La dixième marcheuse de junkolusa

Une fois libérés sur l'autre rive, les trois continuèrent vers les montagnes entourant le Mordor avec leur guide. Cynthia sortit sa carte et regarda avec appréhension le col le plus proche.
-Dites moi, par ou passerons nous ?
-Selon le puant …
-Sam !
Frodon lança un regard noir à son ami qui décida de changer de termes.
-Pardon M'sieur Frodon. Selon Gollum, il y aurait un chemin, un escalier et un tunnel.
-J'aime pas ça. Dès que je me retrouve sous terre, il m'arrive des problèmes.

Frodon la regarda du coin de l'œil, visiblement soupçonneux. A ses yeux, Cynthia devenait de plus en plus louche. Elle cachait des secrets, incitant Frodon à penser qu'elle avait menti sur son évasion des mains des ourouk-haï et sur beaucoup d'autres choses. Il était près de la vérité en fait. Sa suspicion était augmentée par le talent qu'elle avait déployé pour faire plier Faramir, il craignait qu'elle ne veuille les manipuler, surtout Sam, pour qu'ils s'entre déchirent. Sa méfiance était attisée par les sournoiseries de Gollum qui espérait détruire le groupe.
En même temps, Cynthia et Sam se rapprochaient, unis par la méfiance qu'ils avaient à l'encontre de Gollum. Ils étaient très perspicaces et voyaient que ce fureteur avait obtenu les bonnes grâces de Frodon et le montait contre eux. En apparence, tout était calme et tous s'entendaient assez bien. Une fois la nuit tombée et les autres éloignés, deux blocs se faisaient face, sans pour autant se dévoiler.

Le soir même, Frodon trouva un petit vallon abrité des regards. Le groupe bivouaqua et finit par se coucher. En réalité, Gollum ne dormait que d'un œil, Frodon était réveillé mais n'entendait absolument rien de ce qui se disait, trop absorbé par la contemplation de son anneau. Sam et Cynthia discutaient à voix basse, dormant chacun leur tour pour surveiller le fouineur.
Le hobbit joufflu regarda le ciel d'un noir d'encre, les nuages masquant les astres.
-Vivement que la lumière revienne sur ces terres. Une fois éclairées, tout sera parfait.
-Pourtant la lumière peut aveugler autant que les ténèbres. Tu sais Sam, il y a plus de points communs entre ces deux opposés que tu le crois.

Cynthia s'était forgé sa petite idée sur l'influence de ces deux extrêmes et elle comptait bien faire partager ses convictions.
-Dans la lumière tu peux voir, tant qu'elle n'est pas trop pure. Dans les ténèbres, tu peux ressentir les choses. Tu fais fonctionner ton ouie, ton odorat, ton sens du toucher, mais surtout, tu développes un autre sens. Moi j'ai vécu dans les abysses de noirceur et je me suis entraîné à ressentir. Je sais ce qui m'entoure, les choses, les êtres vivants et je sais même si ils me sont hostiles ou non.
-Mais tu sais que dans le noir, il est plus facile d'agir discrètement.
-Seulement si les choses dont tu ne veut pas être vu sont diurnes ! Il est inutile de vouloir piéger une chauve-souris ou un loup en pleine nuit.

Sam réfléchit un peu et finit par acquiescer.
-C'est pas faux. Bon, je vais essayer de dormir.
-Bonne nuit Sam, je te réveillerai quand j'en aurai assez de surveiller le fouineur.
Le reste de la nuit se passa sans encombre, seul un hibou fut témoin des dissensions qui couvaient sous l'apparente cohésion du groupe.

Après quelques jours de marche, ils atteignirent enfin les racines des montagnes noires. Une petite vallée s'ouvrait et révélait une place forte. Cette ville de pierres blanches s'illuminait à la lueur de la lune. Minas Ithil, place forte du Gondor gardait un des accès secrets vers l'intérieur des montagnes limitant le royaume de l'ennemi. Il n'en était plus ainsi depuis longtemps.
La lumière de la lune ne traversait plus les nuages depuis presque un millénaire. La cité vide était sombre, sa grande tour émettant une faible lueur verte. Ce n'était pas le vert flashant d'une prairie sous le soleil, c'était le vert mortuaire d'un cadavre pourrissant. Devant le pont conduisant à la cité morte de Minas Morgul, deux horribles statues repoussantes donnaient à ceux qui se trouveraient en face d'elles, l'envie de faire demi tour en courant.

Détournant les yeux de cette vision d'horreur, le groupe suivit Gollum derrière un énorme rocher.
-Regardez ! Nous l'avons trouvé ! L'escalier secret pour le Mordor.
Alors que tous levaient les yeux vers ces marches taillées à même la roche, ce passage escarpé ressemblant parfois plus à une échelle qu'à un escalier, Frodon se dirigea comme un zombie vers les portes de la ville. Gollum hurla de terreur.
-Pas par là ! Que fait-il ? Pas là bas !
Sam se jeta sur son ami pour le soustraire à la tentative de l'anneau.
-N'y allez pas ! Gollum dit qu'il ne le faut pas et pour une fois, je suis bien d'accord avec lui !

Alors que tous étaient de nouveau cachés derrière le gros rocher, un tremblement de terre retentit. La tour émit une puissante lueur verte, projetant un rayon d'énergie vers les cieux noirs, cachés par la fumée émise par le volcan.
Une nouvelle monture ailée s'éleva de la ville pour se percher sur les créneaux. Le seigneur des Nazgûl poussa alors son terrifiant cri. Sam et Gollum se bouchèrent les oreilles, tandis que Frodon posait sa main sur son épaule et Cynthia sur son bras gauche. Rien qu'à entendre ce cri, ils sentaient à nouveau la lame meurtrière dans leur chair. Les portes s'ouvrirent, libérant l'armée qui attaquerait bientôt Minas Tirith ou s'étaient rassemblés les défenseurs des peuples libres. Le roi sorcier juché sur sa monture s'élança, planant au dessus de son armée.
-Allez, il faut y aller, il faut grimper.

L'escalade fut longue et périlleuse. Les marches étaient raides et toute chute se traduirait par un fatal roulé-boulé jusqu'en bas. Le trio et leur guide atteint enfin une corniche assez large qui leur permettrait de passer la nuit. Cette nuit fut agitée. Gollum dormait tandis que Sam le surveillait d'un œil, que Frodon serrait son anneau et que Cynthia attendait d'être réveillée par Sam pour surveiller leur guide. La confiance inexistante dont certains faisaient preuve se révéla justifiée. Alors que Cynthia faisait semblant de dormir, Gollum se dirigea vers les sacs. Les réserves de nourriture seraient moins utiles une fois jetées dans le vide. Cynthia attrapa le bras de la créature maigrelette avant qu'il ne commette l'irréparable.
-Bien essayé. Je me méfiais de toi et j'avais raison.
Gollum grommela, ce qui réveilla les deux hobbits.

Frodon regarda son guide se faire agresser sans raison apparente.
-Cynthia, lâche le !
-Certainement pas Frodon ! J'ai surpris ce petit idiot tenter de jeter nos réserves de nourriture. Je savais qu'on aurait du se méfier de lui.
-Vous devez admettre Monsieur Frodon, qu'il n'est plus fiable. Il nous a montré le chemin, nous n'avons plus besoin de lui.
Gollum tenta de jouer sur les sentiments du porteur de l'anneau.
-Ce n'est pas nous ! Nous avons juré de servir le maître.
L'explosive blonde s'emporta.
-Menteur ! Tu essayes de manipuler Frodon. Tu essayes de monter notre ami contre nous !
-Non Cynthia.

Frodon avait parlé d'une voix calme.
-C'est toi qui essayes de me monter contre notre guide. J'ai vu ton manège, tu as un don de manipulatrice. C'est toi qui n'a pas sa place ici.
-Frodon, tu n'es pas sérieux ?
-Si. C'est à toi et à Sam de partir. C'est vous les dangers dans ce groupe.
Cynthia était estomaquée, Sam avait les yeux plein de larmes.
-Non, vous ne pensez pas ce que vous dites …
-Partez maintenant ou je me verrais obligé de vous faire du mal pour réussir ma mission.
Cynthia prit Sam par l'épaule et le serpent blond cracha son venin corrosif.
-Très bien, on s'en va. Frodon, quand ton guide t'aura trahi, j'espère que tu mourras vite.

Elle prit le hobbit joufflu dans ses bras pour le consoler tandis que Frodon reprenait son ascension.
-Ne t'inquiète pas Sam. Nous allons les suivre.
Les deux descendirent une vingtaine de marches pour se mettre hors de vue de Frodon. Une fois à l'abri, ils attendirent quelques minutes avant de grimper de nouveau en silence. Une fois au sommet des marches, ils découvrirent l'entrée d'un tunnel sombre. Une horrible odeur s'en échappait, confirmant vraiment les craintes de Cynthia.
-Allez, il faut retrouver Frodon. Nous devons entrer, nous n'avons pas le choix. Il ne faut pas avoir peur du noir. L'obscurité effraye parce que nous craignons ce qui est inconnu. Tu n'as rien à craindre ici Cynthia. Ce n'est pas parce qu'il fait sombre que tout espoir est vain. N'ai je pas raison ?
Cynthia sourit devant les paroles qui avaient réconforté Sam dans la Moria, maintenant c'était lui qui redonnait du courage à la dresseuse.
-Merci Sam, allez on y va.