Folies et Rumeurs – Journal intime d’un Pifeuil de Ikaros XIII

Douzième journée d'automne.
Depuis que Baobab avait évolué, il suscitait l'admiration des membres du clan, à l'exception des Conseillers, qui le regardaient plutôt d'un œil méfiant. En effet, il était coutume que, lorsqu'un Conseiller voyait son fils aîné évoluer en Tengalice, il devait lui céder sa place. Bien que méfiants, le Doyen et ses Conseillers furent contraint de l'accepter en tant que successeurs de son père. Le mien m'en avait déjà parlé, de cette succession héréditaire, en vue du jour où j'évoluerai à mon tour.
Baobab fut donc convoqué dans la tente du Conseil, où il s'entretint avec nos aînés toute la nuit. A l'aube, nous étions encore assis devant la tente, Cyprès et moi, curieux de voir ce qui résulterait de leur conversation. Cyprès ne voulait pas l'admettre, mais il enviait son frère pour le poste qu'il occuperait bientôt. Baobab sortit de la tente peu après le lever du soleil. Il nous dévisagea rapidement, puis disparut dans les hauteurs de la forêt. Nul ne savait où il allait. Sa succession avait-elle été refusée ? Ou était-ce au contraire une mission d'une importance primordiale qu'il s'apprêtait à effectuer pour le conseil ?
Nos pères respectifs sortirent de la tente, flanqués du troisième Conseiller puis du Doyen. Tout les trois se rendirent sur plateforme centrale du village, puis ordonnèrent aux quelques Pijako qui vivaient avec eux de convier tous les Pokémon au village. Tous s'exécutèrent. Cyprès tenta d'approcher son père pour lui poser une question, ais fut repoussé par des villageois accourant. Il remit son entreprise à plus tard.
Le Doyen se mit à parler : « Nous avons accueilli, cette nuit, dans notre village un nouveau Tengalice, Baobab, fils du Conseiller Sapin ici présent, dans le cadre de la succession des Conseillers prévue par la tradition. Après avoir longuement tenté de l'en dissuader, Baobab est parti du village, sans avoir l'intention de revenir un jour. Ca détermination de quitter le village a eu raison de nos négociations, et c'est ainsi qui le Conseiller Epicéa conserve sa place à mes côtés. Ne vous étonnez donc pas de ne plus revoir notre ami avant longtemps. ». Il s'arrêta, et des murmures commencèrent à jaillir de la foule. La mère de Cyprès s'évanouit sous le choc, et Cyprès courut à elle, observé par son père. Je me tenais droit, analysant le comportement qu'avait eu Baobab ses derniers temps : certes farouche, je ne l'aurais jamais cru capable d'abandonner le clan. Je regardai mon père, à la recherche d'une réponse, mais je n'obtins en revanche que son regard vide habituel.
Je courus donc rejoindre Cyprès auprès de sa mère. Il m'assura qu'elle allait bien, qu'elle s'en remettrait prochainement. La foule se dissipa, les Roucoups annoncèrent l'heure du Zénith, et nous rejoignîmes tous nos tentes familiales. A notre table, ma mère avait disposé des baies succulentes, que nous dévorâmes dans un silence de mort. Mon père ne regardait que son assiette, sans dire un mot. Le reste de la journée se déroula de façon semblable.
Cyprès et moi allâmes récolter les œufs de Roucool d'un nid établi à proximité, les ramenèrent au village, qui semblaient désespérément vide, comme si une horde de Skelenox était passé par là. Le passage du grand serpent céleste était donc bel et bien le prélude à un événement regrettable, à un conflit.