Sensations ou émotions ?
Vous avez voulu ma mort… vous récolterez la votre. En garde misérable vermine humaine. Vous êtes ridiculement faible et fragile et malgré tout vous vous obstinez à diriger le monde et à répandre l'effroi et le mal autour de vous alors que d'un geste je pourrais vous détruire comme une pitoyable brindille. Vous pullulez sur notre belle planète et œuvrez à nous asservir. Vous nous faîte combattre sans fin, jusqu'à la mort ! Une vie de combat pour quelques moments d'affections, pour un regard reconnaissant ou fière qui parfois n'arrive jamais. J'ai au fond de moi une mémoire séculaire et je me souviens de tout… de votre comportement envers mes ancêtres, de votre âme vile et cruelle, de vos harassants entraînements, de votre arrogance sans limite qui a entraîné votre déchéance… Comme une banque d'innombrables données qui flotte dans mon cerveau alors qu'elles ne devraient pas y être. Je suppose que c'est également le fruit de vos expériences sur moi. Maudits humains ! Ou peut-être est-ce simplement inscrit dans mes gènes, comme quelque chose d'inné que l'on sait sans trop savoir comment tout comme nous savons nous battre et nous servir de nos pouvoirs. Humains… je sais toutes vos erreurs, tous vos échecs, … Ma noble race à longtemps souffert pour vous…à cause de vous. Mais moi je sais… Toujours vouloir dominer par n'importe quel moyen ! Et ses sentiments dont vous êtes affublés me répugnent ! J'ignore pourquoi je peux ressentir les même chose que vous et je le regrette énormément. Vous vous mentez sans cesse, la générosité, qui n'est que le fruit inconscient de l'égoïsme, ce fait toujours dans l'espoir imperceptible d'obtenir quelques chose en retour ! Et chaque émotion pourrait ainsi trouvait une explication démontrant votre essence profondément maléfique. Seul, je ne peux décimer votre nuisible espèce mais j'éliminerais le plus possible de ces êtres méprisables qui infestent la surface de la planète…
Un homme surgit précisément à cet instant face à moi et il n'a même pas le temps de m'apercevoir qu'une décharge mortelle le fait retourner au néant qu'il n'aurait jamais dût quitter. Près du corps inanimé, un jeune Malosse gémit et essaye de le réanimer par d'insistante frappe du museau. Il gémit, et se blottit contre le corps encore chaud sous mon regard aussi froid et insensible que la glace. L'homme… ce n'est pas un des chasseurs… C'est un adolescent dont le visage est à tout jamais figé en une expression de stupeur. Sans doute un campeur ou un dresseur en voyage initiatique. Quatre pokéball s'échappent de sa ceinture et roulent sur le sol avant de s'immobiliser complètement. Je tremble, mais ce n'est ni de peur ni d'émotion. J'ignore la raison de mon état. Le pokémon chiot aussi grelotte, rongé par le chagrin et la consternation. Un instant l'idée de mettre un terme à sa souffrance m'effleure l'esprit mais je rejette cette option en bloc. Il s'en remettra… C'est un bébé je ne peux me résoudre à lui faire du mal. Mais alors que je fais volte-face je sens une fulgurante douleur. L'attaque Morsure… Ses jeunes crocs enserrent douloureusement ma patte et je suis surpris par cette virulente réaction au moins autant que par sa puissance… la puissance du désespoir. D'un brusque mouvement je m'échappe de cette emprise et le menace. Des étincelles crépitent sur mes joues et il est suffisamment sage pour reculer et pour comprendre qu'il n'a pas intérêt à recommencer. Il est de mon devoir de le punir normalement pour lui inculquer la loi du plus fort mais je n'en ais ni la force ni le courage. Ses grands yeux noir et embués sont implorant. Je m'élance dans la direction opposée et sens dans mon dos son regard perçant et toute la force de sa haine. L'épuisement ne m'a pas quitté mais il semble obstrué par la détermination, la colère, l'instinct de survie et par quelque chose qui ressemble à la jubilation. Je ne doute plus à présent et les odeurs de plus en plus lointaines du genre humain m'y aident grandement. Celles de la végétation aussi s'éloignent, ce font plus légères et se dissipent lentement. Je me rapproche. Bientôt les premiers rayons du soleil câline mon pelage et mes membres endoloris et exténués. Enfin je suis parvenu au sous bois. L'aube s'étire devant moi, tableau chatoyant aux saveurs indescriptibles et perceptibles seulement par les pokémons. Malheureusement pour eux, les humains sont obnubilés par ce qu'ils voient, ne cherchant pas plus loin, au-delà des apparences. Nous nous savons, nous sentons, nous voyons les plus petits détails et nous ressentons l'harmonie totale existant entre la nature et les créatures qui la peuplent. Contrairement à eux, chez nous, les sensations et les émotions sont toujours liés. Dès que nous percevons quelque chose, un sentiment surgit en nous, colère, tristesse, joie, … Chaque odeur fait émerger une émotion tandis qu'eux peuvent rester complètement stoïques en entendant ou en sentant quelque chose. Certes, parfois une sensation fait ressurgirent des souvenirs en eux et ce sera cette remémoration qui créera le sentiment mais c'est très différent pour nous. Certaines odeurs sont mélancoliques ou euphoriques mais il n'y a que les créatures bestiales qui captent ceci. Les humains se contentent de sentir bêtement sans déceler toute la complexité et l'intensité de l'odeur. Tout comme ils ne voient pas la palette de couleur que forment les odeurs qui s'entremêlent et se complètent. Ce n'est pas facile à expliquer, d'ailleurs je me demande l'utilité de le faire, c'est ainsi un point c'est tout. Les sens des Hommes sont bridés et leurs esprits tellement fermés qu'ils ne nous comprennent pas et encore moins le monde dans lequel, pourtant, ils évoluent…ce même monde qu'ils détruisent sans vergogne en construisant des villes, et rasant les forêts, en chassant, … Ils brisent notre équilibre sans même sans rendre compte car ce qui compte avant tout c'est leur propre plaisir, leur propre bien-être et peu importe que d'autres en souffrent ou même que leurs descendant ne puissent jamais connaître la splendeur d'un couché de soleil… Seul le présent leur apparaît important… Ils ne comprennent ou ne veulent comprendre ce qu'engendrera bientôt leurs actes égoïste et intéressés. Mais moi je sais et je suis révolté… Pourtant que puis-je faire, seul… totalement seul ?
Je n'ais plus besoin de courir maintenant. Ils ne me rattraperont plus. Je suis forcé de me coucher pour reprendre des forces mais je reste aux aguets. Les supplices des pokémons sauvages retentissent encore longtemps. Je ne me décide à bouger qu'en début d'après midi. Je ne sais pas où aller. Je suis de nouveau un vagabond, sans domicile transportant pour toute bagage qu'une malle de souffrances et de déchirures. J'avance dans la plaine verdoyante où flottent les odeurs suaves et sucrées des fleurs multicolores, éveillant en moi des souvenirs depuis longtemps enfouis et me procurant un sentiment nostalgique. J'avance ainsi toute la journée, me droguant aux parfums de la végétation que foule mes pattes agiles. Brusquement je m'arrête. Je regarde autour de moi. La nuit tombe doucement, coloriant le ciel de rose et d'orange. Des arbres parsèment l'endroit pourtant ce qui attire mon attention n'est nullement la magnificence du paysage mais plutôt un vulgaire trou…une tanière visiblement désertée… Ma tanière ! Mes yeux s'écarquillent lorsque cette révélation, cette certitude s'empare de moi. Hésitant et méfiance, je hume les odeurs effacées. C'est celle d'un Fouinard mais en poussant plus loin mes recherches olfactives. Une odeur de Raichu qui m'est familière et en même temps tellement lointaine. Je ne sais pas comment réagir. Il y a si longtemps que je n'étais pas revenu ici. C'est étrange comme le destin me ramène précisément dans ce lieu… ce peut-il que ce soit chez moi ? Je revois brièvement, trop brièvement pour que je puisse en saisir les traits, le visage de ma mère. Je l'aurais totalement oublié, elle et sa fin funeste, si je n'avais pas revécu si souvent des scènes de mon enfance aussi précise. Je déglutis et me décide, comme poussé par une affection, une joie lointaine et révolue mais toutefois envoûtante. Je pose une patte puis l'autre. J'avance dans l'obscurité la plus totale, heureusement ma vision s'accoutume vite. Arrivé au fin fond de mon refuge je me rouble en boule et m'apaise. Je pourrais presque percevoir ma famille à côté de moi qui s'agiterait et me tiendrait chaud… Je me laisse bercer par l'indicible odeur et par un souvenir dont il ne me reste plus que des esquisses gommées. Dans un état proche de la plénitude et de la sérénité, je ferme les yeux et tombe dans le plus bénéfique des sommeils, un sommeil sans rêves autrement dit sans cauchemars…