La méprise
Je m'arrête haletant, le souffle court, près d'un ruisseau dont je m'abreuve. Une sensation, qui m'est coutumière, ce fait alors ressentir. La faim me tenaille. Je regarde autour de moi dans l'espoir de trouver de quoi me nourrir. Au bout de quelques instants j'aperçois, au somment d'un gigantesque arbre centenaire, dans son épais feuillage, une baie bien rouge à l'aspect appétissant. A cet instant précis je suis ravi d'avoir une queue aussi longue. D'un coup précis et rapide de ma lame caudale, je fais tomber mon repas. Je ramasse mon butin et m'en régale. Mais ça n'a pas suffit à me rassasier. Je me remets en marche. Les faibles remous de l'eau me parviennent aux oreilles dans une sorte de lente et berçante mélodie. Mon ouïe est nettement plus développée que celle des autres. Je suis empli d'une sorte de sérénité mais je suis tout de même prêt à détaler en cas de besoin… Mes pas m'amènent aux abords d'une ville. Une ville ! L'horreur pour moi ! Un endroit plein d'humains ! Pourtant au lieu de fuir, je reste statique, j'hésite quant à l'attitude à adopter. Je sais que pénétrer en ce lieu est terriblement dangereux mais une irrépressible curiosité m'envahit. Une voix intérieure me conseille vivement de rester prudent et de faire demi-tour mais une seconde m'incite à y aller. Alors avec méfiance j'écoute la seconde et entre dans ce refuge pour humain. Avec fierté je me dis que je ne risque rien, que rien ne peut m'arriver car je suis bien plus fort que tous réunis. Je sens quelques regards se diriger vers moi et me scruter sans pudeur. Je trouve cela extrêmement désagréable mais je feins une indifférence que je suis bien loin d'éprouver. J'espère que ces stupides humains me prendront pour un pokémon « domestique » comme je les appelle. Je me querelle sur mon comportement. Pourquoi diable suis-je venue ici ? ! Un jeune homme me jauge, et ses yeux me font frissonner. Une envie évidente de me capturer. Je peux sentir derrière mon dos, les gestes précipités mais discrets qu'il exécute. Je fais un bond sur le côté l'œil noir, et d'un coup furieux de ma queue lui fait lâcher la pokéball qu'il brandit devant lui comme une arme menaçante. Une profonde entaille se forme sur la paume de sa main et du sang s'échappe bientôt de la plaie. La pokéball roule au loin, et le jeune homme me regarde visiblement hébété serrant sa main blessé contre son torse. Après lui avoir jeté un dernier regard agressif, je m'enfuis à toutes pattes. C'est humains sont tous pareils !
Arrivé dans une ruelle, je stoppe ma course folle. Je me sens dévisagé et lorsque je fais volte-face, je me retrouve museau à museau avec un Skitty femelle. En tant que rongeur électrique et elle étant un chaton, j'aurais dû déguerpir mais je n'en fais rien. Je me mets juste en position de défit prêt à recevoir la première attaque. Mais elle ne vient pas. Le petit pokémon rose secoue sa queue d'un air joviale, sa tête légèrement penchée sur la droite. J'aurais aimé être aussi insouciant qu'elle…
Epuisé, je m'allonge sur le béton froid et dur et au bout de quelques instants je m'endors rassuré quant aux intentions de Skitty.
Je suis réveillé par une agitation inhabituelle. Une fraction de seconde j'oubli où je me trouve…en ville…repère a humain ! Je me demande comment j'ai bien pu réussir à m'endormir en un tel lieu. Skitty est partie, sans doute m'a telle trouvée inintéressant et est-elle partie examiner un pokémon plus loquace…
Parler… cet acte me paraît bien inutile. Un enfant passe devant l'étroite ruelle dans laquelle je me suis engouffré la veille. Sa mère ne me remarque pas contrairement à lui. Il approche en ma direction agitant devant lui ses petits doigts potelés. Je dresse ma queue frétillante à la manière d'un serpent dans l'espoir de l'intimider. La lame qui se trouve à son extrémité reflète les rayons du soleil et le bambin s'en émerveille. Il ne doit pas avoir plus de cinq ans. Il s'approche encore. Je ne sais pas qu'elle attitudes adopter. Alors je me retourne prêt à m'enfuir…mais je suis dans un cul de sac. Aucune possibilité de fuite. Mon cœur s'emballe. J'ai l'impression qu'il va imploser. Le petit garçon avance toujours. Il n'est plus qu'a un mètre de moi quand pris de panique je lui saute dessus. Il tombe à la renverse et se met à pleurer. Je ne veux pas lui faire de mal, je voulais juste le faire fuir. Mais je ne pensais pas qu'il puisse être si fragile et si instable sur ses pieds. C'est un humain et pour ça je le déteste. Mais c'est un petit humain alors je ne le tue pas. Je ne tue pas les bébés autant pokémon qu'humains. J'ai faillis le faire une fois, j'avais faim et il y avait une tanière de Fouinette. Plein de nouveau-nés s'y reposait. Je me suis approché d'eux. J'aurais pu tous les tuer si je le voulais. Mais je suis repartis. Je ne pouvais pas faire ça en mon âme et conscience. Certains peuvent penser que je n'ai pas de conscience car j'ai déjà tué de sang froid sans rien ressentir, mais ce n'est pas vrai j'ai une conscience.
Je sais ce qui est bien et ce qui est mal. Et tuer ce n'est pas mal…c'est la loi de la nature, la loi de la vie, celle du plus fort et du plus faible. Le plus fort tue le plus faible. Il en va toujours ainsi. La mort est une étape de la vie, et elle survient plus ou moins tard et de n'importe qu'elle façon. Sous moi le chérubin s'agite, il sanglote, gémit encore et bientôt ses cris retentissent de plus en plus forts. Une femme arrive, elle regarde perplexe le spectacle. Un Raichu étrange au-dessus d'un petit homme. Elle se remet bien vite, une fois la stupeur passée, et pousse un cri de terreur. Bientôt des renforts accourent. Je ne sais pas quoi faire. Un homme imposant me bloque le passage. Je ne peux pas fuir. Une bonne dizaine d'hommes et de femmes me regardent avec rage. Je lis dans leurs yeux leur désir de m'exterminer. Ils pensent que je veux tuer ce mioche mais ils se trompent. Je veux juste quitter cette ville et vivre en paix. Mais déjà je vois l'un d'eux porter la main vers une ceinture ou j'aperçois de nombreuse sphère métallique rouge et blanche. Il veut ce battre alors il ne sera pas déçut. Je vais lui montrer ce dont je suis capable. La colère s'insuffle dans mes veines et inconsciemment je fais sortir des étincelles de mon corps. La rage de vaincre s'empare de moi…je ne sais pas refuser un défit. Ils veulent la guerre alors ils l'auront. Je regrette cette situation, j'aimerais que rien de ceci ne soit arriver. Un rayon rouge se métamorphose sous met yeux en un magnifique Chartor. Il est assez grand pour un Chartor. Sa carapace est noir charbon et de la lave en fusion la parsème. Son corps est orange, son regard léthargique, et somnolent. De la vapeur s'échappe de ses naseaux et du centre de sa carapace. Ses pattes massives sont pourvues de griffes dangereuses. Il semble d'une lenteur effarante et j'ai l'impression trompeuse qu'il sort d'un long sommeil. Il ne me fait pas peur. Je n'ai peur d'aucun pokémon. Le dresseur lança d'une voix rocailleuse et virile :
- Chartor commence avec une attaque Flammèche.
- Chartor Cha ! Répondit son pokémon »
L'imbécile de pokémon n'a compris d'autre que le nom de l'attaque comme la plupart des pokémon. Il envoie un jet de flamme dans ma direction. J'esquive avec une Vive Attaque et enchaîne rapidement avec une attaque Souplesse. De ma lame j'envoie valser mon adversaire. Mais sa protection est solide et c'est sans trop de peine qu'il se relève. Ses yeux ne reflètent rien, ils sont vides, ce qui lui donne une apparence nigaude. Le pokémon tortue tente une attaque Placage. Décidément ce dresseur est un idiot. Aucune des attaques du pokémon ne peuvent m'atteindre, il est bien trop lent et moi beaucoup trop rapide. Son seul atout étant sa défense, sa lourdeur et sa grande endurance. Il utilise le Mur de Fer. Ses muscles se contractent augmentant très fortement sa capacité de résistance. Je décide de m'amuser un peu avec lui, je ne vais pas m'en débarrasser tout de suite. Je vais laisser croire à son dresseur qu'il a une chance de me vaincre. J'exécute à la perfection une attaque Torgnoles mais Chartor n'en pâtit pas vraiment. Il se redresse et effectue Eruption. Je recul pris de cours. Cette attaque ne s'apprend que par accouplement et j'ignorais qu'il la possédait. Plus il reste d'énergie à l'adversaire plus les effets seront dévastateurs. Je dois réagir et vite. Il ne m'a pas encore touché, je suis encore en pleine forme et si cette attaque me touche, je serais en très mauvaise posture. En dernier espoir j'utilise Reflet. Ma stratégie fonctionne car Chartor ne sait plus lequel de mes doubles chimériques il doit viser. Son dresseur enrage. Je reste concentré car le moindre mouvement peut me révéler. Je respire le plus calmement possible. Cerné par mes reflets le pokémon s'impatiente. Et envoie son attaque au hasard. Par chance il ne m'atteint pas. Alors tandis qu'il se prépare à me débusquer, j'utilise une attaque Eclair en y mettant toute ma puissance. Aussitôt mes doubles s'évaporent. Et je me retrouve de nouveau seul face au pokémon feu qui semble ne pas avoir ressentit mon attaque tant sa carapace est dure. Je l'attaque alors avec Cage-Eclair. Il se paralyse. Je ne dois surtout pas lui laisser le temps de lancer Eruption ! Il pousse un grognement peu convaincant et essaye en vain de se dégager. Il ne me reste plus qu'à l'achever. Et je le fais sans scrupules. L'homme me jette un regard horrifié et je le fixe d'un air moqueur. Je le nargue, n'attendant qu'une chose, qu'il envoie un autre de ses pokémons à l'abattoir. Mais il semble avoir comprit. Il semble bouleversé par le mort de Chartor et je ne le comprends pas. Cette réaction m'intrigue et me surprend. Les hommes se moquent éperdument de leurs pokémon d'ordinaires, ce ne sont pour eux que des machines à combattre le moyen de leur apporter un soupçon de gloire. Pourtant les autres pokémon, les « domestiques » ne semblent pas s'en rendrent compte… Je suis un des rares pokémons à le savoir car je peux lire en eux… L'homme à un regard affligé. Il s'approche du corps sans vie et je vois des larmes couler sur son visage. C'est la première fois que je vois des larmes pourtant je sais que c'est l'expression d'une intense tristesse…
Je n'ai jamais pleuré du moins je ne m'en souviens pas…peut-être que les pokémon ne peuvent pas… je ne sais pas…
Je sens la haine monter en cet homme. J'essaye de l'analyser, de le comprendre mais n'y parvient pas. Je ne veux pas m'attarder plus longtemps. Ce spectacle m'insupporte.
Ce pourrais t'il que je sois jaloux de ce Chartor, jaloux parce qu'on le pleure ? … Est-ce qu'on me pleurerait moi ? Non je ne crois pas…
Le gamin va bien, il est dans les bras de sa mère à présent et il ne reste comme de trace de sa peur récente que quelques larmes séchées. Mais les citadins ne veulent pas me laisser partir comme ça. Ils veulent que je ne nuise plus à personne. Je me faufile à toute vitesse entre les jambes d'un de mes agresseurs. On essaye de me bloquer, de m'immobiliser. Au passage je mords, je griffe des doigts, des mollets qui entreprennent de me retenir. Ils m'attrapent la queue, je me libère…Tout va très vite, je ne pense à rien d'autre car disparaître de leur vue. Finalement je me réfugie derrière une poubelle. Des recherches sont entreprises pour me retrouver… Au bout de deux heures, je m'aventure hors de ma cachette et me dirige le plus discrètement possible vers la sortie de la ville. C'est avec un intense soulagement que j'aperçois la forêt au loin. Je cours presque maintenant, rêvant de l'atteindre au plus vite afin de m'y calmer et de me remettre de mes émotions…
Tout ça pour une vulgaire méprise… je n'avais aucunement l'intention de faire de mal à ce petit homme ! Une nouvelle mort s'ajoute sur ma liste déjà colossale… Sans qu'aucun remords ne m'agite.