Impulsions de Mimoza

La forme mauve et spectrale entoura le rat – aussi nommé Nenshû - et lui intima d'un geste de son Mister Tophat d'avancer. Obéissant, le petit animal quadrupède s'avança sur ses deux pattes postérieures dans la direction que lui indiquait la créature habillée. Elle volait légèrement au dessus de lui, regardant uniquement devant elle, comme pour montrer à Nenshû qu'elle n'avait pas de temps à perdre.

Elle prit la parole, toujours le regard occupé par un on ne sait quoi un peu plus loin.
« Tu sais que tu te trouves dans le Peuple de l'Ouest, my honey ? » souffla-t-elle avec une petite voix de crécelle.
Nenshû ne pût qu'hocher la tête, trop intimidé pour parler. Il regardait furtivement ses pattes avancer à un rythme dérisoire, les antérieures collées contre le torse, les oreilles baissées, à l'affût du simple bruit qui occuperait ses pensées.

Puis, le mouvement au dessus de la souris de feu se stoppa.
Net.
Comme ça.
Cette dernière action du Magirêve fit également s'arrêter le petit rongeur. Son regard se plissa en même temps que sa tête se redressa. Et devant lui, une simple « cabane ». Enfin, peut être un peu plus. Elle était plus grande que celles qu'il avait vu jusqu'à maintenant et on voyait que la chôme qui faisait office de toit était plus garnie et renforcée avec camomille, réglisse, verveine et on ne sait quelles autres herbes.

Il fallait vraiment être dingue pour orner sa toiture de plantes.

Kûsou tourna sèchement la tête vers le petit animal au dos embrasé. Elle lui lança un regard mauvais. Elle avait lu dans ses pensées, assurément, mettant au grand jour l'espace intime de Nenshû. Ses yeux brillaient férocement.
« Il s'agit de la home de Furen, la mage du village de l'Ouest. Bien, entre » dit-elle avec un ton solennel.

Le Feurisson s'avança timidement – toujours sur ses pattes postérieures, pour mieux voir sans doute - et entra dans l'humble case de la mage. A l'intérieur, une odeur de menthe fraîche mêlée à un soupçon d'encens fit plisser le nez du rongeur. Au fond, a côté d'un panier de lanières de roseau plein d'eau, une Gardevoir était assise en tailleur, les yeux fermés. Son popotin en forme de cœur était adorablement lové dans un petit coussin vert, harmonieusement lié au reste de ce petit nid.

« Bonjour, bienvenue » susurra la Mage, sans soulever un instant ses paupières.
Un instant, elle se tût. Elle frissonna très légèrement, et ouvrit à moitié de grands yeux d'une couleur rosée. Sa bouche avait pris la forme d'une grimace. « Tu ... Tu dois être le nouveau né de l'Impulsion. Je me trompe ? »

Nenshû leva un sourcil. Il avait été rejoint par Kûsou, qui lévitait à ras le sol. La belle créature aux pouvoirs psychiques se leva et fit une courbette en l'honneur de la Magirêve.
« Bonjour, Kûsou. Tu m'as amené le petit de l'Impulsion ...? Tu sais que c'est mauvais. Très mauvais. Je t'avais dis de faire attention. Il se peut très bien qu'il soit mal intentionné. » Elle se tourna vers ledit petit. « Tu te souviens de qui tu es ?
- En partie, répliqua-t-il du tac au tac. Juste que j'étais un humain et que je m'appelais Nenshû. Madame. »
Le rat venait d'attraper le virus du reptile qui l'accompagnait régulièrement. L'abus de politesse peut être mauvais pour la santé ...

La Gardevoir se détourna de ses visiteurs, faisant voler derrière elle sa robe avec grâce. Elle invita juste ces derniers à la rejoindre près d'une petite table grossièrement coupée dans un bois – du chêne, apparemment - et elle s'adossa au coin du meuble. La meneuse de village la rejoignit, avec juste derrière la bête qu'était Nenshû. Le Feurisson se mit assis sur son derrière, juste à l'opposé de Furen. Kûsou, elle, se mit là où la place était disponible, une partie dehors une partie dedans, lévitant juste très légèrement au dessus du niveau.

« Connais-tu l'histoire de nos Peuples, ...?
- Nenshû, Madame.
- Oui, Nenshû. Tu connais donc cette histoire ? » interrogea la Gardevoir avec son sérieux habituel.
Le Feurisson fit une pause, activant mécaniquement ce qui lui faisait office de cerveau. Non. La réponse fût simple. Pigé. « Non, Madame. Je ne sais pas.
- Bien, répliqua-t-elle avec dédain, alors tu vas apprendre. Tu vas connaître ce qui t'es inconnu, tu vas ouvrir ton esprit à de nouvelles choses.
- Très bien, Madame ... »

La créatures vêtue d'une robe inspira assez bruyamment puis posa ses yeux roses sur Nenshû. Elle le toisait comme on l'aurait fais si un éléphant vert se serait tenu devant nous. Elle avait l'air de réfléchir à comment elle pouvait formuler ses explications.

« Bien. Commençons par le commencement. Comme à la base (Toussotement.), tu n'es qu'un humain, je vais t'expliquer la Création, celle du temps d'Origine, le monde selon Arceus, si tu préfères.

Arceus est le Dieu Créateur de notre univers. Il a dispersé terres et mers sur cette planète. Il est également à l'origine de la création du découpage actuel. Oui, enfin. D'antan, la disposition terrestre était faite autrement. Donc, comme tu t'en doutes, le découpage marin aussi. Au temps d'Origine, donc au moment de la Création, les Pokémon étaient tous uniques. Mew, qui est l'Etre à l'origine de chacun d'entre nous – des Pokémon - à créé chaque espèce en un seul et unique exemplaire et les à dispersés sur la terre et dans les océans. Arceus, aidé par l'Etre Originel, à créé les Pokémon dits légendaires, tels que Raikou. »
La Gardevoir eut un frisson non dissimulé en prononçant ce nom, et elle murmura très bas un léger « Shoudou ... » puis reprit. Sans se soucier si son auditoire avait compris.

« Puis, le monde a évolué, et avec le temps, Mew à créé progressivement de nouvelles créatures - comme nous le sommes -, mais chaque créature était différente. Et certaines ayant du mal à s'entendre, Mew à démultiplié les Pokémon et leur a donné un sexe. Ainsi, ils purent se reproduire.

« Seuls les Pokémon que j'ai énoncé tout à l'heure, les légendaires, n'ont pas été démultipliés ; car leurs forces étant nettement supérieures à celles des autres, ils ont été laissés uniques pour éviter des conflits trop titanesques. Certains Pokémon ayant vu des attributs différents leur être imposés, ils se sont battus – comme Groudon et Kyogre, les Dieux de la terre et de l'eau, comme tu le sais. Mew étant un Pokémon juste, il a ainsi attribué des forces capables d'équilibrer leurs opposés.

« Mais il y a également des trinités, qui sont composées de Pokémon de forces égales et complémentaires. Dans le cours des choses, ils ne se battent que rarement.

« Enfin, ce serait long de t'énoncer tout ce qui concerne le temps originel tel que nous croyons le connaître, mais tu en sais ce qui est le plus important. Désolée si c'est quelque peu flou, mais il est difficile d'expliquer une légende non seulement incertaine, mais aussi que tout le monde est censé connaitre. »

Elle reprit son souffle, comme si elle venait de trop parler – c'était d'ailleurs le cas, puisque personne ne l'avait interrompue - puis elle ferma les yeux.

« Madame, ça va ? » s'inquiéta gentiment Nenshû. Kûsou lui lança un regard qui signifiait de ne pas la déranger en lui parlant le temps qu'elle ne parlerait pas. Pigé. Le rongeur se tût donc et regarda le plafond avec un air intéressé. Un silence de mort s'installa dans la salle.

« Mais il y à l'Impulsion. »

La Gardevoir venait de relever la tête, une lueur farouche dans les yeux, le visage crispé et le regard tourné vers le rat - plongé dans la contemplation du ô combien beau toit.

« Pardon, Furen » commença la Magirêve, « Mais je ne crois pas que ce soit le moment d'en parler. Sorry. »
La mage regarda sa supérieure avec force. « Il doit savoir, son passé, et ce qui lui est arrivé. »
- Furen, je t'ai dit que ce n'était pas le moment. Il n'est pas prêt. Il vient juste de découvrir qu'il est Pokémon. Il ne faut pas le brusquer, ou bien ... »

Nenshû observait ce crêpage de brushing entre femmes avec curiosité. Un sourcil levé, une patte sur la table, une œil tourné un coup sur la chef, un coup sur la mage, il se demandait pourquoi tant d'éclats de voix.

« Pardon, mesdames, mais que vient faire ... l'Impulsion dans cette histoire ?
- Rien, gronda Kusoû. Ce n'est pas le moment. »
La Gardevoir eu l'air d'avoir honte de l'offense faite à la Magirêve. Elle baissa un temps la tête puis la releva, les yeux fermés.

« Bien, reprenons. Comme tu dois le savoir, le territoire total est divisé en plusieurs peuples. Ceux que tu dois connaître sont donc celui de l'Ouest – ici-même, bien que ce ne soit qu'un petit village de ce territoire vaste - et celui du Nord. Mais ne te fie jamais aux membres de l'autre Peuple, ce sont tous des fourbes. D'ailleurs, ils ont violé le traité ... » La Gardevoir lança un regard à sa supérieure.

« En effet, il faut que tu saches qu'à l'origine, entre les peuples, il y avait un traité consistant à départager les territoires appartenant à chacun. Or, ce traité est actuellement contesté par l'autorité mise en place au Nord. C'est d'ailleurs ... C'est intolérable. Venant de leur part, eux, un Peuple dérisoire et ... » Elle s'interrompit. « Enfin. Désolée, je m'emporte à chaque fois que je parle de ce genre de choses. Une tisane à la menthe ?
- Oui, Furen, merci. Pour moi, et pour lui » dit la Magirêve en désignant Nenshû - qui n'avait dit mot.

La Gardevoir se dirigea vers le panier de lanières avec lequel Nenshû l'avait aperçu en entrant, elle versa dans son contenu – de l'eau, donc - des feuilles de menthe et usa de ses pouvoirs psychiques pour chauffer ce mélange. Des volutes de fumées mauves s'échappaient des deux protagonistes de l'échange.
Elle versa le tout dans trois petites tasses de céramique séchées et tendit deux d'entre elle à ses invités.

« Nenshû, tu dois juste savoir que ton apparence actuelle est liée à l'Impulsion. Rien de plus. Je n'en sais moi-même pas tant que ça ... Mais plus tard, peut-être.
- Furen, parle-lui de la géographie des Peuples. Il pourra ainsi mieux se repérer. » La mage regarda Kûsou.
« Oui, c'est vrai. Nous, le peuple de l'Ouest, vivons dans une région plutôt aride et sèche. Cependant, les oasis – qui ne sont tout de même pas rares, contrairement à ce que l'on croit - sont très riches, et l'eau y est abondante. L'arbre le plus courant est le palmier, cette notion te sera pratique pour savoir, quand tu es à la frontière, de quel endroit tu es le plus proche. Aussi, la mer est très proche de nous, juste en dessous de tes pattes en réalité.

« Tandis que dans le Peuple du Nord, il y n'a que glaces, neige et cetera. Enfin, c'est un endroit froid assez monotone, et tu y trouveras principalement des pins et des sapins. Les habitants de cette région sont assez agressifs, méfie-toi, ils protègent farouchement leur territoire. Il y a aussi des montagnes d'ardoise noire. Cela pourrait t'étonner ... »

La Gardevoir tourna soudain vivement la tête vers l'entrée. Puis, Raven apparu timidement dans l'étroite ouverture. Il fit une petite courbette vers les deux demoiselles.
« Heu, bonjour, Mesdames... Nenshû, je te cherchais. Vous ... euh, tu viens ?
- Ton compagnon est occupé, my dear, dis gentiment Kûsou. Mais viens, viens. »

Le reptile les rejoignit rapidement avec de petits pas saccadés et rapides. Démarche ridicule. Il s'assit à côté de Nenshû et lui sourit niaisement.

« Continuons. Il y a, en dehors des deux peuples, les nomades. Ce sont des Pokémon qui préfèrent s'isoler de l'agitation des populations. Ils voyagent un peu partout, mais ne va pas croire qu'ils sont solitaires. Ils sont très soudés et organisés, bien plus même que les peuples. Pour ma part, les nomades sont des personnes qui préfèrent réfléchir à l'écart de l'agitation. »

La Gardevoir prit un air rêveur et soupira avec nonchalance. A côté du rat, la tortue au crâne poli s'agitait nerveusement. Il se pencha vers son voisin.
« Dis, Nenshû... On y va ? »
Kûsou, qui avait entendu la requête du reptile, sourit, amusée par le peu de patience qu'accordait la jeunesse aux histoires.
« Allez-y, mes enfants. Si Furen souhaite vous faire parvenir un quelconque détail, vous en serez avertis par ma personne. » La petite tortue se releva puis entraîna Nenshû avec lui, le tirant par une patte antérieure.

« Merci, madame Kûsou, merci madame Furen, à bientôt.
- Oui, au revoir » dit à son tour Nenshû, toujours trainé dans la poussière contre son gré.
Une fois dehors, Raven le lâcha et le Feurisson se redressa.

« De quoi avez-vous parlé ? » interrogea l'animal à carapace. Nenshû se remémora brièvement tout ce dont Furen lui avait parlé avec détachement.
« De la Création, du découpage de la terre et la mer, de Arceus, de l'Etre originel, des légendaires, des nomades, de la répartition du territoire entre les peuples et ... Et de ... l'Impulsion ... »

Le rat sentit comme un malaise s'insinuer en lui. Comme si avoir prononcé le mot « Impulsion » l'avait affaibli. Comme si c'était le mot interdit. Il se rappela vaguement que la mage et la meneuse avaient haussé le ton à ce propos. Il n'avait pas la moindre idée de ce que c'était, et pourtant. Il savait qu'il avait quelque chose qui le rattachait à cette « Impulsion », quelque chose de profond.

Puis, ses forces drainées par on ne sait quoi, le Feurisson ferma les yeux et plongea dans un coma artificiel.