Le dernier voyage de la Reine des Mers
Écrasant l'océan par sa taille, dominant les vagues et maîtrisant les rafales de vent, la Reine des Mers fuyait après avoir coulé et pillé un navire de plus, laissant derrière elle une mer de sang et la carcasse d'une embarcation sans valeur ni vie. Mais cette fois, elle tomba dans un piège qui lui fut mortel.
D'ordinaire, cela ne lui posait pas problème. Ce galion aux facultés divines s'offrait le luxe de contourner toutes les embuscades de la flotte de n'importe quelle armée. Du bas de la coque jusqu'au pont il mesurait 15 mètres de hauteur, même avec la immergée il dominait n'importe quel vaisseau des mers qu'il pouvait aborder en lâchant son équipage sur les mats de la future épave. Son pont devait atteindre les 40 mètres sans compter la proue qui lui donnait une beauté inégalable, elle représentait un buste de Milobellus géant dont les cheveux et les sourcils étaient tirés en arrières. La partie supérieure de la coque révélait par des hublots près d'une centaine de canons placés de chaque côtés, ce qui lui valait la plus grosses puissance de feu de son époque.
Avec pour seule puissance motrice le vent, les voiles géantes de ses 5 mats sans fin n'avaient besoin que d'une brise pour mouvoir le galion. Lors de tempêtes, le bâtiment semblait voler sur l'eau. Il allait tellement vite que pendant une précédente embuscade, la Reine des Mers avait laissé 11 navires qui l'encerclaient sur place en coulant le 12ème dont l'épave coupée en deux par la largeur du pont se souvenait encore du passage à travers elle du navire lancé à pleine vitesse.
La Reine des Mers était la légende de son siècle, crainte de tout ce qui naviguait sur l'eau et qui avait quelque chose de valeur à bord. Nombreuses étaient les histoires terrifiantes à son sujet, beaucoup tournaient autour du Milobellus à sa proue. On le disait doté de pouvoirs mystiques capables de le faire apparaître du néant, d'une voie si aiguë que son champ faisait geler l'eau, de deux mèches de cheveux tellement longues que leurs battements pouvait gonfler les voiles du vaisseau et le faire avancer face au vent, et que son souffle si puissant pouvait cracher des flammes qu l'eau ne pouvait éteindre et des brouillards noirs si épais que l'on pouvait réellement les couper au couteau.
Enfin, nul ne savait d'où ce monstre nommé à juste titre la Reine des Mers venait, ni où elle allait ou qui était son équipage. Difficile de porter un jugement, ceux qui l'avaient vu de suffisamment près n'étaient plus de ce monde. Un jour, le royaume d'Arion lança les hostilités marines contre lui et très vite s'en mordit les doigts au vu du nombre de bateaux qu'elle y perdait à chaque embuscade. Mais cette fois, c'était différent.
A bord de la Reine des Mers, l'équipage commençait à se faire du souci lorsqu'ils virent les forces déployées contre eux. Un Pokémon plus gradé que les autres pirates descendit tout au fond du navire, dans la cale gigantesque où le butin était entreposé, entre autre. Le capitaine du navire, un autre Pokémon, était émerveillé devant un grand coffre au trésor rempli de pièces d'or, de diverses pierres précieuses et objets de valeur.
- Capitaine ! Nous sommes encerclés de navires ennemis.
- Tu t'fouts d'moi ? Ca m'aurait surpris s'y z'avaient envoyé personne !
- On n'a pas le compte exact mais… Arion a fait appel à tout ce qu'elle a pu trouver.
- C'est pas la première fois !
- Oui mais, l'équipage semble inquiet, et…
- Ya pas d'oui mais qui tienne ! Si l'équipage pisse dans son froc parce qu'il voit des barques qu'attaquent on s'demande qu'est qu'ils font pirates !
- …vous devriez vraiment aller voir sur le pont… capitaine.
Le Pokémon capitaine regarda son second, qui lui aussi paraissait inquiet. Il connaissait comme lui et tout l'équipage les facultés du navire sur lequel ils étaient, et à part durant les premières embuscades il n'avait jamais été rapporté que l'équipage était inquiet.
Le Pokémon capitaine ferma le coffre et sortit en grognant de la cale. Une fois sur le pont, il arracha des mains d'un Pokémon pirate une longue vue, monta sur les parties supérieures du pont et observa les environs à 360°. Il jura lorsqu'il constata qu'il y avait des embarcations ennemies qui arrivaient de devant, de bâbord, de tribord et de derrière. Son second se tenait à côté de lui, silencieux.
- Intéressant, ils ont envoyés tout s'qu'ils avaient sous la main…
- J'attends un ordre, capitaine.
- Si on peut pas fuir on ouv' le passage dans un coin et on s'arrache.
- C'est pas un peu risqué, capitaine ? J'veux dire, si les autres nous prennent par derrière pendant qu'on coule ceux de devant…
- Merde ! C'est qui l'capitaine ici ?
- C'est vous, capitaine. Excusez-moi, capitaine. Je vais ordonner à l'équipage de…
- Final'ment dégage estimer l'magot. En fait, c'est l'occas ou jamais d'couler un max de ces barcasses !
- Bien capitaine.
Le second redescendit en cale sans demander son reste. Le Pokémon capitaine ne fut plus animé que par de la haine, un sentiment de vengeance et de représailles contre ceux qui s'apprêtaient à les attaquer. Il inspira un bon coup, puis hurla à tout son équipage :
- ON VA MONTRER A CES PEDALOS D'QUOI QU'ON EST CAPAB' !! POUSSEZ LA REINE DES MERS AU MAX DE SES CAPACITES !! DECHAINEZ L'OCEAN !! J'VEUX DES CREUX HAUTS COMME DES CHATEAUX !! DES VENTS A FAIRE ENVOLER LES WAILORD !! UN BROUILLARD QUI NOIRCICE LE CIEL TOUT ENTIER ET DES FEUX QUI BRULENT L'OCEAN !! LARGEZ DES AILERONS D'GLACE D'LA TAILLE D'UN MAT DERRIERE NOUS !! R'MONTONS L'VENT ET FAITES HURLER LES CANONS DES QU' CES MARINS D'EAU SALE S'RONT A VUE !!
L'équipage entier poussa des hurlements en retour à ceux de leur capitaine, et tous se mirent au travail. L'équipage replia les voiles de la Reine des Mers qui ralentit puis s'immobilisa sur l'eau après un court instant. Ensuite, un épais brouillard que le vent ne pouvait balayer sorti du bateau et très vite le ciel devint noir comme de nuit.
D'un seul coup, une vague géante partie de tous les côtés renversa les navires ennemis de la Reine des Mers qui perdirent une bonne partie de leurs équipages. Les six d'entre eux qui avançaient avec le vent de côté pour aller aux devant des pirates continuèrent malgré le brouillard, et furent complètement surpris par les ailerons de glace géants qui les entaillèrent jusqu'au pont. Fendus de tous les côtés, ils coulèrent tous les six.
Une douzaine de navires venus par derrière avaient mis le cap sur les flans de la Reine des Mers, six de chaque côté. Les plus près de la Reine des Mers, ils étaient prêts à l'offensive. Mais désorientés par le brouillard, deux navires se croisèrent et se détruisirent tout seuls. Les autres se perdirent dans le noir total et périrent sous les flammes que la Reine avait laissé sur l'eau, des flammes impossible à éteindre qui transformèrent les navires en brasiers.
Et encore d'autres durent faire face à la toute puissante Reine des Mers qui avançait voiles gonflées face au vent et droit sur eux, sans qu'ils puissent le voir. Elle passa entre deux de ces navires et les cribla de boulets des canons sur sa coque, en même pas une minute de croisement les deux bateaux Arionnais étaient hors service et la Reine des Mers n'avaient que des blessures superficielles. Les autres navires encore à flot ne la virent pas passer dans le brouillard et ne purent pas faire demi-tour à cause du vent qui devait leur rester de dos pour qu'ils avancent, et de toute façon ils ne pouvaient rivaliser ni avec la vitesse ni la puissance de la Reine.
A bord du vaisseau pirate en train de sortir du brouillard noir, tous poussèrent des cris et hurlements de joie, le capitaine le premier et encore plus fort que les autres. La Reine des Mers était une fois de plus sortie quasiment intacte d'une embuscade de presque une trentaine de bateaux ennemis. Le capitaine s'apprêtait à retourner en cale lorsqu'un de ses pirates l'attrapa par le bras.
- Capitaine ! Une vingtaine de navires ennemis droit devant !
- Quoi ?!
Le Pokémon capitaine fonça à l'avant du bateau, il commençait à paniquer. Devant, il constata avec effroi qu'il y avait effectivement une flotte qui arrivait droit sur eux, prête à l'attaque.
- Les enflés ! Tout s'qu'on a coulé c'étaient qu'des leurres !!
Il se retourna, et frotta ses mains contre ses tempes en fermant les yeux, puis réfléchit activement. La Reine des Mer avait été poussée à plein régime, elle n'avait plus que ses canons comme défense. Un grand nombre de pièces certes, mais moins que les vingt navires ennemis devaient en posséder. Supérieurs en nombre, ils arriveraient sans mal à les encercler et les attaquer sur tous les fronts, surtout que la reine des mers avançait à vitesse moyenne face au vent. En pensant à ça le capitaine sursauta, la Reine des Mer était encore face au vent !
- DEMI-TOUR A BÂBORD IMMEDIAT'MENT !! NOUS D'VONS FUIR DANS L' BROUILLARD DOS AU VENT TOUT D'SUITE !!
Le plus grand défaut de la Reine des Mers, et ses adversaires l'avaient sans doute compris, c'est qu'elle était lente à la manœuvre. Pendant le demi-tour, la flotte ennemie avait gagnée du terrain, et le temps qu'elle gère le changement de vent elle s'était déjà pris plusieurs coups de canon dessus, mais la Reine était remise dos au vent et reprenait déjà de la vitesse en laissant quelques ailerons de glace et flammes derrière, mais un cruel manque de puissance ressortait de cette opération maladroite.
Lorsqu'elle s'apprêtait à rentrer à nouveau dans le brouillard, le capitaine constata avec horreur que des coups de canon tonnaient dans l'obscurité et entamaient d'avantage le vaisseau pirate. Il se souvint alors en catastrophe qu'ils n'avaient coulé que 2 des navires qui les poursuivait à coup de canon, donc il devait en rester au moins 4 qui attendaient leur demi-tour dans le brouillard !
- RESTEZ PAS LÀ À VOUS FAIRE MINER LA GUEULE !! RIPOSTEZ !!
L'équipage tira des boulets de chaque côtés au hasard, mais leurs ennemis invisibles dans le brouillard étaient de petite taille comparé aux pirates, ainsi leurs tirs étaient des pertes majoritaires, alors que ceux des navires ennemis touchaient quasiment toujours la Reine.
Et la Reine des Mers n'allait pas assez vite. Bien que d'une vitesse honorable pour un navire de cette taille, les ennemis n'eurent aucun mal à l'égaliser. Dépourvue d'élan après sa manœuvre de demi-tour, il lui fallait plus de temps pour reprendre sa vitesse de pointe.
Elle eu d'autant plus de difficulté que toute la flotte imprévue la rattrapait à vive allure et lui tirait dessus par derrière, dans un angle qui leur était difficile en plus impossible d'atteindre à coups de canon.
Le capitaine, voyant qu'il n'y avait plus d'espoir, s'interrompit tout seul de crier les ordres à l'équipage pour mener une lutte acharnée. Il avait failli à sa mission. Son comportement avait été prévu à l'avance, et sa réaction anticipée avec précision. Les Arionais savaient comment l'appâter, comment exploiter les faiblesses de la Reine des Mer sans doute étudiées longuement, comment s'y prendre pour que ses erreurs lui soient fatales. Il couru alors sur le pont pour descendre à la cale la plus profonde du navire, où il retrouva son second.
- Capitaine.
- C'est terminé… c'est la fin. Notre invincible piraterie a échouée !! Il leur aura fallu au moins une cinquantaine de navires pour nous abattre…
- Que comptez vous faire, capitaine ?
Le Pokémon poussa un long soupir en baissant la tête. Il regarda ensuite le coffre qu'il venait de voler avec son équipage, l'appât grossier qu'il piquait à loisir avant venait de lui coûter la victoire. Mais il ne pouvait faire autrement que de le voler, vu les trésors que le coffre contenaient. C'est à cause de trop de cupidité et trop d'agressivité que la Reine des Mers en était à ce point en ce moment, était-ce la défaite du navire ou celle de son capitaine ?
Ce dernier s'empara d'une grande épée par sa poignée bleue et parfaitement taillée. Son centre était orné d'un diamant de la taille d'un petit œuf, parfaitement taillé, et sa lame était longue, blanche avec des reflets bleutés.
- Tu t'souviens de c'qu'on a dit en cas d'défaite ? La partie immergée d'la coque est la plus fragile de toutes. Un coup d'épée d'dans et on va couler en moins d'deux.
- Je sais pas si l'équipage pense la même chose qu'à l'époque, capitaine…
- Je pensai pas qu'on aurai à s'saborder un jour non plus, garçon. Mais qu'est ce qu'à changé ? En voulant améliorer les choses, j'les ai p'têt empirées. Plus personne voudra qu'on exist' maint'nant.
- Ils nous accueilleront pas à bras ouverts… déjà avant… c'est vrai.
- Ya rien d'aut' à faire. Adieu, mat'lot.
Ce furent les derniers mots du capitaine qui leva les deux bras et abattit l'épée de toutes ses forces. Celle-ci s'enfonça sans mal dans la coque.
On ne su jamais ce qu'était devenue la Reine des Mers. Le brouillard s'était volatilisé en un instant, et lorsque l'équipage des navires Arionnais n'était plus ébloui par le soleil, aucune trace des pirates ne restait à la surface de l'eau. Pas un seul des débris qui flottait n'appartenait à la Reine des Mers, pas un seul Pokémon retrouvé non plus. Bon nombre de Pokémons Eau furent envoyés au fond de l'océan pour tenter de retrouver des traces, en vain.