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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 26/09/2009 à 16:21
» Dernière mise à jour le 26/09/2009 à 16:21

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 35 : Des condoléances
Bouh ! Qu'est-ce que j'ai eu du mal à l'écrire celui-là, en plus j'étais malade donc ça n'a pas aidé…Enfin bon il est là, le chapitre de transition, je ne vous ai pas fait une fin sadique parce que…Parce que j'avais pas envie. Voilà c'est dit, bon je vous laisse avec ce chapitre en vous souhaitant une bonne lecture, puis je vais me recoucher.

Bisous !


-Chapitre 35-

« Attends, laisse-moi vérifier, si j'ai bien tout suivi….Ton pokématos est tombé en panne, comme par hasard, au moment où Carmin sur mer s'est faite attaquer. Mais tu n'y étais pas. Comme par hasard tu t'es retrouvée à l'extérieur, pour rejoindre Lavanville, et comme par hasard, une bande de pirates est venue te proposer un voyage de trois semaines, une occasion unique, à la seule condition que tu n'en parles pas avec tes amis…. »

-Oui tu as tout suivi !

Eléanore rigola gentiment devant le visiophone de l'hôpital, ravie, très fière de l'excuse qu'elle servait à Régis. Lequel la fixait avec un air ahuri, le sourcil droit tiquant nerveusement.

L'adolescente, après le réveil de Samantha, était venue avec elle, prendre des nouvelles de Silver. Cependant, elles n'avaient pas pu le voir, lui ni personne d'ailleurs, un grand type portant une cape et se prenant très certainement –d'après Eléa- pour un super héros, avait interdis toute visite aux blessés. Akira et Angèle compris. Yoann était venu s'excuser, mais cela n'avait rien apporté de plus. Bref, la gamine n'avait plus eut d'excuse à sortir pour ne pas appeler ses amis leur donner des nouvelles.

Toute façon, elle n'avait jamais été douée pour trouver des excuses.

-TU CROIS VRAIMENT QUE JE VAIS GOBER CA ? TU M'PRENDS POUR UN IMBECILE OU QUOI ?
-Oui !

Régis blêmit, fauché dans sa colère. Eléanore réalisa sa bourde, vira à l'écarlate et bafouilla :

-Enfin ! Oui j'espérais que tu goberais ça, non je ne te prends pas pour un imbécile !!

Le savant plissa les yeux rageusement et se plaqua la main contre son front en poussant un gémissement furieux.

-Si ça peut te rassurer, mon excuse c'est pas la pire, je sais pas ce qu'à Sam, mais depuis qu'elle s'est réveillée elle divague sur un voyage inter-dimensionel ou temporel, j'avoue que j'ai pas bien compris ! J'crois qu'elle s'est pris un coup sur la tête !
-Eléanore…Marmonna Régis.
-Puis elle se met à pleurer sans raison d'un coup « splash », c'est la grande marée ! L'ignora la gamine, paraissant très enthousiaste.
-Eléanore ! Insista le petit-fils de Chen.
- Puis j'pouvais compter sur personne d'autre pour trouver une excuse, Ils sont tous soit dans les vapes, soit complètement maniaco-dépressifs, y-en a même un, j'crois qu'il est en délire toxico, il me fixe avec des yeux gros comme des billes de billard ! J'te jure, j'aurais pu trouver pire comme excuse, mais j'ai pas eus beaucoup d'aide !
-ELEANORE ! Rugit son ami d'enfance, le visage fermé, furieux. –TU te rends compte au moins de la gravité de la situation ? Tu as disparue trois semaines ! TROIS SEMAINES ! Tu imagines un peu l'inquiétude que j'ai eue ? Je…je t'ai cherché partout ! Il aurait pu t'arriver n'importe quoi, je ne l'aurais peut être jamais su ! Qu'est-ce que je suis censé dire à tes parents ? Les regarder en face ? Je savais où étais votre fille depuis le début, mais je l'ai laissée continuer et maintenant, elle est peut être morte, tuée par une bande de criminels sanguinaires ? Tu crois sincèrement que je vais pouvoir leur dire ça ? –sa voix se craquela- Bon sang Eléanore, dis moi ce qui t'es arrivée ! La vérité cette fois !

La jeune fille vit le visage de son camarade se crisper, puis se décomposer peu à peu pendant son discours, l'anxiété marquant plus profondément ses traits encore. Il paraissait las, atterré par l'attitude de son amie. Cette vision de lui, aussi épuisé, attrista Eléanore et pour la première fois, dans la conversation, son sourire s'évapora.

-Y-a rien à dire, je sais pas ce qui m'est arrivée. Lâcha-t-elle lourdement en baissant les yeux. –Excuse-moi, je vais appeler Daniel et Lucas aussi, à plus tard.

L'écran se teinta de noir avant même que Régis ait assimilé sa réponse, et d'un geste mécanique, Eléa composa le numéro du pokénav de Daniel. Un grésillement accompagna le signal sonore montrant le début de la conversation, et la frimousse de son ami se dessina lentement devant elle. A peine fut-il apparut, qu'un sourire orna son visage et il souffla, avec une voix d'où le soulagement perçait :

-Coucou ! Ca va ?

Eléanore ricana, émue. Elle aimait cette sollicitude, celle de ne faire comme si rien ne s'était passé, d'attendre juste sagement qu'elle lui en parle. Cette attention, lui réchauffa le cœur.

-Bof. Lâcha-t-elle avec une grimace.

Le garçon arquait un sourcil, peu habitué à l'entendre donner une réponse négative sur son état. Peut être que son silence la poussa à se confier, peut être que sa présence muette, juste son existence, la rassura, en tout cas, elle lui avoua tout. Contrairement à Régis, il ne haussa pas le ton, il ne l'arrêta pas une seule fois dans son récit, il se contenta d'écouter, d'accepter toutes les étrangetés, toutes ses bêtises, tous ses agissements impulsifs. Elle lui dit la vérité sur Miyu, sur tout ce qu'elle avait vécu, sur ses erreurs, sur l'état de Silver, Yuki et Angèle ou Sam.

Il lui avait avoué, qu'elle pouvait avoir confiance en lui, qu'il serait son confident, et aujourd'hui, elle le comprenait pleinement. Savoir qu'elle pouvait au moins partager toutes ses craintes envers quelqu'un qui ne la jugeait pas, qui ne la gronderait pas, lui conférait une émotion toute neuve. Une impression de sécurité. Miyu au dessus d'elle persiffla, lui soufflant qu'il n'allait certainement pas la croire, mais la réaction de Danny surprit tout le monde. Le jeune garçon soupira et lâcha avec un rougissement :

-Bon, je m'attendais à pire.

Eléanore tressaillit, et elle répliqua, piquée à vif :

-Silver ne s'est pas encore réveillé ! Yuki non plus…Ils vont peut être…
-Mais pour l'instant ils ne le sont pas. La coupa Daniel doucement.

Eléanore écarquilla les yeux, et transforma un sanglot qui obstruait sa gorge depuis trop longtemps, en un rire faible.

-Je n'ai pas envie de te faire la morale, tu as l'air de te rendre compte toute seule de tes bêtises. Expliqua le garçon aux yeux vairons. –Appelle Régis, si tu veux te faire gronder, moi, ce n'est pas mon fort.
-M'en parle pas, je crois que je t'ai jamais vu en colère même...Etoffa l'adolescente.
-Il m'arrive de l'être, mais je ne le montre pas, je ne veux pas attirer l'attention.
-Mais quelque fois, tu n'as pas envie qu'on te remarque, juste un peu ? Qu'on te plaigne, juste une fois, au lieu de dire, « ô Daniel qu'il est courageux, ô Daniel qu'il est gentil, lui ne dit jamais rien de blessant… ! » A la longue, c'est comme si tu n'avais pas le droit d'être malheureux, ça doit être éreintant !

Le garçon devant elle écarquilla des yeux, stupéfait, sa frimousse blanche reprit des couleurs et il émit un petit sourire en coin, touché en plein cœur, les joues rouges.

-Et toi, tu tâches toujours de cacher tes malheurs derrière un rire ou des sarcasmes, à tel point, que plus tu souries, plus on doute de quelque chose… Ca aussi, cela doit être fatiguant, non ? Tu sais, ce n'est pas parce que tu as peu de temps devant toi, que tu ne peux pas montrer quand tu es malheureuse, au contraire, si tu le disais clairement, nous pourrions tous faire en sorte de te rendre véritablement joyeuse.

Eléanore le fixa, ébahie, puis haussa les épaules avec dédain.
Ils eurent un petit ricanement commun.

-Tu me manques Danny –Avoua-t-elle d'une petite voix, presque honteuse de sa faiblesse. –J'aimerai vraiment te voir et te parler face à face.
-Moi aussi. Nous sommes à Celadopole, on va vous attendre là-bas, et quand vous nous rejoindrez, on passera la journée tous ensemble, comme à Argenta, qu'est-ce que tu en dis ? Proposa-t-il gaiement.
-Ce serait vraiment super, mais, je ne sais pas si Samantha sera en état de l'apprécier, elle semble tellement mal, c'est à croire qu'elle a vu l'enfer….
-Mais et toi, alors ? Tu m'as dit que Samantha pleurait, mais toi, tu vis ça comment ? Si c'était si horrible que ça, ça a du te toucher aussi… Demanda finalement le garçon en prenant une teinte carmin.
-Je ne sais pas. S'assombrit l'adolescente – D'un côté, j'ai beaucoup aimé combattre ces types, et leur rabattre leurs caquets, mais les choses ont tellement dégénérées. Tout à l'heure, quand Sam a repris connaissance, elle m'a suppliée de ne pas mourir. –La voix d'Eléanore se brisa- Que veux-tu que je réponde à ça ?

Les visages des enfants se voilèrent quelques secondes, les bouches tordues en une moue douloureuse. Pourtant, aux yeux de tous, on aurait pu croire qu'ils avaient juste avalé un bonbon sans saveur, alors qu'ils touchaient un domaine que même certains adultes n'abordent jamais sans larmes. Brusquement, alors que le garçon allait lui répondre avec son doux sourire, une petite tête émergea derrière son dos, Gabriel, le garçon écarquilla des yeux, poussa un cri, et rapidement, le visage de Lucas vint les rejoindre. Elle ploya bientôt sous les questions et les plus petites sollicitudes. Elle fut vite dépassée par la situation et se contenta d'émettre des monosyllabes, des hochements de la tête. Le manège dura quelques minutes, jusqu'à ce que les enfants se calment, jusqu'à ce que leurs inquiétudes se tassent, de même pour leur curiosité. Soudain, alors qu'enfin la jeune fille parvenait à balbutier quelques mots pour leur donner quelques explications, Lucas bafouilla, livide :

-Tout le monde va bien ? Où est Samantha ?

Eléa sursauta, elle lâcha le combiné et scruta le hall des yeux, blêmissant peu à peu.
La jeune fille n'était plus derrière elle, assise sur une des chaises devant l'accueil. Elle déglutit difficilement, essayant de regrouper les fragments de souvenirs, recomposant ses derniers gestes avant de téléphoner à Régis. Elle était entrée avec Samantha, elle l'avait laissée s'asseoir, puis Yoann était venu leur dire de ne pas entrer tout de suite voir les blessés, accompagné du dénommé Peter, elle avait jeté un coup d'œil à son amie pendant que le garçon était reparti en la fixant avec une grimace, et après…Après, elle ne savait plus. Elle arqua un sourcil, la peur grandissant en elle, contractant ses entrailles. L'image de l'adolescente pleurant à chaudes larmes, recroquevillée dans un coin de la chambre que Yoann leur avait prêté lui revint abruptement. Miyu, peu sociable depuis son réveil, se contenta de lui souffler : « Regarde dehors ».

Eléanore fit volte-face dans un sursaut, elle raccrocha presque instantanément l'appareil sans dire même un au revoir, et elle se rua à l'extérieur. La pluie l'assaillit dès qu'elle fit un pas sur le parvis, le vent lui fouetta le visage aussi violemment que la bise hivernale, lui faisant vibrer les oreilles. Elle contempla le paysage ravagé, déchiré par la tempête et noyé par l'averse. Elle cria le prénom de sa camarade mais sa voix étranglée ne résonna même pas, happer par la mélodie naturelle, vrombissante qui l'entourait. Elle inspira profondément, avalant malgré elle une goulée d'eau glacée, et fit quelques pas en avant les jambes raides. Cependant, le manque de visibilité, accentué par sa fatigue, et ses membres lourds, ne l'aidèrent pas, elle glissa rapidement sur une marche et s'étala de tout son long dans une flaque boueuse. Elle crachota et toussa violemment pour reprendre contenance, en vain, elle commença à trembler.

« Rentre, elle finira bien par retrouver le chemin toute seule. Toi tu vas attraper la mort avec ce temps. » Murmura Miyu, lasse, ne jouant même plus en apesanteur. Eléanore le foudroya du regard, et le tonnerre gronda au loin comme pour la soutenir. Comme si elle pouvait abandonner son amie après tout ce qu'elles avaient traversé. Elle se força à se remettre debout, mais elle ne percevait plus du tout de sensation dans le bas de son corps. Elle serra les mâchoires et s'obligea à se mettre à quatre patte, puis à sa redresser, à son grand étonnement, ses membres lui obéirent, alors même qu'elle ne les sentait pas. Titubante, les genoux s'entrechoquant, elle chercha du regard, à l'horizon, la silhouette de Samantha. Il ne lui fallut pas longtemps, elle était assise près de la fontaine qui débordait, assise, immobile, en plein milieu de la petite cascade d'un mètre à cause des bordures du bassin. Ses jambes bougeaient au rythme du courant du liquide, aspiré par la bouche d'égout, tel le siphon d'une baignoire.

Eléanore s'élança vers elle, attrapa la dresseuse par le poignet et la hissa jusqu'au hall de l'hôpital en grognant des jurons. La gamine traîna son amie un peu plus loin, vola sur un chariot une serviette et frictionna sa camarade trempée et grelottante jusqu'aux os. Renfrognée, furieuse, elle ne lui adressa pas la parole pour savoir ce que signifiait cette escapade. Pourtant, alors qu'elle se laissait faire mollement, ses cheveux s'entremêlant entre les fils spongieux du tissu, Samantha ouvrit enfin la bouche. Ses premiers mots depuis qu'elles avaient quitté la maison de Yoann. Et comme la dernière fois, sa simple voix cassée, éraillée, suffit à terroriser Eléanore, plus vivement que leurs aventures au Qg d'Opale.
-Je ne veux pas être comme Cendrillon. Souffla la jeune fille.

Eléa fixa Samantha, estomaquée, les lèvres pincées. L'adolescente soutint son regard avec ses pupilles bleus argentés, avec une mine désespérée, presque résignée. Etait-elle devenue folle ?

-Quand j'étais petite, ma mère me racontait souvent l'histoire de Cendrillon…Et moi comme une idiote, je voulais devenir comme elle, une femme qui n'abandonne pas, qui peu importe la difficulté de la tâche, la surmonte pour trouver l'amour et tout ce qu'elle n'osait même pas espérer. Continua la sœur de Silver.

Eléanore eut un rire jaune, guttural, qui ne lui plut pas du tout tant il paraissait faux, même à ses oreilles.
Sa compagne, elle, était plongée dans les souvenirs de sa mère qui lui lisait d'une voix distraite le livre tout en faisant la cuisine pour les Pokémon du centre. A l'époque, pour la gamine qu'elle était, cette femme qui parvenait à se sortir de la misère alors même que toute son existence s'acharnait à lui rappeler sa classe et sa condition, ce personnage de conte lui apparaissait plus valeureux que les super héros qui passionnaient les garçons de son âge.

-Mais, j'ai été stupide. Cendrillon n'est qu'une idiote qui attend toute sa vie qu'on vienne la sauver, soit par Jirachi, soit par son prince. Elle ne fait rien du tout de glorieux, elle est assez belle pour être aimée d'un prince et c'est tout. Constata Samantha, les yeux embués de larmes.
-T'es un peu dure avec cette pauvre Cendrillon, elle n'est pas si terrible que ça ! Toi, tu nous fais une grosse déprime. Plaisanta Eléanore, mal à l'aise devant la détresse qui frémissait dans chaque parcelle d'être de sa camarade.
-Jusqu'à présent, j'ai été assez fidèle à mon modèle, tout ce que j'ai jamais fait, c'est attendre qu'on m'aide, je pensais que la vie était un conte de fée. L'ignora superbement Samantha, les sourcils froncés.

Eléanore recula tandis que Samantha levait la tête, les prunelles flamboyantes de détermination, les mèches éparses de sa chevelure gorgées d'eau lui collant à la peau, insistants sur ses traits fins, fermes.
Plus Samantha contemplait son amie, plus elle revoyait, ressentait de nouveau cette vision de la dimension de Celebi. Bien évidemment, elle n'avait pas vu les autres choix qui s'offraient à elle, peut être étaient-ils pires que celui qu'on lui destinait, mais Samantha était sûre d'une chose : dans cet amas, dans cette toile immense qui réunissait les destins d'une vie, il devait y avoir une chance pour la sauver. Peut être qu'un seul fil existait, peut être même était-il si mince, si faible qu'on le remarquait à peine, mais il devait être présent. Et Samantha était prête à tout, tout pour le saisir, le trouver entre tous ses semblables, le dénicher et le forcer à prendre la place de ce lien rouge que suivait Eléanore. Même si elle ignorait elle-même si elle possédait une telle force, si elle était capable de réaliser ce songe fou, elle ne pouvait pas abandonner. Ses poings se crispèrent de détermination tandis qu'elle murmurait :

-Mais ça va changer, je refuse d'être comme elle ! Je refuse de me laisser porter par le destin, je vais prendre mon avenir en main moi-même, pas besoin de prince ou de Jirachi tombé du ciel !

Eléanore secoua la tête, abasourdie par ce discours. Et alors que Samantha paraissait au mieux de sa forme, lumineuse, elle éclata de nouveau en sanglot. La gamine aux couettes paniqua, peu habituée à s'occuper de personnes si lunatiques, à réconforter les esprits tristes. Elle n'était pas douée pour cela, à vrai dire, les pleurs de son ami commençait à l'insupporter plus qu'autre chose, elle n'en pouvait plus, elle ne comprenait plus rien. Et s'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était ne pas comprendre. Tous ses actes suivaient ce schéma, elle était impulsive, insouciante, du fait qu'elle ne parvenait pas à saisir pleinement l'injustice de sa maladie, pourquoi elle ? Pourquoi pas un autre ? Toutes ces questions revenaient sans cesse dès qu'elle s'arrêtait de courir, dès qu'elle se posait et examinait son propre être.
Alors voir les gens qu'elle aimait, qu'elle côtoyait tous les jours, avec qui elle parcourait ce marathon suffocant, agir tout comme elle, de manière inconsidérée, inexplicable, la rendait confuse. Elle se mettait à douter, douter de tout, du fondement même de son être.

« Mais et toi, alors ? Tu m'as dit que Samantha pleurait, mais toi, tu vis ça comment ? » Les mots de Danny sonnèrent au fond de sa poitrine, douloureusement, comme le cuivre d'une cloche secoué par le lent balancement de son propre prolongement.

Elle serra les poings et se mordit la langue en plissant les yeux.
Elle, elle voulait juste que tout s'arrête, que cet arc s'achève et qu'elle puisse reprendre la route comme de rien, rire aux éclats de nouveau en compagnie de ses amis, poursuivre naturellement le chemin sinueux de l'existence. De toute manière, le passé était le passé, il n'y avait rien à faire pour le changer, et donc rien à regretter, il ne leur restait qu'à avancer.

« Je crois que ta copine s'est pris un sérieux coup du le crâne au moment de l'atterrissage, tu ferais bien de l'emmener voir un médecin ! » Siffla Miyu, les bras croisés.

Eléanore leva le nez pour admirer le spectre, exaspéré, il paraissait pâle, plus inconsistant que jamais, il lui avait simplement dit qu'il avait besoin qu'elle se repose pour reprendre ses esprits, mais elle s'inquiétait néanmoins un peu pour lui. Il ne lui avait pas lancé une seule pique depuis son réveil.

« T'attends quoi au juste là ? Qu'elle se fasse dessus ? Tu sais les déprimés ! Moi je m'en fiche, ne fait rien, de toute façon je ne nettoie rien ! » Lâcha brusquement Miyu, dur.

Elle fit la moue, ravalant sa dernière pensée. Rouge de colère, elle attrapa le bras de Samantha et grogna :

-Allez viens, on va forcer le passage pour voir Yuki, ils ne peuvent pas nous empêcher de voir ton prof.

Miyu croisa les bras et furieux il rugit : « Dis, tu m'écoutes quand je te parle, ou tu agis juste par esprit de contradiction ! Ta copine doit voir un médecin ! ».

Eléanore ferma les yeux, et réfléchit quelques secondes, avant de sourire pour lui communiquer muettement sa réponse :

« Sam va bien, et tu n'as pas à me donner des ordres, c'est mon corps, je déteste déjà assez les hôpitaux pour ne pas m'attarder dedans. Alors, Miyu, ferme-là. »

Le fantôme siffla rageusement tandis que les jeunes filles s'aventuraient dans les couloirs, toutes dégoulinantes de pluie, un pli furieux barra l'arête de son nez et il lâcha :

« La prochaine fois tu te démerderas toute seule quand tu sauteras du toit d'une organisation de criminels ! ».

Mais la gamine balaya sa phrase d'un geste nonchalant du dos de la main et ouvrit la porte du fond du couloir. Cependant, alors qu'elle s'attendait à des cris furieux de la part des adultes, dérangés dans leurs occupations, ce ne fut pas le cas. Elle aurait presque préféré.

-Pour le garçon roux, les prochaines 24 h seront décisives, s'il ne se réveille pas pendant ce laps de temps, on peut pratiquement dire, qu'il n'y aura plus d'espoir.

La voix du médecin traitant, froide, indifférente, brisa ce qu'ils avaient fébrilement reconstruit, tel le vent emporte les minces structures d'un château de carte.

Les filles virent doucement Gold s'effondrer contre le mur pendant que le résident quittait la pièce.

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Le visage terne de Marion s'afficha sur l'écran de l'ordinateur portable de Peter, abattue, fauchée par la nouvelle, elle balbutiait doucement quelques mots incompréhensibles, ne faisant qu'épaissir davantage l'ambiance noire, étouffante de la pièce.

Eléanore et Samantha se tenaient assises un peu à l'écart, à côté de Yoann, devant le lit d'Akira Yuki, encore assoupi et sous perfusion. Elles n'osaient plus dire un mot, Samantha laissant ses larmes couler silencieusement. Elle se doutait de cette fin, n'ayant pas vu Silver dans le futur d'Eléa, mais elle n'avait pas osé l'envisager véritablement. Elle le regrettant à présent, son cœur martelant sa poitrine s'amusant à écrases les derniers fragments d'espérance qu'elle essayait de retenir en elle.

-Il ne faut pas l'enterrer de suite non plus…Bredouilla la blondinette, la cousine de Lucas, sans trop y croire.

Cristal soutenait son frère, au creux de son épaule, de large sillons scintillant le long de ses joues, elle caressait du bout des doigts son pendentif en forme de cœur d'où s'élevait une musique douce, sonnant faussement dans cette atmosphère morbide. Gold ne décollait pas, impassible depuis la nouvelle, dans la même position, à genoux, les pupilles dans le vague, il ne paraissait même plus se rendre compte de l'étreinte de sa cadette.

Angèle, avec une moue peinée, l'observait, serrant le bras d'un Christopher, réveillé et sanglotant.
Peter lui-même se tenait, la tête entre la paume de ses mains, prisonnier de ses tourments, écoutant, fixant d'un œil absent, misérable, l'écran sur lequel se reflétait la physionomie de Marion.

Son regard dériva sur Gold, qui se tenait toujours là, immobile, inerte, figé dans une expression d'horreur, en pleine tétanie. Son corps frissonna malgré lui quand une pensée le traversa.

C'était de sa faute.

Peter, ne voyait pas la peine en son subordonné ; la colère, sa propre tristesse l'aveuglait. Il ne parvint pas à faire cesser cette phrase.

C'était de sa faute.

Il fallait bien que quelqu'un soit responsable d'un tel drame, la douleur était trop grande, trop cruelle pour n'avoir aucune raison. Et le pire, le pire dans tout cela, c'était que Gold n'aurait pas à supporter les visages éplorés des proches de Silver, il n'aurait pas à l'avouer, il n'aurait pas à rayer son nom de la liste des membres de Twilight, ni de couvrir sa mort ou de préparer son enterrement. Non, Gold ne vivrait jamais ce calvaire, c'était à lui, à lui seul d'affronter tout cela.

Un gémissement s'arracha de sa gorge et il passa une main soucieuse sur son front plissé par l''anxiété. La jeune maîtresse du type glace tendit la main et se ravisa, bien incapable de réconforter son collègue si loin de lui, spectatrice de cette veillée funèbre au travers d'un labyrinthe sinueux de fils de verre.

Brusquement, le chef de la ligue se redressa et tourna des talons, faisant voltiger sa cape sur son passage, il s'approchait de la porte de sortie, et une main sur le cadre de bois, il grimaça, et siffla :

-J'espère au moins que tu es fier de toi, Gold.

Il n'eut même pas le temps de faire un pas dans le couloir, un souffle estomaqué parcourut l'assemblée, Cristal bondit sur ses jambes et lui asséna un coup de poing magistral. Le dresseur au dragon buta sur le seuil et s'étala de tout son long, les yeux écarquillés. Cristal le bras encore levé, la mâchoire crispée et le soufflant par à-coup, rugit :

-Je t'interdis de dire de telles choses à mon frère !

Et à la plus grande surprise de tous, la femme blonde, Marion, ne mâcha pas ses mots également, la frimousse sévère, elle gronda sans sourciller :

-Elle a raison, ce que tu viens de dire est tout simplement inhumain… Est-ce que moi je m'amuse à dire à mon cousin que ses parents me préfèrent à lui parce que je suis une enfant modèle contrairement à lui ? C'est juste cruel.

Peter, accroupi, une main fraiche apposée sur sa joue brûlante, ravala un commentaire, ployant sous les visages furibond qu'on lui lançait le maillon de corps se resserrant telle une barrière protectrice autour de Gold. Ses membres frémirent de fureur, vexé. Qu'avaient-ils tous à le protéger ainsi de lui ? Comme s'il était le méchant dans l'histoire ! Contrairement au brun, il avait donné des indications claires, qui n'auraient jamais du coûter la vie au rouquin. Ce n'était pas lui qui l'avait détourné de sa mission première, et c'était pourtant lui qui allait souffrir le plus de cette disparition ! Et bien, il pouvait se permettre de jouer ce jeu cruel, juste pour le plaisir de le voir souffrir, de le faire regretter, qu'il comprenne tout de même l'ampleur de son geste inconsidéré !

Le maître des dragons ignoraient à quel point ses mots avaient eut de l'impact sur le membre de twilight, combien cette vérité le mutilait. A part Angèle, personne ne pouvait imaginer à quel point l'adolescent tenait à son coéquipier, et comme sa disparition plus que n'importe qui d'autre, allait le laminer.
Du moins, aucun spectateur ne pouvait y songer avant que le brun ne relève la tête et ne murmure, brisé :

-Il a raison, s'il est dans cet état, c'est uniquement de ma faute.

Cristal pila nette et fit volte-face, la mine décomposée, son regard bleu outre mer secoué par une tempête impitoyable.

-Ne dis pas de bêtise ! Tu n'y es absolument pour rien là dedans !
-Elle a raison Gold, de toute manière, chercher un coupable dans cette affaire est un raisonnement stupide. Insista Marion.

Peter se renfrogna, irrité de voir que la blonde ne se rangeait pas de son côté.

-Non, c'est faux, c'est moi qui lui aie proposé de s'occuper des teams, de les intégrer et de leur voler leurs données au lieu de surveiller le nord de Kanto ! Tout est de ma faute. J'aurais du l'en empêcher ou au moins l'accompagner dans cette histoire ! Balbutia le brun, le soleil de ses yeux s'éteignant peu à peu derrière un rideau de pluie.

Ses épaules tressautèrent et il s'affaissa. Peter sentit un élan de culpabilité l'envahir. Voir cet enfant se disloquer par sa faute ne lui apportait rien finalement, juste un poids de plus à supporter, cela ne ramenait pas la santé à Silver, ni ne l'excusait pour ses obligations. Cela n'apportait rien de plus qu'un peu plus de souffrances. Il grimaça, honteux, plaignant amèrement ses mots, ramené à la dure réalité.

-Gold.

Cristal s'avança vers son frère, droite comme un « i ». Elle ne cachait ni ses pleurs, ni sa rage. Son aîné leva le nez dans sa direction et elle fronça les sourcils.

-Ecoute moi bien : ce n'est de la faute de personne. Ta logique est absurde, c'est comme si le jour de mes funérailles tu te blâmais, parce que tu ne m'avais pas arrêté au moment où je me suis proposée pour l'organisation. C-C'est comme si tu disais que p-papa est mort à cause de son travail ! Les seuls responsables de cette tragédie, ce sont les Teams, c'est eux qui l'ont torturé, eux qui l'ont blessé si gravement. Pas toi.
-Mais j'étais au courant de ses intentions, j'étais en mesure de l'arrêter et je ne l'ai pas fait ! S'égosilla le brun.
-Dans ce cas, si on pousse ton raisonnement jusqu'au bout, je suis responsable du drame. Lâcha doucement Peter, les yeux rivés sur les embouts métalliques de ses chaussures.

Marion derrière l'écran eut une grimace, qui devait correspondre à un sourire fier dans d'autres circonstances.

-C'est moi qui vous ai mis ensemble, et c'est moi qui ai accepté que vous entriez tous les deux dans l'organisation, c'est même moi un des créateurs de « Twilight »…Tu penses que je suis responsable de ce qui arrive à Silver ? Souffla le maître de la ligue.

Samantha retint un haut le cœur face à ce nom empli de sens dans ses réminiscences.

Les mines se damèrent, Gold baissa les yeux, sa frimousse se crispa et il se réfugia dans l'abri de ses genoux pour sangloter.

Dire, dire qu'il venait de prendre conscience des sentiments qu'il vouait à son partenaire, et la vie lui enlevait, comme ça, en un claquement de doigt. Il allait demeurer seul, écraser par le poids de ses propres constatations, sans pouvoir les partager. L'idée insensée selon laquelle Silver ne se laisserait jamais mourir s'il savait la vérité, s'il se savait aimé, le traversa fugacement. Mais il la chassa bien vite. Quel poids pouvait-il avoir sur la balance ? Pas grand-chose, si le roux avait voulu qu'on l'aime, voulu se battre pour rester en vie, il aurait déjà fait le nécessaire. Déjà, il était parvenu à se faire apprécier de lui sans même le désirer.

-Combien d'enfants, font partis de cette organisation « Twilight » ?

La question frappa chaque esprit avec la dureté d'une lame. On releva les regards, qui obliquèrent en direction d'Akira Yuki, réveillé, la mine rude, la tête reposée sur l'oreiller.
Eléanore sursauta et souffla :

-Depuis quand vous êtes réveillé, vous ?
-Depuis ma sortie de l'opération, c'est juste toujours très agréable de faire semblant de dormir, pour avoir la paix, répondit brièvement le professeur sans esquisser un mouvement.

Les faces s'irritèrent. Peter dévisagea longuement le nouveau venu, et réclama, perplexe :

-Comment savez-vous pour Twilight ?
-Répondez à ma question. Combien de gamins avez-vous dans vos rangs ? Combien d'enfants envoyez-vous à la mort comme ça ?
-Nous ne les envoyons pas à la mort ! S'emporta Marion. –Twilight est une organisation qui a pour but la justice ! Nous protégeons le monde des Teams !
-Marion ! La reprit Peter.

La blonde émit un hoquet, comprenant sa gaffe, une main sur sa bouche, penaude.
Eléanore, les oreilles grandes ouvertes, ouvrit la bouche, émerveillée, alors que Sam et Yuki affichèrent des expressions épouvantées.

-Peu importe pour quelle cause vous vous battez, le résultat est le même, vous embobinez des gamins innocents qui finiront au cimetière ! Constata froidement Akira.
-C'est faux ! Nous avons tous choisi de participer à la cause, en notre bon droit ! S'exclama Cristal.
-A votre âge, votre bon droit n'a pas plus de valeur qu'une pièce trouée…La coupa immédiatement Akira. –Vous ignorez tout de la vie et des horreurs que font ces monstres, ce type – Il pointa du doigt Peter, puis se reprit, gémissant de douleur à cause de son mouvement- ce type, joue avec vous comme un marionnettiste avec ces poupées. Il pourrait très bien devenir un dictateur plus tard, l'histoire a déjà approuvé ça.
-Vous dites n'importe quoi ! Nous œuvrons pour la justice, Peter ne sera jamais un tyran ! Hurla Marion en s'empourprant.
-Ceux qui utilisent trop souvent le terme Justice dans leurs discours sont souvent ceux qui en ignorent le sens réel. Répliqua le professeur, indifférent.

Mais Peter tendit le bras, leur intimant de se taire et il plongea son regard dans celui d'Akira. Les éclairs de la révolte se confrontèrent dans des crissements et des gémissements d'agonisants.

-C'est vrai, lâcha doucement Peter. –j'utilise des enfants pour notre organisation. D'ailleurs, à part les membres du conseil des quatre les champions d'arènes, presque tous nos membres ne dépassent pas encore les 21 ans. Mais ils ont conscience des risques qu'ils encourent, ils le font pour notre but, et pas pour moi, je ne risque en aucun cas de devenir un dictateur, comme vous le pensez. Twilight peut marcher sans sa tête pensante, sans moi, parce qu'elle est animée par un but, et non par un chef. Affirma-t-il ; légèrement décontenancé.

Akira pourtant, ne perdit en rien de hargne, il se contenta de garder le silence, tout en cet homme sans la moindre compassion pour lui. Il avait enseigné à des gamins dans des salles bondées, lui plus que quiconque connaissaient leurs caractères influençables. Ces petits visages riant, se foutant royalement des cours qu'on leur dictait ou au contraire très studieux, tous, sans exception agissaient pour des raisons personnelles, des lois naturelles dont ils ignoraient eux même la provenance. Une seule faute, une seule caresse de travers pouvait les plonger dans la déprime, ils pouvaient d'un simple battement cils effacer leurs rires joyeux, les pousser à commettre l'irréparable. Comme son frère. Chaque cri, chaque félicitation, chaque reproche, défaite ou victoire, avait un impact différent. Ils pouvaient briser une vie, comme la construire selon le modèle qu'ils désiraient. Akira observa Samantha du coin de l'œil et ses entrailles se compressèrent. Comme la petite fille qu'il avait vu s'isoler dans son coin pour étudier, qu'il avait réconforté, aidé à sortir de sa solitude. En un sens, il l'avait ensorcelée, l'avait endoctrinée, en agissant, contrairement au directeur qui lui fixait cette petite se faire maltraiter de loin.

Lui aussi, il avait agi selon une idée absurde de justice, mais lui, il ne la transformait pas en arme massive contre des bandits, il ne mettait pas sa vie en jeu, il l'aidait au contraire à pouvoir en profiter le plus longtemps possible, d'une façon bien à elle.

Peter quant à lui, ferma les yeux et les rouvrit, en contemplant Eléanore et Samantha aux côtés de Yoann, dépité.

-Puisque vous êtes au courant des dessous de l'organisation ; voulez-vous en faire partie ? Vous savez les risques que vous encourez de par l'exemple de Silver, je vous demande donc de réfléchir avant de répondre.

Eléanore, les prunelles étincelantes allait se redresser et lancer un « oui » immédiat ; ravie de dévouer son existence à une cause si juste, mais Samantha l'obligea à se rasseoir instantanément et elle lâcha froidement :

-Hors de question.

Eléanore parut aussi ahurie par sa réponse que le reste des spectateurs. Christopher et Angèle furent même totalement abasourdis. Peter recula, sonné par ce refus tandis qu'Akira félicitait son élève muettement pour son discernement. Il savait, comme il était tentant à cet âge de s'improviser héros, de croire en la gloire et la reconnaissance sans analyser toutes les épreuves qui y menaient, toutes les douleurs à traverser pour y parvenir. Ils voyaient la couronne de laurier sans penser aux magouilles politiques, aux coups bas des autres concurrents, aux efforts à fournir…

Et Samantha d'ailleurs, n'y songeait pas du tout, la seule chose qui tournait en elle était cette certitude : Twilight allait tuer Eléanore, d'une manière ou d'une autre. Cet homme, cet homme avec la cape, allait d'ailleurs en être le responsable direct. Elle devait l'en éloigner.

-Allez donc dire au revoir à Silver…Au lieu de vous souciez de votre organisation stupide. Il est mort sous vos ordres, pour votre cause insensée, ayez au moins la décence de lui dire au revoir et de le remercier. Lâcha-t-elle, acide. –Moi, je refuse d'intégrer une bande d'ingrats comme vous. Et Eléanore également.
-Mais je…Commença Eléa.
« Pour une fois, écoute l'autre, elle a raison. » Lui assura Miyu, ses yeux plissés en deux fentes furieuses : « Cette organisation les mènera tous vers une fin tragique. ».

Yoann à leur côté tressaillit, incapable de croire ce qu'il voyait et entendait.

Samantha se releva, séchant ses larmes avec sa manche, assura à Yuki qu'elle reviendrait le voir dans la soirée, et partit, entraînant son amie avec elle. La gamine aux couettes se mordilla la lèvre inférieure, puis au moment de passer devant l'homme à la cape, elle dépêtra de sa poche la clef USB qui contenait les informations du Qg d'Opale et s'arrêta. Elle se dégagea de la prise de Sam, et fit quelques pas vers Peter pour lui glisser au creux de la paume le précieux bien pour lequel Silver avait tout risqué, quitte à tout perdre. Puis elle suivit son camarade, le cœur lourd.

Au fond d'elle, elle supposait que le professeur avait raison, que Samantha réagissait de la bonne manière, mais elle ne pouvait oublier cette sensation agréable lors de leurs aventures au Qg. L'adrénaline, le danger permanent faisant battre son cœur à la mesure de la vie. Elle soupira, et essaya de se convaincre qu'elle la vivrait à nouveau, mais dans ses situations moins périlleuses. Même si cette perspective lui laissa un goût amer.

Alors que les deux filles quittaient la pièce, Peter baissa la tête et admira la petite forme, la caressant, la faisant passer entre ses phalanges comme pour affirmer sa réalité. Christopher, tout ébahi lui expliquait déjà ce qu'elle gardait avidement. Et il ne put que regretter de ne pas recruter des éléments comme les gamines. Il porta son attention sur Yoann, et murmura faiblement :

-Accompagne-les, assure-toi qu'il ne leur arrive rien s'il te plait.

Le médium hésita, puis ne pouvant décemment plus respirer dans cette atmosphère macabre, il sauta sur le sol et rejoignit les adolescentes en courant. Peter le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse, avec presqu'une lueur paternelle ancrée sur la face. Puis il soutint à nouveau le regard accusateur de Yuki en silence et soupira :

-Je vais voir Silver et le veiller jusqu'à ce…Que ce soit terminé. Qui veut lui dire adieu ?

Marion se déconnecta en guise de réponse, lui soufflant qu'elle était à disposition s'il avait besoin de parler après cette entrevue. Christopher se proposa, accablé, Cristal elle-même, leva une main hésitante après une grimace. Mais Gold ne réagit pas. Angèle clouée dans son lit, fut déstabilisée, elle balbutia, d'une voix douce et compréhensive :

-Monsieur Gold, c'est peut être la dernière fois que…
-Je sais bien ! Hurla le brun dans un sanglot.

Il se mit sur ses pieds et arracha la clef USb des mains de Peter sans les regarder.

-Je refuse de le voir dans cet état…Je veux pas le voir comme ça alors qu'il m'avait promis de faire attention…Je, je peux pas le voir dans le même état que Papa…Je vais visionner ça et essayer de savoir ce qu'ils lui ont fait, au moins, je serai utile à quelque chose.

Il prit le portable qui traînait sur le canapé de bois, le plaqua sous son aisselle et bouscula les personnes qui se dressaient sur son chemin, sans desserrer les dents ni lever les yeux. Cristal apparut déchirée entre son désir de le suivre et sa compréhension. Finalement, elle le laissa s'isoler et s'en alla d'un pas traînant voir le garçon roux qu'elle avait tant détesté et tant aimé à la fois.

Personne, à part Angèle, n'entendit les sanglots de Gold, dont le propre écho mourut dans les quatre murs de la chambre du patient.

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Eléanore resta coite, une frimousse irritée plantée dans les paumes ouvertes de ses mains, les coudes sur les genoux, ruminant de sombres pensées. Son regard émeraude rivée sur la baie vitrée du hall, les protégeant vainement des coups de vents chargés de pluie glacée.

Elle, elle voulait bien faire autre chose, elle était même prête à sauter du toit de l'hôpital –encore- pour quitter cet endroit, l'odeur âcre des médicaments, des gens malades, lui filaient la nausée tout autant que les dernières révélations. Mais Samantha téléphonait à sa mère, se rappelant brusquement qu'elle aussi, devait s'inquiéter. Bizarrement, même si ses membres tremblaient encore, comme si l'ambiance froide la tenait toujours, elle avait repris une certaine assurance, une contenance familière. Du moins en apparence.

Yoann lui en revanche commençait sérieusement à la saouler à la fixer avec un air totalement estomaqué. S'il continuait ainsi, elle ne répondait plus de rien, qu'il ne vienne pas se plaindre après s'être pris un bourre-pif. Dire qu'un type comme lui devait probablement faire parti de cette organisation, cette twilight…Elle aurait aimé participer à l'aventure elle aussi.

« Ca ne me ressemble pas d'écouter les ordres… » Songea-t-elle en fronçant les sourcils et en fixant ses pieds chaussés et trempés. Elle remarqua alors une tâche sanguinolente qui perçait peu à peu le cuir de ses baskets. Elle avait du se blesser en dérapant l'escalier, mais elle n'avait strictement rien senti. Pourtant, la blessure devait être douloureuse si sa preuve même perçait la matière qui enveloppait ses orteils. Elle caressa du bout des doigts l'embout de ses chaussures et les retira, amèrement, une grimace déformant ses traits. Depuis quand sa maladie s'aggravait comme ça ? Elle ne sentait plus du tout ses jambes, ni même un de ses bras, quelle allait être la prochaine étape ? Elle ne ressentirait plus rien du tout ? Même pas le vent fouettant son visage ?

Miyu se pencha vers elle et lui fit un sourire renfrogné avant de lancer : « Tu verras bien assez tôt ce qui t'arrivera, pour l'instant profite, comme d'hab, te laisse pas avoir par cette atmosphère. ». Eléanore leva les yeux vers lui, et instinctivement, un sourire revint se nicher au coin de ses lèvres.

Oui, pour l'instant elle profitait. Elle avait encore le temps, le choix, elle n'avait pas fait le tour de son voyage initiatique, cette organisation, elle pouvait la rejoindre après, si elle était toujours en vie. Faire plusieurs choses à la fois ne faisait que gâcher le plaisir. Pour le moment, elle devait savourer cette première initiation, la savourer pleinement.

Brusquement alors que Yoann continuait à la dévisager ; pâle, Miyu mit ses mains sur ses hanches, masses informes et brumeuses, et soupira bruyamment, les dents serrées.

-Excuse-moi de te déranger, balbutia le garçon à Eléa, intimidé par le regard du spectre courroucé. –je…je sais que tu vas me prendre pour un fou, mais, je crois que tu es possédée par un esprit !

La jeune fille arqua un sourcil, curieuse.

-E-Ecoute, je ne sais pas si l'esprit est dangereux, je ne le pense pas, donc ne panique pas…

Eléanore cette fois, écarquilla franchement des yeux, elle suivit la ligne imaginaire qui partait des prunelles hagardes de Yoann et tomba directement sur Miyu, qui lui rendait bien ses insistances avec une moue furieuse. Il pouvait le voir ? Elle n'était donc pas totalement folle ? Miyu existait réellement ?

« Parce que tu en doutais ? » S'éructa le fantôme rouge.
« Excuse moi de douter d'un spectre que je suis la seule à voir. Y-a quand même de quoi se faire passer pour un skyzo. »
«Idiote ! » S'emporta Miyu, celui-ci fit semblant de lui filer une gifle mais le bras traversa Eléanore comme de l'air et la mimine à l'air resta tendue dans le vide, comme sortant de la joue de la dresseuse de Pokémon feu.

Il y eut un silence angoissant où seul le murmure étouffé, apeuré de Yoann se fit entendre. Eléanore quant à elle, fut plutôt amusée de sa réaction, et oublia de fait le geste agressif, qui en réalité était plutôt une plaisanterie, pour lâcher :

« Vas-y on lui fait peur ? »

Aussitôt dit, aussitôt fait, après un ricanement, la tête de Miyu s'amusa à apparaitre un peu partout sur le corps de Eléanore alors que le jeune médium tentait tant bien que mal d'avoir un discours construit avec la concernée, réprimant ses envies de fuir devant son interlocutrice, ravie. Le pauvre garçon de Twilight commençait sérieusement à douter de la nature taquine de l'être qu'il voyait, frissonnant comme une feuille, il balbutiait :

-Le spectre qui tourne autour de toi…je peux le VoOOIr –Miyu venait de lui tirer la langue alors qu'il se transperçait le genou de sa porteuse, Yoann mit plusieurs minutes avant de pouvoir contrôler les battements de son cœur et continuer sa phrase –Heu, tu a-a-avais un jumeau, qui est mort malheureusement ? P-Parce que le spectre te ressemble beaucoup-p.

Eléanore leva un œil vers le plafond, et eut un rictus. Oui c'était vrai, ça Miyu avait quasiment tout de son apparence si on oubliait ses prunelles dorées et son genre. Et le fait qu'il était mort également, mais enfin cette différence n'était plus qu'une question de temps. Miyu grimaça et lança dans un souffle : « Tu as de ces façons de penser toi par moment ! Si je te ressemble, c'est parce que nous devenons une seule entité. »

Eléanore n'eut pas le loisir d'écarquiller les yeux, Yoann fit un bond en arrière en bafouillant :

-M-Mais vous vous parlez entre vous ?

Cette remarque éloigna Eléanore de sa question première, et instinctivement elle lâcha, taquine :

-Non, je me parle à moi-même, tu l'as entendu, on est une seule et même personne.

Ce ne fut qu'après de longues minutes de silence que Yoann émit un rire nerveux, suivi de près par Eléa, et qu'enfin, ils purent avoir une conversation censée. Miyu s'amusa même à ponctuer leur discussion de ses interventions pour le moins, inhabituelles. Ils rigolèrent jusqu'à en avoir mal aux côtes, jusqu'à en avoir assez, jusqu'à chasser ce nuage noir qui recouvrait aussi bien leur horizon que celui de Lavanville.

Alors qu'eux s'enfonçait dans une insouciance beaucoup plus rassurante, Samantha, elle, plongeait dans un monde noir et ténébreux, un univers informe où chaque certitude, chaque parcelle de son être devenait instable. Après avoir rassurée sa mère et servi un mensonge bancale, elle avait voulu s'intéresser à cette Holly Guardian, la mère de Silver, elle n'était qu'une enfant à l'époque de sa disparition, elle s'en souvenait donc que légèrement, surtout tous les problèmes d'adultes, sa mère en revanche, devait savoir beaucoup plus de choses sur son compte qu'elle. Cependant elle rencontrait un vrai mur.

-Je ne m'en souviens pas chérie…
-Mais c'est pas possible, tu parlais tout le temps avec elle quand elle me gardait, tu l'adorais ! Je t'ai même jamais vu parler avec une femme aussi franchement ! S'exclama Samantha en réprimant ses frissons.
-Je me rappelle effectivement t'avoir fait gardé un bon nombre de fois par une personne du village, mais très sincèrement, c'est loin tout ça, tu avais quoi, 7 ans ? 8 ans ?
-Tu peux pas te souvenir de la structure aussi complexe d'un métamorph et oublier une simple voisine quand même ! S'emporta la fille adoptive, l'infirmière Joëlle eut une moue furieuse.
-Parle moi sur un autre ton tu veux ! Tu verras quand tu seras adulte, la mémoire sélectionne des informations parmi d'autres !

Samantha s'affaissa immédiatement face à la voix rude de sa mère, elle baissa les yeux, presque honteuse de sa réaction.

-Mais enfin, pourquoi t'intéresses-tu à cette Holly Guardian, aujourd'hui ? S'interrogea la femme mûre.
-C'est peut être la mère d'un garçon que je connais, et…Et il la cherche vraiment partout, je voulais l'aider un peu. Mais comme elle a disparu de Jadielle.

Elle avala de travers sa salive, songeant une brève seconde, qu'au moins, si sa mère était en vie, elle devait apprendre tous les efforts qu'avaient fournis son fils pour la retrouver. Brusquement l'expression de sa mère s'illumina sous un nouveau jour, comme touchée par la grâce divine.

-Oh, ça par contre je m'en souviens, cette femme qui a disparu…je ne me rappelle pas clairement de son visage ou de son nom, mais ça doit être la personne dont tu parles…Oui, il me semble qu'effectivement, elle avait un enfant, un petit garçon, qu'elle allait voir chaque Week-end ! S'écria-t-elle.

Samantha sursauta et se pencha plus en avant vers l'écran, serrant convulsivement le combiné collé à son oreille, les lèvres tordues sous son impatience. Pourtant, la vision de sa mère s'assombrit, elle poussa un « oh » en un murmure peiné, avant de grimacer.

-Ah, oui, quand elle revenait chaque semaine elle avait de nouveau bleus et des blessures importantes, son mari la battait régulièrement, je lui ai proposé d'appeler la police, mais elle disait que cela retomberait sur son fils…Quand elle a disparu j'ai voulu prévenir le commissaire de cette information, mais il m'a dit que cette femme n'avait aucun état civil, qu'il était impossible de retrouver qui avait été son mari. Je suis désolée Samantha, je ne peux pas vraiment t'aider.
-Mais tu ne te souviens pas quand elle a disparu ? Comment ? S'enquit l'adolescente.
-Samantha je ne me rappelle même pas de son apparence ! Tu as une petite mine, tu travailles beaucoup trop ma chérie, tu devrais dormir un peu, dis à ton camarade que je suis désolée de ne pas être d'une grande aide. Oh- le petit Claude apporte son chenipan, je vais m'occuper de lui, à bientôt. Et surtout ne me refait plus de coup pareil ! Donne moi des nouvelles surtout en période de crise comme celle-là !

La mère ne permit même pas à sa fille de refuser, elle raccrocha avec un air sévère, n'acceptant aucune réplique. Samantha resta lasse, devant l'écran noir du visiophone, l'esprit aussi vide que l'image noir devant elle, le cœur battant au rythme de la tonalité. Elle croisa les bras en avant et posa sa tête dans le creux de ses coudes en soupirant, sentant encore une fois, pleinement, cet étau de fatigue qui l'enserrait.

Elle aussi ne se souvenait que vaguement de l'apparence d'Holly, quelques traits lui revenaient parfois, dans les méandres de ses souvenirs, mais rien de bien précis ou concis. Mais, que sa mère oublie cette femme, cette amie avec qui elle avait passé des heures à discuter, cette simple pensée l'éreintait.

Est-ce qu'on pouvait si facilement effacer l'existence d'une personne ? Tous ses efforts, toutes ses craintes ? C'était injuste.

L'image de cette voisine patiente qui lui expliquait calmement, avec un faux air mystérieux, à quel point la plume qu'elle avait trouvée était importante, la frappa. Silver avait couru après ce fantôme, il avait placé tous ses espoirs pour retrouver cette femme au visage bienveillant, et il avait perdu. Tout perdu.

Oui, c'était tout simplement, trop injuste.

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Gold ferma les yeux jusqu'à en avoir mal, jusqu'à ce que des larmes de douleurs reviennent embuées ses prunelles, les noyer, retenues par la barrière de ses paupières plissées. Mais les cris provenant de la vidéo qu'il visionnait continuait de lui vriller les tympans. Les moindres suffocations que la victime concédait dans un souffle, le peu qu'elle ne parvenait pas à retenir au fond de sa gorge, prenait des allures insupportables. Chaque son ramenait la représentation d'une scène trop souvent répétées, les mêmes questions, les mêmes plaintes étranglées arrachées sous les poings.

Un hurlement augmenta son haut le cœur et presque par réflexe il enleva son casque pour le jeter dans un coin de la pièce, loin de lui, loin de cette torture qu'il se forçait à voir. Les tremblements de son corps pourtant ne se calmèrent pas, comme pris de convulsion il n'arrivait pas à se calmer, respirant rauquement, encore secoué par la peine. Angèle posa une main désolée sur son épaule, une mine absolument désolée.

Son contact n'arrangea rien. Akira soupira, et sans détourner les yeux, il lança, froidement :

-Alors que lui ont-ils fait ?

La bouche de Gold se tordit, il crut que sa mâchoire allait se disloquer d'elle-même, serrée comme elle l'était. Ses dents grincèrent et il ne put qu'émettre un grognement faible en guise de réponse. C'était tout simplement trop dur à admettre. Il avait toujours vu Silver comme un rival, un combattant surpuissant. Il avait tant de fois courut après lui, pour le mettre au défi, pour lui prouver ses progrès, il l'avait estimé, et depuis peu, il l'aimait. C'était trop irréel.

Ses monstres s'étaient amusé à l'empoisonner, à lui briser les os, à faire bien pire, et alors qu'ils visionnaient ces horreurs, Gold revoyait leurs combats ensemble. Il se remémorait sa victoire à la route victoire sur lui, son air dépité, et sa requête à peine murmuré : « Je vais m'entraîner, tu verras crétin, alors ravale ton sourire fier, moi aussi je verrai l'autre côté du mont Argenté ! ». Bien sûr cette simple remarque avait évolué en une dispute.

Le ricanement coincé dans sa gorge se bloqua, se condensa sur cette boule d'amertume qui obstruait son gosier. Il ne parvint même pas à en rire comme autrefois. L'hypothèse même que ce genre de scène ne se produirait plus, renforça son amertume.

-Vous voulez que je regarde la suite ? Proposa Angèle, doucement.
-Non…Répondit-il d'une voix enraillée. –J'ai fini, je n'ai qu'à consulter les dossiers des choses qu'ils lui ont administrés, et…Vérifier le nom de Holly Guardian…
-Je vais le faire. Assura l'ancienne voleuse en saisissant le portable d'une main vacillante.

Gold la vit engranger son mouvement, mais il n'eut pas la force de bouger pour l'arrêter, tout son corps lui semblait irrémédiablement lourd, comme plaqué au sol par une force invisible. L'atmosphère de cette pièce était devenue irrespirable, elle aussi, il avait tant pleuré que la tête lui tournait, il avait l'impression que son visage ne devait plus ressembler à rien. Il paraissait harassé, comme venant lui aussi de subir toutes ces tortures. Akira se força à se lever de son lit et il aida Gold à se remettre sur ses jambes et à se traîner vers une chaise, près d'Angie.

Le professeur poussa un gémissement de douleur en s'asseyant, et il se jura de ne plus recommencer pareille bêtise. Plus il voyait le résultat, plus il se demandait, quel avait été leur gain dans toute cette histoire. Ils perdaient tout de même ce gamin, Samantha et Eléanore avaient des mines affreuses, lui se retrouvait avec une plaie douloureuse, et cette organisation les gardait dans leur ligne de mire. Il soupira, jetant une œillade malheureuse à Gold, qui essayait tant bien que mal d'épeler le nom d'Holly Guardian plus fortement.
-Tu devrais aller le voir…Conseilla le professeur, doucement.
-Non, je ne peux pas. Bredouilla le garçon, dont les doigts s'entrelacèrent les uns aux autres précipitamment, comme pour se rassurer.
-Tu va le regretter toute ta vie, tu le sais ça ? Le dernier souvenir que tu conserveras de lui, ce sera ces images sur leur base de données…Tu y tiens vraiment ?

Gold tiqua nerveusement, mais il lâcha, enroué :

-Non, je peux pas. Pas comme ça.
-J'ai pourtant cru comprendre que tu l'aimais, ce gamin.

Le brun sursauta et le dévisagea, mais Yuki haussa les épaules, après tout, il l'avait dit, il avait fait semblant de dormir. Gold tressaillit et son regard se posa confusément sur une table de nuit particulièrement laide, comme si c'était la 7eme merveille du monde. Akira eut un ricanement, et il caressa le bandage qui encerclait son thorax avec un pincement au cœur.

-Tu sais, j'aimerais sincèrement pouvoir te dire que je connais ça, que j'ai déjà vécu pareille situation, mais c'est un mensonge. Je n'y connais rien du tout, et je ne sais même pas ce que tu ressens. Avoua-t-il devant un Gold intimidé, intrigué.
-J'ai les bilans de tout ce qu'ils lui ont fait, avec toutes les substances toxiques qu'ils lui ont ingéré. Annonça Angèle discrètement. –Je commence la recherche sur la femme.

Gold hocha de la tête, absent, se promettant d'aller apporter ces infos au médecin traitant de Silver dès la fin de leur fouille.

-En revanche, Gold, je sais ce que ressent une personne laissé sur le côté, après la mort d'un proche. Une fois mis en terre, tu vas regretter un peu près tous les actes que tu as fait sur cette terre, tu vas chercher des liens partout, des raisons et de stupides justifications. Tu vas tenter de te rendre coupable de cette mort tout en essayant de te placer hors de cause également, parce que tu ne pourras pas supporter l'idée d'être responsable de cette tragédie. La joie des autres, et même leur peine, te semblera absurde, complètement insupportable. Tu seras seul au monde pour la première fois de ta vie. Les condoléances, les « il sera toujours avec toi », tout cela risque de te donner plus d'une fois envie de frapper quelque chose, ou juste de t'effondrer. Chaque jour, tu vas te demander ce que la personne que tu aimais aurait pu devenir, tu imagineras des dizaines de futurs possible, même des avenirs douloureux, où vous seriez fâchés, où vous ne seriez même plus amis... Mais tu continueras ça, tu continueras d'imaginer, des scénarios, parce que, l'imaginer vivant, c'est toujours plus agréable.

Akira passa une main sur son menton mal rasé, le regard perdus dans la période floue, l'enfer vécu les jours ayant suivi le faux suicide de son frère. Il avala de travers sa salive. Mais lui au moins, il avait eut la chance de voir ses vœux se réaliser, cette espoir si mince que tous porte en eux, était réel dans son cas, alors que la plupart du temps, cette lueur rongeait son porteur comme un poison.

-Tu as la chance de pouvoir lui dire adieu, Gold. La chance qu'il soit encore en vie pour le moment. Ne la laisse pas passer, parce qu'après, ce ne sera qu'une illusion. Acheva-t-il lentement.

Gold trembla imperceptiblement. Et comme pour confirmer les dires d'Akira, Angèle déclara mollement :

-J'ai le dossier de Holly Guardian. Il y a plusieurs vidéos sur son compte et pas mal d'infos. C'est bien la mère de monsieur Silver. Mais elle est morte en cellule il y a quatre ans. Ils ont jeté son corps dans le port de carmin. Il y a une vidéo qui montre ses dernières heures.

Un silence macabre s'abattit dans la pièce. Qu'y avait-il à ajouter à cela ?
Rien.
Il n'y avait absolument rien à dire qui ne risquât de rendre tout encore plus douloureux.
Ils avaient fait tout ça pour Rien.
Rien.

Gold émit une plainte, attrapa le portable et sortit de la salle en claquant la porte.
Il passa devant la chambre de Silver d'un pas mal assuré, caressa le ciment des murs avec hésitation, et les retira comme s'il l'avait brûlé. Il percevait la voix de sa sœur, ainsi que celle de Peter derrière. Après une minute de bataille, il tourna la poignée et pénétra dans la pièce.

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Les filles profitèrent d'une accalmie pour retourner chez Yoann, Eléanore et lui semblaient plutôt bien s'entendre tous les deux, même si la gamine le narguait ouvertement quant à ses qualités de médium.

Attablé, ils préparaient rapidement la journée du lendemain, devant un chocolat chaud préparé à la hâte par la sœur aîné du garçon, une grande gigue aux cheveux noirs et macabres. Le jeune garçon leur expliquait doucement qu'Akira ne pourrait certainement pas reprendre la route avant deux à trois jours, sinon les points de sutures de sa blessure risquaient de sauter. Il prévoyait donc de quoi les occuper un maximum, leur éviter de penser à la situation désastreuse de l'hôpital. Si Eléanore désirait ardemment rejoindre Celadopole, elle dut se faire une raison à visiter un peu la cité. Samantha restait muette, impassible depuis sa conversation, la tête reposée sur le bois, une cuillère de miel encore entre ses lèvres, accablée.

Eléanore essayait, tout en participant à la conversation, de trouver un moyen de lui remonter le moral, mais en vain. Finalement, elle préféra l'ignorer, au moins, elle n'aggraverait pas les choses.

Ils venaient de convenir d'une heure vers laquelle aller prendre des nouvelles des malades chaque jour, elle décida donc de faire dériver la conversation vers un sujet tout autre.

-Dis, tu as vraiment pas la dégaine d'un médium, t'es sûr que tu en es un vrai ? Le railla-t-elle.
-Evidemment ! Bon c'est la première fois que je vois un vrai fantôme, mais je suis un vrai médium, tu t'attendais à quoi ?
-Bah à un type avec une cape, un chapeau de sorcière, et une boule de cristal ! Toi tu as juste des lunettes grotesques que tu mets jamais en plus ! insista Eléa dans un rire.

Yoann s'empourpra.

-Elles sont bien mes lunettes, je les mets pour paraître plus vieux, c'est pratique. Tu regardes trop de films, les médiums sont des gens normaux !
-Et tu peux voir le futur ? Plaisanta la gamine.

Samantha leva la tête, harassée.

-Bien sûr que non, personne ne peut faire ça. Se défendit Yoann. C'est que dans les romans de science-fiction qu'il se passe ça.

Samantha s'affala de nouveau.

-Alors tu fais quoi au juste ? Demanda la gamine.
-Je prie pour les âmes des défunts, normalement un médium peut voir plus facilement les choses invisibles, il fait un bon inspecteur de police par exemple, il attire aussi les mauvais esprits et les purifie.
-C'est nul, tu fais rien quoi ! Se renfrogna la gamine.
-je suis qu'un apprenti médium, j'ai pas encore fait de vraie formation, mais si tu veux, cette semaine, c'est la nuit des esprits à Lavanville, ma famille s'occupe d'apaiser toutes les nouvelles âmes des Pokémons de la tour, je vous montrerai un peu de la cérémonie.

Miyu se trémoussa discrètement, gêné.

-Cool ! S'enthousiasma son interlocutrice.
-Ouais, enfin, moi je préfèrerai être maître Pokémon plutôt que médium, je voulais partir à l'aventure, Twilight était une bonne excuse pour la famille, mais finalement je bouge pas du tout.
-Tu veux être maître Pokémon ? ca te dit un combat contre moi alors ? Proposa Eléanore.

La frimousse de Yoann s'illumina, un grand sourire orna ses traits.

-Super, je vais préparer le sous-sol, on a un endroit parfait pour un petit match ! Tu m'y rejoins !

Et sur ce, il partit en courant dans le couloir, ses pas précipités se répercutèrent lentement sous leurs pieds. Eléanore rigola, impatiente à l'idée de combattre. Elle posa une œillade sur Sam, celle-ci annonça qu'elle allait dormir, lui conférant l'absolution, et Eléanore s'engouffra à la suite du membre de Twilight.
Elle avait hâte de se mesurer à un représentant de cette société de mini justiciers.

Pourtant alors qu'elle descendait la première marche de l'escalier étroit, la voix de Miyu lui parvint.

« Je n'ai pas très envie de visiter la tour de Lavanville Eléa… »

La gamine scruta son camarade invisible avec incompréhension.

-Pourquoi ? Ce sera amusant ! De toute façon on est piégé dans ce coin paumé, c'est pas comme si on avait le choix. Répliqua la petite.
« Oui mais…Tu ne pourrais pas te contenter d'entraîner tes Pokémons pendant trois jours ? » Se tortilla l'ectoplasme, embarrassé, son mouvement renforçant sa limpidité des dernières heures.
-Il y a une raison particulière pour laquelle tu ne veux pas y aller ? Essaya Eléanore, curieuse, fronçant les sourcils.

Miyu se condensa dans un coin, comme apeuré, mais il garda la bouche close, tordue. Ce silence agaça sa porteuse plus que de coutume. Lui aussi, il préférait se taire, exactement comme Samantha, il s'enfermait dans un mutisme qui ne servait qu'à les isoler un peu plus dans leurs malheurs alors qu'elle était là, que Daniel ou Lucas était à un coup de fil d'eux, prêt à soulager leurs peines d'un claquement de doigt. Leur réaction était des plus stupides. Elle tourna des talons, furieuse, et lâcha froidement :

-De toute façon, c'est pas comme si t'avais ton mot à dire là dedans, on ira à la tour, c'est amusant. Je vais pas me faire gouverner par un spectre ! Samantha à la limite, parce qu'elle fait son bébé et que je veux pas changer ses couches, mais surement pas toi.

Miyu rougit, ses pupilles s'étrécirent et il blêmit.

« Comment ça ! je t'ai jamais rien ordonné à toi ! Je te demande qu'une chose, ne pas aller à la tour et tu me refuses ça ? T'es vraiment une ingrate, j'aurais du te laisser mourir ! »
-n'importe quoi tu me donnes tout le temps des ordres, tu as failli blesser Régis quand on l'a revu aussi ! Donne moi au moins une raison valable de céder à ton caprice ! S'insurgea Eléa, furieuse, intransigeante.
« Je… »
-J'attends ! Insista Eléa en continuant de dévaler l'escalier avec un pas ferme.
« Je… »
-J'entends rien ! S'écria presque la gamine sur un ton de défi.

Le fantôme plissa les yeux et sembla se mordre la joue, les poings serrés, puis dans un souffle rauque, il hurla :

« Je pourrai disparaître ! »

Eléanore s'arrêta net et se tourna vers lui lentement, étonnée. Miyu la fixait avec une petite mine, attendant une réaction de sa part avec appréhension. Mais Eléanore ne réagit pas, un trait courroucé barra son front et elle lâcha, colérique :

-N'importe quoi, tu viens de le dire, nous ne faisons qu'un, tu dis des bêtises pour que je cède à tes caprices ! C'est puéril, tu as gagné je ne te parle plus, disparaît !

Et elle répéta ce mot en boucle, avec acharnement, se moquant royalement de sa signification, comme si elle tournait, roulait sous sa langue la phrase la plus absurde qu'elle ait jamais entendue. Miyu recula, mais bien obligé de la suivre, il assista à ce spectacle, anéanti, il ne parla plus de la soirée. Même quand Eléanore gagna contre Yoann grâce à Pilou et son nouveau Dracaufeu, Ash ; elle ne décoléra pas. Cette humeur continua jusqu'à ce qu'elle aille dormir à son tour, espérant qu'au moins, une aube nouvelle calmerait son irritation grandissante depuis leur réveil.
Et elle avait raison en un sens, car dès les premières lueurs de l'aurore, quand les minces raies brillantes heurtèrent la douce rosée, témoignant encore du déluge des derniers jours, Silver ouvrit les yeux.

Alors que tout le monde autour de lui sommeillait, tous agités par des mauvais songes, il se redressa lentement sur son lit d'hôpital, et scruta sa chambre avec une expression hagarde. Il remarqua avec quelques minutes de réflexions entre temps, Peter, assoupi contre le mur et la porte, Christopher affalé sur le clavier d'un portable, la marque des touches lettrées s'imprimant sur sa joue et surtout, Cristal et Gold.

Le frère et la sœur l'encerclaient véritablement, se soutenant l'un, l'autre, même dans les rêves, Silver surprit leurs deux mains entrelacés, serrant la sienne bandées.

Un sourire touché passa sur ses lèvres.
Néanmoins, un ombre tableau enlaidit la scène.

Qu'est-ce qu'ils faisaient là ?