Un retour inattendu
Laetitia se trouvait devant sa porte, la dernière qu'il lui restait à franchir. Celle qu'elle avait fermée 4 ans auparavant...
4 ans …
Elle qui pensait que quelques mois loin de lui suffiraient à atténuer la douleur, elle s'était trompée et royalement.
Pourtant elle avait tenté de l'oublier, de lutter contre elle même, contre ses sentiments, mais en vain.
Maxime n'avait pas bougé de son cœur, son souvenir prenant toujours autant de place, voire la totalité de son âme, et chaque jour davantage que le précédent.
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Dès qu'elle avait décidé de partir, elle avait voulu s'éloigner le plus loin possible de Monche-Ville, de lui. C'est ainsi qu'elle avait décidé de se rendre à Nice chez son père. Elle aurait la chance de poursuivre ses études ainsi que de consolider ses liens avec lui. Et puis surtout oublier sa relation amoureuse avec Max. Elle était arrivée le soir même de sa décision et avait prit un taxi pour se rendre jusque devant l'immeuble où résidait son père.
Elle se souvint du visage de celui-ci lorsqu'il avait ouvert la porte, mais sa surprise fit rapidement place à une grande joie. Elle continua de fouiller ses souvenirs. Une fois son bac en poche en 2000, soit un an après son arrivée à Nice, elle avait commencé des études de droit. Et en supplément de ses cours, avait été prise dans un bureau d'avocat réputé grâce aux relations de son père. Ce stage fut bénéfique, même si elle passait ses journées entières à travailler, pour noyer son chagrin qui ne disparaissait pas. Elle s'était rapidement rendu compte qu'elle s'était surestimée à moins qu'elle n'avait sous-estimé ses sentiments. Toujours est-il qu'elle n'était parvenu à oublier partiellement Maxime qu'avec la tête enfoncée dans des livres de droit. Son père l'en arracha un soir : il était à peine rentré qu'il venait la voir et se fâcha de constater qu'elle travaillait encore. Elle sourit en repensant à la scène qu'il lui avait faite.
-Laetitia tu vas me faire le plaisir de lâcher un peu tes bouquins !
-Mais papa, il faut que je réussisse mes examens, tu sais la première année de Deug est fondamentale, il n'y a qu'un très faible pourcentage de personne qui passe en 2ème année du premier coup.
-Mince ! Personne ne travaille autant que tu le fais, alors file mettre ta veste, on va aller au restaurant ou au cinéma. Si on va voir un bon film d'horreur là au moins tu auras peur pour quelque chose qui doit te faire peur et ensuite on ira à la foire.
-Et tu m'achèteras une " barbe à toi " ?
-Bien ! Une barbe à papa comme lorsque tu avais encore des couettes, déclara-t-il en souriant
-Et que tu pouvais encore me battre à la course, lança-t-elle en se ruant vers le vestibule. Monsieur Dumiax, je crois que vous vous faîtes vieux !
-Tu vas voir si je ne suis plus dans le coup.
Dans la soirée elle lui confia une partie de ce qui l'embêtait, un garçon lui avait fait du mal, il l'avait déçue. Il s'était contenté de cette explication. Ils n'en avaient plus reparlé.
Quand elle avait voulut rentrer sur Monche-Ville après l'obtention de sa Licence à Nice en 2003, il était partit avec elle, il lui avait dit que les quelques années ensemble lui avaient apporté tant de bonheur qu'il ne pouvait se résoudre à la laisser.
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-Et me voilà de retour à Monche-Ville… murmura-t-elle
En arrivant elle avait déposé ses bagages et était sortit pour se retrouver un peu avec cette ville. Et aussi un peu avec quelqu'un. Elle était là le cœur noué d'angoisse devant cette porte alors qu'elle aurait donné tout ce qu'elle avait pour être à l'intérieur. Elle voulut sonner mais lorsqu'elle approcha sa main de la sonnette, son cœur tambourina si fort qu'elle pensa qu'il finirait par sortir de sa poitrine. Pourtant Maxime était là, elle l'entendait bouger, et siffloter l'air de la chanson qu'il écoutait. Elle la reconnue, Maxime n'avait pas changé, il ne jurait toujours que par les Red-Hot, enfin, peut-être n'était-ce qu'une coïncidence. Elle se laissa bercer par cette musique essayant de se concentrer sur… La musique ! Il avait éteint la chaîne, ses pas se rapprochaient, il allait sortir !
Trop tard, elle n'eût que le temps de faire un pas en arrière. En sentant ses jambes se dérober sous elle, elle s'appuya à la rampe d'escalier, mais ce geste n'empêcha pas ses idées de se mélanger. Elle ne savait plus du tout quoi lui dire mais continua à le regarder. Il avait l'air plus grand, plus carré d'épaule, plus musclé, plus beau encore ...si c'était possible... et surtout tellement réel.
Maxime était sorti en sifflotant, puis leurs regards se croisèrent, il s'arrêta, la fixa longuement. Maxime la regardait il n'en revenait pas, rêvait-il encore ? Elle était là, encore plus belle que dans ses souvenirs, son visage avait mûri, elle avait changé ses adorables traits de jeune fille en un visage encore plus féminin et, il faut le dire, incroyablement sensuel. Son léger maquillage accentuait encore son charme ravageur.
Qu'est-ce que… Du calme Max, analyse la situation et… Léa… Qu'est-ce que tu fous là et…
Steuplé, ma Léa, toi qui déboule chez moi comme par magie, dis-moi un seul mot. Même si c'est un rêve, je veux me réveiller heureux. T'es si belle, laisse-moi te tenir contre moi...
Putain mec reprends toi, tu sais même pas pourquoi elle est là, qui te dit qu'elle ne va pas t'annoncer ses fiançailles avec Truc De Machin-Chose, et te demander de rester son ami toute sa vie ? Non ! Si ça se trouve, elle va vouloir récupérer la bague à laquelle elle tenait tant.
Le seul problème c'est que cette bague, il l'avait sur lui, et si elle lui demandait, il serait obligé de lui montrer qu'il la gardait précieusement. Il tenta de rester de marbre devant celle qu'il adorait encore et toujours.
-Maxime...euh, je voulais... j'espérais... je suis venue pour... je...Maxime…
-Ca fait deux !
-Deux quoi ?
-Deux fois que tu prononces mon nom.
-Ah euh, oui, mais...
-C'est bien au moins tu te souviens de ça. Je pensais que tu l'avais oublié depuis que tu m'as laissé avec la seule marque de ton passage dans ma vie : un double des clés de mon appart.
-Je...
-J'te laisse comme tu peux le constater je suis pas devenu millionnaire et je dois aller travailler.
Il se retourna, ferma la porte à clé et descendit les premières marches de l'escalier.
Laetitia réfléchit à toute allure, il partait, elle allait le perdre à nouveau. Seule... elle allait se retrouver seule, à nouveau... Non elle ne le voulait pas, elle devait lui dire, tout lui dire :
-Maxime !
Il s'arrêta, mais ne se retourna pas.
Si tu as quelque chose à dire, dis-le... Et si possible dis ce que je veux entendre...
-Je suis rentrée Max et je ne partirai plus à présent.
Il soupira silencieusement, remonta jusqu'à être collé à elle. Il lui prit le menton et lui fit lever la tête vers lui comme lorsqu'il allait l'embrasser. Il fixa son regard sur elle un moment puis fini par déclarer d'une voix sans teint :
-Tu sais, je m'en suis toujours voulu pourtant je n'ai jamais eu tous les torts. J'ai attendu ce moment… que tu sois de nouveau là...
Il se retourna et à nouveau, descendit quelques marches. Puis il s'arrêta, et, comme il avait toujours l'habitude de le faire, continua sa phrase, de dos :
-...mais dans mes rêves, ce n'est pas ça que tu disais.
Il partit rapidement le cœur serré, s'efforçant de ne pas se retourner de peur que par un instant de faiblesse il fasse demi-tour et prenne Laetitia dans ses bras, la berçant tendrement comme il faisait avant.
Tout en elle lui criait qu'il l'aimait, mais il ne pouvait se résoudre à lui pardonner sa fuite il y a 4 ans, il aurait eu tant besoin d'elle et avait dû faire face seul.
Ce comportement ne correspondait pas à ce qu'il attendait d'un couple, du moins d'un vrai couple, mais il avait aussi des torts qu'il ne pouvait nier, qu'il ne pouvait oublier. Cependant il ne se détourna pas de son chemin vers le chantier. Il travailla toute la journée d'arrache-pied, pour essayer de cacher le trouble qui s'était emparé de lui depuis qu'il était sortit de son studio ce matin. Ce matin où ses yeux avaient retrouvé la plus rayonnante apparition de sa vie.
Laetitia, elle, resta sans bouger pendant un moment, puis sa vue se troubla et lorsqu'elle senti ses joues se mouiller, elle comprit qu'elle pleurait.
-Maxime, je n'ai jamais réussi à t'éloigner de mon esprit, je t'aime !
Pourquoi n'est-ce pas ça que je t'ai dit ?
Elle sortit en pleurs, et lorsqu'elle rentra chez elle ses yeux coulaient encore. Des sanglots continuèrent de secouer son cœur meurtri lorsqu'elle s'endormit à cause de la fatigue du trajet, et la douleur de son âme. Elle ne se leva même pas pour déjeuner.
Elle n'avait pas vu en rentrant chez elle que son père la suivait du regard. Que pouvait-elle bien avoir, elle était si heureuse de rentrer, peut-être que la blessure d'avec ce garçon ne s'était pas encore bien refermée. Il aurait dû insister, ne pas se contenter de cette vulgaire explication qu'elle lui avait donnée. A l'instant, elle avait le même visage que lorsqu'elle était arrivée chez lui à Nice. Il s'en souvint encore parfaitement. C'était il y a quatre ans...
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-Papa, j'aurais besoin de rester un peu chez toi, enfin ici. Pardon je ne t'ai pas prévenue.
Elle avait des larmes dans les yeux et il s'était pressé de la faire entrer, de lui faire à manger, de préparer la chambre qu'elle occupait quand elle venait ici...
Le visage triste et fatigué qu'il avait vu était loin d'être celui qu'il connaissait. Mais quand il lui avait demandé ce qui n'allait pas, elle s'était simplement contenté de mettre sa belle-mère en dehors des soupçons et était partie se coucher. Il avait du attendre énormément pour lui soutirer des informations. Elle se tuait au travail, il s'en était presque voulu de lui avoir trouvé son stage.
Mais il avait compris qu'elle essayait de remplir au maximum son emploi du temps pour ne plus avoir le temps de penser à elle. Il se souvenait encore du soir où il l'avait forcé à sortir. Lorsqu'elle s'était retrouvée dans la fête foraine avec une barbe à papa, elle lui avait enfin dit ce qu'il voulait entendre depuis des mois.
Laetitia lui avait raconté qu'elle avait été déçue par quelqu'un mais s'en voulait de ne pas lui avoir laissé une seule chance de se rattraper, elle n'en dit pas plus. Il avait pensé sur le coup que c'était une déception amoureuse, qu'un garçon l'avait plaqué alors qu'ils s'étaient voué un amour infini. Pourtant il se souvint d'avoir eu un soupçon. Il est vrai que Laetitia n'avait pas pleuré à la mort de sa mère, se montrant extrêmement courageuse, alors pourquoi une histoire d'amour ratée lui faisait cet effet là. Puis il s'était dit que le cœur d'une jeune fille peut parfois être plus fragile qu'on le croît.
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Mais aujourd'hui le doute l'assaillit de nouveau, pourquoi était-elle dans le même état ? Se pourrait-il qu'il ait tiré des conclusions hâtives ? Y aurait-il autre chose ? Il devait en avoir le cœur net ! Il ne supportait pas de voir sa fille unique malheureuse. Il s'était trop reposé sur elle. Depuis la mort de sa mère, elle l'avait soutenu sans jamais rien demander, il aurait été égoïste de la laisser maintenant qu'elle avait besoin de lui. Il n'avait qu'elle, n'avait jamais eu d'autre enfant, alors il ne voulait pas qu'elle se croît seule au monde. C'était à lui de faire quelque chose. Il montait les escaliers pour aller dans la chambre de Laetitia lorsqu'une voix assez aiguë l'interpella :
-Chéri, je suis avec Mme De Ralotre au téléphone, elle est enchantée que tu sois de retour et son mari insiste pour que vous parliez du contrat de fusion de vos deux entreprises. Elle nous a invités tous les trois ce soir.
-Rappelle-les et dis-leur que je ne me sens pas bien. Je dois discuter avec ma fille, et je n'ai pas envie de parler affaire quand elle va mal.
-Voyons j'ai déjà accepté, répondit la voix, c'est trop important pour le repousser encore. Ca fait deux ans que tu repousses parce que tu ne voulais pas laisser Laetitia seule à Nice !
-Et bien il n'avait qu'à se déplacer ! Ma fille est plus importante qu'une fusion d'entreprise ! Grogna-t-il.
-Mais enfin tu te rends compte de la situation dans laquelle tu me mets ?
-Violette, je t'ai dit que je dois parler à Laetitia, le dîner attendra, il y a d'autre soir dans la semaine.
-Tu viens de passer plus de quatre ans avec elle, tu peux bien te consacrer une soirée. Et puis cela lui changera les idées.
Il hésita et se dit qu'elle n'aurait de toute façon pas envie d'en parler tout de suite. Mieux valait-il laisser un peu de temps et en prime accorder à Violette ce qu'elle désirait. Il l'avait négligée alors il ferait un effort pour ce soir.
-Bon, d'accord, fit il.
-Magnifique !
Il redescendit les escaliers et partit vers son bureau, mais se promit de parler à sa fille dès que l'occasion se présenterait. Il fut frustré d'avoir accepté le dîner car Léa ne se montra pas de la journée.
De son côté, Max aussi était frustré. Il rentra beaucoup plus fatigué et infiniment plus triste que les jours qui l'avaient précédé. Une douche brûlante soulagea quelque peu sa fatigue, mais malgré le jet d'eau fraîche qu'il se passa ensuite sur le corps, ses idées ne se remirent pas toutes à leur place.
On était déjà en novembre, le temps s'était rafraîchi, du coup il se sécha correctement les cheveux et enfila un pull. Ce n'était pas le moment de tomber malade, au chantier, le travail ne manquait pas. Il s'allongea sur son lit, mit machinalement la radio en route et attrapa un cadre qui se trouvait sur la table de nuit : il regarda le visage souriant, les yeux d'émeraude et poussa un profond soupir.
-Je pense pas que ce soit une bonne idée de rester ici, parce qu'il y a trop de photo de toi, et rien ne m'embrouillera plus que de le savoir.
Il reposa doucement le cadre de la photo de Laetitia et se leva, il vérifia dans son portefeuille, puis voyant qu'il avait assez d'argent pour se payer un snack sortit.
-Je m'en vais pas longtemps, je vais essayer de me fatiguer un maximum pour pouvoir fermer l'œil cette nuit. Je vous confie le studio, lança-t-il vers la table où se trouvait ses Pokéballs avant de franchir la porte.
Silencieusement, il se dirigea vers le centre ville.