Départ d'Hirsan
Le mécanicien du remettre ses grosses lunettes sur son nez lorsqu'il vit la liasse de billets que lui présentait Abhra.
-C'est quoi le problème, demanda celui-ci. J'ai pas assez d'argent ?
-Si, si ! Mais comment as-tu…
-Olà ! Je viens acheter des stabilisateurs, ton boulot consiste à me les vendre, c'est tout. Si ça te pose un problème je peux aller chez le concurrent si tu le souhaites !
-C'est bon, je vais te chercher tes pièces Abhra !
Le gérant partit, laissant seuls Thomas et le pilote qui arborait un sourire triomphant.
-Je ne sais pas qui tu es, mais j'avoue être impressionné par tes relations !
-Je ne…
-Enfin bon, peu importe, le principal c'est que j'ai enfin ces pièces !
Tom fronça les sourcils.
-Tu n'oublies pas notre marché …
-T'inquiète, on peut partir pour Lhassa dans une semaine, mon emploi du temps me…
Tom le prit par le col et le projeta, tout en le tenant, contre un amas de pièces métalliques. Il y eut un gros bruit, Abhra tenta de se dégager de la poigne de fer du garçon.
-Tu m'as dit qu'on partirait le plus vite possible !
-Oui mais il faudrait que je…
-On a fait un marché ! Si tu ne peux pas me conduire à Lhassa, je te tue ! C'est clair ? JE TE…
Le retour du gérant de la boutique devant son comptoir fit se taire Thomas. Il lâcha Abhra pour que celui-ci puisse aller récupérer le matériel qu'il venait d'acheter. Après avoir payé, ils partirent tous les deux vers le garage du pilote, sans se parler une seule fois durant le trajet. Une fois devant le bâtiment, l'indien tira une chaîne métallique rouillée et les épais rideaux de fer se levèrent doucement. Tom se passa une main devant la figure.
-C'est cette chose qui doit nous emmener là-bas ? C'est une blague.
La porte du garage désormais ouverte laissait voir un petit avion à hélice beige et assez sale.
-Tu te fiches de moi ! Le Jetska 8 est l'avion le plus sûr de toute l'Inde ! Jamais eu d'accident avec.
-Pourquoi 8 ? Il y en a eu 7 autres avant ?
-Euh… oublions ça, répondit Abhra avec un sourire crispé. Bon, Tom, j'ai bien réfléchi, si tu m'aides dans l'installation des pièces, on peut partir demain à l'aube. Si on vole bien, on peut arriver à Lhassa dans la nuit, voire dans la soirée. C'est un vol suicide diraient certains, mais théoriquement à plein gaz je pense qu'on peut y être en un jour
Toute la fin de la journée, Tom et Abhra réparèrent l'avion, malgré la chaleur accablante qui les obligea à se mettre torse nu. L'appareil était presque opérationnel lorsque Thomas, qui avait rapidement compris le travail à faire sur l'engin, reçut une grosse flaque de cambouis sur le visage alors qu'il vérifiait le ventre de l'appareil, allongé.
-PUTAIN !
-Ahahahahah ! Et bien je crois que t'as trouvé le responsable de ces petits bruits que faisait Jetska 8 au décollage. Saleté de mazout, tiens voilà un chiffon.
Il lui lança un torchon. Tom l'attrapa, sortit de sous l'avion, se leva et s'épongea le visage.
-Bon, je crois que j'ai tout vérifié, et ça a l'air d'aller.
-Parfait, ce que je te propose Thomas, c'est de dormir ici, dans le garage, pour partir plus tôt demain.
-J'ai la dalle !
-Pas de soucis j'ai des boîtes de conserves dans l'appareil.
-… génial, enfin bon, c'est toujours mieux que rien.
Ils s'endormirent, peu de temps après avoir mangé.
* * *
Thomas courait et courait encore, poursuivant la personne au beau milieu d'un champ de coquelicots et de tulipes. Tout en courant il faisait s'envoler les pétales qui flottaient doucement dans cet espace arrosé de soleil. Il courait plus vite qu'elle et la rattrapa progressivement. Il se jeta alors dessus et la fit tomber. Ils rirent tous les deux, tout en roulant dans le champ de fleurs. Les pétales et le pollen s'accrochaient à leur peau nue et firent même éternuer Tom.
-A tes souhaits mon biquounet, fit la personne. Je t'aime…
-Moi aussi je t'aime Maxime.
* * *
-AAAAAAAAAH !
Tom se leva d'un coup. Il passa la main derrière sa nuque, il s'était endormi sur les boîtes de conserves vides. Abhra le regarda du coin de l'œil, il passait un coup de chiffon sur la vitre du cockpit.
-Cauchemar ?
-Sacré cauchemar…
Quel rêve idiot, je dois vraiment devenir dingue.
Abhra jeta son chiffon sur la caisse à outil la plus proche.
-Bon Tom, j'ouvre la porte du garage et ensuite on pousse Jetska 8 dehors.
-Elle peut pas avancer toute seule ton épave ?
Le pilote ferma les yeux et fronça les sourcils, il dut se retenir pour ne pas crier sur Thomas, mais finalement ne fit aucune remarque.
En deux minutes, l'avion avait été sortit de son hangar et la porte refermée.
Les deux hommes s'installèrent dans l'appareil l'un à côté de l'autre. Tout en souriant, Abhra mit ses hublots, une grosse paire blanche qui lui donnait un air franchement singulier.
-Allez Jetska 8, c'est parti !
Il mit le moteur en route et l'hélice située sur le nez de l'appareil se mit à tourner, d'abord doucement, puis de plus en plus vite, jusqu'à ce que le sens de giration des pales ne soit plus perceptible pour l'œil humain. Le pilote tapota la boussole sur le tableau de bord.
-Est. On suit cette direction et ce soir on est à Lhassa mon ami !
-Perdons pas de temps.
L'avion avança, de plus en plus vite, sur la petite parcelle de terrain qui entourait le garage d'Abhra.
-Euh, ta cours est pas un peu petite pour un décollage ?
-Si, mais ça suffit la plupart du temps !
-Euh… BORDEL !
La clôture de la propriété arrivait à pleine vitesse et l'avion n'avait toujours pas décollé. Au dernier moment, celui-ci prit de l'altitude, évitant la barrière de quelques centimètres.
Tom ne put s'empêcher de regarder par la vitre du cockpit la petite ville d'Hirsan qu'ils quittaient et qui se faisait de plus en plus petite.
-Le spectacle mon ami, c'est plutôt droit devant.
-Hein ?
Thomas regarda dans la direction que lui indiquait Abhra et fut soufflé par la beauté du paysage. A quelques kilomètres d'eux se trouvaient d'immenses montagnes dont certaines étaient enneigées. Une sorte de brume blanche empêchait de voir la suite de la chaîne montagneuse qui se devinait pourtant facilement, encore plus grande et plus blanche.
-Ce brouillard blanc c'est la fameuse tempête en haute altitude qui empêche tous les longs courriers de survoler l'Himalaya en ce moment.
-Ah…
-T'inquiète, la limite c'est ce brouillard. Au dessus c'est l'horreur, mais nous on sera tranquillement en dessous, rien à craindre. En fait, la vraie tempête est au dessus de cette brume, les pressions sont telles qu'on serait broyé en deux secondes si on y allait.
Tom fut rassuré de constater qu'Abhra pilotait bien, très bien même. Il n'eut aucun mal à survoler les premières collines et les premières montagnes qui ne demandèrent pas beaucoup d'efforts à l'appareil. Cependant, au bout de quelques heures, de gros massifs apparurent, et un frisson parcouru le dos de Tom lorsqu'il regarda au dessus d'eux la grosse masse blanche qui représentait un grand danger pour leurs vies.
-On est assez loin de la tempête là Abhra ?
-Bien sûr ! Tu sais, elle est vraiment au dessus des montagnes. Et ici les monts culminent à plus de 8.000 mètres pour certains.
-Pfiou, alors rien à craindre !
Un petit sourire apparut sur le visage de l'indien.
-Et bien disons… Tu t'y connais en météo ?
-Pas vraiment.
-Disons pour faire simple que si on se colle de trop près à cette brume, on risque de se faire aspirer par ce qu'il y a au-dessus.
-Ah… oké… Super.
* * *
Moi aussi j'aimerais bien… Disons ce soir… mine de rien, ça fait depuis le retour du voyage qu'on s'est pas vu.
Un léger sourire apparut sur son visage. Il rangea son portable dernier cri après avoir lu le texto et appela le serveur pour l'addition. Après avoir réglé, il se leva et marcha un bon quart d'heure, d'une allure modérée, vers le centre ville de Monche-Ville. Le garçon avec qui il avait rendez-vous l'attendez déjà, le dos appuyé contre le mur d'une maison.
-Pile à l'heure, fit-il.
-Je suis toujours à l'heure.
Ils se serrèrent la main sans trop de conviction.
-Alors, demanda Maxime. As-tu réfléchi à leur proposition ?
-Oui.
-Léa et son père sont prêts à payer cher pour que tu intègres les Antis, preuve qu'ils tiennent vraiment à Marie.
Jérôme rit :
-Je ne suis pas un détective privé, je n'ai rien à faire de cet argent.
-Ah…
-J'accepte de vous aider parce que je connais cette fille et ce gars, et que je les classe dans le groupe " amis ".
-C'est tout ?
-J'avoue être aussi très intéressé de pouvoir casser du Rocket.
* * *
-Maître, maître !
-Oui ?
-Numéro 5 a été tué par le meurtrier français, David Rain.
-C'est normal.
La jeune femme déglutit.
-Très bien maître, que dois-je ordonner à présent ?
Le Caïd Indien la regarda de ses yeux noirs quelques instants puis s'allongea profondément dans son gros fauteuil en satin.
-Hannot m'a avoué avoir envoyé quelques-uns de ces hommes, imitons-le.
-Bien maître, nous ne nous laisserons pas distancer par les français.
La jeune femme se releva et partit précipitamment. L'écran d'ordinateur s'alluma quelques secondes plus tard. Le Caïd Indien s'inclina immédiatement devant l'image. Une voix calme et douce sortit des enceintes.
-Birnesh, vous avez donc décidé d'envoyer vous aussi des troupes pour arrêter ce jeune homme ?
-Lord, vous nous écoutiez ?
-N'oubliez pas que j'ai l'œil sur tout ce qui se passe dans notre organisation, Birnesh.
-Ah…
-Birnesh, selon vous, pourquoi Hannot envoie-t-il un tueur à gage ET ses hommes ?
-Certainement pour éviter d'avoir à payer le tueur si ses hommes suppriment ou capturent Bratin avant lui. Ou peut-être parce qu'il ne lui fait pas totalement confiance.
-Exact. Et vous ? Quelle est votre raison ?
-Je…
-Montrer à Hannot que les Rockets Indiens sont aussi, voire plus, compétent que leurs homologues Français ?
-Oui, c'est exact Lord, mais…
-Père est fatigué de ces incessantes querelles inter-Rocket. Veillez à ne pas trop le fatiguer davantage, la maladie le fait suffisamment souffrir.
-Je suis désol…
-Peu importe. Lorsque père sera mort, je ne serai pas aussi clément que lui, alors si vous devez agir, faites-le, mais ne vous ralentissez pas les uns les autres, sinon…
L'écran s'éteignit. Le gros Caïd transpirait et du déboutonner le haut de sa chemise blanche tellement la chaleur lui était devenue tout à coup insupportable.
Il prit rapidement son téléphone.
-Oui maître ?
-Passez moi le chef de l'escouade que j'ai envoyé hier.
-Oui maître.
-Numéro 8, j'écoute.
-Ecoutez-moi bien Saffirin, oubliez le plan de tuer Bratin à tout prix. Joignez-vous le plus rapidement possible aux forces envoyées par le Caïd Français, mais n'entrez surtout pas en concurrence avec eux. C'est un ordre !
-Oui, c'est compris maître, mais sont-ils au courant de leur côté ?
-J'appelle Hannot immédiatement.