Imbattable
-Aaaah. Il faut dire que c'était délicieux.
-Ouaip, et ce restaurant est pas cher du tout. Bon, maintenant allons acheter ces pièces.
-T'as raison, on a pas de temps à perdre.
Les deux hommes sortirent du restaurant après avoir salué le patron, un ami d'Abhra. Alors qu'ils marchaient, celui-ci demanda à Tom :
-Tu m'as dit que tu n'avais qu'une carte bleue ?
-Ouaip.
-On est pas à New-Delhi là, personne ne prend la carte bleu.
-J'ai que ça.
-Y a pas de banques dans le coin en plus... La seule personne qui pourrait accepter ta carte n'est pas très fréquentable.
-Ah...
-C'est un mafieux, un fils de colon anglais qui doit avoir la cinquantaine. Il habite dans une maison en bordure du village.
-T'as l'air moyennement motivé pour y aller.
-Exact, mais c'est notre unique moyen d'avoir l'argent pour ces pièces.
-Alors allons-y.
En moins de vingt minutes, ils étaient arrivés devant une grande maison avec un jardin imposant devant.
-Il doit pas être pauvre ce type, commenta Thomas.
-Non, c'est un des plus riches. Il a battit sa maison ici, ça ne lui a pratiquement rien coûté car Hirsan est un village pauvre. Et puis il est bien plus tranquille ici qu'à New-Delhi ou dans d'autres villes importantes.
Tom sonna à l'interphone. Quelques secondes après, une voix grave répondit :
-C'est pour quoi ?
-C'est pour un retrait.
-Les derniers brigands qui ont voulu me voler sont repartis avec leurs têtes dans leurs mains.
Une grosse goutte de sueur coula derrière la nuque d'Abhra. Tom, peu impressionné par cette menace, répliqua :
-On c'est mal compris, j'ai une carte bleue et je sais qu'il y a qu'ici que je peux retirer.
-Pfff, encore un touriste à la noix. Pourquoi ne pas avoir retirer à Delhi ?
-Parce que je suis pressé putain !
-...
La porte grillagée s'ouvrit dans un grincement sinistre. Deux hommes à lunettes et en costume noir sortirent de la maison, mitraillette à la main, et se dirigèrent vers Thomas et Abhra.
-Allez-y, fit un des types en pointant son arme vers la maison.
Abhra tremblait des pieds à la tête et suivait Tom qui lui marchait d'un pas décidé. Ils entrèrent finalement dans la maison, gravirent quelques marchent, avant d'arriver dans un hall somptueux, décoré de tapis indiens et autres décorations étincelantes.
-Première porte à gauche, fit un des types armés qui préférait visiblement rester derrière Thomas et Abhra plutôt que de leur ouvrir le chemin.
Ils s'exécutèrent et ouvrirent ladite porte. La pièce qui apparut devant leurs yeux était légèrement moins décorée que le hall. Un petit bureau y trônait, et un homme aux cheveux courts et blond, bedonnant et les pieds sur son bureau, les attendaient. Il fit un signe de la tête à ses deux hommes qui refermèrent la porte et s'en allèrent, laissant seul leur chef avec ces deux inconnus.
Le type enleva ses pieds de son bureau, rapprocha sa chaise et alluma un gros cigare qu'il porta à sa bouche.
-M'alors... vous voulez retirer de l'argent ?
-Oui et rapidement.
-T...Thomas ! Chuchota Abhra.
C'est pas possible, il va nous faire tuer, pensa-t-il.
-Vous avez l'air décidé jeune homme. Vous savez qui je suis au moins ?
-Mwé, on m'a dit que vous étiez un ancien mafieux qui avait pris une petite retraite ici, mais j'en ai rien à faire de savoir qui vous êtes, je veux du fric, tenez, ma carte.
Il joint le geste à la parole et tendit sa carte bancaire à l'homme. Voyant que celui-ci ne la prenait pas, il la jeta sur le bureau.
-Je prends un gros intérêt sur les virements. Surtout pour les touristes...
-Prenez ce que vous voulez.
-Y a de l'argent sur ce compte ?
Pas grand chose héhé... Mais ça tu peux pas trop le savoir.
-Oui, pas mal.
-On va voir.
Cette fois-ci Thomas eut un frisson. Il n'avait pas remarqué le petit ordinateur portable du type. Celui-ci avait pris la carte bleu, et sans même regarder le nom, avait tapé le code inscrit sur son clavier. Un sourire parcourut son visage rond.
-Héhé, c'est pas très intelligent de se moquer de moi comme ça. Seulement 300 euros, ce n'est pas ce que j'appelle " pas mal d'argent ".
Ca y est, on va mourir, pensa Abhra.
Le mafieux ouvrit un tiroir, en sortit un pistolet et le pointa sur Thomas. Il continuait de lire ce qu'il y avait sur son écran.
-Et bien, vous n'êtes pas très riche, Monsieur…
Il plissa les yeux pour mieux lire le nom écrit sur l'ordinateur. A moment même où il prononça le nom de famille de Thomas, ses yeux s'ouvrirent en grand et sa voix changea immédiatement.
-Bra… Bratin ?
Il eut alors un sourire et rangea immédiatement son pistolet.
-Il n'y a pas d'erreur, reprit-il, banque à Monche-Ville, France… Tout correspond.
-Qu'est-ce qu'il se passe encore, demanda Thomas, énervé.
Le type leva enfin ses yeux bleus en direction de Tom.
-Il se passe que j'ai devant moi, le fils d'un de mes anciens collègues.
Thomas fronça les sourcils, alors que Abhra ouvrit de grands yeux.
-Vous connaissez mon père ?
-Marc Bratin, il est venu ici il y a pas mal d'année… Il allait au Tibet si je me souviens bien. Pendant son voyage, il a profité de son passage à New-Delhi, où je vivais encore à l'époque, pour créer des liens solides avec mon… organisation.
-Vous êtes des mafieux, comment les Antis peuvent s'allier avec vous ?
-Oh ! Vous savez, il y a pire que mon organisation. Nous sommes des enfants de chœurs par rapport à certaines, comme les Rockets par exemple.
-Ah bon ? Vous étiez prêt à nous tuer y a deux minutes ! Fit Abhra qui prenait pour la première fois la parole.
Le blond le regarda froidement.
-Toi, tu n'es le fils de personne de connu, alors ferme là sinon je te descends…
Abhra déglutit bruyamment et l'homme reposa ses yeux sur Thomas.
-Je disais donc que nous avons certaines valeurs qui ont fait que les Antis ont signé une alliance avec nous. Enfin… venons-en au fait… Tu veux combien ?
Thomas pencha la tête sur le côté, vers Abhra.
-Hein ? Moi ? Euh… vu le prix des pièces, je dirais hmm… 56 mille roupies.
-Et ça fait combien en euros ça ?
Le type joint les mains, posa les coudes sur son bureau et laissa tomber son menton sur ses doigts, comme s'il réfléchissait.
-Disons que ça fait un peu plus de mille euros… C'est une somme assez importante. Je suis d'accord pour te filer l'argent, à une seule condition.
-Laquelle ?
-Quand ton père est venu, j'étais encore jeune et en … forme. Disons que j'étais pas aussi gras qu'actuellement. Et j'ai tout de suite vu que c'était un dresseur. Le combat que nous avons fait était très beau, et ton père a gagné, d'un cheveu.
-J'ai pas le temps pour un combat…
-Tu veux cet argent oui ou non ?
-Très bien, soupira Thomas. Alors je serai rapide…
Quelques instants plus tard, les trois hommes étaient dans la grande cours de l'immense propriété, surveillés par les deux hommes en noirs, toujours armes en main.
-Au fait, je me présente, je suis Ike Stenford.
-…
Ike sortit une Pokéball, l'agrandit en cliquant sur le bouton central et sortit son Pokémon en même temps que Thomas.
-Go Héliatronc !
-…
Le regard du Tortank de Thomas était saisissant. Non pas qu'il était rare de voir une telle rage de vaincre dans les yeux d'un Pokémon de cette trempe, mais ce qui choqua le plus Abhra ainsi que les autres personnes présentes sur le terrain fut cette ressemblance frappante avec le regard de son dresseur. Ils n'étaient pas au bout de leurs surprises.
-Héliatronc, Monsieur veut rapidement en finir, alors exécute un de tes plus beau Lance-Soleil !
Le Pokémon plante inclina sa grosse tête de tournesol en arrière. Celle-ci se mit alors à briller, puis l'Héliatronc redressa le crâne et une sorte de rayon orange en sortit, se dirigeant vers le Tortank de Thomas.
Abhra ne connaissait pas grand chose en dressage. De plus, il n'avait jamais vu l'un ou l'autre des deux opposants se battre auparavant. Cependant, il ne faisait aucun doute que vu la vitesse à laquelle le Pokémon de Ike avait lancé une attaque pourtant lente à charger, et étant donné que le gros Pokémon de Tom n'avait pas fait le moindre geste pendant ce temps, l'avantage était irrémédiablement à Ike.
Le Lance-Soleil allait s'abattre sur le Tortank lorsque Abhra crut apercevoir un phénomène assez étrange. Pendant quelques secondes, il crut voir une sorte de nuage bleu recouvrir le corps de Thomas et rejoindre celui de son Pokémon. Mais l'aviateur n'eut pas le temps de réagir car un bruit de verre qui explose le refit se concentrer sur l'attaque en question.
Le rayon du Lance-Soleil était toujours là, il avait prit une teinte bleu pâle et était resté figé. Son extrémité avait explosé avant même d'atteindre le Tortank. Celui-ci, la tête en avant, regardait le rayon, essoufflé, signe évident qu'il venait de lancer une attaque. En voyant la vapeur d'eau s'échapper de la gueule du Pokémon, Stenford comprit ce qu'il s'était passé.
-Un Laser-Glace au dernier instant ? C'est intelligent et très bien fait… Cependant, Héliatronc possède…
-Plutôt que de bavarder, le coupa Tom, sors ton autre Pokémon.
-Hein ?
-Ton Héliatronc n'est plus capable de quoi que ce soit.
Douglas regarda son Pokémon plante. Celui-ci était bleu, tout comme le laser qui sortait de sa tête. Son attaque Lance-Soleil avait servi de lien pour que la glace émanant de Firsty atteigne l'Héliatronc ennemi. Celui-ci était donc complètement gelé, impossible de poursuivre le combat. Stenford rappela son Pokémon.
-Pas mal le coup de chance. Le deuxième Pokémon sera plus difficile à battre ! Cornèbre, Go !
-Alakazam !
-Héhé, j'ai l'avantage du type…
-Tu l'avais à l'instant et je t'ai pourtant balayé… répondit froidement Tom.
Stenford fronça les sourcils. Quel gosse désagréable. Rien à voir avec le caractère sympathique et ouvert de Marc Bratin.
-Cornèbre, Feinte !
L'oiseau s'envola rapidement, suivi par une traînée noire. Il décrivit plusieurs cercles dans le ciel avant de fondre tel la foudre vers le Pokémon psychique de Thomas.
Cette fois ce ne fut pas qu'Abhra qui vit le phénomène, mais aussi Stenford et ses deux gardes du corps.
De Tom s'échappa une aura bleue qui rejoignit en une fraction de seconde le corps de l'Alakazam. Celui-ci envoya au même moment un violent coup de coude à son opposant en un centième de seconde. Le Cornèbre, hébété, voleta dans les airs, essayant de reprendre ses esprits.
Toujours sans un mot, Tom ''ordonna'' à son Pokémon de frapper le Cornèbre. Alakazam sauta au dessus de l'oiseau, grâce à un bond spectaculaire, et le fit s'écraser d'un violent coup de crâne.
Complètement ébahi, Stenford rappela son Pokémon.
-Vous faites un beau duo, vous connaissez vos enchaînements si bien que tu n'as pas besoin de donner d'ordre à ton Alakazam, admit Ike Stenford.
-Qu'est-ce que tu racontes ? J'ai tellement crié mes ordres que j'en ai mal à la gorge !
Tellement crié ? Se demanda Abhra. Mais il n'a rien dit. Seulement cette… vapeur qui est sortit de lui. Il ne s'en rend pas compte ou quoi ?
Stenford eut un sourire.
-Bien, tu as gagné. M'accordes tu un dernier combat ?
-Non.
-Dommage…
Quelques minutes plus tard, tous étaient à nouveau dans le grand bureau de Stenford. Celui-ci tendit les billets à Thomas qui voulut les prendre et tira dessus. Visiblement, Stenford ne voulait pas les lâcher.
-Tu es meilleur encore que ton père en dressage, cependant je voudrais savoir si…
-Faut que je passe aussi un interrogatoire pour avoir ce fric ?
Douglas fronça les sourcils et lâcha la liasse que. Tom tendit l'argent à Abhra qui rangea les billets dans sa sacoche brune.
Alors que le garçon se levait pour partir, Stenford l'attrapa par le bras.
-Attends !
-Quoi encore ? Demanda Tom énervé.
-C'est étrange mais ton père n'avait pas ton caractère… Et c'est dommage parce qu'il m'a vraiment semblé sympathique pour le peu que je l'ai vu. Je comprends que son décès t'ait…
-Je me fous de mon père, maintenant salut !
-… Dommage, tu sais, la sympathie de ton père n'est certainement pas étrangère à l'alliance entre mon organisation et les Antis…Enfin… Bon voyage à Sherp'Inbrat.
Tom eut un sourire. Comment se faisait-il qu'il savait ? Peut-être par simple déduction, peut-être parce qu'à l'époque, Marc avait dit où il voulait aller… En temps normal Tom aurait été étonné, mais plus rien ne pourrait le troubler désormais. Le garçon ne voulut pas faire plaisir à Stenford en prenant un air étonné, ni même en haussant les sourcils.
-Je ne vois pas de quoi tu parles, adieu.
Il partit, suivi d'Abhra qui se demandait ce qui pouvait bien se passer.