World of Tem : Tome 7 : Je te sauverai de CaliKen

Xiangpo rangeait tranquillement ses affaires, s'apprêtant juste à déplier la tente pour attendre, au chaud, le retour de Thomas, lorsqu'il sentit un danger imminent, une volonté tueuse qui venait soudain emplir l'air ambiant comme un gaz nocif. La sensation progressa rapidement à tel point que Xiangpo lâcha ses affaires et bondit sur le côté. Il était déjà trop tard, un bruit sourd dont l'écho se répétait et rebondissait à travers le relief montagneux, s'était fait entendre et une minuscule tâche de sang apparut sur la poitrine du jeune moine, ainsi que sur son dos, au même endroit. Il ne comprit pas immédiatement mais cracha, au bout de quelques secondes, une sorte de vapeur de sang. Une voix s'éleva alors, dont l'origine était incertaine, même pour l'oreille exercée du moine, en raison de l'immensité des lieux et de cet écho qui semblait la faire venir de toute part.
-Je n'en attendais pas moins de la part d'un moine Shaolin. Réussir à éviter un tir mortel, voilà qui est impressionnant.
La vue de Xiangpo se brouillait et la tâche de sang sur ses habits s'élargissait. Cependant, il se releva et s'adossa contre un des piquets en fer de la tente, tout en essuyant sa bouche, enlevant le sang qui y avait coulé quelques minutes plus tôt. C'est en se levant que le moine aperçut son mystérieux agresseur. Un homme au long manteau gris qui flottait au gré des rafales glacées avançait d'un pas lent dans la direction du campement. Sa main, ou plutôt ce qu'elle tenait, fumait d'une vapeur anthracite. L'inconnu avançait vers le moine et, petit à petit, malgré sa vue brouillée, Xiangpo pu le discerner parfaitement. Un homme d'âge incertain, aux joues creuses et à la fine moustache. Ses cheveux noirs, mouillés soit par la neige, soit par la sueur, suivaient de façon désordonnée les caprices du vent.
-Qui êtes-vous ?
Rain eut un sourire maléfique.
-Je suis la raison.

Xiangpo ferma les yeux. Sa blessure n'était pas mortelle mais il perdait du sang, et déjà la fièvre le gagnait. Que voulait dire son mystérieux agresseur ?
-Mais encore ?
David Rain était désormais à quelques pas du moine et celui-ci sentit la vapeur d'eau dégagée par la bouche du tueur.
-La raison. Celle qui fait que tu es là, que ton ami français est là-haut, à chercher son seul espoir.
Xiangpo ne comprit pas immédiatement. Puis soudain, une terrible colère l'envahit, comme si son esprit avait réagit avant sa conscience, avant même qu'il ne comprenne qui était cet homme.
-Vous… Vous êtes celui qui a tiré sur Marie !
-Ta petite cervelle de sale chinois marche. Elle marche lentement, mais elle marche.
Pourtant habilité à garder le plus grand des calmes en tout circonstance par son enseignement bouddhiste, le moine sentit une rage qu'il n'avait jamais connue alors l'envahir. Il oublia sa blessure et frappa d'un terrible coup de pied haut placé, la tête de Rain. Le choc fut rude, il avait du frapper la crâne, mais Xiangpo comprit que ce n'était pas le cas. Le tueur s'était contenté de lever verticalement le bras droit pour stopper le coup.
-Kung-Fu Shaolin hein ?
Il cracha à terre puis poursuivit :
-Ce que je peux détester ces arts martiaux de fillette.
-L'art Shaolin est la technique de…
-De combat la plus aboutie au monde ? La plus puissante du coin ? L'aboutissement des plus grands gars de la région ? Combien de fois ai-je entendu ce discours ? Muay-Thai, Karaté, Judo, Aïkido… pfff, ces sports n'ont pas lieu d'être. Un art martial, comme son nom l'indique, est une technique de guerre, un art de tuer, pas un combat de ballerine pour une médaille en chocolat aux jeux olympiques.
-Qu'y connaissez-vous ? Vous préférez certainement votre flingue c'est sûr !
-Ce que j'y connais ? Je les ai tous pratiqué tes techniques de combats les plus abouties du monde. Et aucune n'égale l'art de tuer. Et ce flingue, comme tu dis, n'est qu'un moyen comme un autre de parvenir à mes fins. Mais, si tu veux une preuve…

Il rangea son revolver dans une poche intérieure de son long manteau et recula.
-Viens, viens me montrer ton art.




* * *


La grotte n'avait rien d'impressionnant. La couleur bleutée de la glace qui la composait avait presque un côté rassurant. Thomas avançait rapidement et se rendit compte de la longueur de ce tube de glace. Il arriva finalement dans une sorte de grande salle naturelle, bleue elle aussi, dont l'éclat azur répandait une lueur presque irréelle.
C'est là qu'il le vit, de dos, devant une des parois de la grotte.
Sa taille, ses oreilles, sa fourrure, tout en lui rappelait le koala, pourtant, il était impossible qu'un tel animal se retrouve dans pareil climat. Il s'agissait bien évidemment d'Alaok. Le cœur de Thomas fit un grand bond dans sa poitrine, car pour la première fois, il se rendit compte de l'ampleur de sa quête, de l'importance de cette découverte en tant que simple dresseur. Nul doute que dans des circonstances moins graves, le garçon aurait sauté de joie à l'idée de rencontrer un Pokémon unique. Cependant, l'heure n'était pas au dressage, encore moins à la capture.
-Hum, hum, fit le garçon faisant mine de s'éclaircir la gorge pour éveiller l'attention d'Alaok.
Aucune réaction. Tom s'énerva et avança. La petite créature se retourna.
-Je sais que tu es là depuis longtemps, inutile d'être encore moins discret.
Alaok s'était retourné, son visage ressemblait lui aussi à celui d'un koala, si ce n'est que ses oreilles étaient plus grande, la couleur de son pelage d'un bleu gris, et ses yeux étaient presque ceux d'un humain… Les yeux d'une personne qui aurait vécu tant de chose que sa lassitude en serait visible par la simple vue de ces deux orbites, mornes, fatigués, presque inexpressif mais pourtant, porteurs de cette petite chose qui fait qu'on reconnaît un être vivant.
-Alors vous savez également pour quel motif je viens !
-…
-J'ai plus de temps à perdre il faut que je…
-SILENCE !
Une terrible rafale de glace fit s'écraser Thomas contre un des murs de la salle. D'un pas similaire à celui d'un vieillard, le petit Pokémon s'avança légèrement vers le garçon, bien que l'écart qui les séparait restait d'une dizaine de mètres.
-Qui t'a permis de m'adresser la parole ?
Thomas se releva, visiblement furieux. Son aura bleue apparût à ses côtés et se mit à flotter de façon agressive, créant de petites vagues fines pareilles à des piques.
-Ecoute-moi espèce de vieux chiffon, je n'ai pas le temps à perdre avec la politesse. Je réclame ton aide, alors aide-moi ! Sinon tu sers à rien !
-Comme ça, tu es le descendant de Baraïto, cet imbécile… Combien de fois ai-je rencontré ses arrières petits enfants, et leurs enfants, et leurs enfants… Et si peu sont parvenus à me convaincre de les aider… Pourquoi t'aiderais-je ?
-Parce que…
-J'ai dit silence ! Je sais tout, mes questions sont oratoires, je n'ai pas besoin de la réponse d'un être inférieur… De plus, tu es bien le plus malpoli de tous ceux qui sont venus ici.
Il leva sa petite patte avant et l'air se mit à tournoyer autour.
-Et les malpolis, je les élimine avec l'attaque Psyko !
Il lança cette boule d'énergie visible uniquement par l'air qui frémissait autour, vers Thomas. Celui-ci ne parut pas réfléchir. L'aura bleue qui l'entourait se tordit et fit exploser la puissante attaque qui termina sa course dans un des murs de glace, laissant un trou béant d'environ un mètre de diamètre et de profondeur.
Alaok plissa les yeux et s'avança doucement, d'un pas irrégulier. Tom ne put s'empêcher de faire le rapprochement entre cette démarche et celle de Yoda, cependant l'heure n'était pas à la plaisanterie et rapidement il chassa cette idée de sa tête.
-Ce pouvoir, toujours ce pouvoir, grogna Alaok. Qu'est-ce qui m'a pris de créer cette chose à l'époque ?
-Je me fiche de ce pouvoir ce que je veux c'est…
-SILENCE !
La voix d'Alaok résonnait dans toute la caverne et, certainement par une technique psychique, faisait vibrer l'oreille interne du garçon, ce qui l'obligeait à se taire à chaque fois que le Pokémon le demandait.
-Sans ce pouvoir, tu n'es rien, absolument rien… Vous les humains, êtes tous les mêmes !

L'étrange créature leva une patte tremblante vers le ciel. Tom sentit comme un grand vide en lui, puis, plus rien. Quelque chose s'était passée mais il était incapable de définir ce dont il s'agissait. Puis, en regardant autour de lui, il comprit avec effroi que son aura bleue n'était plus.
-Quiconque pénètre dans ma grotte perd le contrôle de ce maudit pouvoir, et pour toujours ! Tu es bien embêté maintenant, n'est-ce pas ? Ton aura est scellée !
-…
-Vous qui dépendez de tout, sauf de vous-mêmes, vous qui construisez des machines pour vous sauver et pour vous aider ! C'est exactement la même chose avec ce pouvoir. Tu y accordais toute ta confiance et désormais tu te sens fragile comme un vers. Et…
Alaok s'arrêta, étonné.
-Ah….ah….ah…ahahaha….AHAHAHAHAHAHA !
Tom venait progressivement d'éclater de rire, un rire terrible qui s'amplifiait aisément dans cette salle de glace. Le garçon était méconnaissable, ses sourcils étaient froncés et son visage tiré.
-Qu'est-ce que je peux en avoir à faire des conseils d'un reclus comme toi ? Qu'est-ce que je peux en avoir à foutre de l'avis d'un truc qui est même pas capable d'affronter la vie en face ! Qui n'a jamais été capable de le faire !
-… Tu le prends comme ça… Et bien il ne sera pas dit que le grand Alaok se laisse si facilement insulté. Je t'aurais prévenu, cette fois, aucun pouvoir ne te protégera !
Alaok tendit une nouvelle fois sa patte vers le plafond et, beaucoup plus rapidement que la première fois, une boule d'énergie, bien plus grosse que la première, se créa dans sa main. Il la lança vers Tom.
-Tu auras été celui qui aura vécu le moins longtemps dans cette caverne !

Mais au moment où la balle psychique s'écrasa sur le garçon, Alaok ouvrit grand ses yeux noisette. Le garçon venait de frapper de son poing la boule d'énergie qui s'écrasa à côté du cratère formé par la première attaque. Le bras encore tendu, Tom releva la tête, ses yeux fixaient solidement le Pokémon.
-Je me fiche de ce pouvoir, je viens pour une bonne raison, et personne ne m'empêchera de la sauver !