'un… quelqu'un t'attends dehors.
-Quelqu'un ?
-La raison à ta venue ici.
Les yeux du garçon s'écarquillèrent.
-Le meurtrier…