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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 12/10/2009 à 16:03
» Dernière mise à jour le 18/10/2009 à 11:49

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 36 : La vie n'est qu'un magnifique Mensonge

Bon sang de bois ! Quel guigne ce chapitre ! Les explications sur l'attitude d'Eléa viendront dans le prochain, il est déjà bien trop long celui là ! J'espère qu'il vous plaira, parce que franchement vu le mal que j'ai eu à l'écrire…Mais ça fait plaisir, avec l'école, ça faisait deux semaines que j'avais pas tapé une ligne…
Ce week end si je peux, la page de Bd.

Allez, gros bisous à tous. J'attends vos réactions.
Sachez également, que l'ambiance joyeuse va revenir pour deux ou trois chapitres, et qu'ensuite, un autre personnage va probablement vous décevoir au plus haut point, ce qui entraînera la disparition d'un autre. Et hop, comment tout dire et rien dire en même temps…
Et oui, je joue les sadiques, après tout ARAKAWA me fait suer moi avec son nouveau chap de fma, donc je me défoule sur vous, envoyez donc vos plaintes à elle !

Sur ce, bonne lecture !

-Chapitre 36-

Lavanville, cette cité ne portait jamais aussi bien son nom que lors de l'aurore, en ce temps béni, les minces rayons s'infiltrait entre les façades montagneuses, s'insinuaient entre les bâtiments et révélaient cette architecture, semblable aux pics qui l'entourait, abrupte. On aurait pu croire que chaque parcelle de matière avait été coupée au couteau sous les fantômes des minces lames de lumière solaire, imprimant ainsi leurs marques bien après leurs passages fugaces.

Une faible brume s'imposait alors sur le paysage, ramenant les effluves marines provenant de l'horizon, d'un au-delà bien lointain, caché derrière le boyau sinueux qui menait au-delà des frontières du village.

Oui très certainement, cet endroit n'était pas une ville à part entière, juste un lieu de passage, une illusion spectrale, oscillante entre les époques, un endroit où les structures même n'avait pas de signature humaine, mais semblait se détacher de l'atmosphère compacte comme pour prendre forme. C'était la bourgade des songes, des prévisions, l'esquisse inachevée d'un rêve de métropole, dont le fantôme hantait toujours les esprits des habitants, tel le regret mélancolique. Tel le trésor à peine entraperçu, la silhouette étincelante de la mer bleue azure derrière la chaîne rocheuse.

Même de derrière la fenêtre, le spectacle de l'aube envoûtait les cœurs, l'embaumait de sa torpeur, ne donnant à ce contemplateur inopportun qu'une envie, celle de plonger dans les draps, dans ce cocon chaud et doux.

Bon, d'accord, le seul à avoir ce genre de pensée en cet instant, c'était bien Akira Yuki, allongé dans son lit d'hôpital. Et c'était bien le seul à penser cela ce matin-là.
Silver s'était réveillé.

Alors que tous le croyaient condamner, il avait ouvert les yeux, le plus simplement du monde. Comme le souffle vital, il s'était battu pour survivre, et il avait vaincu.
Mais si Cristal, Christopher et Gold continuaient à l'étrangler dans leur étreinte, il allait vite passer véritablement l'arme à gauche ! Heureusement que Peter leur fit remarquer ce détail, car quand ils acceptèrent de lâcher le roux, celui-ci avait presque viré au teint bleuté.

Les trois gamins –enfin, pour deux d'entre eux- s'écartèrent, penauds, la jeune fille séchant ses larmes, hoquetant de joie, tandis que son frère rigolait faiblement, la voix cassé par les pleurs versés. Christopher, enthousiaste, comme animé par un second souffle, raconta à tour de bras leurs aventures au garçon, mimant avec de longs gestes des évènements plus que confus dans sa petite tête. En bref, à part le fait que trois semaines s'étaient écoulées, le fils du boss ne comprit pas grand-chose, il se contenta de fixer son subordonné avec un air atterré, et plus que las. Venant à son secours, Cristal prit sur elle pour agrémenter cette histoire, mais étant donné qu'elle ne connaissait strictement rien de l'affaire, elle ne donna que son point de vue, ce qui compliqua d'autant plus le résumé.

Au final Silver jeta une œillade embarrassé à Gold, un rictus mal assuré sur la frimousse, comme pris en faute, et il lança, hasardeux :

-Donc, j'ai dormi trois semaines ?
-Non, on a tous disparu pendant trois semaines, cela ne fait que deux jours que nous sommes véritablement là, bien que je ne l'explique pas vraiment. Expliqua Gold avec un sourire rayonnant, comme il n'en avait plus fait depuis longtemps.

Le rouquin s'affaissa et soupira, détournant les yeux et il murmura, si bas que toutes les personnes présentes eurent du mal à l'entendre :

-Pardon.

Et d'ailleurs, ceux qui perçurent cette phrase, n'en crurent pas leurs pauvres oreilles. Cristal fut la première à réagir.

-Ils lui ont retourné le cerveau !! Silver, Silver dis moi combien j'ai de doigts là ? –Elle ouvrit sa paume et la présenta à son ami avec une mine inquiète, mais le roux grimaça, et il se baissa la tête, coupable.

Un premier rire clair résonna dans la pièce, Peter, la main sur la mâchoire, embarrassé, mais dont tous les traits reluisaient d'un soulagement infini, caressa rapidement le crâne du roux, riant doucement, presque nerveusement, lui soufflant qu'il leur avait fait peur, qu'il avait raison d'être désolé…Et tout un tas d'autres reproches, qui, prononcées ainsi perdant toute leur gravité. S'enchaîna tour à tour les éclats des autres spectateurs de la salle. Un à un, ils cédèrent à la pression, ils la relâchèrent, et alors qu'ils avaient tous tant pleuré, tant désespéré, il leur fallut qu'une seconde pour se souvenir du goût du bonheur.
Finalement, ils sortirent peu à peu de la pièce, laissant le garçon se reposer, se remettre de ses émotions…Seul Gold demeura auprès de lui, après que Silver en ai fait la requête expresse. Bien que Peter et Cristal parurent surpris par cette demande, ils ne la refusèrent pas pour autant, lui remarquant juste qu'ils attendraient qu'il aille mieux dans le couloir, avant d'aborder les sujets sérieux.

Le silence s'instaura entre les deux adolescents, l'un alité, puisant dans son masque à oxygène, difficilement, l'autre, rouge, vissé sur sa chaise, fixant le sol avec un intérêt pour le moins inexplicable. Le pauvre brun n'en menait pas large, embarrassé à l'extrême à cause de ses sentiments, des palpitations émues de son cœur encore tout remué par le réveil de l'être aimé, ne savait pas quoi dire, ni comment agir.
Il ne pouvait décemment pas faire du rentre-dedans, ça allait avec une fille, c'était plus simple, une fille s'attendait à subir du « rentre-dedans » de la part d'un garçon. Le regard de Gold obliqua vers son camarade, et il le baissa aussitôt, encore plus gêné. Si seulement son coéquipier était une femme, tout aurait été si…Si normal ! Dans l'ordre « naturel ». Comment réagissait les garçons quand d'autres étaient amoureux d'eux ? Le dresseur réfléchit quelques secondes. Il supposait que cela se passait plus ou moins de la même façon que de l'autre côté, on s'embrassait –il s'empourpra et sentit crûment le pique de sa tension- et tout ce qui suit…Mais lui, si un de ses amis avait eut des sentiments pour lui, de la sorte, il n'aurait jamais pu, y répondre sérieusement, il y avait même des chances pour qu'il lui rit à la figure, croyant à une blague. Silver risquait de s'esclaffer devant lui ? Gold s'affaissa, oubliant une seconde que le roux était plus un adepte des regards torves ou cynique plutôt que de la moquerie à gorge déployée. Remarque, Gold n'avait jamais vu Silver sortir avec une fille, ni leur faire des avances, y-avait-il un espoir ?

Non, et puis quoi encore ? Il délirait, Silver n'était pas du genre à sortir du cadre de la réalité, il était plus que droit, même profondément obtus. Il allait le rejeter s'il lui révélait la vérité. Ou ne plus vouloir l'approcher de honte ? Cette perspective n'était guère plus réjouissante.

Décidément, le pauvre, ne savait plus sur quel pied danser, voire même, marcher tout court. Il ne pouvait plus ignorer ce qu'il ressentait pour son camarade, et cela remettait tout en cause. Le doux sentiment d'allégresse qu'il avait perçu, dans l'œuf même de l'amour, n'était plus qu'un lointain souvenir, une âcre réminiscence ayant des conséquences bien plus ennuyeuses qu'une simple désillusion. Impossible de partager cet amour avec l'élu, sans se prendre un vent, au minimum, et impossible également de l'oublier.

-Samantha va bien ? Balbutia brusquement Silver, rauquement. Le son de son ton inquiet, tira le brun de ses interrogations. En voyant son visage, couverts de bandages, pâle, mais animé par une lueur de vie, il ne put retenir un sourire comblé malgré la douleur de la jalousie.

Car oui, il était jaloux, il l'avouait maintenant, il était jaloux de Sam et de sa relation avec Silver, quand bien même ils étaient seulement frères et sœurs.

-Oui, elle est entre les mains de Yoann, elle et les autres vont bien. A part le prof qui est blessé, et Angie, tout le monde est indemne. Le rassura immédiatement le garçon. – Mais Peter est furieux ! Plaisanta-t-il.

Silver pouffa, puis il grimaça de souffrance à cause de cette action. Gold lui tendit sa gourde, dont il demeurait un fond d'eau de rivière, le roux le remercia et but au goulot. Puis ses prunelles se perdirent dans la surface immaculée du mur en face de lui. Songeant dans le lointain, sa silhouette perdit sa vitalité toute retrouvée. Ses lèvres se pincèrent, et le réservoir resta las sur la couverture.

-Elle est capable d'invoquer Celebi…Comme ma mère….Elle lui ressemble comme deux gouttes d'eaux d'ailleurs… Pendant mon coma, tu es parvenu à savoir ce qu'il était advenu, de ma mère ? Déclara-t-il d'une voix cassée.

Gold se détendit brutalement, son dos se reposa sur le dossier, à l'instar du mouvement de recul, avant le saut dans le vide. Il détourna la tête et se joignit à la contemplation muette de Silver, morne. Les souvenirs de Salomé, dit « Holly » lui revenant en mémoire. Il n'arrivait pas à croire qu'une femme aussi forte qu'elle, capable d'affronter de face ses propres erreurs, mettant tout en œuvre pour sauver sa progéniture, puisse avoir succombé. C'était certainement la personne la plus méritante qu'il lui avait été donné de rencontrer. Comment le dire à son fils ? Lui qui, prenant son exemple, l'avait poursuivie, risquant sa vie pour la retrouver ? Comment Gold savait ce qu'impliquait la perte d'un être cher, et il avait haït ces médecins, fait d'eux le bouc-émissaire de son malheur, alors qu'ils n'en étaient que les messagers. Pouvait-il briser Silver, si facilement que ça ?

Gold observa le rouquin avec amertume. Cet ami tout juste remis de ses plaies. Non, il en était incapable. Mais il devait le faire. Comme il devait lui avouer ce qu'il avait vu pendant leur « absence de trois semaines ».

-En parlant de Celebi…Commença-t-il, en se triturant les doigts.

Et cela fut le début d'un très, très long monologue, d'un languissant aveu à demi dévoilé, dont le principal concerné se doutait déjà d'une grande partie. Il se contenta d'écouter sagement, silencieusement, arquant un sourcil par moment, camouflant un rougissement de gêne, ou de fierté, à d'autres. Gold plaça tous ses efforts pour ne pas parsemer son discours de trémolos peinés, mais il ne put s'en empêcher complètement. Ayant achevé ses révélations, il releva la tête et interrogea timidement du regard son ami, scrutant un signe sur son visage, indiquant qu'il acceptait ce qu'il disait, qu'il comprenait. Mais au lieu de ça, Silver s'affaiblit, appuyé sur son oreiller, il soupira.

-Je m'en doutais…Je crois même que je le savais, qu'elle était ma sœur…Au moment même où elle a invoqué Celebi, je crois que je ne pouvais plus nier…mais je ne pensais pas que ma mère avait effacé son existence de la course du temps –il eut un rire jaune.- Elle disait pourtant que c'était la pire chose qu'elle pouvait me faire, parce qu'une personne ayant ce statut, n'a plus aucune influence sur le futur, peu importe ses actes, il va, et vient, sans aucune force. Les gens l'oublient peu à peu, et les choses se passent comme elles le doivent, avec ou sans elle. Mais je suppose, que dans l'urgence elle n'a pas eu le choix.

-Tu savais pour ton héritage ? S'étonna Gold.
-Je savais que je pouvais, mais je ne savais pas comment. Donc cela ne changeait pas grand-chose. Eluda le roux gravement.
-Et tu en as combien des révélations comme ça ? Franchement, je te jure d'abord le fils de notre ennemi, ensuite une espèce de superman drogué à la kryptonyte…vas-y tant qu'à faire dis moi que tu viens de la lune, je pense que plus rien ne m'étonnera à ce niveau !

Il se raidit et sembla déglutir, en proie à un spasme de regret. Une vague de remord lui montant à la gorge, le chien de la réalité enfonçant ses crocs dans sa chair.

-Il ne faut pas lui dire. Samantha ne mérite pas de savoir quel genre de père elle a. Affirma-t-il.

Gold fut frappé par une évidence, l'ampleur de révélations, le choc, la surprise, lui revint,
comme encore présent dans les cachots, l'entendant pour la première fois. Il serra la mâchoire instinctivement, retenant un hurlement, mais le regard d'Holly, de Sam, de Silver, le calma immédiatement. Ce regard outre-mer, ce ciel azuré aux raies argentées, telle une lune impromptue en plein zénith.

-Oui, c'est vrai que tu es le fils du boss des Rockets…Elle aussi, elle…

Silver tressaillit imperceptiblement, ses paumes tremblotantes se crispèrent maladroitement
dans leurs bandages ensanglantés. Il se mordit la lèvre inférieure, guettant, appréhendant la réaction de son coéquipier. Mais le brun détourna la tête, il refusa de rencontrer son regard désolé, implorant son pardon presque.

-Est-ce que…
La question du Gold le ramena sur terre.
-Est-ce que, tu étais présent lors de l'attaque de l'été d'il y a 7 ans ? Celle qui opposait Opale et les Rockets ?
-Pourquoi ?
-Mon père s'est fait prendre entre les deux groupes, c'est ça qui l'a tué. Avoua froidement Gold.

Silver sursauta, et pour la première fois de sa vie, le brun le vit sérieusement chercher, fouiller sa mémoire en quête de réponses. Les pupilles aux bords de ses yeux, il scrutait le chao d'une scène de bataille dont lui seul connaissait les ombres et les odeurs. Après une attente qui lui parut insoutenable, il se crispa, et bafouilla :

-J'étais présent, mais j'ai profité du conflit pour fuir les Rockets, je n'ai même pas rencontré un sbire adverse. Je ne me souviens pas d'un homme pris entre deux feux, j'étais déjà à écorcia quand ils ont commencés les hostilités. Mais il est possible que les deux groupes se soient affrontés à cause de moi, ce n'est pas à exclure. Après tout, le fils du boss qui disparait, cela a du les rendre nerveux.

Il se tût, incertain, triste. Gold ne cilla pas, il resta statique, impassible ; seul le mince pli soucieux de son front dénonçait son conflit intérieur.

Il avait compris. Il avait compris parfaitement que Silver n'était en rien responsable des actions de son père, après tout, il avait été celui qui avait combattu à ses côtés ces organisations. Il connaissait plus que quiconque son coéquipier. Comme l'avait si bien dit Samantha, ses géniteurs ne changeaient rien, ce qu'il était aujourd'hui, et ce qu'il serait demain. Ce fardeau avait du le ronger bien trop longtemps. Et Gold, qui avait rencontré sa mère, ne parvenait pas à la dénigrer, à jeter le blâme sur cette femme d'honneur.
Cependant...

-Tu m'as menti. Lâcha-t-il simplement.

Silver écarquilla des yeux, puis fronça les sourcils, sans comprendre, mais le brun planta son regard d'or dans le sien en retour, avec une assurance rare, une colère sourde que rarement il lui avait vu.

-Ce n'est pas le fait que tu sois le fils d'un tel, ou d'un autre qui me dérange, réellement. C'est le fait que tu m'aies menti là-dessus ! Expliqua-t-il avec agacement. –Cela veut dire que je ne peux pas te faire confiance Silver ! Tu portais un tel secret, et je n'en savais rien ! Si tu es capable de me camoufler une telle chose, tu peux très bien devenir comme ton père. Et encore aujourd'hui, tu as rompu ta promesse, tu es dans un lit d'hôpital, j'ai eu la peur de ma vie à cause de toi. Donc...Je ne sais pas si je…

Il plaça une main sur sa mâchoire pour s'empêcher lui-même de dire des bêtises sous l'impulsion de la peine ou de la colère. Il devait se rendre à l'évidence, c'était cette trahison de sa part qui le blessait, plus vraiment son arbre généalogique, dont seulement une branche était pourrie. Avant, Gold pouvait confier sa vie à son partenaire, sans la moindre hésitation –quoique-, mais à présent, il remettait cela en doute. Ce lien implicite qui les unissait se rompait peu à peu. Leur amitié s'effritait. Et à contrario, son amour pour lui grandissait. Néanmoins, il se faisait un devoir de lui révéler le fond de sa pensée. Il avait toujours été honnête et franc avec lui. Il avait espéré la même réaction de sa part en retour. A présent il comprenait son erreur, Silver fonctionnait sur un mode totalement opposé au sien. Il ne désirait rien lui révéler, chaque parcelle de révélation sur son être était arrachée dans la souffrance.

Mais, il ignorait s'il était capable de lui en vouloir bien longtemps. Il ignorait décidément beaucoup de chose. Silver avait ouvert les yeux ce matin, pour retrouver le monde qu'il connaissait, lui, il les avait ouvert, comme pour la première fois. Tout s'illuminait sous un autre angle, sous un autre point de vue. Il n'arrivait même pas à savoir s'il aimait ce nouvel univers.

-Je voulais la sauver.

Silver avait détourné les yeux de nouveau, il ne le regardait plus du tout, tout aussi perdu dans ses propres réflexions. Il explorait, déambulait dans ses propres interrogations lui aussi, avançant à tâtons. Tous les deux, en quelques sortes, scrutaient les alentours pour une raison, un chemin qui donnait du sens à tout ce qu'ils subissaient. Peut être, fut-ce la proximité de leur état d'esprit, qui les rapprocha réellement, en tout cas, Gold leva la tête et écouta attentivement.

-Je m'en étais fait la promesse, souffla Silver. –Je ne savais même pas pourquoi, ou comment elle avait disparu, mais je voulais la retrouver. Même si c'était volontaire, même si elle m'avait abandonnée, je voulais juste m'assurer qu'elle n'avait rien, qu'elle vivait sa vie de son côté, heureuse. Elle le méritait…Elle m'a protégée tout du long, elle m'a appris les bases du langage, elle a même perdu un œil pour me protéger…Je voulais juste lui rendre la pareille je suppose.

Le roux frissonna en se remémorant cette scène, embrumée par les méandres du temps. Il ne savait pas exactement quel âge il avait à cette époque, mais son père était venu le chercher dès l'aube, il l'avait attrapé par les cheveux, et l'avait tiré jusque dans une salle reculée, où sa mère attendait, allongée sur l'asphalte, déjà amochée. Giovanni lui avait hurlé de répondre à une question, lui avait sommé de lui révéler ce qu'elle faisait à l'extérieur, avec un couteau, ce qu'elle avait fait à un gamin, ce qu'elle lui avait fait à lui cette nuit. Holly n'avait rien répondu, alors Giovanni l'avait menacé, ouvertement, il avait posé un ultimatum, il allait frapper Silver jusqu'à ce qu'elle parle. Le gamin qu'il était avait bien essayé de se débattre, de résister, mais que pouvait-il faire avec ses petits bras ?
Holly n'avait pas supporté ce chantage, elle avait réagi et attaqué directement son mari, elle avait hurlé à son fils de se sauver, de courir, et il lui avait obéit, mais il avait pu tout voir. La « punition » qu'elle avait reçue en échange de ce geste, il avait vu le coup partir si fort, la tête de sa mère heurter le meuble et le sang gicler. Il avait été le spectateur muet de cette torture, se soldant par la mise en place d'un appareil étrange, autour du cou de sa mère, empêchant toute utilisation de ses pouvoirs. Le boss des Rocket avait pu se défouler sur sa femme, et il n'avait donc pas touché à son enfant ce soir là. Mais à quel prix ? Silver avait fait tout son possible pour empêcher la tête de sa mère de saigner, pour remettre en place cette masse sanguinolente, en vain. Elle avait perdu son œil, c'était même un miracle qu'elle ait survécu.

Comment Silver pouvait-il croire en sa disparition, quelques années plus tard ? En son abandon ? Elle s'était volatilisée pendant qu'il effectuait une mission pour le compte de son père. Il n'avait obtenu aucune réponse, rien. Alors, il avait fui, il avait profité de l'excès de confiance en lui de son père pour obéir aux vœux de sa mère. Cette nuit fatidique, il avait couru jusqu'à la forêt et avait disparu à son tour. Il supposait à cette époque, que si sa mère était parvenue à échapper à Giovanni, elle s'était surement réfugiée dans ce lieu dont elle lui parlait sans cesse, ce refuge derrière le mont Argenté. Mais pour s'y rendre, Silver devait d'abord devenir dresseur, seuls les dresseurs pouvaient aller là-bas. Il avait encore des problèmes pour parler à l'époque, son vocabulaire restait assez réduit, il connaissait surtout des insultes. Il pouvait écrire, lire, parfaitement, il avait surement des capacités physiques hors-normes, bien meilleur qu'un gamin de son âge, mais il était incapable de se faire comprendre des adultes. On lui reprochait son manque de courtoisie, on le jetait en le traitant de voyou. Que pouvait-il faire dans ces circonstances, si ce n'est agir en voyou…Il avait chipé un Pokémon sans demander à ce prof, il avait fait son chemin seul. Il avait écouté et appris petit à petit. Il avait rencontré Gold, et Peter…Mais pas sa mère. Le lieu qu'elle lui décrivait, il n'avait même pas pu le toucher, Gold l'ayant battu à la ligue.

Il touchait la liberté grâce à elle, le bonheur grâce à elle, et pourtant, il n'avait même pas été en mesure de la retrouver, alors qu'il avait parcouru presque tout Jotho. Il en avait donc déduit, qu'elle devait être dans l'incapacité de le joindre, peut être captive d'une organisation quelconque…Quand Peter avait proposé de fonder Twilight un matin, il s'était proposé tête baissée avec Gold. C'était la solution idéale, il pouvait la rechercher activement et en même temps détruire ces organisations si corrosives pour la société, ces groupes ayant ruinés leurs existences à lui et à sa mère.
Même si, au fond, il souhaitait juste la retrouver, et lui montrer l'homme qu'il était devenu grâce à elle, cette option paraissait si belle. A son tour, il pourrait la sauver de l'enfer dont elle était prisonnière, à son tour, il pourrait la protéger. Il allait cesser d'être le bambin dont les larmes se mélangeaient avec le sang de sa génitrice, sur le sol de leur cellule. Peut être, était-ce pour cette raison, qu'il avait voulu protéger Sam si ardemment, avec sa ressemblance, il l'avait pris pour son incarnation.

Mais il avait échoué, pour Samantha comme pour Holly.

-Elle est morte…n'est-ce pas ? Balbutia-t-il d'une voix brisée.

Le visage de Gold blêmit, ses lèvres se pincèrent, et il hocha gravement du chef, sans un mot.
Silver se laissa choir contre son oreiller, allongé, fixant le plafond, il essaya de retrouver un semblant d'assurance, de froideur, mais son murmure pris un aspect désespéré.

-Depuis combien de temps ?
-Depuis l'hiver d'il y a 4 ans, un peu avant que nous ne formions Twilight…Répondit simplement Gold.

Alors, doucement, le roux posa son bras bandés sur la ligne de son regard, et une larme roula silencieusement sur sa joue. Une seule larme. Une larme de regret, pour ne pas avoir réagit plus tôt, pour avoir pris son temps en parcourant Jotho, pour s'être fait prendre par son père avant d'avoir pu infiltrer la Team Opale en tant qu'espion à cette époque. Une larme de joie, pour toutes ses heures affreuses que sa mère ne vivrait plus, pour cette sérénité, cette paix qu'elle pouvait enfin goûter. Une larme d'excuse, une larme de délivrance.
Tout cela dans une seule larme.

Gold vit les barrières de son camarade céder, et l'envie de lui prendre la main, de le serrer dans ses bras pour le réconforter, l'étreignit. La colère laissant place à la peine commune, une peine que lui aussi connaissait. Il aurait aimé pouvoir être là, le soutenir à son tour, il aurait aimé lui montrer son amour au grand jour, lui crier qu'une autre personne à part Holly tenait à lui plus que quiconque d'autres…Mais il se tût.
Et comme Silver ce jour-là, à Azuria, il tourna la tête, il fit mine de ne rien voir, il resta juste là.

Il resta juste près de lui.
Et même si cette attitude n'était qu'une surface, qu'une vague silhouette de ce qu'il désirait, il se répétait inlassablement, que si sa simple présence pouvait le consoler autant que la sienne lors de cette matinée morbide, alors il en était heureux.

Il était toujours fâché, il était toujours perdu dans cette nouvelle mer, mais une évidence le frappa. Il avait été l'ami de Silver, avant de connaitre la vérité, il avait été l'ami de Silver, avant de se rendre compte de ses sentiments. Cela avait toujours marché dans ce sens, ne pouvait-il pas, simplement, continuer de le prétendre ?
Et même si le cœur de Gold se compressa dans sa poitrine à cette idée, à l'idée de ne jamais savourer ce qu'il contenait en lui, un simple regard à son coéquipier alité, cachant ses pleurs, le poussa à l'ignorer.

Alors il resta là, juste là près de lui. Il le serait toujours, se promit-il.
Doucement, il glissa tout de même sa main sur la sienne, et la serra pour le lui prouver. Le roux ne fit aucun geste pour le repousser.

Non loin d'eux, dans le couloir, Peter, accoudé contre le mur, desserra les bras, et il observa Cristal et Chris endormis sur un banc, terrassés par la fatigue. Il grimaça, soucieux, puis soupira. Remettant son engueulade à plus tard. De toute façon, les deux garçons sauraient tôt ou tard qu'ils allaient être mis à pied jusqu'à leur total rétablissement. Il marcha lentement et se rendit devant la pièce où se reposaient Akira et Angèle. Il entrevit Samantha et Eléanore, accompagnées de Yoann, parler avec entrain, se réjouissant du rétablissement du roux qu'on leur rapportait. Le regard du maître dragon coula sur la jeune fille aux cheveux longs ; celle qui avait refusé pertinemment d'intégrer Twilight. Et il plissa les yeux avant de tourner des talons.

Les jours passèrent donc, dans la petite ville où les enfants avaient trouvés abris. Peter repartit bien vite vers le Qg de twilight. Le roux et le brun, acceptèrent en silence la punition, tout à fait justifiée, après tout, à cause d'eux, Carmin-sur-mer avait presque été rasée. Angèle et Chris partirent avec le maître, emportant avec eux toutes les informations qu'ils avaient volées à Opale, ils firent leurs adieux aux enfants dans un bain de larmes –la plupart provenant d'eux-. Cristal resta auprès de son frère et de son rival, pour les surveiller comme elle le répétait. Mais son sourire s'élargissait d'heure en heure.

Bien que cela exaspérât Eléanore, les filles s'inscrivaient dans une sorte de languissante routine. Le matin, elles se rendaient à l'hôpital parler avec Silver ou Akira, prévoyaient leur départ, pour la fin de la semaine direction Céladopole, et l'après midi, elles jouaient les touristes. Yuki avait appelé sa collègue Lily pour la rassurer, et depuis, il n'entendait quasiment plus d'une oreille. Le cri que cette dernière avait poussé comme punition finale avait fait mouche. Mais pas de panique, les médecins étaient optimistes, la surdité n'était que passagère. Le plus étrange, c'était qu'apparemment, Lily brosh avait remercié le prof tout en le grondant, mais enfin, Eléanore n'allait pas non plus se mêler des fréquentations de l'enseignant non plus, si ça lui plaisait de se faire tuer par ses copains…

Elle continuait d'appeler Régis, Daniel, Lucas, et Gabriel chaque soir. Le savant avait fini par se calmer, et elle préparait une surprise pour Samantha avec les autres, histoire de lui remonter le moral. L'adolescente déniait par moment les saluer, mais c'était tout, donc il était convenu d'inaugurer un nouveau rituel dans leur amitié, fêter l'anniversaire des membres du groupe. Celui de Sam approchait, en même temps que Noël, et les enfants ne voulaient pas rater cette occasion en or de se retrouver. Même si apparemment, Daniel et les autres avaient deux nouveaux membres dans leurs groupes, une certaine Sunny et son frère Blake, ils pouvaient s'en débarrasser pour les retrouver quelques jours, et de toute évidence, ils allaient même le faire avec plaisir. Eléa n'était pas sûre de bien comprendre, mais, dans le peu qu'elle avait décortiqué, Sunny prenait un malin plaisir à coller Daniel au boulot. Rien que pour ça, elle ne montrait pas une grande envie de rencontrer cette fille.

De temps en temps, Eléanore combattait encore Yoann, celui-ci était fort, et elle avait déjà perdu contre lui, même si globalement elle sortait victorieuse. Mais le tritosor du garçon lui donnait toujours du fil à retordre : elle devait sans cesse innover pour le mettre au tapis, car le gamin ne se laissait jamais abuser deux fois par le même coup.
Samantha s'entraînait également, mais de son côté, elle avait eut un choc, un matin, en fixant le calendrier, en huit mois de voyage initiatique, elle n'avait gagné que deux badges. Quand elle avait annoncé ça à Akira, ils avaient tiré des têtes d'enterrement à faire peur, appréhendant le travail qu'ils devaient rattraper.

Un soir, Eléanore avait même surpris Sam en train de s'entraîner personnellement, elle lui avait piqué sa balle en caoutchouc, et l'avait jeté sur le mut en face d'elle sans sortir ses Pokémons. Bon, elle était loin de la réussite, parce qu'au lieu de l'éviter, la jeune fille avait pris sa tête entre ses mains avec un air de sorcière constipée et fait mine de vouloir stopper psychiquement le projectile en plein vol. Bien évidemment, la balle avait gagné, et Sam avait terminé K.O.

Yoann leur proposait toujours de venir visiter la tour de Lavanville, chaque soir, mais Eléa trouvait une excuse pour refuser discrètement : elle était fatiguée, elle n'avait pas envie…Son orgueil refusait de l'avouer, mais elle regrettait son attitude avec Miyu, qui depuis l'incident n'ouvrait plus le bec. Alors, elle faisait mine de rien, rejetant toute possibilité d'excuse de sa part, et donc de réconciliation.
Yoann avait insisté pour accompagner les filles dans leurs voyages initiatiques, et la gamine lui avait d'ores et déjà dit oui. Elle avait appris son désir de partir à l'aventure, et même si elle le traitait toujours de paillasson, il lui ressemblait sur ce point, elle ne pouvait donc pas lui dire « non ». Samantha avait haussé les épaules, indifférentes, soupçonnant juste le gamin de jouer les espions pour twilight. Soupçons que Yoann ne releva pas. Cependant, Eléanore appréciait de plus en plus le jeune médium, bien que banal, il était amusant.

Samantha restait froide avec lui, elle préférait passer du temps avec Silver et Gold, et même Cristal, avec qui elle avait fait connaissance rapidement. Elle piochait des informations sur l'organisation avec parcimonie, mais petit à petit, elle reconstituait les pièces d'un puzzle géant.

Le dernier jour, quand Yuki quitta l'hôpital et qu'ils purent reprendre la route, Samantha eut une drôle de surprise, Gold vint la voir, personnellement, et il lui remit une pokéball : celle de Capumain. Il lui demanda de le conserver près d'elle, même si elle avait déjà assez de Pokémon, de le conserver pour se protéger. C'était son pokemon le plus puissant, et en lequel il avait une confiance absolue, il lui expliqua avec gêne que comme Silver et lui demeuraient en mise à pied, ils ne pouvaient pas les accompagner, et que Capumain le ferait à leurs places. Samantha sourit simplement face à ce discours, devant une Cristal ahurie par le geste de son frère, ignorant, qu'en cet instant, le roux comme le brun revoyait dans le visage de la gamine, celui de la défunte Holly.

Ils ne savaient pas comment les Team Opale pouvait réagir, mais la mère du roux avait déjà succombé à leurs attaques, ils refusaient que cela se reproduise avec Sam. Même si Gold avait le cœur gros, il se disait, que, ce n'était pas vraiment un au revoir avec son Pokémon, qu'il le faisait pour Silver, pour Holly. Et cela lui donnait la force de lui confier sa précieuse créature à l'adolescente. Tout comme son père lui avait confié l'œuf de capumain, il y avait sept ans. Il se contenta d'une étreinte, et d'un à bientôt, pour le petit singe. Samantha lui promit de lui rendre le macaque dès que la Team Opale ne risquait plus de les attaquer, et elle le remercia platement, avant d'enlacer les deux garçons, qui rougirent sous ce geste.

Cependant, alors qu'ils s'apprêtaient à partir, Yoann réitéra sa proposition, visiter la tour de Lavanville, et cette fois, Eléa ne parvint pas à refuser l'offre. C'était la dernière chance de la voir, et sa curiosité la titillait. Ils avaient déjà dit au revoir à Gold, échanger leurs numéros, plus rien ne les retenait…Mais Eléanore était bornée. Yuki, même si cela leur faisait prendre du retard, accepta, pour l'éducation, ou tout simplement pour retarder le moment de se mettre au boulot, Arcéus seul le savait…

Le médium, tout heureux de leur montrer les lieux, les traîna presque jusqu'à une petite échoppe aux pieds du bâtiment, et il leur fit un grand sourire, en leur pointant l'étalage de lunettes, similaires aux siennes, dans la vitrine. Les filles arquèrent un sourcil tandis qu'Akira bailla bruyamment, d'une seule main, un de ses bras en écharpe.

-Et ? Essaya Eléa, en rigolant.
-C'est pour vous, la tour de Lavanville est infestée de Pokémons spectres, quelques fois, des gens sensibles la traversent et se font hypnotiser, pour cela, on vend des lunettes comme celles-ci aux voyageurs, ça évite les mauvaises surprises !
-C'est pour ça que tu en portes ? Demanda Akira, gentiment.
Yoann rougit et bafouilla :
-Je ne suis qu'un apprenti médium, je ne contrôle pas bien tout ça, et les Pokémons spectres aiment bien me tourmenter dès que je baisse ma garde, donc c'est plus simple de porter des lunettes, en plus, avec elle, je parais plus vieux, non ?

Il y eut un silence courtois pour éviter de vexer le pauvre gamin, qui avait surtout l'air ridicule dès qu'il mettait ses culs-de-bouteilles sur son nez. Il prenait même un petit aspect d'halluciné sortant de l'asile dès qu'il grimaçait. Seul l'enseignant de Sam lui répondit qu'il avait l'air cool avec ça sur le nez, mais vu son sens de la mode…

Eléanore, hésita, quelques secondes, puis se disant, qu'après tout, elle pouvait voir Miyu, elle devait bien courrir quelques risques, elle accepta donc de dépenser un peu de sous dans cet achat. Elle fit quelques pas dans la boutique, prête à prendre la première paire qui lui tombait sous la main, mais Samantha prit cela très à cœur, refusant de bout en bout de porter ces choses, elle voulait un accessoire un peu moins excentrique, pour la citer. Eléa resta donc assise sur une chaise devant la caisse à attendre avec Yoann que madame ait fait son choix.

Etrangement, cela l'agaçait moins qu'elle ne l'aurait cru, elle entendait le rire de son amie pour la première fois depuis des lustres, alors qu'elle plaçait des lunettes de star sur le nez de son prof. Le départ des membres de twilight, ou tout du moins de Peter, avait incroyablement amélioré son humeur, elle était redevenue moins parano et elle pleurait moins. L'approche du départ de Lavanville aussi semblait lui rendre le sourire pour une raison mystérieuse. Eléa avait hâte d'arriver à Celadopole de revoir les autres et de fêter l'anniversaire de leur camarade et Noël, tous ensembles. Elle voulait voir un vrai sourire illuminer son visage, son expression de surprise…

Soudain, elle perçut du mouvement du côté de Yoann, le gamin se redressa d'un coup sur ses jambes ; et s'avança droit sur un des consommateurs de la boutique qui partait. Avec un aplomb venu d'outre-tombe, il le saisit par le poignet, planta son regard dans celui du client et lâcha :

-Payer immédiatement ce que vous avez caché dans votre poche !

Eléanore fronça les sourcils. Elle bondit sur ses pieds également et rejoignit le garçon. Elle, elle n'avait rien vu, et pourtant elle avait fixé la silhouette du garçon, certes, vaguement, mais assez pour s'apercevoir d'un hypothétique vol à l'étalage.
Le concerné, un jeune garçon d'environ 15 ans, à la peau basanée, au regard foncé, avait une allure plus fière. Il avait l'attitude ambitieuse d'un adolescent de son âge ayant déjà vu nombre de paysages et vécu trop d'aventures pour que son petit égo conserve sa taille d'origine. Sa bouche légèrement oblique, montrait une grimace hautaine, trop souvent esquissée. Des mèches de sa chevelure noire tombaient en carré sur ses épaules, toutes ayant une petite perle ressemblant à une pokéball, à son bout. Vêtu à la dure, selon la mode Irisienne, c'est-à-dire, avec un sweat-shirt noir et violet, une besace rouge en tissu et un pantalon ample d'entraînement, et tout le reste de sa peau, à l'exception de sa frimousse, recouvert de bandages, il ne sembla pas du tout effrayé par l'accusation de Yoann.

Il eut même un rictus amusé. Ce qui déstabilisa grandement le médium, celui-ci rougit, se demandant une brève seconde s'il n'avait pas commis une erreur de jugement.

-UN problème Yoann ? Demanda la vieille dame ridée qui tenait l'échoppe, revenant de sa balade dans les rayons, accompagnée de Sam et Akira, ayant fait leurs choix.

Une lueur passa dans les pupilles sombres du garçon-voleur, et Eléa vit son visage changer d'expression du tout au tout. Partant d'une mine sarcastique, moqueuse, elle se transforma en une, beaucoup plus allègre, comme un prêtre ayant soudain aperçu un soit disant signe d'Arcéus.

-Yoann ! S'exclama-t-il avec joie.
Le médium sursauta, de même qu'Eléanore. Mais l'inconnu fit un immense sourire et lança joyeusement :
-Allons tu ne te souviens pas de moi ? C'est moi, Elmahar Shagi. On a joué ensemble quand tu étais petit ! On était comme les doigts de la main ! Ta mère m'a invitée à participer à la cérémonie de cette année, je suis content de te revoir.

Il lui tendit la main en signe d'amitié, comblé. Le médium, au comble de la honte, ne se souvenant plus de son camarade de jeu qu'il venait d'accuser de vol, bafouilla des excuses et des formules de retrouvailles. Oubliant bien vite son erreur pour se faire pardonner.
Eléanore plissa les yeux avec perplexité. Quand le groupe sortit du magasin, intrigué par ce nouveau membre, elle douta de plus en plus. Devenu le sujet principal de la conversation, l'étranger Shagi, répétait inlassablement : « Je viens d'Irisia ! Je suis dresseur de Pokémon Dragon ! Je m'intéresse à l'occulte, oui ».

Mais dès qu'on lui demandait comment Yoann et lui s'étaient connus, ses paroles devenaient moins fluides, comme s'il hésitait un peu avant chaque réplique. Peut être qu'il se remémorait les détails…Mais peut être qu'il mentait également. Eléa constatait seulement que l'histoire du vol était morte avant de faire scandale. Elle l'observa plus attentivement, et ses doutes grossirent de plus en plus. Le pauvre Yoann en plus était au plus mal, rongé par la culpabilité. Il ne méritait pas ça.

-Quel est le nom de la mère de Yoann ? S'exclama soudain Eléa en s'interposant entre les deux garçons.

Elle foudroya le nouveau sur place, tandis que Yoann rougissait, mais l'étranger se contenta de froncer les sourcils, puis de répondre dans un sourire faussement sincère :

-Tu sais, j'étais petit moi aussi, je faisais plus attention à mon ami Yoann qu'à sa mère, je l'appelais madame la maman de Yoann…

Eléanore rentra sa tête dans ses épaules, et l'atmosphère entre eux de glaça. Samantha haussa les épaules, agacée et amusée à la fois.
Peu à peu, leurs pas les conduisirent dans le hall de la tour. Comme un bâtiment s'extirpant de l'autre monde, une mince masse brumeuse entourait les lieux, avalant le bas de leurs corps, enveloppant les tombes qui se suivaient dans une géométrie sinistre. Le carrelage opaque, les murs effrités, tout cela conférait une ambiance morbide de rigueur, un vent frais chassait toute chaleur des nouveaux visiteurs sans pour autant balayer le brouillard. L'endroit faisait comme un avec la montagne, tout semblait avoir été sculpté à même le flanc du pic auquel il était rattaché. Etonnamment pourtant, dans cet amas incertain, les pierres tombales, demeuraient polies, miroitantes, le plus petit rayon solaire, qui pénétrait dans la salle par les interstices faisant office de fenêtre, était aussitôt renvoyé vers son origine, éblouissant les spectateurs inopportuns.

Samantha poussa une exclamation émerveillée devant l'architecture du grand hall. Toutes les colonnes se rejoignaient au centre d'un immense dôme, dans une clef de voûte magnifiquement ouvragée. Les volutes blanches de poussières et d'humidités se scindaient avec les piliers qui montaient symboliquement vers les cieux.

Akira et Yoann se mettaient déjà à décrire le rôle de ce lieu dans la tradition, d'une voix monocorde pour l'un, enjouée pour l'autre. Le jeune médium prenait très à cœur l'importance de sa famille dans cette histoire, qui d'après lui, était représentée à chaque Halloween, chaque enterrement, et bien sûr, chaque nouvel an. Il expliquait gravement comment nombre de civils rapportaient l'apparition du Pokémon Giratina dans certaines des séances d'exorcismes qu'avaient exécutés ses arrière-grands-parents. Shagi, lui, avait totalement oublié sa soi disant volonté de retrouver la mère de Yoann pour la saluer, et il avait tiqué dès qu'on avait nommé le Pokémon légendaire, n'arrêtant pas de quémander plus de détails. Samantha elle, plus loin, observait tour à tour les monuments mortuaires, d'un œil absent.

Eléanore déglutit difficilement. Cet endroit ne lui disait rien de bon, elle sentait des fourmillements dans tout son métabolisme, l'impression de côton qui engourdissait ses membres depuis son réveil, était plus forte que jamais. Comme lors de la traversée de la grotte du mon sélénite, cet endroit l'oppressait. Elle gardait la tête froide, elle gelait même, ses interrogations sur le nouveau venu s'évaporaient avant de prendre réellement forme. Son souffle se matérialisait devant son nez rougi, et lui revenait dans les yeux. Elle ne parvenait même pas à réprimer ses tremblements.

Yoann, croyant qu'elle se fatiguait à monter l'escalier de colimaçon, lui tendit la main pour l'aider ; mais à peine leurs doigts se touchèrent-ils qu'il la retira aussitôt, les yeux écarquillés, blême.

-Ex..Excuse-moi…Bafouilla-t-il avant de monter en quatrième vitesse le reste du chemin à parcourir, sans lui accorder un regard de plus.

Eléanore, étonnée par sa réaction, s'accorda ce moment de répit, de solitude, pour s'asseoir et souffler, le cœur au bord de ses lèvres gercées.
Le spectre de Miyu se plaça dans son champ de vision et le fantôme avec une voix suppliante, murmura :

« Eléa, rentrons maintenant…Tu en as assez vu, non ? »

Cette supplique au lieu de la faire céder, ragaillardie la gamine, vexée que le fantôme ne lui dise toujours pas la vérité, et elle se força à monter à l'étage supérieur.
Identique au précédent, la seule différence résidait dans son peuplement, un attroupement de personne passait devant les tombes, jetait un peu d'eau bénite et se mettait à chanter des sutras. Eléanore reconnut aisément la mère, le père, et la sœur de Yoann dans le groupe. Elle vit Yoann et Samantha regarder le rite avec intérêt, sous l'œil flemmard de Yuki, et Shagi, un petit peu en retrait. Elle ignora de nouveau les cris affolés de Miyu et le rejoignit, bien décidé à tirer son histoire au clair.

Un peu plus loin, Samantha passait une main dans sa chevelure, et soupirait, l'esprit ailleurs. Cet endroit la rendait anxieuse, lui rappelant trop aisément la vision qu'elle avait vu dans la dimension de Celebi. La peur, l'appréhension lui rongeaient le ventre, et l'empêchait de pleinement apprécié cette occasion unique. Après tout, elle assistait à un rituel annuel habituellement interdit au public. Mais rien à faire, elle n'y faisait pas attention.

Toute la semaine, elle avait tenté de retrouver cette sensation qu'elle avait senti dans le cachot d'Opale, d'arrêter le temps, elle s'était pris une balle en essayant de la stopper en pleine course, comme pour le rayon du Pokémon qui l'avait attaqué. Le néant, le vide absolu, elle n'était pas habituée à échouer ainsi. Elle avait même cherché la GS ball dans ses affaires, espérant faire sortir Celebi de là, l'obliger à changer le futur, mais Gold lui avait dit dans une conversation que Peter était parti avec.

Si au moins, elle avait eut la certitude que ses actes menaient à quelque chose, que son refus d'intégrer Twilight n'avait pas été vain…Mais elle restait dans les ténèbres les plus totales, avec pour seule certitude, celle qu'elle avait entraperçue : l'organisation allait tuer Eléa. Elle devait donc l'en éloigner. D'accord, mais après ? Son amie restait condamnée par la maladie, ne pouvait-elle rien faire contre ça ? Dans cet amas de fils, n'y-en avait-il pas un, qui menait à une fin heureuse ? C'était impossible autrement !

Alors qu'elle cherchait un support, du réconfort, elle sentit Yoann lui prendre la main, elle sursauta et manqua de lui coller une baigne dans la minute, mais sa mine déconfite l'en dissuada, elle la cloua sur place. Le jeune médium, examinait sa paume ouverte, la fermant et la rouvrant devant lui, ses lèvres se pinçaient de plus en plus au rythme de son geste.

-Eléa…Est…bizarre…Spéciale…Murmura-t-il dans un souffle confus.

Samantha eut un rire jaune qui se coinça dans son gosier.
Comme il avait raison. Elle ne le comprenait pas elle-même, mais la gamine aux couettes du début avait pris les allures d'un rêve idyllique, d'un songe fou. A la fois si criante de vérité, si vive, qu'on ne pouvait qu'y croire, et en même temps, aux contours si incertains, si changeant, que dès qu'on tentait d'en saisir l'essence, on se trompait irrémédiablement.

Une phrase lui revint en tête. Celle qui ouvrait son livre de pokémonologie, une citation d'un grand écrivain, pour mettre en évidence que la science seule, n'était pas suffisante. Elle ferma les yeux, et tenta de se remémorer ces quelques mots.

« Il existe en ce monde de nombreuses choses que l'on ne peut expliquer. L'univers n'est finalement compris, défini que grâce à des croyances, théories et légendes de tout âge. Mais le plus grand mystère, la plus fabuleuse légende qu'aucune théorie ne peut expliquer et en laquelle on ne choisit que de croire ; est celle du monde féerique des pokémons. »

Oui, voilà, c'était ça…Exactement ça. Le mystère d'Eléanore, n'avait aucune fondation logique, aucune structure réelle, elle n'était ni plus ni moins, qu'une silhouette vague, à peine dépeinte du bout d'une plume, un nid de questions, de croyances, d'espérances, toutes si fragiles, si incertaines, qu'on ne pouvait que le souhaiter à demi-mot. Comme les Pokémons.
Samantha sourit. Oui, Eléanore avait quelque chose de semblable avec ces créatures merveilleuses.

Les surfaces miroitantes des tombes devant la famille de médium scintilla.

Yoann, la tête basse, continua doucement :

-Ses mains étaient si visqueuses et glacées, comme si, comme si son enveloppe corporelle était fausse, était morte…
-Pourtant, je n'ai jamais vu une fille si pleine de vie…C'est incroyable, on a tous frôler la mort là-bas, et elle, elle trouve encore la force de rire comme ça, de montrer sa joie de vivre contagieuse. Analysa l'adolescente avec la gorge serrée.
-Toi aussi, tu riais tout à l'heure…Lui fit remarquer le garçon.
-Peut être, mais j'ai constamment envie de pleurer en ce moment. Je ne sais pas si je parviendrais à réaliser mon rêve, je ne sais pas où mes pas vont me mener, j'ai peur de prendre le mauvais chemin et de tout faire rater. Bafouilla Sam. Elle tourna la tête en direction d'Eléanore. Une ombre se glissa entre les interstices des cercueils de marbres autour d'elle et de Shagi.
-Mais, elle, elle ne semble jamais douter de quoi que ce soit, elle fonce dans le tas et c'est tout. C'est totalement stupide, et pourtant, je l'envie, d'être capable de faire ça, d'avancer sans me poser de questions. Continua-t-elle doucement. -Dis Yoann, est-ce que…Les médiums ont déjà sauvé des causes perdues ? Demanda Sam, hasardeuse.

Le garçon leva le nez, et s'interrogea mentalement, avant d'osciller du chef de droite à gauche.

-Et bien depuis que je suis tout petit, on me dit que notre métier peut sauver n'importe quel
cas si on prie de la bonne façon, si on applique les bons onguents…Mais je n'ai jamais vu de miracle se produire à proprement parler, quand la science condamnait un de nos patients, peu importe nos prières, le résultat restait le même…

Les yeux de Samantha s'illuminèrent de larmes contenues. Ce qui déstabilisa son interlocuteur, honteux, il bredouilla pour la rassurer :

-Mais t'en fait pas, si tu parles de ta quête des badges, je suis certain que tu y arriveras ! Bon c'est vrai que deux badges en huit mois c'est pas glorieux, mais c'est pas irréalisable d'arriver à la ligue !
-C'est certain que c'est pas terrible, toi qui restait la première de ta classe, Sam…Confirma Yuki. –Même Armand, en bon dernier, a réussi à avoir quatre badges.

La gamine s'affaissa sur elle-même, pâle comme la mort, comme venant de se prendre tous les malheurs du monde en pleine figure.

Alors que le professeur rigolait gentiment en essayant de remonter le moral de son élève ; un hurlement inhumain se répercuta dans la salle, dont la voix si reconnaissable, si mélodieuse, ne pouvait appartenir qu'à une personne, vu le contenu : « UN SERPEEENNNNT !! ».
Yoann émit un rire clair, murmurant : « j'en connais une qui n'a pas mis ses lunettes de protection ! Il n'y a pas de Pokémon spectre serpent, elle a des hallucinations. »
Brusquement un éclair vert et jaune, qu'était devenu Eléanore passa devant leurs nez, à toute vitesse, et alors que Samantha rangeait son anxiété dans son tiroir, prête à rire de la scène, une immense bête émergea du sol tel un Pokémon eau s'extirpant des vagues dans la tempête.
Le cri de Shagi, des médiums déjà présents, vautrés à terre après le passage de la gamine, hurlèrent un seul et même nom :

« GIRATINA ! »

Les têtes de Yoann, Sam et Yuki en cet instant devaient valoir leur pesant d'or. Les bouches ouvertes, les yeux écarquillés, les expressions figées dans un air proche de celui de l'arriéré mental venant de voir un rinhocorn rose danser le lac des cygnes devant eux.

Mais pour comprendre ces faits, il vaut mieux revenir quelques minutes en arrière. Alors que Samantha et Yoann débutaient leurs conversations, Eléa, elle s'approchait discrètement de Shagi, sournoisement. Et de but en blanc, elle lui avait lancé :

-Tu ne me feras pas croire que tu es l'ami de Yoann.
Le garçon arqua un sourcil sonné par la remarque, puis son sourire s'étira.
-Intéressant. Se contenta-t-il de lâcher.
-Qu'est-ce que tu avais volé dans le magasin ? N'en démordit pas Eléa, très peu ravie de cette victoire.
-Rien de bien important, un simple magazine qui présentait le rituel annuel. Il parlait de Giratina, et ça coûtait vraiment cher pour une seule page qui vaut le coup. Mais j'ai eu de la chance, je pensais me faire passer pour son copain juste le temps d'éviter les ennuis, mais je suis bien tombé, j'ai pu entrer quand même ni vu ni connu grâce à lui. C'est une bonne poire votre ami. Avoua-t-il indifférent.
-Je te le fais pas dire ! Concéda Eléa en plaquant ses mains sur ses hanches, agacée de la naïveté de leur camarade. –Mais c'est pas là la question ! S'insurgea-t-elle, reprenant conscience de sa prétendue colère.

Bon elle devait bien l'avouer, ce garçon avait la classe, il les avait bien eu, et elle l'admirait un peu pour son don de comédien, malgré tout. Il sembla très peu gêné de voir sa couverture tomber, bien au contraire, cela ne paraissait pas l'affecter, le moins du monde. Comme s'il ne craignait en rien ce qu'elle pouvait bien lui infliger comme punition. Et cette attitude outrepassa le reste, Eléa s'enflamma. Elle qui détestait recevoir la moral et encore bien la faire, ne put s'en empêcher.

-C'est trop cool !

Aie, lapsus trop révélateur. Elle plaqua une main sur sa bouche et se maudit, elle et toute sa lignée tandis que shagi retenait un pouffement amusé. Bon tant pis, le mal était fait maintenant.

Le rite funéraire se déroulant derrière eux scintilla.
Eléanore eut l'impression de plonger dans un bain d'eau glacée. Miyu se posa devant elle, elle crut percevoir un tremblement chez lui, alors que ses jambes touchaient pour la première fois le sol.

« Eléa, rentrons ! » Bredouilla-t-il encore une fois, en se plaçant entre elle et Shagi pour l'empêcher de se concentrer.

La gamine se renfrogna.

-Alors, pourquoi voulais-tu à ce point venir ici ? C'est assez glauque quand même ! Répliqua l'enfant en ignorant le spectre.
Shagi haussa des épaules.
-Je vous l'ai dit, je suis dresseur de Pokémons dragons, et j'ai entendu parler de l'apparition régulière de Giratina dans la tour pendant les fêtes de fins d'années. Je voulais me mesurer à un pokemon légendaire de sa trempe pour évaluer mon niveau, avant d'essayer de défier Lance du conseil des 4.
-Te mesurer à un Pokémon légendaire, quelle drôle d'idée ! S'exclama Eléa, tout sourire, essayant d'oublier les frissons qui couraient le long de sa colonne vertébrale.
-C'est toi qui est drôle, je m'attendais à une mère-la-morale et tu me parles plus facilement que tout à l'heure. Fit remarquer Shagi simplement.
-Peut-être ! J'apprécie la franchise, c'est tout, tu t'enfonces pas dans ton mensonge, et ça me plait pas mal ça.
-Les simples d'esprits aiment souvent les choses tout aussi simples, il faut croire. Répliqua l'adolescent à la peau mâte, taquin.
-Quoi ? S'étonna Eléa, surprise par ce changement d'humeur brutal.
-J'ai entendu dire que tu n'avais récolté que deux badges, en huit mois, comme l'autre fille, tu n'dois pas être très fut' fut'. Expliqua froidement son interlocuteur.
-La fille pas très futée elle a su te percer à jour dès le début ! S'écria la gamine, rouge de colère.

Une ombre se mût autour d'eux, imperceptiblement.

« C'était donc là que tu te cachais, tu étais là depuis le début… »

-Très drôle m'ignore pas tu veux ! S'emporta encore plus fort la gamine, virant à l'écarlate devant un Shagi plus ou moins indifférent.

Miyu entre eux, blêmit petit à petit, sa porteuse elle-même sentit son malaise. Elle eut une brusque envie de vomir et retint un hoquet.

« Eléanore, on s'en va maintenant ! » Hurla Miyu.

La gamine trébucha et tomba dans les bras d'un Shagi, ahuri. Faible, elle fronça les sourcils, sentant ses membres lourds.

« Tu m'as bien eu pendant toutes ces années, mais tu m'as échappé trop longtemps. »

Et la voix de Miyu qui résonnait encore sous son crâne, de plus en plus fortement. Se mêlant à celle de…

Elle leva les yeux, et se rendit compte que l'adolescent aux dragons ne parlait pas et la fixait avec ébahissement.
Ce n'était pas sa voix.

« ELEANORE COURT ! »

L'ordre de Miyu lui fit l'effet d'un coup de jus bien placé par Pilou, ses muscles se tendirent et elle ravala de travers son souffle. Elle fit volte-face d'un geste sec, et là, elle le vit. Elle lui fit face toute entière.

Un immense serpent se reflétait sur la pierre polie en face d'elle. Son sang se glaça dans ses veines. Une bête gigantesque, aux tentacules jaunes d'or, au ventre gris et noir et aux masque rouge acérée, tels des crocs ensanglantées. Le monde se figea. Elle ne se rendit même pas compte du hurlement qu'elle poussa, elle ferma les yeux si vite, elle se boucha les oreilles et s'enfuit à grandes enjambées, terrifiée. Les images de l'incident lui revinrent en mémoire, elle bouscula l'attroupement, renversa véronique, la mère de Yoann, glissa contre le marbre, et s'engouffra à toute vitesse dans l'escalier qu'elle venait de monter.
Les injonctions de Miyu se firent de plus en plus pressantes. Et elle ne le comprit réellement que quand elle dérapa sur une marche, qu'elle bascula en arrière et roula, roula, dévala toute les marches devant elle. Elle allait heurter le sol du hall violemment quand l'énorme silhouette grise apparut sur la surface immaculée et ouvrit sa gueule béante, prête à la dévorer.

Elle hurla de terreur, quand une main la rattrapa juste à temps, et la tira vers l'intérieur, elle vit distinctement la mâchoire du Pokémon géant se refermer sur du vide. L'exclamation commune de Samantha et Akira la tira une brève seconde de son effroi :

« TU ATTIRES LES EMMERDES ! »

Et dans l'état dans lequel elle se trouvait, elle leur aurait probablement accordé le droit de
l'insulter, de la traiter de tout ce dont ils désiraient. Néanmoins, l'ordre de Miyu l'obligea à remonter la pente, à moitié tirer avec eux, tandis que la bande de médiums, dont Yoann, se plaçaient devant le Pokémon Spectre.

Ils brandissaient des espèces de morceaux de papiers devant lui, pour l'empêcher d'approcher, mais de toute évidence cela ne marcha pas, car le serpent d'un mouvement ample se cambra, et plongea de nouveau dans l'amas de tombes comme s'il ne rencontrait que l'océan. Un cri de stupéfaction leur échappa.

Samantha embarqua Eléanore dans un autre escalier, ils débouchaient enfin sur le hall, de l'autre côté de la pièce, quand la silhouette fière du gardien des enfers se dressa de nouveau devant eux en bombant le torse. L'image cauchemardesque devant Eléa la coupa du reste du monde, il n'y eut plus un seul son, plus de monde, plus de Samantha, plus de Miyu beuglant qu'elle devait s'enfuir, plus Rien. Juste elle, juste elle et ce géant monstre incarnant à lui tout seuls ses pires démons.

Ses jambes ployèrent sous son propre poids.
Giratina se courba, les épines semblables à des serres ventrales se raidirent, et il plongea sur elle.

Par réflexe, Samantha se jeta sur son amie, et ferma les yeux. Akira eut le même geste pour protéger son élève. Eléanore sentit l'étreinte, elle entendit le « BOUGE ! » désespéré de Miyu, mais elle fut incapable de réagir.

Soudain, un éclair stoppa la course du Pokémon serpent dans son élan. Un autre serpent, bleu, avec des sortes de petites ailes blanches ornant sa tête, riposta à la bête. Shagi, dont l'être de l'avidité, l'avarie même venait d'établir en ses traits sa marque, brandit le bras et répliqua :

-Draco attaque laser glace maintenant !

Le Pokémon dragon se cambra, une espèce de perle située à son cou scintilla des éclats des glaciers millénaires, et un rayon de givre fusa. Mais le monstre se dissipa dans le brouillard avant même d'être heurter. Shagi se mordit les lèvres, et un rictus orna ses lèvres. Il lança deux pokéball qui s'ouvrirent en plein vol, laissant place à une espèce d'oiseau bleu au long cou, virevoltant sur un nuage, et à un dragon dressés sur ses pattes arrières, violets, avec la tête en forme de marteau.

-Carmache, Clairvoyance ! Altaria, Aéropique dès que tu le vois ! Rugit le nouveau venu.
Le Pokémon terrestre poussa un grognement et son regard s'illumina, une aura rougeâtre passa dans la salle, et le Pokémon spectre redevint visible sous l'effet de ce scanner géant. Le Pokémon oiseau allait se lancer à sur son adversaire avec vaillance quand soudain, des blocs de pierres se jetèrent sur lui et le plaquèrent au sol.

Le tritosor de Yoann venait de frapper le Pokémon de Shagi, tandis que le Linéon de sa mère maîtrisait déjà Carmache, et le Cradopaud de sa sœur, le dernier Pokémon de la bande.

-Ne l'attaque pas, Giratina est un Pokémon sacré ! Tu n'as pas le droit de le toucher ! S'exclama le jeune médium, blanc.

Shagi allait répondre à la pique, quand le serpent légendaire émit une vocifération alarmante, et sans avertissement de plus, il plongea sur Eléa, Sam et Yuki. Le corps du monstre les traversa comme le vent du nord, glacé mais inoffensif. Seul le hurlement de la gamine aux couettes leur fit croire le contraire.

Mais quand Giratina disparut, les trois concernés n'avaient aucune égratignure. Le professeur relâcha sa prise, légèrement hagard, choqué, et il analysa son élève sous toutes les coutures avant d'en venir à la même constatation. L'adolescente poussa un soupir simultanée avec lui, et sa prise se desserra, la tête d'Eléanore tomba mollement contre elle, inerte. Le fantôme d'une larme traçant un sillon humide barrant sa joue. Elle avait perdu connaissance, mais son souffle était redevenu régulier.

Samantha eut peur une brève seconde d'avoir changé le cours du temps et d'avoir accéléré la mort de son amie au lieu de la retarder, mais de toute évidence, elle allait bien.
Elle dut bien vite oublier cet incident, le pourquoi du comment, car Yoann et Shagi en venaient aux mains en plus des Pokémons ; s'injuriant l'un l'autre. L'étranger parce qu'à cause de lui il avait loupé son occasion d'affronter Giratina, le médium parce que son soit disant ami avait dérogé à toutes les règles sacrées de la tour, ou presque.

Ce fut Akira et la mère de Yoann qui durent les séparer, oubliant Eléanore, assoupie, dos contre une pierre tombale.

Pourtant…La gamine n'avait pas perdu connaissance sous l'impulsion de la peur comme le croyait Samantha. Même si en cet instant, elle revivait dans un cauchemar flou les évènements du jour fatidique qui avait scellé son destin. Elle ressentait encore les cahots de la course effrénée du ponyta se répercuter dans tout son corps, elle sentait l'arrêt brutal du cheval, et cette impression brève, courte, de s'envoler, de toucher le ciel, de partir ne faire qu'un avec les cieux, avant de tomber tel un ange déchu dans le nid mouvant, noir des abos.

Elle se souvenait encore de la peur sourde qui l'avait envahie alors même que les premiers serpents s'étaient glissés dans ses vêtements, que leurs peaux visqueuses avaient frôlées la sienne. Leurs immenses yeux jaunes la scrutant avec de se jeter sur elle de toutes parts avec leurs dents acérées. Toutes ces douleurs à la fois, cette impression de suffoquer, de sombrer dans un amas grouillant, vivant, alors même que le corps s'alourdit du poids du poison, de la mort. Les muscles qui s'affaissaient, les pleurs qui ne coulaient plus, tout cela, la Lumière qui disparait de sa vue, sa main qui s'éloignait de son seul espoir, de sa seule lumière dans les ténèbres alors même qu'elle se débattait pour la rejoindre, tout ça, elle connaissait.

Puis d'un seul coup, plus rien, plus rien, le noir, la voix de Sacha qui disparaissait dans le néant, les forces qui l'abandonnaient, le froid total qui l'endormait. Et elle avait fermé les yeux.

Eléanore tressaillit, sentant son souffle se bloquer en elle, en même temps que la gamine de son rêve cessait sa lutte. Elle ouvrit brutalement les yeux, mais cette fois, elle n'était plus au même endroit, elle voyait le monde derrière une sorte de voile opaque, gluant, enfermée dans une paroi visqueuse. Elle manquait d'air !

Elle tenta de frapper le verre qui l'emprisonnait, mais ses mains n'atteignirent pas sa prison, ils étaient bien plus courts. Elle scruta les lieux, paniquée, le manque d'oxygène engourdissant son corps mais ravivant son esprit paradoxalement. Et c'est alors qu'elle la vit. Une femme, une femme, à l'extérieur. Le sosie presque parfait de Samantha, elle tenait un bambin roux dans les bras, et arborait une expression horrifiée.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? »

Ce fut le seul cri qui sortit de la bouche de cette inconnue, puis elle posa son enfant sur une des tables, loin des éprouvettes, des papiers griffonnés, qu'elle regarda, dégoûtée, estomaquée. Elle ne semblait elle-même pas comprendre ce qu'elle voyait. Elle fit un pas vers Eléanore. Celle-ci voulut l'appeler, la sonner, lui demander de l'aide, mais rien ne sortit de son gosier.

La femme se rapprocha, blanche, elle posa une main sur le verre qui la séparait avec la gamine, et recula, comme brûlée par ce simple contact. Elle poussa un gémissement apeurée, sa frimousse se décomposant peu à peu, passant de l'incompréhension, puis à la terreur la plus totale. Une marque hystérique, une lueur folle anima ses yeux bleus, jumeaux de ceux de Samantha.

« Giovanni, qu'est-ce que tu as fait ?! »

Le bébé derrière elle se mit à pleurer, mais sa mère ne l'écouta pas, fixant Eléanore comme si elle était une bête monstrueuse. Puis sans crier gare, alors que des larmes se mettaient à couler le long de ses joues, elle se rua vers le panneau de contrôle devant la prison d'Eléa. L'enfant crut une seconde qu'elle allait la délivrer, la sortir de là, lui faire retrouver un second souffle. Mais il n'en fut rien. La femme caressa le verre, un hoquet la saisit, et elle marmonna, entre deux hoquets, une expression de démente au bord du gouffre du désespoir :

« Quel sacrilège…Créer la vie ainsi…Qu'as-tu fait Giovanni… ?Q-Qui es-tu… ? »

Elle se tourna vers la gamine et lui envoya une mine emplie de pitié, qui lui apparut comme de la fausse compassion tant elle appréhendait la suite. Mais l'inconnue pressa tout de même un bouton sur le clavier, tout en soufflant :

« Pauvre petite créature…Je vais te délivrer de tes souffrances…Tu ne mérites pas une
existence pareille, comme simple expérience pour imiter le disparu Mew… »

Le liquide dans lequel elle flottait se contracta, resserrant son étau sur Eléa. La peur s'empara d'elle, et fit vrombir ses muscles, alors même que chacun de ses os paraissaient se broyer sous la pression. Elle frappa de toutes ses forces contre sa prison, mais la femme repartit en courant, reprenant son enfant et s'enfuyant dans un conduit qui ressemblait au tuyau d'une cheminée. Eléanore eut beau frapper, lui crier de revenir, elle n'obéit pas.

Ce n'était pas possible.

Elle n'arrivait plus à respirer ! Elle avait pressé le bouton pour la tuer, et cette femme s'enfuyait comme ça ? Sans rien dire !

Elle…Il s'en fichait de vivre ainsi, même en temps que cobaye, que simple simili, du moment qu'il vivait ! Il fallait qu'elle revienne ! Il y avait tant à voir ! Il n'avait encore rien senti ! Rien vécu ! Il voulait savoir ce qui se passait après ! Il avait encore tant de choses à voir en ce monde ! Cette femme…Cette femme…

Cette femme l'avait tué.

A cet instant précis, le monde se voila, ses yeux se fermèrent définitivement sur cette pièce,
ce faux laboratoire, sur la silhouette vague de cette inconnue, de son bourreau. Eléanore sentit la colère retomber en elle tandis qu'elle avait l'impression d'errer entre les deux mondes, de se promener, en spectateur intouchable, invisible, de la vie des autres, des réjouissances qu'il ne connaitrait jamais.

Et étrangement, elle revint vers son cauchemar premier, mais cette fois, elle y assistait, elle le voyait d'un autre œil. Elle regardait la gamine imprudente se faire emporter dans la cavalcade affolée du ponyta. Elle revoyait son corps flasque, mou, faire un vol plané pour atterrir dans ce nid d'abo, et elle revoyait ce petit être se débattre, pleurer, hurler pour revoir sa mère, pour qu'on la sauve.

Elle n'arrivait plus à respirer…Elle battait des mains pour atteindre la sortie…Elle sanglotait en implorant de l'aide…

Elle voulait vivre. Vivre.

Elle ne pouvait pas mourir comme ça. Pas si tôt. Elle avait tant de choses à voir en ce monde.
Alors, Eléanore vit le petit être qu'elle était, fermer les yeux, elle entendit clairement les battements de son cœurs faiblir, puis s'arrêter totalement, tandis que sa main retombait platement sur elle, que son petit corps s'enfonçait dans les masses mouvants des abos. Elle vit l'enfant qu'elle était, mourir, tout simplement. Et là, là, une faible silhouette, un spectre blanc, ressemblant à un chat, s'avança vers elle et l'étreignit doucement.
L'auréole de lumière se propagea, et les battements de cœurs repartirent dans sa poitrine tandis qu'une voix douce lui susurrait :

« Moi aussi, je veux vivre…Longtemps…Longtemps…Si tu veux bien de moi, nous pourrons vivre ensemble dans ce monde, et voir toutes ces choses extraordinaires…Tu es d'accord ? »

La petite Eléanore tendit la main vers le fantôme et ouvrit les yeux doucement, se laissant dévorer par cette lumière bienfaisante, avant de murmurer :

« Comment t'appelles-tu ? »

Et la pâle lueur qui protégeait ce petit être en dentelle dans cet enfer noir, eut un sourire, des traits se dessinèrent peu à peu, jusqu'à prendre celui de la gamine, un clone d'elle-même, un petit garçon aux cheveux verts, à la tignasse tout aussi rebelle, mais aux yeux jaunes d'or aussi rayonnant que le soleil. Il lui murmura doucement :

« Mew. »

La gamine papillonna des paupières, et répondit faiblement à la remarque, un petit sourire se peignant sur sa frimousse :

« Miyu ? Moi aussi, je veux vivre…Alors…Aide-moi, s'il-te-plait… »

Et elle retomba mollement, les serpents l'engloutissant à nouveau, ne se souciant guère de l'auréole de lumière de leur intrus.

La Eléanore du présent sentit son souffle se couper brutalement, elle se retourna et fit face à son spectre protecteur, qui la fixait avec appréhension, debout, devant elle, se dressant dans le néant. Elle secoua la tête, ébahie, et bafouilla :

-C'était toi…C'était toi, ce souvenir dans le tube ! Avec cette femme…

Le fantôme rit jaune tout en haussant des épaules. Eléanore elle, dont les pensées s'embrouillaient les unes aux autres, recula.

-C'était toi aussi, ce jour là…Cette lumière que j'ai ressenti, cette soi disant auréole de lumière quand on m'a sortie du trou…C'était toujours toi !

Cette fois, son double cessa son activité, et planta son regard doré dans les émeraudes de sa porteuse, sérieux, son sourire s'effaça, et sa voix triste résonna autour d'eux.

-Je suis mort, ce jour là…Cette femme a cru agir pour la bonne cause, mais elle ne m'a pas laissé le temps de vivre…Et moi…je voulais voir ce que c'était. Mon esprit a erré durant des années sans attaches, jusqu'à rencontrer le tien. Nous étions semblables en tout point, j'ai pu établir un contact, j'ai pu te sauver ce jour là. Du moins, te laisser un sursis.
-Donc…Tu es vraiment, un fantôme ! S'exclama la gamine. –Tu…Tu m'as sauvée ?

Miyu grimaça, ses yeux se plissèrent de peine.

« Non, il ne t'a pas sauvée. Il t'a utilisée. ».

Une voix résonna dans un écho infini autour d'eux, et le serpent de tout à l'heure se dessina entre les volutes blanchâtres des lieux. Eléanore poussa un cri de stupeur et tomba sur les fesses, apeurée. Mais cela ne dérangea pas le moins du monde Giratina, dont les pattes griffus, entourèrent Miyu, tel les barreaux d'une prison.

« Cet être, voulait vivre, il m'a échappé pendant des années, alors même que je suis censé mener les Pokémon défunt vers l'autre monde qui les attends, vers leurs réincarnations dans les autres dimensions… »

L'apparence de garçon de Miyu s'estompa, pour laisser place à une créature rose, similaire à un chat au cou élancé et à la longue queue touffue. Seul son regard mordoré resta le même. Giratina eut un mouvement imperceptible pour conserver sa pression sur lui, même sous son apparence originelle. Eléanore quant à elle recula encore davantage, complètement perdue.

« Mais lui, dans l'espoir de m'échapper éternellement, a créé un pacte ignoble avec toi, sans que tu n'en connaisses les conséquences. Il a fait de toi sa «GIJINKA », un être ni Pokémon, ni humain. ».

Eléanore trébucha, le coup se répercuta en elle indéfiniment, secouant encore et encore cette
phrase dans son esprit, faisant vibrer chaque parcelle de son être. Elle ne comprit pas. Qu'est-ce que cela signifiait exactement ? Miyu, un mew ? Et puis quoi encore ? Elle une bestiole mi pokemon ? N'importe quoi, elle était Eléanore Sarl…Eléanore Sarl…un peu folle sur les bords, mais ça s'arrêtait là !

« Eléanore Sarl est morte ce jour là. Pour qu'un Gijinka naisse, il faut que les deux partis abandonnent leurs vies précédentes pour en créer une nouvelle. » La coupa Giratina.
Cette fois, Eléanore sentit quelque chose se briser en elle. Et tel un automate cassé, elle répéta ses mots, sans y croire, sans même qu'ils ne la touchent.

-Eléanore Sarl…Morte ?

Miyu devant elle siffla.

Qu'est-ce que cela voulait dire ? Elle se sentait parfaitement bien, elle était même mourante
! On ne pouvait pas être mourante sans être vivante avant ! Ce type racontait des balivernes. Voilà elle délirait, La preuve, elle voyait un serpent géant ! Un serpent géant, qui parlait qui plus est ! Elle ne pouvait déjà pas vivre son compte d'années, on n'allait pas en plus lui avouer que…Qu'elle était déjà passée de l'autre côté ?
Et puis quoi encore, elle, morte ? Pas encore. Elle se sentait parfaitement bien. Elle se sentait parfaitement bien ! N'est-ce-pas ?

Elle plongea son regard sur Miyu en quête de soutien mais celui-ci détourna les yeux, incapable de supporter cela.

-C'est pas très agréable, à entendre, hein…Qu'on est mort ? Bafouilla-t-il d'une voix brisée.
« Je n'ai malheureusement pas le pouvoir de vie et de mort sur les Gijinka, je ne sais pas quel sort leur est réservé lors du jugement final, quand leur heure est venue, il faut s'en remettre à Arcéus. » Souffla Giratina.
-Yes ! Sauvés Eléanore ! On s'en sort ! S'enthousiasma Miyu en sautant de joie.

Mais Eléa ne bougea pas d'un cil. Sciée sur place, foudroyée, elle assistait à ce spectacle, de loin, de très très loin. Comme un être non concernée, un fantôme invisible. Elle n'arrivait pas à intégrer ce qu'elle venait d'entendre. Elle ne parvenait pas à imaginer une seule seconde, qu'elle était, morte ! D'une façon ou d'une autre, elle bougeait, elle respirait, elle pensait par elle-même ! C'était bien elle, non ? C'était bien elle qui avait décidée de partir en voyage initiatique ! Qui se disputait avec Sam…

Non, son antipathie avec Sam s'expliquait à cause de Miyu, et de cette ombre qui lui ressemblait et qui avait mis fin à ses jours…

Mais son amitié ? Son amitié avec Daniel et les autres alors ? Sa capacité de parler avec les Pokémons, son dressage d'Ash ?

Miyu.

Ce n'était pas elle, tout ça, mais Miyu. Toujours Miyu.

Mais alors où se trouvait-elle ? Elle vivait non ! Elle souffrait ! Elle devait bien agir quelque part ! Elle ne pouvait tout simplement être, comme ça ! Elle avait des convictions, des buts, des sentiments, qui s'évaporeraient le jour de sa mort. De sa vraie mort !

« Si tu le souhaites, je peux rompre le pacte, te faire redevenir humaine…Et emporter Mew dans l'autre monde, là où est sa place. » proposa Giratina d'une voix grave, prenant un accent de rêve utopique.

Eléanore leva les yeux vers ce serpent géant, et Miyu pâlit devant l'air perdu de sa porteuse, devant son visage ravagé par le choc. Il secoua la tête, se pinçant les lèvres, et se débattit, mais les griffes de Giratina le tenaient fermement.

La gamine devant lui, à genoux, les prunelles écarquillées, ouvrit la bouche, et un faible borborygme s'en échappa. Elle plaqua une main sur sa frimousse et trembla.

En cet instant, le spectre se souvint de leurs disputes des derniers jours, des mots durs qu'ils avaient échangés, et surtout, surtout son ordre muet, sous la colère, chez Yoann, son « Disparait ! », intransigeant. Et pour la première fois dans sa nouvelle vie, il ressentit la même crainte, la même terreur, que celle qu'il avait ressenti face à cette femme enclenchant sa fin derrière la paroi vitrée.

La panique, la peur, tel un choc électrique, le fit sursauter et réagir promptement, sous son apparence Pokémon, il se débattit, oscilla entre les deux physiques qu'elle lui avait connue, et hurla, hurla comme il ne l'avait jamais fait de son vivant ; comme il aurait aimé le faire ce jour là. Cette fois, ses poumons n'étaient pas engorgé d'eau, cette fois, elle pouvait l'entendre, cette fois, il le connaissait ; son bourreau, cette fois…
-Eléa ! Eléa je t'en supplie ne fait pas ça ! S'écria-t-il. –Nous sommes liés à jamais, c'est moi qui te maintiens en vie en cet instant, si je disparais, le poison des Abo va te tuer dans la minute !

Non, il ne pouvait pas disparaitre, pas encore cette fois ! Mais la gamine qu'il avait côtoyé si longtemps se plaqua les mains sur les oreilles, ferma les paupières, de longues larmes roulant sur ses joues, et répliqua avec un timbre fracassé de part en part.

-TU M'AS TROMPEE ! Qu'est-ce que tu caches d'autres hein ? Que tu me contrôles entièrement c'est ça ? Qu'en fait je ne te sers que de corps ? Tu…Tu…Je…Je suis morte, rien que ça ! Je suis morte ce jour là, tu comptais me le dire quand ça ?

Elle eut un hoquet.

-Et tout c'est « on verra le monde ensemble ! », ces « tiens le coup tu es forte Eléa ! »…Tu…TU TE MOQUAIS DE MOI ! TOUT CE QUI T'IMPORTAIT C'ETAIT SURVIVRE !

La prise de Giratina se serra davantage sur Miyu, qui se fit plaquer contre le flanc de la bête, ses membres commençaient déjà à se fondre dans l'être qu'incarnait le faucheur. Il émit une plainte pitoyable tandis que les cris d'Eléanore se dissipaient, happé par les propres hurlements de son esprit terrorisé.

-NON !

Il chercha à échapper à l'emprise, à s'expliquer, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.

Oui, c'était vrai, au début, il n'avait fait qu'utilisé cette gamine, quel autre moyen avait-il ? C'était le plan parfait pour vivre la vie qu'il avait loupé, qu'on lui avait volé. Et qui allait s'en plaindre, il rendait des parents, des amis, heureux de ne pas perdre cette enfant. Il lui donnait une chance à elle également. C'était exacte, au début, il désirait égoïstement prolonger son temps dans ce monde, mais…

Petit à petit, il avait fini par s'attacher à cette enfant qui se construisait peu à peu sur les vestiges de l'autre, à aimer cette gamine avec son immense sourire. Elle avait développé des sentiments qui le dépassaient de très loin, de la compassion, comme face à ce petit bébé caninos dans la pension, de l'orgueil, comme lors du concours, de l'amitié, avec le sosie de cette femme, et même de l'amour.

Lui aussi, n'était plus un Pokémon à part entière, il avait aussi perdu dans l'équation, mais il avait bien plus gagné ! Il avait vu le monde sous l'œil des humains, dans toute sa complexité, elle, avait eu un aperçu de l'idéal de simplicité des Pokémons. Et ensemble, ils ne formaient qu'un nouvel être, ni la pâle copie de Mew ratée qu'avait conçu Giovanni dans ses débuts, ni Eléanore Sarl.

Miyu tendit le bras vers sa protégée, et alors qu'il s'attendait à crier toute sa rancune, toute sa haine pour le genre humain qui l'assassinait une nouvelle fois, une larme roula également sur sa joue, il bégaya :

-Toi aussi…Tu voulais vivre…

Il ne pouvait pas être la cause des sanglots d'Eléa, cette idée l'horrifiait plus que celle de disparaître. Il avait passé tant de temps à la faire sourire, à la faire rire quand elle avait quatre ans. Il avait mis tant d'effort à lui faire surmonter les épreuves, à lui faire comprendre les sentiments des Pokémons qu'elle appréciait tant. Il ne pouvait pas détruire tout ce qu'ils avaient battis ensemble, cette force, cette vitalité face à l'adversité…Il n'avait jamais voulu la blesser ce jour là, leurs deux cœurs avaient juste sonné sur la même mélodie, avaient chanté avec la même volonté.

« Alors, que décides-tu petite humaine ? » Déclara impassible le Pokémon serpent.

Eléanore tressaillit devant lui, et lui jeta un regard désemparé, la mâchoire crispée, serrée dans une expression de renoncement. Ses lèvres s'étirèrent et elle sécha ses joues. Sous ses gestes, Miyu put distinctement voir un rictus se dessiner. Un frisson lui remonta l'échine.

-Que ce soit clair…Commença-t-elle avec une voix froide.

Giratina et Miyu frémirent quand elle releva la tête, déterminée, pour une raison qui leur était inconnue. La gamine aux couettes pointa le mew du doigt, les sourcils froncés, furieuse. Miyu ne put que fermer les yeux en sentant la fin approcher.

-T'es le spectre le plus chiant que j'ai vu ! Le plus insupportable, t'es autoritaire, borné, et en plus frimeur comme pas deux !

Giratina eut un pouffement amusé. Mais le doigt d'Eléanore coula sur lui avec une allure de lame de guillotine.

-Mais j'te préfère encore à lui ! Espèce de sale serpent masqué, vous croyez quoi ? Que je vais vous le livrer comme ça ! Non si vous le vouliez, vous aviez qu'à venir avant l'incident, vous aviez qu'à faire votre boulot à temps, maintenant c'est trop tard. Hors de question de crever pour la bonne cause, je l'ai, je le garde aussi insupportable qu'il soit !

Etrangement, la gamine rayonnait d'une force nouvelle, elle se dressa sur ses jambes, et marcha droit vers la chose, sans frissonner, soutenant sa peur de toujours, cette incarnation cauchemardesque. Elle supporta sa pression et planta son regard d'émeraude droit dans sur lui, avec sa détermination habituelle.

-Je ne sais pas si Eléanore Sarl est vraiment morte ce jour là, si Miyu me contrôle de l'intérieur…Mais en tout cas une chose est sûre. MOI JE REFUSE D'OBEIR A UN SERPENT GEANT !

Elle tourna des talons, et foudroya sur place mew avec son visage de marbre.

-Que ce soit clair, c'est mon corps, autrement dit, t'es qu'un locataire ici, c'est moi qui décide, je me fiche de votre histoire de GIJINKA ou quoi que ce soit d'autre…Je suis encore capable de commander pour moi ! Et j'ai décidé de garder Miyu avec moi.

Miyu resta dubitatif, sans voix face à cette déclaration, les griffes qui le retenaient prisonnier le libérèrent doucement, alors qu'un rire gras retentissait autour d'eux. Giratina se trémoussait de manière étrange, comme pris d'un fou rire. Il était étrange de voir un symbole pareil agir de la sorte. Mais plus que cela, ce fut l'attitude d'Eléa à son égard, totalement indifférente, qui gêna le spectre.

« Amusant, Tu es très amusante gamine…Très bien, si c'est ta décision, je n'ai pas le pouvoir de la changer. Maintenant que tu sais ce qu'est une gijinka, que tu l'as acceptée, la fusion est irréversible…tant pis pour toi. Vous êtes liés pour l'éternité, dans la vie comme dans la mort, ne vient pas te plaindre après. »
-Je suis pas du genre à me plaindre. Rétorqua Eléa immédiatement.
Une sorte d'ébauche de sourire se dessina sous le masque du Pokémon, et il répéta :
« Oui, vraiment très amusante… »

Puis, lentement, l'ombre de Giratina s'effaça devant eux. Le paysage rutilant revenait peu à peu à la normal, annonçant que la gamine allait reprendre ses esprits très certainement. Miyu soupira d'aise et poussa un gémissement de soulagement avant de rigoler.

« Ouah, on l'a échappé belle sur le coup, Eléa ! Content de voir que tu m'acceptes quand même ! »

Mais la gamine resta stoïque, à fixer l'horizon, où réapparaissait Samantha, Yuki, retenant Shagi et Yoann de se jeter l'un sur l'autre devant leurs Pokémons, atterrés. Sa phrase, glacé, comme son visage, à l'instar de sa colère sourde, le remit directement à sa place.

« Tais toi Miyu, je ne veux plus te voir. »

Un ordre, simple, clair, net.

Le visage du Pokémon se décomposa peu à peu, pour afficher une mine triste, résignée. Elle avait toujours été franche, elle avait même été plus qu'intransigeante lors du débat. Il contempla une dernière fois cet enfant qu'il avait vu grandir, et grimaça de peine.

« Hey…Eléa, on s'est quand même bien amusé, hein ? Tous les deux… »Murmura-t-il.

Il n'obtint aucune réponse. Sa vue se brouilla tandis qu'il s'effaçait à son tour.

« Si tu as besoin de moi…Je suis toujours là en cas de besoin… »

Encore une fois, seul le silence suivit sa proposition.

« Bon, comme tu le veux, tu ne me verras plus… » Lâcha Miyu avec une dernière note fébrile dans la voix.

Et quand Eléanore ouvrit de nouveau les yeux, toujours accoudée contre le marbre froid de la tombe, effectivement, Miyu avait disparut.