World of Tem : Tome 7 : Je te sauverai de CaliKen

Tom s'écroula sur le tatami. Xiangpo lui fit signe de la main et le garçon se releva d'un bond. Il courut à toute vitesse sur le jeune moine puis frappa rapidement, sans parvenir à le toucher. Le vieux gong du temple résonna, indiquant la fin de l'exercice.
Les deux jeunes hommes se dirigèrent vers le grand bassin d'eau chaude. Après trois heures d'entraînement intensif, se détendre dans cette eau à plus de 40° était un vrai délice. Ce fut Xiangpo qui coupa le premier le silence qui s'était installé.
-C'est le deuxième jour d'entraînement. Tu réussis presque à maîtriser ton pouvoir. C'est assez incroyable mais je pense qu'à la fin de la semaine tu pourras aller voir Alaok.
-…
-T'as pas l'air ravi. C'est pas toi qui voulait être le plus rapide possible ?
-Si, si, répondit Thomas, pensif. Seulement, ok, je maîtrise l'espèce de machin bleu, et il sort pas toutes les dix secondes, mais je comprends toujours pas pourquoi tu m'enseignes le Kung-Fu Shaolin !
Les coudes sur le bord du bassin, Xiangpo pencha sa tête en arrière, jusqu'à ce qu'elle touche le sol.
-D'abord, les arts martiaux Shaolin te seront super utile pour maîtriser ton pouvoir. Ils t'apprennent à contrôler tes émotions et donc à contrôler ton pouvoir. Et puis… Si jamais Alaok te met à l'épreuve, ce ne sont pas tes Pokémons qui pourront t'aider.
-Me mettre à l'épreuve ? Mais tu l'as vu qu'une fois ! Comment tu peux savoir ce qu'il va me faire ?
-Nous avons toute une collection de livres qui racontent ce qui est arrivé à ceux qui ont été voir Alaok. Légendes ou réalités, on ne sait pas trop, mais ce qui semble sûr, c'est que si tu rencontres Alaok, étant donné qu'il ne fait plus confiance aux humains, il te poussera dans tes derniers retranchements et tu devras lui prouver ta bravoure.
-Rien que ça, pfff.
Tom se laissa couler, laissant de grosses bulles dans le bassin.

* * *


Après avoir dîner et parlé de la situation avec ses trois Pokémons, il s'assit devant les marches du temple, une grande cape et une écharpe blanche autour du cou. Thomas ne se rendait compte que maintenant de l'incroyable exploit qu'il avait fait, par ce froid. Bien sûr, le temps n'était pas glacial, mais il ne faisait vraiment pas chaud, surtout lorsque le soleil se couchait. Il regarda avec respect le plus haut mont qui dominait Yona-Thang. Il n'avait pas de nom actuel, mais Ichao lui avait confirmé qu'il s'agissait bien du mont Alaok. Cette montagne lui rappelait le mont Kodin, en plus grand, à Danzel, là où ils avaient affrontés le Serpent des Glaces, Juimok. Dans deux jours, il allait peut-être se passer le même schéma.

On peut dire qu'il m'en arrive des choses rigolotes, pensa-t-il tristement. J'ai souvent été dans des histoires un peu folles. Surtout depuis quelques années. Bon, oké, le coup de l'attentat du Pokéfight, je n'avais rien à voir là-dedans. Pour Juimok, déjà j'ai voulu jouer au brave, et puis ensuite, y a eu cette histoire avec cette usine… Si j'avais rien fait, les Rockets en auraient pas eu après moi et Marie serait toujours vivante…

Une odeur de cigarette le sortit de ses pensées. Thomas tourna la tête. Sylvain sortait du temple. s'assit sur les marches à côté de Tom, haussa les sourcils en le voyant et lui sourit :
-Ca te dérange si je joue un peu ? Demanda-t-il en sortant un vieil harmonica rouillé de sa poche.
-Non, à moins que tu joues comme un gland.

Sylvain porta l'instrument à sa bouche. L'air était certainement improvisé, car la mélodie n'avait pas d'aspect circulaire, elle ne revenait jamais sur elle-même au moyen de ce qu'on aurait pu assimiler à un refrain. Au contraire, elle continuait à avancer, se changeant, se modifiant au fil des secondes, tout en gardant son identité d'origine. Cet air était-il triste ? Joyeux ? Il était surtout indéfinissable, bien que Tom était sûr de sentir soudain en lui nostalgie, bons souvenirs et pourtant souvenirs qui le blessaient en ce moment. C'était peut-être tout simplement ça cette mélodie, un reflet de ce qu'il se passait dans sa tête. Il s'allongea sur les marches, les mains croisées derrière la nuque, à observer les étoiles. La mélodie semblait voyager d'astre en astre, balançoire nocturne jouant avec la nuit et les souvenirs de ceux qui l'écoutaient, trouvant pour ami l'écho qui amplifiait la musique en rebondissant sur les monts qui entouraient le village.
Lorsque Sylvain eut terminé … après avoir joué pendant quelques secondes… quelques minutes… le temps semblait avoir été annihilé par cette improvisation et être revenu dès lors que l'harmonica s'était tu. L'instrument retrouva la chaleur de la poche de Sylvain.

-Pourquoi t'es parti quand mon père est mort ? Demanda Thomas, allongé.
-Les Rockets infiltrés qui ont fait le coup m'ont fait porter le chapeau, et ils ont bigrement bien réussi leur boulot.
-Je sais, mais vu que t'étais innocent, pourquoi tu t'es pas plutôt cherché un bon avocat ?
-Les avocats je les aime que dans mon assiette… et puis… Hey Tom ! Mon meilleur pote était mort, j'avais plus trop envie de faire quoique ce soit, et puis j'étais bien dégoutté de voir tous ces regards, des gens que je connaissais et qui croyaient que c'était vraiment moi l'assassin.
-Personne ne te croyait ?
-Si, la majorité même. Mais je me fichais bien de l'avis des autres.
-Tu connaissais ma mère ?
-Ouais, on s'entendait bien.
-Alors pourquoi t'es pas resté pour l'aider à supporter le coup ?
-Félix s'en est chargé, du moins au début, jusqu'à ce qu'elle reprenne du poil de la bête. J'arrivais plus à lui parler de toute façon.
-Mais pourquoi t'es pas revenu quand la justice a prouvé ton innocence ?

Sylvain soupira comiquement.
-Tu poses beaucoup de questions, mais bon, à ta place je ferais pareil. Et bien, y a deux raisons. Primo, les Antis sont devenus… Comment dire… J'avais plus envie de me battre, peu importait la raison. Et surtout pas avec eux, ils étaient sans leader et ont montré un autre visage, des querelles, des disputes et surtout un bon paquet de crétin qui désirait remplacer ton père
Sylvain se mit à pouffer de rire. Thomas lui demanda pourquoi.
-Même maintenant, dire " remplacer Marc " ça sonne comme… Chai pas moi, euh, un truc absurde du genre " gober un tracto-pelle ".
Thomas ne put s'empêcher de ricaner. Sylvain poursuivit, d'un ton plus sérieux.
-Ton père n'était pas remplaçable, et je savais que revenir en France foutrait plus le dawa qu'autre chose. Marc était LE leader, Félix LE stratège, et moi LE dresseur. Mais si tu enlèves un rouage à cette petite usine, plus aucune pièce ne marche.
-Un leader…
-Ton père était un leader, pas moi.
-Et la deuxième raison qui t'a fait rester ? T'étais où au fait ?
-En Italie. Je vivais dans un vieil hôtel, et je faisais des ptits boulots. Mais un jour, Félix m'a invité à Paris, il avait lu tous, enfin presque tous les bouquins de la bibliothèque de ton paternel, et voulait me les montrer.
-Surtout ce qui concernait Alaok.
-Ouaip, entre autre.
-Mais vous étiez pas allé à Yona-Thang tous les trois avants ? Vous connaissiez déjà l'existence du Pokémon, et ses pouvoirs !
-Ouais, déjà ton père à l'époque nous avait parlé de sa soi-disant ligné avec Baraïto. Ca nous faisait bien marrer tous les trois. Mais ce que je savais pas, je l'ai appris en lisant le journal de ton père. Le coup du moine qui lisait dans les pensées… Au départ j'y croyais pas, mais Bratin n'était pas du genre à mettre des âneries dans SON journal.
-Vous lisiez quand même les affaires persos de mon père.
-Euh… Ouais, mais bon, c'était pour la bonne cause, et on a passé les passages euh… Enfin les trucs avec Luna.
-Hein ! ?
-Laisse tomber !
-Ouais, je crois ! Bon continue.
-Bon, ben du coup, ça me donne envie d'aller à Yona-Thang parler à ce moine que j'avais à peine vu lors de notre premier voyage tous les trois ensemble. Et j'y suis allé.
-Et là t'es resté, déjà que t'aimais bien le pays.
-Ouaip, mais c'est pas que pour ça.
-C'est parce que le moine t'as dit " Sylvain, je vais tout t'enseigner et tu seras des nôtres ".
-Non plus. Le truc c'est que quand je suis arrivé, Ichao m'a foutu un gros stop et m'a dit qu'il ne parlerait des détails de la légende qu'aux descendants. Mais bon, quelques jours plus tard, le temple s'est fait attaqué par une expédition de Rockets, menée par James Rocket himself !
-James Rocket ? Le créateur du mouvement ?
-Tout juste Auguste. C'est un riche baron Anglais qui a créé ce groupe de contrebande Pokémon et drogues après la seconde guerre mondiale, donnant une occasion à tous les pourris de la guerre qui étaient restés en vie et qui n'avaient plus d'occupation, de rejoindre les rangs. Tout y est rentré, secte, Nazis, Staliniens, etc…
-Je savais pas tout ça.
-Maintenant tu le sais. Enfin bon, toujours est-il que lorsque ce groupe est arrivé à Yona-Thang, c'était pour tout casser dans le temple et savoir comment atteindre Alaok sans se faire tuer par le Pokémon.
-Et là tu dégommes tous les Rockets parce que tu es LE dresseur.
Sylvain éclata de rire.
-C'est le cas. J'ai même eu le droit à un duel avec James Rocket en personne.
-Il était fort ?
-Assez, mais il était déjà atteint d'une maladie qui l'empêchait de donner des ordres correctement. Il toussait sans arrêt, alors je lui ai conseillé d'arrêter. Au final, lui et son groupe son repartit la queue entre les jambes. Et Ichao m'a gardé ici, en tant que guest star !
Une nouvelle fois Thomas se permit de rire. Il ne put d'ailleurs pas s'arrêter, son rire devenant presque une toux, puis soudain, des sanglots.
-J'en ai marre Sylvain. Je suis loin de tous mes potes, Marie me manque à en crever… et… je sais très bien ce qu'Ichao me cache.
-…
-Je sais très bien que Marie mourra dans moins d'une semaine et que là, Alaok ne pourra pas la sauver. J'ai… J'ai le droit de souffler quand ?
Sylvain se leva et écrasa sa cigarette contre le mur en ciment du temple. Il la fit tomber dans une de ses poches et s'approcha de Tom, qui, lui, s'était relevé de sa position couchée pour s'asseoir, la tête cachée entre ses mains. Il s'accroupit à son côté.
-Tu vois là, généralement le mec stylé dans les films il dit un truc super transcendantal, et le héros lève les yeux et là une étoile filante tombe du ciel.
-J'ai plus trop envie de me marrer…
-J'ai pas de truc transcendantal à te dire ptit mec. Enfin juste un truc.
Il le serra fortement dans ses bras et posa sa main sur la tête du garçon avant de descendre sa bouche près de son oreille où il lui chuchota alors :
-Courage.



Tom n'entendit que le bruit de la porte se refermer ainsi que l'odeur de cigarette se dissiper. Etrangement, il ne pleurait plus. Il essuya une dernière larme du revers du pouce et se décida à rentrer à son tour. Avant d'ouvrir la porte du temple, il regarda une dernière fois le paysage. Le mont Alaok, puis il pensa à Marie. Son pouvoir était assez impressionnant, mais il ne lui permettrait pas de se téléporter à des milliers de kilomètres, ni d'arriver directement en haut de ce mont. Finalement, il se retrouvait un peu comme un enfant qui arrive enfin à marcher, mais qu'il comprend qu'il ne pourra jamais voler.
Et si tu accordais plutôt de la confiance à ton amour plutôt qu'à ton pouvoir ? Crétin !
Le garçon ne comprit pas. Est-ce qu'il s'était parlé à lui-même ? Pourtant il lui semblait avoir intérieurement entendu la voix de Marie… mais il y avait aussi une voix plus grave, qui ressemblait à sa voix.
Je deviens fou, complètement fou. Même si je sauve Marie, mon esprit ne survivra pas.
Il ouvrit la porte du temple et plissa les yeux, quelque chose brillait au dessus du mont Alaok.




Il s'agissait d'une étoile filante.