La Belle au bois qui dort. 1/3
Cela faisait presque un an que Lesath vivait dans le petit village pokémon de Venchanté. Il s'était installé là parce qu'Altaïr y vivait, tout simplement.
Cela faisait un an qu'il avait tout lâché du jour au lendemain pour suivre cet absol rencontré quelques jours auparavant. Oh, ils avaient vécu un genre d'aventure ensemble, mais Altaïr ne comprenait toujours pas ce qui avait poussé le togetic à faire un truc pareil.
Enfin, ce n'était pas comme si ce dernier était un pokémon très rationnel. Toujours enthousiaste, indécrottablement joyeux, affublé d'une chance des plus agaçante, d'un optimiste exaspérant, d'une insouciance qui le faisait passer pour un idiot fini, et souvent à côté de la plaque.
Son ambition profonde était de devenir un grand voleur.
Ce qui épaississait le mystère de sa présence ici, en pleine forêt, où il n'y avait entre « rien » et « que dalle » à voler.
Lesath s'était parfaitement adapté à la vie en ville. Il connaissait un nombre impressionnant de pokémons et de réseaux, diurnes ou nocturnes, souterrains ou officiels... Son activité se résumait à aider les gens à tracer leur chemin, à voler des objets aux humains, pour ensuite faire son petit trafic avec les pokémons qui avaient besoin des fruits de son larcin. Par ailleurs il connaissait la ville comme sa... poche, s'il avait pu en avoir.
Lesath ne s'était pas vraiment adapté à la vie en forêt. Il connaissait bien sûr les gens du village où il s'était installé. Il les connaissait tous, les diurnes, les nocturnes, les souterrains, les volants...
Il avait gardé son activité consistant à trouver ce qu'on lui demandait, des objets, des pokémons, transmettre des messages....
Ce qui l'occupait un peu, mais de son point de vue, c'était beaucoup moins amusant qu'en ville.
Donc ici, il s'ennuyait.
Mais il ne se plaignait pas. Il découvrait le monde merveilleux (de son point de vue) de la forêt. Et il était avec Altaïr.
Ce dernier l'accompagnait dans ses « missions », mais il passait aussi beaucoup de temps à s'entraîner, se balader, prévoir qu'une catastrophe n'arrivait pas. Que pouvait il faire d'autre?
Et ils vivaient ainsi depuis presque un an. Une vie monotone, plate, et ennuyeuse pour l'un, fabuleuse, pleine de découvertes merveilleuses pour l'autre.
Jusqu'à un beau jour...
Altaïr s'entraînait à la nage et faisait des allers-retours dans la rivière. Lesath lui, contait les trèfles sur la rive. Il ne désespérait pas d'en trouver un à sept feuilles, maintenant qu'il en avait toute une ribambelle à trois feuilles, une panoplie à quatre, quelques uns à cinq et deux à six feuilles.
Petit à petit, le nez dans l'herbe, il longea la berge et finit par s'en éloigner, et sans trop savoir comment, il se retrouva coincé dans un roncier.
Il s'en extirpa avec peine, pour tomber sur une partie de la forêt des plus inquiétante: les ronces avait remplacé les arbres et cachaient le ciel, formant un genre de dôme. Les rares arbres aptes à pouvoir porter ce nom étaient couverts d 'épines, aussi gris et ternes qu'ils étaient morts. Les seuls points de repère étaient des toiles d'araignée de taille et de forme variables.
Pourtant, Lesath n'avait pas peur. Si ce lieu était vraiment mort, personne ici n'aurait pu y vivre, simplement parce qu'il était impossible de s'y nourrir, donc il ne pourrait pas y faire de mauvaise rencontre. Logique.
Soudain un bruissement se fit entendre derrière lui. Les ronces très denses se mirent à bouger, et une forme pâle, fantomatique commença à apparaître.
Lesath ne bougea pas. Il n'était pas médusé par la peur ou terrifié d'aucune façon que ce soit. Il pensait juste que les fantômes n'étant pas matériels, ils ne pourraient par conséquent rien lui faire. S'il resta planté là, c'était juste par curiosité. Puis la forme blanche grossit derrière le mur de piquants et deux yeux rougeoyants se dessinèrent. Qui intriguèrent le pokémon porte bonheur.
La forme couleur neige émit un râle grave qui sonnait comme une menace. Sans même sans rendre compte, le togetic recula, peut-être par instinct, peut-être par chance.
D'un coup, trois liserais blancs formant un triangle apparurent sur les ronces, qui se détachèrent du reste de la masse épineuse en une forme à trois côtés bien nette.
Et derrière, un pokémon blanc aux yeux rouges apparut. Sa lame noire et tranchante comme un rasoir luisit dans le peu de lumière. Altaïr était furieux.
-Je peux savoir ce que tu fais ici!?
Lesath regarda pitoyablement ses pieds. Il commençait à connaître son ami, il ne servait à rien de discuter quand il avait ce ton là.
-Je... je cherchais des trèfles.
L'absol regarda le décor désolé autour de lui et répondit d'un ton ironique:
-Ah oui, bien sûr, je vois ça.
Le togetic savait qu'il était inutile de répondre. Il se contenta de prendre l'air un peu plus pitoyable.
-Aller, on rentre.
Altaïr voulut faire demi tour, mais les ronces qu'il avait coupé en supportaient d'autres, qui étaient tombées et étaient restées accrochées, bouchant de nouveau le passage. L'absol soupira.
-J'ai comme dans l'idée que ça va être très dur de sortir.... Et puis, j'ai l'impression que le sol est bizarre.
-Il suffit d'aller tout droit. On tombera bien quelque part.
L'autre préféra ne pas répondre. Il se dirigea vers un trou où les ronces semblaient moins denses, et tenta de se glisser au travers en direction de là où il était venu, Lesath sur les talons. Il n'aimait pas cet endroit. Tout était trop silencieux, trop mort. Il ne ressentait aucune onde de vie à l'intérieur, et cela l'angoissait, comme s'il était soudain devenu aveugle. Mais il lui sembla que le chemin du retour était beaucoup trop long. Il avait la désagréable impression d'avoir tourné en rond, et aucun point de repère pour le confirmer. Le manque de lumière ne le gênait pas, il était un pokémon de l'ombre, même si pour une fois il aurait bien aimé savoir dans quelle direction se trouvait le soleil.
Puis soudain, sans avoir pu détecter aucun signe avant coureur, il tomba.
Il ne tomba pas de haut, le sol friable qui s'était dérobé sous ses pattes avait amorti sa chute, mais quelques bouts de ronce morte tombèrent également et l'égratignèrent.
La tête du togetic apparut juste au dessus du trou.
-Altaïr! Tu ne t'es pas fais mal?
-Ne dit pas ça sur ce ton joyeux!
-Désolé! Je vais essayer de te sortir de là, ne bouges pas!
L'absol inclina la tête pour mieux le regarder de travers.
-Où veux tu que j'aille?
-Ah oui. Je vais chercher de l'aide!
-Attends! Et comment tu me retrouveras après, hein?
-Bah...
Lesath parut réfléchir une demi seconde.
-Parce que t'es là. Tu peux pas bouger.
Le pokémon prisonnier avait du mal à rester patient.
-Oh, quelle nouveauté ! Et comment tu feras pour retrouver le « là »?
-Bah, parce qu'il est quelque part.
-Pardon?
Le togetic rayonnant déclara d'un ton triomphant:
-Bah oui! Je t'avais bien dit que tu finirais par tomber quelque part. Donc pour revenir il suffira que j'aille quelque part et je te retrouverais. Logique.
Et il disparu avant même qu'Altaïr, effaré, aie pu répondre quoique ce soit.
-Lesath, c'est débile! Hé! Reviens! LESATH! REVIENS! ESPECE D'IMBECILE HEUREUX! ATTENDS QUE JE SORTE DE LA ET JE TE TORS LE COU!
Mais les cris de l'absol ne tombèrent dans aucune oreille. Bon.
Si Altaïr avait de la chance, Lesath le sortirait de là. Le seul ennui, c'est que la seule chance qui trainait dans le coin, c 'était le togetic en personne, et qu'il ne dédiait sa fortune qu'à son égo.
Donc il n'était pas sorti de l'aub.. de la fosse.
Comme d'habitude, il ne pouvait compter que sur lui même, bien que lui même ne se serait pas fourré dans un trou pareil.
Il gratta les parois de la fosse du bout des griffes. Elles s'effritèrent. Hm. Il devrait être rapide.
Il tenta donc plusieurs fois de sortir en sautant , rebondissant, plantant ses griffes profondément pour escalader, mais à chaque fois, il dégringolait et se retrouvait dans la prison qui était aussi la case départ, sans toucher 20 000 pokédollar.
Il ne lui restait plus qu'une seule solution.
Deux heures plus tard, Altaïr apparut enfin à la surface du sol. Il avait creusé, gratté pour que le sol s'effrite jusqu'à former une pente lui permettant de remonter.
A présent, la lumière commençait à décliner, il était perdu, et certains de trois choses: il massacrerait Lesath, la nuit tombait, et il étriperait Lesath.
Ah, et aussi, il ne savait pas franchement que faire. Il réfléchit, et quand il prit la décision de se fier à son instinct, il faisait complètement noir. Il commença à marcher dans une direction qui lui paraissait peut-être la bonne, à savoir qu'il l'avait choisit par hasard plutôt qu'une autre. Cependant, il distingua assez vite une lueur, au loin, à travers toutes les ronces. Péniblement, il se dirigea vers elle. Heureusement qu'il avait une bonne vue dans le noir.
Malheureusement, cet endroit était encore pus effrayant lorsqu'il était plongé dans l'obscurité. Altaïr sentait un frisson lui parcourir l'échine chaque fois qu'il voyait la forme pâle d'une toile d'araignée. Mais ce qui l'inquiétait surtout, c'était qu'il ne ressentait aucune forme de vie ici. Alors qu'était t-il arrivé aux araignées? Non, en fait, il préférait ne pas le savoir.
Et, miraculeusement lui sembla t-il, il sortit du roncier pour se retrouver devant un immense mur en pierre de taille, dans lequel se découpait une énorme porte en bois pourri, qui par chance était ouverte. La lumière qu'il voyait venait de derrière cette enceinte. Un immense bâtiment humain s'y dressait, sa masse sombre et menaçante se découpant dans la nuit. Si Altaïr avait un tant soit peu connu les humains, il aurait décrit cette bâtisse comme un château médiéval à l'abandon.
La lumière provenait de quelques unes de ses grandes fenêtres.
L'absol était apeuré, et inquiet des rencontres qu'il pourrait faire là dedans. Mais en tendant un peu l'oreille, il y découvrirait peut-être des choses intéressantes. Comme où il était, déjà, et éventuellement comment rentrer chez lui.
Avec toute la discrétion d'une tâche blanche sur un tableau noir, il se glissa dans l'enceinte du château. Au rez de chaussée, l'une des fenêtres était éclairée, et entrebâillée pour laisser rentrer la fraicheur de la nuit, et évacuer la chaleur estivale accumulée durant la journée. Il s'approcha, se redressa sur ses pattes de derrière, afin de faire son voyeur.
A l'intérieur, tout était vide. Enfin presque. Assis sur une chaise miteuse, Lesath s'était lancé dans une parfaite imitation de fontaine. A côté se trouvait une joliflor. Elle s'avança et tapota le togetic dans le dos. Un geste qu'elle voulut rassurant.
-Allons, allons, on le retrouvera demain!
-Mais, mais, mais.... Il va passer la nuit dehors!
-Les absols sont plus réputés pour vivre dans les neiges éternelles que pour leur crainte du froid.
Mais le togetic redoubla ses pleurs.
-Allons, allons. Je suis sûre qu'il va très bien !
-Mais j'l'ai... je... je l'ai... abandonnéééééééé ! Quand il va me retrouver, il va me faire la tête pendant des jouuuuurs!
-Ah, et c'est bien que tu t'en rendes compte espèce de dégénéré!
Le petit pokémon bonheur fit un bon spectaculaire sur sa chaise.
-Altaïr! Mon dieu, j'entends sa voix, il est revenu me hanter!