Chapitre 5 - Arrivée dans le trou du cul du monde
Une lumière tamisée me traversa les yeux. Je levais doucement les paupières et je clignais violemment, la rétine à moitié calcinée. Je bougeais dans mon fauteuil, je gigotais et puis je me décidai à ouvrir un unique œil, pour éviter que le soleil ne m'attaque trop de face. Je grognai et me rendit compte que j'étais la seule réveillée. L'aube venait à peine de se lever… Mes muscles s'étiraient dans un craquement sourd, je baillais et je dirigeais mon regard vers la fenêtre. De grands paysages verts défilaient.
Des plaines immenses et des champs passaient par la fenêtre. De superbes mimosas jaunes étaient regroupés dans de grandes cultures. De grands tournesols ainsi que des plantations de légumes en tout genre colorent le paysage. Je regarde comme une enfant ce tout nouvel endroit qui s'ouvre à moi. Jamais, bien que je passe à chaque fois que je rends visite à ma mère, je n'avais eu la chance de voir ces superbes endroits naturels. Il faut dire que je ne me réveille jamais à cette heure là, en fait… C'est presque si je ne descendais pas du train pour me rouler dans les herbes folles et les pâquerettes.
Je détachais mon regard avec fatigue et me blottis dans le fauteuil. Je ramenais mon poignet à la portée de mon regard. Il était environ quatre heures et demie, heure où je me couche d'habitude… Enfin, y'a un début à tout, hein ! Mais il n'empêche que j'ai encore sommeil, j'ai l'habitude de me réveiller vers midi, moi ! Les habitudes se perdent…
J'ai encore du chemin à parcourir, il faut dire que maman habite à l'autre bout de la France. Et dire qu'après elle se plaint que je ne lui rende pas souvent visite. Peter, lui, aime me faire enrager en disant qu'il préfère ne pas me voir. Et il en sort toujours avec une poire dans la face… J'ai beau être une fille, j'ai du caractère, et je ne me garde pas de le cacher ! Je n'ai vraiment pas grand-chose à raconter à cette heure ci, franchement.
Je tourne la tête vers le couloir. Vous savez, entre les deux rangées parallèles de sièges, il y à un couloir, c'est ça. Un Reptincel, affalé à ma manière dans son fauteuil, lis un bouquin. Il me semble que nous sommes les deux seuls à être actifs. Enfin, actifs… Je redirige mon regard vers la petite tablette glissante. Je fixe une coupure et je souris, bêtement. Mes yeux sont plus lourds et je sens que j'ai envie de me rendormir. Une petite araignée grimpa lentement de ses huit pattes sur le bord de la tablette.
Je lui fis une pichenette avec un sourire narquois. J'aime bien torturer les insectes, les araignées en particulier (même si ce sont des arachnides). Elle voltigea en agitant ses membres articulés, et retomba sur le ventre du passager qui m'était de front. Elle commença à lui grimper sur la patte. Mon voisin était un Groret assez bedonnant, portant des lunettes noires sur le front. Sa perle frontale était d'une couleur bleu outremer, différente de l'habituel mauve foncé, et elle brillait faiblement.
Je fixais la bête velue (l'araignée, pas le Groret, ne vous y méprenez pas) avec intérêt. Après avoir observé quelques minutes l'arachnide, je m'affalais dans mon fauteuil en me demandant combien de temps le voyage allait encore durer. Pas trop longtemps, j'espère, je ne suis pas d'une nature très patiente. Enfin, je choisis de refermer les yeux pour faire passer plus vite le temps avec l'aide du sommeil. Qui d'ailleurs, ne tarda pas à venir.
Quand j'ouvris les yeux, le train était vide. Plus aucun bagage n'était posé au dessus des sièges et l'engin était à l'arrêt. Et pas depuis peu, étant donné que le quai était désertique. Heureusement que ma destination était le terminus, sans ça je serais bien dans le caca. Je descendis, avec mes grosses valises sur le dos. Je sorti de la gare (qui d'ailleurs n'en était pas une). Elle ne pouvait accueillir qu'un train à la fois et n'avait qu'un seul et unique quai. On pouvait y accéder via une petite salle de réception munie de portes en verre qui donnaient sur ce dernier. Dans cette salle, le sol était de pavés blancs et il y avait trois distributeurs (avec des Kinder, Mmmm) ainsi qu'un petit comptoir arrondi avec derrière, une Noctali à lunettes qui lisait un bouquin. Je sorti donc dehors, où il faisait frais et bon.
L'endroit était paumé, mais il y avait de l'herbe partout et un petit chemin caillouteux. On voyait bien que l'accès en voiture était impensable, seul le vélo et la trottinette auraient pu, dans la classe des transports, passer.
-Bon, et bien, ma cocotte, te voilà enfin arrivée. Voici le trou du cul du monde, soupirais-je. En avant.
Je sorti de ma valise une (non, ma, LA) bicyclette, qui bien heureusement était pliante. J'entrepris de monter les bagages à l'arrière et je m'assis gentiment avec mon popotin sur le siège de cuire un peu abîmé. Et puis, je commençais à pédaler. Remarquez, je n'allais pas m'envoler avec un vélo, la seule possibilité était de pédaler. Le porte bagage de mon transport à deux roues souffrait à cause du poids de mes valises.
Mais étant donné que la maison de la famille était à environ trois cent mètres, j'eu vite fait d'arriver. Devant la maison, un immense jardin, qui se prolongeait derrière la grande bâtisse. Cette dernière faisait trois étages et un grenier (qui se situait sous le toit). Les tuiles étaient rouges et un peu abîmées par endroit. Du lierre grimpait sur une des faces des murs crème et la grande porte de bois était d'un rouge foncé. Des volets rabattus sur les côtés laissaient entrevoir plusieurs pièces. La plus lumineuse était une chambre aux couleurs rosées, du deuxième étage. La chambre de Candisse tout naturellement.
J'ouvris le portail de bois qui permettait d'accéder au jardin. Ce dernier bougea dans un grincement et je posais un pas sur le sol de la « Villa Gamberge ». Aussitôt, j'entendis un cri venir de la maison. La voix de Peter, sans aucun doute, que je reconnais facilement au son grave et sûr.
-Maman, Nina est là ! Je vais lui ouvrir ! Hurle t-il.
Le cri est aussitôt suivi de bruits de pas dans l'escalier, puis de soufflements fatigués. C'est ça, quand on ne fait pas de sport, on se fatigue à chaque petit effort. Puis, après les halètements et les pas, je vis la porte s'ouvrir. Je courus dans cette direction, histoire de ne pas montrer que je traînais sur le pas du jardin. Avant que la tête de mon frère n'apparaisse, j'étais devant le pallier, avec un sourire narquois, prête à lâcher une gentille phrase. Soudain, Peter apparût.
-Sœurette ! Comment tu vas ? Dit-il en ouvrant grand la porte et avec un grand sourire.
-Je vois que tu as toujours ce gros bid', lui rétorquais-je avec les yeux rivés vers son ventre. Sinon, ça va, pas mécontente d'être arrivée. Et toi, alors, que deviens-tu ? Dis-je en lui renvoyant la question.
-Rien de bien spécial. Allez, entre !
Il se poussa et me laissa entrer. Il me fit une courbette, vieille habitude qu'il à depuis que j'ai dis que mon prince charmant devait en faire. J'esquissais une tapette moqueuse à son intention. Il se redressa et alla prévenir le reste de la maison de ma venue, qui était attendue. J'observais la petite salle d'entrée, le vestibule plutôt. Les murs étaient lisses et de couleur jaune crème, comme l'extérieur. La pièce était d'une forme carrée. Dans le prolongement de la porte d'entrée, sur le mur parallèle, la toison était découpée à l'identique. Mais, il n'y avait pas de porte. Sur le même mur, il y avait trois pignons de bois faisant office de portes manteaux. Et, de l'autre côté, trois petites étagères avec parapluies et compagnie étaient à la place des portes manteaux. Les chaussures étaient entreposées sous les petites étagères. Et, au sol, il y avait un grand tapis de très mauvais goût, qui cassait l'harmonie de toute la pièce. Les couleurs mauves et orangées étaient affreuses.
Derrière cette pièce, il y avait la cuisine. Je rejoins Peter qui était déjà dedans. Ma mère arriva en trombe depuis l'étage. Elle ma sauta dessus, me lacérant avec ses bras. Et je peux vous dire que j'étais à moitié broyée. Une Nidoqueen qui vous fait un câlin, c'est comme un bulldozer qui vous arrache le cou !
-Ho, ma petite chérie, tu m'as manquée ! Que tu es grande maintenant ! S'exclama-t-elle en prenant un peu de recul pour mieux me voir. Tu es une magnifique jeune fille, désormais. Viens ici que je t'embrasse !
Et, sans mon accord, elle me bava sur la joue avec un bruit sonore. Imaginez ma mère : Très imposante, bleu, forte (mais pas grosse, hein), très style « grand-mère type », très souvent avec un tablier blanc orné de cœur, avec de grands yeux verts qui ont des cils immenses. Ba oui, mais bien heureusement, elle n'a pas encore le rouge à lèvre rose sur de bonnes grosses lèvres pulpeuses. Sauvés.
Puis, Candisse nous à rejoins. Cette petite et adorable Nidoran femelle est (presque) tout mon contraire. Patiente, adorable, intelligente, mignonne, et par-dessus tout, mature. Ho ba oui, allez pas vous imaginer que j'ai toutes ces qualités, si après quatre chapitres vous ne l'avez pas remarqué, c'est grave, quand même. Mais bon. Ma petite sœur m'a serré les jambes et à fait un grand sourire. Ça réchauffe le cœur des petits comme ça.
-Grande sœur ! Pourquoi tu n'es pas revenue plus tôt ? Tu sais, je m'ennuyais sans toi, me dis doucement Candisse. Contente que tu puisses jouer avec moi.
-Rooh, toi aussi tu m'as manqué. Ne t'inquiètes pas, j'aurais tout le temps de jouer avec toi, nous avons près de trois mois ensemble, ma petite.
Puis, ils me posèrent tous des questions sur mon quotidien à Montreuil, comme par exemple, si le boulot n'était pas trop dur, si Mimi allait bien… Des trucs banals pour moi, en fin de compte. Il faut dire que côté boulot, Peter se la coule douce, il est informaticien à domicile. Ça va, pas trop fatiguant le déplacement… Enfin, au moins, quand Candisse va à l'école, ma mère ne se sent pas seule, c'est le principal.
Et Candisse, qui à bientôt huit ans, est en CM1. Oui, contrairement à Peter qui à redoublé trois fois, elle à eu « la chance » de sauter une classe. Ce n'est pas pour rien que je dis qu'elle est intelligente. Ba, en même temps, je pourrais même la qualifier de génie, comparé à Peter, mais ce ne serait pas gentil, franchement (En même temps, avec lui, on aime se lancer des pics). Cette petite Nidoran à aussi l'étonnante capacité d'attirer tous les garçons à elle. Le pire c'est que je ne blague pas. C'est presque comme si tous les garçons libres de sa classe voulaient l'épouser. Quelle veinarde, moi, si j'avais cette chance, j'en aurais déjà profité, surtout si Arthur avait fait parti du lot.
-Dis moi, ma chérie, me demanda ma mère, tu es toujours à la chasse au fiancé ?
-Heu, ouais, si on veut… Répondis-je un peu surprise. Enfin, tu te souviens d'Arthur ? Et bien, ba, je l'aime toujours, mais de son côté, ce n'est pas encore gagné… Surtout que je ne suis sans doute pas la seule à lui tourner autour, dis-je avec un air jaloux.
-Ha, le petit Arthur dont tu me parle souvent ? Ouiii, je m'en souviens, bien sûr. Tu m'avais montré sa photo, la dernière fois. C'est bien celui qui ressemble à Brad Slip, hum ? Me demanda ma mère, qui, comme vous l'aurez remarqué, fait toujours des allusions débiles.
-Oui, enfin, il ne ressemble pas à « Brad Slip » mais si tu veux…
Ho, vous savez, ma mère, il vaut mieux ne pas discuter, elle est capable de vous faire un débat juste parce que vous avez protesté sur le bruit qu'émet une boîte à « Meuh ». Une fois, j'ai même eu droit à un discours complet qui pesait les pour et les contres de la crème « Nivea », c'est vous dire. Sans compter qu'à la base je n'avais que lui demander où se trouvait le rouleau de sopalin, histoire d'essuyer une fuite du lavabo. Enfin, ça, on s'en fiche un peu (beaucoup).
-Bon, je vais installer mes affaires dans ma chambre, dis-je avec enthousiasme. Je vous rejoins pour le déjeuner, à tout à l'heure.
Je montais donc en traînant (laborieusement) ma valise dans les escaliers. Ma chambre se trouve au grenier, qui n'en est pas vraiment un. Il avait été rénové lorsque que j'étais petite, de manière à le transformer en chambre tout à fait vivable. Une fois en haut (environ une dizaine de minutes plus tard, quoi), j'ouvris une porte qui donnait accès à la fameuse pièce. Pour gagner un maximum de place pour la chambre, les escaliers s'arrêtaient en un minuscule palier qui donnait à peine assez de place pour mettre une patte et la porte dessus.
La chambre était presque la même depuis des années. Ma chambre d'adolescente. Des posters de groupes de rock à succès dans les eaux des années où j'étais jeune, de gros magazines de scrapbooking sur des étagères peintes avec un blanc pur, des teintes bleues, vertes et blanches partout, et une mezzanine qui touchait presque le plafond. Le seul objet vraiment récent qui avait été intégré ici était l'ordinateur, que ma mère m'avait acheté à l'occasion du deuil de mon vieux « Apple » vert et blanc. Qui au passage se mariait à merveille avec ma chambre.
J'installais mon bric à brac un peu partout dans les étagères, tiroirs, et autres cachettes possibles. Je me dirigeais vers ma mezzanine. Dessous, un petit bureau de bois brut avec dessus, l'ordinateur. Une petite chaise de secrétaire bleu outremer permettait de s'asseoir dessus.
Les murs bleu clair et verts pomme faisaient ressortir le bois de l'armature de mon lit. Je m'assis sur le petit siège et je commençais à ouvrir tous les tiroirs. Dans le premier, des stylos, crayons, feutres… Complètement en vrac. Dans le deuxième, des dessins empilés sur lesquels je ne m'attardais pas. Dans le troisième, il y avait des photos. Quand j'étais adolescente, j'aimais prendre des photos, bombarder de flash ce que je trouvais beau. Je pris uniquement une photo de moi dans un arbre qui me fit sourire. Je n'eus pas le temps de regarder le reste, que ma mère m'appela d'en bas, pour manger.
Promis, je reviens vite, en tous cas, pas avant de m'être rempli l'estomac !