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S'avouer vaincu de Pikercy



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» Auteur : Pikercy - Voir le profil
» Créé le 18/08/2009 à 23:51
» Dernière mise à jour le 18/08/2009 à 23:51

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8 - A travers la brume
---I---



Les yeux rougis, elle agrippa la rampe de l'escalier. Les lumières sèches des néons lui donnaient un sacré mal de crâne – ou peut-être étaient-ce les trois heures qu'elle avait passé sur son lit, à se tourner, se retourner et se frotter les yeux pour retenir ses larmes. D'un pas lent, elle avala les marches, une à une, jusqu'au rez-de-chaussée. Elle s'arrêta, hésita. Elle resserra la sangle de son sac à dos, réajusta son chapeau, s'arrangea les cheveux. A ses pieds, Tiplouf l'interrogea en lui pressant légèrement sa jambe. Elle inspira, expira. Sa décision était prise, elle se dirigea vers la porte lorsque la voix de l'Infirmière Joëlle l'interrompit.

« Excuse-moi jeune fille ? »

Aurore se retourna et, avec un soupir, se dirigea vers l'accueil où l'Infirmière lui faisait signe. D'ailleurs, elle profita de l'occasion pour lui demander d'un ton las :

« Bonjour Infirmière Joëlle. Dites-moi, avez-vous mon ami Pierre qui est arrivé avec moi ?
- Non, répondit-elle d'un air renfrogné. Il est parti après m'avoir pourri la vie pendant un quart d'heure, jusqu'à qu'un de ses Pokémon intervienne. Je ne sais pas où il est maintenant.
- Bon, ce n'est pas grave.
- Par contre, j'ai besoin de savoir où est ton autre ami, Sacha.
- Je ne sais pas où il est, répondit Aurore à toute vitesse.
- Ah, tu n'en as vraiment aucune idée ? C'est embêtant, poursuivit Joëlle en voyant la jeune fille secouer vigoureusement la tête, parce que je viens de recevoir un message pour lui, qui semble urgent. Il vient d'Azuria et…
- Vous lui donnerez quand il rentrera ! interrompit Aurore, avant de tourner les talons. »
L'Infirmière Joëlle était très surprise du ton employé par cette jeune fille, avant de se rappeler ce qu'il s'était passé avec elle et son groupe plus tôt dans la journée. Un groupe bien sur les dents on dirait… soupira-t-elle pour elle-même. Aurore, quant à elle, avait déjà quitté les lieux, la porte du Centre venant de se refermer sur le corps bleu du Tiplouf qui trottinait à ses côtés.



***



A Azuria, une nouvelle journée commençait et l'arène officielle était cette fois-ci ouverte normalement, dès le début de la journée. Violette était allée au Centre chercher les Pokémon, complètement remis de leur harassante journée de la veille, prêts à retrouver le même régime. Une dizaine de dresseurs attendaient patiemment l'ouverture des portes, chacun ayant leur petit papier leur certifiant de passer en priorité devant la Championne, quelle qu'elle soit. Alors que Lily s'apprêtait à ouvrir les portes en compagnie de Daisy, sa courte et lourde nuit de sommeil persistant dans son regard, elle demanda à sa sœur :

« Tu as reçu une réponse d'Unionpolis ?
- Non, toujours pas, quand j'ai appelé, c'était la fin d'après-midi et ni Sacha ni Ondine ne s'y trouvaient. L'Infirmière m'a dit qu'elle préviendrait leurs amis si elle les voyait dans le Centre. On a de la chance qu'il y ait d'autres personnes qui les connaissent, là-bas, à Sinnoh, déjà.
- Oui, sans doute, répliqua Lily.
- C'est vraiment pas de chance que l'homme qui nous a laissé le message hier n'ait pas plus d'informations à nous fournir… Il l'a simplement vue quitter la ville et il ne l'a même pas arrêtée.
- Comment elle était à son avis ?
- Mal. Il m'a dit qu'elle semblait triste, perdue dans ses pensées sur le chemin.
- Tu crois qu'elle se serait disputée avec son Sacha ? dit Lily d'un air amusé.
- J'en mettrais ma main à couper. Et encore pour des broutilles je suis sûre, comme elle peut prendre la mouche pour rien, tu la connais. »

Lily approuva de la tête. Pour sûr, elle était capable de gâcher la moindre chance qu'elle pourrait trouver pour débloquer la situation avec son ahuri de petit ami.

« Le problème, c'est qu'il l'a vue partir et c'est tout. Impossible de savoir dans quelle direction – parce qu'elle pu quitter le chemin, changer de direction ou je ne sais quoi ! Je suis sûr qu'après nous avoir appelées, il s'est rendormi : si ça se trouve elle est revenue en ville… Il n'y a plus qu'à espérer que Sacha rentre vite au Centre pour qu'il puisse commencer les recherches avant qu'il ne soit trop tard et qu'elle ait complètement disparue de la circulation ! »

Les deux sœurs soupirèrent lorsqu'elles entendirent la porte de service s'ouvrir. Violette était revenue discrètement, quatre Pokéball dans les bras.

« Hypotrempe, Ptitard, Poissoroy, Lamantine, tous frais et dispos Daisy.
- Merci Violette, répondit sa sœur en plaçant les ball réduites à sa ceinture. Espérons qu'ils vont tenir le rythme.
- Tu crois que l'Inspection c'est pour aujourd'hui ? interrogea Violette, les mains jointes dans un mouvement d'inquiétude perceptible.
- Comment veux-tu que je le sache ? D'après mes calculs, l'Inspecteur ne devrait arriver que demain ou après-demain. Mais dans ce genre de chose, il ne vaut mieux pas faire de prévisions. Il peut arriver n'importe quand, voilà la vérité. »

Daisy ne laissa pas le temps à sa sœur de répliquer. Elle enleva le loquet et, avec l'aide de Lily, elle ouvrit grand les portes de l'arène d'Azuria. A l'extérieur, elle retrouva le groupe de jeunes dresseurs qui étaient déjà là la veille. Elle les accueillit avec un sourire. Derrière eux, une groupe de quatre personnes, plus âgées, discutaient et semblaient patienter. Ils entrèrent et les deux hommes et les deux femmes saluèrent la Championne. Ils ne semblaient pas se connaître, mais avaient bien évidemment discuté en attendant l'ouverture des portes. Daisy les dévisagea tous les quatre, en tentant de lire sur les traits de l'un d'entre eux une attention particulière à la tenue de l'arène, qui pourrait trahir l'œil aiguisé d'un Inspecteur Pokémon. Un des hommes, en particulier, semblait regarder attentivement les quatre coins du bâtiment et s'arrêta sur le bord de la piscine, où il trempa une des mains. Il se tourna vers Daisy.

« Elle est magnifique, votre arène !
- Oui, merci… répondit-elle avec un sourire faux, persuadée que l'inspection allait avoir lieu plus tôt que prévu… »

Elle soupira et partit s'occuper de ses Pokémon, en attendant que le public prenne sa place dans les gradins, lorsqu'une main lui tapota l'épaule. Elle sursauta, prise de panique.

« Bonjour Daisy !
- Ca ne va pas la… oh ! Bonjour Josh… »

L'arbitre officiel venait d'arriver pour sa journée. Il avait déjà revêtu son maillot et avait ses deux drapeaux en main.

« Vous m'avez fait peur !
- Pardonnez-moi, s'excusa le jeune homme brun. Vous avez peur de l'Inspection, c'est ça ?
- Quoi ? Quelle inspection ? Comment vous savez ça, vous ?
- Allons, je fais partie de la Ligue Indigo, vous pensez bien que j'en ai entendu parler…
- Oh, oui, je… j'imagine.
- Détendez-vous Daisy, répondit Josh. Je suis sûr que tout se passera bien, il vous suffit de vous battre comme vous avez l'habitude de le faire, voilà tout. Ondine n'est pas tellement plus forte que vous, n'est-ce pas ?
- Bien sûr que oui elle est bien plus forte que moi ! Vous avez hiberné ces dernières semaines ou quoi ?
- Oh… Pardonnez-moi.
- Mais c'est vrai que ça fait un bon bout de temps que je ne vous ai pas vu ici vous ? Où étiez-vous passé ?
- Je… J'avais demandé à être affecté à Carmin-sur-mer voilà quelques semaines. Je suis là en remplacement, mon collègue devait prendre quelques jours de vacances.
- Pourquoi vous êtes parti à Carmin ? Vous ne vous plaisiez pas à Azuria ?
- Si mais… (Josh rougit furieusement).
- Ah mais oui, ça me revient ! Vous avez dû être éconduit par Ondine vous ! (Josh ne répondit pas, acquiesçant silencieusement. Daisy éclata de rire). Allons, ne vous en faites pas, vous n'êtes pas le premier et vous ne serez sans doute pas le dernier ! Et puis franchement, de la part d'un arbitre… Sortir avec la championne ! Vous avez bien fait d'aller voir le Major Bob tiens ! En attendant, reconcentrez-vous mon vieux, je ne voudrais pas avoir un arbitre inattentif pendant mon Inspection.
- Rassurez-vous, je serai impitoyable, répondit-il avec un sourire. »

Josh quitta Daisy et rejoignit ses vestiaires avant que le premier match ne commence. Dans les tribunes, les dresseurs s'étaient installés, attendant leur tour. Les quatre dresseurs plus âgés, chacun ayant environ une trentaine d'années, s'étaient assis dans les hauteurs, afin d'avoir une bonne vue sur l'ensemble de l'arène. L'homme que Daisy avait repéré était en pleine palabre avec deux des autres membres du groupe. Il semblait parler de l'arène avec de grands gestes, que Daisy ne parvint pas à déchiffrer du bord de la piscine. Elle secoua la tête et tenta de l'oublier. On allait bien voir lorsque ce sera à son tour de se battre.

Un petit groupe de trois jeunes enfants, deux garçons et une fille, patientaient avec leurs petits papiers au pied d'un des escaliers menant aux gradins. Daisy vint à leur rencontre.

« Alors, j'imagine que vous êtes les premiers ? Qui sera mon tout premier adversaire ?
- Euh… Moi mademoiselle Daisy, dit le garçon qui semblait le plus timide des trois.
- Et comment t'appelles-tu ?
- Ivan. Je viens du Bourg Palette.
- Ah ! La nouvelle génération sur les rails, répondit-elle en riant, alors qu'Ivan ne comprenait pas l'allusion. Suis-moi, nous allons livrer notre match. »

Elle pria son jeune adversaire de se positionner sur l'estrade verte, sur l'un des bords du bassin. Avant d'aller se placer sur l'estrade rouge, Daisy actionna le bouton d'un interphone.

« Josh ? Nous pouvons y aller.
- J'arrive immédiatement. »

Quelques secondes plus tard, l'arbitre s'était positionné sur son estrade dédié, après s'être informé du nom du challenger.

« Ptitard, go ! »

Le petit Pokémon sortit de sa balle et se réceptionna sur un des îlots artificiels du bassin. Il sautillait de joie, prêt à combattre.

« Paras, à l'attaque ! répliqua Ivan ».

Les deux dresseurs étaient prêts. Le public se tut pour laisser le match se dérouler dans de bonnes conditions. L'arbitre leva ses drapeaux.

« Le match pour l'obtention du Badge Cascade d'Azuria va pouvoir commencer ! »





---II---




« Ondine ! Ondine !
- Pikachu-Pi ! »

Sacha et Pikachu commençaient sérieusement à paniquer. Ils n'avaient pas bougé de la petite clairière où ils avaient retrouvé Ondine prisonnière de la Team Rocket et pourtant il n'entendait déjà plus personne autour de lui, il n'entendait plus les sarcasmes des deux ravisseurs, et il n'entendait plus Ondine. Un étrange sentiment lui tordit l'estomac. Ce n'était pas la première fois qu'un membre de leur groupe était capturé par cette fichue organisation. Mais inexplicablement, manquant de s'étoffer, une bouffée d'angoisse lui oppressa la poitrine. C'est le Xatu qui te fait paniquer, ressaisis-toi ! Mais il ne sentait aucune influence extérieure. C'était son propre désarroi.
Autour de lui, les arbres semblaient danser de plus en plus vite. Il vit une branche qui semblait se précipiter dans sa direction, il esquiva d'un bon, le cœur battant à tout rompre. L'épais manteau de brouillard empêchait de voir à plus de cinq mètres devant soi.

« Alors Sacha, on est perdu ? »

Devant lui, à travers la végétation, émergea l'homme qui se faisait appeler Charles, qui marchait tranquillement dans sa direction les mains dans les poches de son uniforme violacé, suivi de près par son Tartard, responsable du brouillard qui enveloppait la forêt.

« Belle soirée n'est-ce pas ?
- Arrêtez immédiatement ! Où est passé l'autre ?
- Qui ça ? Bolly ? Oh, elle va, elle vient. Nous sommes libres d'aller où nous voulons tu sais. Nous nous arrangeons seulement pour nous retrouver au bon moment. »

Sacha était sur ses gardes. Il avait l'impression d'être passé dans un rêve étrange et brumeux. Les contours de sa vision étaient flous, incertains. A l'extrémité de la clairière, la lisière des arbres se confondait avec le ciel en une opaque paroi naturelle.

« Et toi ? Où est donc passée ta partenaire ?
- C'est à vous de me le dire, qu'est-ce que vous en avez fait ? Pourquoi n'est-elle pas avec vous ? C'est l'autre fille qui la poursuit c'est ça ?
- Mais non, pourquoi veux-tu que nous la poursuivions ? Nous allons simplement la convaincre tout en douceur de nous accompagner, nous n'obtenons rien par la force tu le sais. Il suffira juste qu'elle accepte de quitter ce pays. Je m'étonne de la voir si attachée à toi. »

Le jeune dresseur eut un mouvement de recul.

« Qu'est-ce que vous insinuez ?
- Que pour deux jeunes tourtereaux, vous me paraissez bien éloignés l'un de l'autre – je ne parle pas bien sûr de cette forêt, tu m'as compris.
- N'importe quoi ! répliqua immédiatement Sacha ; elle est ma meilleure amie, c'est tout, rien de plus, jamais rien de plus !
- Tu me rassures… Ce qui m'attriste c'est que c'est elle que tu devrais « rassurer ».
- Que ? »

Sacha s'interrompit en voyant son adversaire faire volte-face et s'enfoncer dans les bois.

« Attendez ! »

Il se lança à sa poursuite avant qu'il ne devienne complètement invisible dans la brume.

« Pikachu ! Attaque Tonnerre ! »

La petite souris jaune s'élança, chargea ses joues électrifiées et envoya une décharge sur les traces de Charles.

« Tartard, esquive et Pistolet à Eau ! »

Le puissant jet d'eau déchira le brouillard, entraînant avec lui Pikachu qui, contrairement à Tartard, n'était pas habitué à évoluer dans de telles conditions. Sacha réceptionna son compagnon de toujours, ainsi que de belles trombes d'eau.

« Ne cherche pas à me suivre, je te le déconseille. Tu l'as oubliée ! Comment crois-tu qu'elle a réagi à ton avis, lorsqu'elle t'a vu avec ta nouvelle copine ? Pourquoi crois-tu qu'elle s'est retrouvée ici dans cette forêt avec moi pour seule compagnie ? Où crois-tu que tu puisses te réfugier pour ne pas reconnaître tes responsabilités ? Si tu es là, si elle est là, c'est ta faute. Laisse-là, elle ne mérite que cela de ta part. »

Sacha arrêta sa course, ne parvenant pas à croire ce qu'il entendait. Il s'imaginait Charles muni d'un scalpel aiguisé, qui charcutait méthodiquement sa poitrine pour en extirper les filaments des doutes qui l'avaient assailli depuis le début de cette longue journée. Des lambeaux de vérité dont il ne voulait qu'une chose : les raccommoder et les enfouir profondément, pour ne plus les voir.
Charles réajusta son chapeau d'un petit geste de la main et sauta dans les fourrés, qui se tordirent immédiatement en une volute aux reflets verts et gris. Sacha s'y précipita, mais il ne trouva là que le vide, les profondeurs luxuriantes d'une forêt labyrinthique.



***



Ondine courait à perdre haleine à travers la forêt. Elle ne se fiait pas à sa vue, elle n'était guidée que par les cris de Sacha qui l'appelait, au loin. Désorientée, elle tournait à gauche, à droite, elle revenait sur ses pas, à mesure que la voix du jeune dresseur changeait de direction. Elle manqua de trébucher à plusieurs reprises, mais elle se rattrapait in extremis aux arbres qui continuaient de danser autour d'elle. Ecorchés par l'écorce, ses mains étaient dans un triste état. Souvent, les branches qu'elle était incapable de voir dans le manteau de brume lui fouettaient le visage, mais elle n'en avait cure.
Ses heures d'entraînement dans le bassin de l'arène portaient néanmoins leurs fruits. Agile, rapide et sportive, elle maintenait la cadence et accélérait à travers la brume. Tout en courant, elle se disait au fond d'elle-même que le pétrin dans laquelle elle s'était fourrée ressemblait étrangement à sa situation. Le labyrinthe qu'était la forêt d'Unionpolis où elle était perdue, enveloppée dans ce rideau de brouillard semblait l'exact reflet de son cœur. Où aller ? Quel chemin emprunter à la prochaine bifurcation ? Elle avait l'impression que ce faux sentier, cet arbre trompeur, étaient comparable aux faux-fuyants d'Azuria, aux interviews avec la presse, aux dîners en ville avec ces garçons tous plus insipides les uns que les autres, plus intéressés par la star de la Ligue Indigo que par Ondine Williams. Pourquoi avait-elle mené ce train de vie pendant deux ans ? Encore une question à laquelle elle ne voulait pas répondre. Au détour d'un fourré, elle croyait voir le visage de Daisy, inquiète pour elle, et qu'elle avait laissé tomber avec toute l'arène sur les bras. Derrière cet arbre, elle revoyait l'écran noir du visiophone où ses sœurs venaient de lui annoncer leur voyage autour du monde. Au bout de ce sentier – encore un cul-de-sac – voilà qu'elle croyait voir le Trophée des Tourb'Iles qu'elle n'avait pas réussi à obtenir, mais où elle avait été en compétition avec Sacha pour l'un de leurs plus grands moments de complicité malgré leur rivalité d'alors. Elle rebroussa chemin, fermant les yeux pour dissiper l'illusion créée par ce Xatu maudit.
Une branche trop basse accrocha ses cheveux. Elle s'arrêta et cria sous la douleur. Elle leva la main pour démêler sa chevelure rousse complètement emberlificotée. Agacée, elle déchira son maigre élastique ; ses cheveux maintenant libérés pouvaient plus facilement se libérer de l'emprise végétale. Une fois dégagée, elle se retourna, croyant avoir entendu derrière elle – encore une fois – sa voix.

« Sacha ? Où es-tu ? »

Pas de réponse.
Mais elle avait bien entendu bouger derrière elle. Du bas-côté du sentier, elle vit avec horreur émerger de la brume le chapeau qu'elle avait déjà trop vu.

« Tu m'avais manqué ! »

Elle frissonna en entendant cette voix feutrée à travers la brume. Les branches des arbres semblèrent s'écarter pour laisser passer Charles qui fit une nouvelle révérence extravagante. Ondine serrait son sac de toutes ses forces pour ne pas céder à la panique. Pour fixer son attention, elle tenta une réponse.

« Pas vous. »

Charles émit un petit rire.

« Oh, je sais que tu préfères être avec ton dresseur… Mais, où est-il d'ailleurs ? Il t'a laissée tomber ?
- Fermez-la, vous avez fait exprès de nous séparer. Qu'est-ce qui est arrivé à Sacha ?
- Oh, mais tu sais je n'en sais rien ! Je ne suis pas un démon machiavélique qui essaye de tout contrôler. Sacha peut bien faire ce qu'il veut dans cette forêt. Si j'ai fait lever la brume, c'est ce que je trouve ça tellement plus… (Il chercha son mot) exotique ?
- Il faut revoir votre définition de l'exotisme, répondit-elle les bras croisés.
- Oui, je sais. J'aurais tellement aimé t'emmener en croisière au soleil. Malheureusement tu as fait ta difficile et du coup nous voilà tous perdus dans cette forêt ; et pour quel résultat ? »

Ondine ne répondit rien. Elle n'y voyait pas à dix mètres devant elle. Pierre était elle ne savait où, ses sœurs étaient peut-être en train de devoir fermer l'arène à cette heure-ci, et elle avait perdu Sacha. Une brillante réussite pour sa petite escapade. Si elle n'avait pas lancé Psykokwak dans la forêt, peut-être aurait-elle pu revenir à temps à l'arène, peut-être aurait-elle pu au moins sauver son quotidien morne d'Azuria. Peu de choses, mais c'était au moins ça. Maintenant…

« Tout ce chemin pour Sacha ? continua Charles, désormais accroupi à quelques mètres d'elle. Sans savoir comment il allait te retrouver ? C'est diablement risqué comme pari… Tu étais sûre qu'il allait t'accueillir à bras ouverts ?
- No… non…
- Et l'a-t-il fait ? »

Ondine avait les yeux dans le vague du manteau de brouillard.

« Non… souffla-t-elle.
- Allons, tout ceci n'a finalement aucun sens tu ne crois pas ? Autant rentrer chez toi...
- Non ! Qu'est-ce que vous en savez ? Je ne vous connais pas, vous ne savez rien !
- Ma pauvre chérie. Il suffit juste de savoir lire… Tu es claire comme de l'eau de roche, personne ne t'a dit que tu portais si bien ton nom ?
- Taisez-vous. Sacha est venu me sauver. Je sais ce qu'il ressent pour moi.
- Mais lui as-tu déjà demandé ?... Pas de réponse hein ? Si tu es si sûre, qu'attends-tu ?
- Pourquoi je parle de ça avec vous ? Je n'ai aucun compte à vous rendre ! Stari, go ! »

Ondine avait rapidement saisi la Pokéball du meilleur de ses Pokémon. L'étoile de mer surgit à toute vitesse de l'éclair blanc.

« Stari, attaque Pistolet à Eau ! »

Le puissant jet d'eau de Stari rencontra inexplicablement une étrange force autour de Charles, à tel point qu'il dévia de sa course pour se perdre dans les buissons. Cette satanée Distorsion est toujours active…

« Tu te mets souvent en colère pour ne pas affronter la vérité en face ? Mais je le répète, j'ai beau être de la Team Rocket, je me bats pour la vérité, parole d'honneur ! »

Il s'était relevé et marchait lentement vers elle. Ondine, à chaque pas du bandit, reculait d'autant.

« Stari, Météores !
- Tartard, Mitra-Poing ! »

Le Pokémon de la championne envoya une kyrielle d'étoiles sur son adversaire, que Tartard dévia facilement avec sa force. Les Météores illuminèrent la forêt, transperçant le brouillard.

« Ondine ! »

Sa voix, encore. Malgré la distorsion, il avait dû apercevoir un des Météores perdus de Stari.

« Sacha, suis la lumière, pas ma voix ! Sacha ! »

Charles se renfrogna et réajusta son chapeau.

« Ma jolie, tu commences à m'agacer. A cause de ça, tu vas devoir patienter… Tartard, attaque Entrave ! »

La spirale centrale de Tartard s'illumina une nouvelle fois, de telle sorte qu'Ondine ne pouvait pas en détacher ses yeux. A vrai dire, plus elle fixa la ligne courbe qui s'incurvait et s'incurvait encore, qu'elle croyait voir le visage de Sacha en son centre. Elle ferma les yeux et voulut secouer la tête pour détacher son regard de cette obsédante spirale. Mais son corps ne répondait plus à sa volonté. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, le visage de Sacha avait disparu. Charles et Tartard aussi. Au milieu d'un chemin inconnu, perdue dans la forêt d'Unionpolis, Ondine était figée, immobile.



***



Bolly gardait un contact radio permanent avec Charles. Non pas que ses discours dont elle avait soupé depuis longtemps la passionnaient, mais savoir où était l'autre était indispensable dans une situation comme celle-ci. Seule Bolly, dont le Pokémon contrôlait la Distorsion, était capable de passer à travers l'illusion provoquée par Xatu. Quant à Charles, il n'avait pas son pareil pour se retrouver dans la Brume provoquée par tartard. Elle était perchée sur un arbre, quelques branches plus loin que celle réquisitionnée par Xatu. Le Pokémon Psy, concentré, gardait les yeux fermés pour maintenant le tissu illusoire de la Distorsion spatiale, tandis que sa dresseuse guettait le sol, en attente du moindre mouvement. Charles n'avait qu'à forcer Ondine à passer sous elle pour qu'elle lui tombe dessus et que cette mission interminable soit enfin terminée. Autant dire qu'elle s'impatientait.

« Où en es-tu ? demanda séchement Bolly.
- Ils sont presque à point, répondit la voix réjouie de Charles, perturbée par les interférences provoquées par la Brume.
- Ne perdons pas plus notre temps, embarquons Ondine. Ramène-la par ici et qu'on en finisse.
- Oh, quelle rabat-joie tu fais. Laisse-moi m'amuser encore un peu, je… »

La voix de Charles fut interrompue, l'oreillette de Bolly étant devenue défaillante. En effet, des trombes d'eau venaient de s'abattre sur elle, la glaçant jusqu'aux os, rendant du même coup toute l'électronique de son uniforme hors-service. Bolly n'avait pas vu d'où venait l'attaque, ce qui est sûr, c'est qu'elle l'avait reçue de plein fouet : elle était littéralement trempée jusqu'aux os. Elle releva les mèches de cheveux blonds collés à son front, se cramponna à la branche où elle était montée et fit volte-face pour voir d'où venait l'attaque. La tornade du siphon avait dissipé la brume sur son passage. Au sol, une jeune fille, le visage fermé, encadré par ses cheveux bruns-bleus, fixés par son chapeau, les poings serrés. Un petit pingouin bleu sautillait à ses pieds, de toute évidence l'auteur de sa douche forcée.

« Maintenant descendez. »



***



Ses expirations haletantes lui faisaient mal. Il avait l'impression que chaque fois que ses poumons expulsaient l'air, celui-ci charriait quantité d'oursins qui lui râpaient la gorge. La brume lui piquait les yeux, aux bords des larmes. « C'est elle que tu devrais… 'rassurer' ! » La voix de Charles résonnait dans son crâne ; chacun de ses pas, retombant lourdement sur l'herbe grasse, faisaient s'entrechoquer les paroles intolérables.
« Tu l'as oubliée ! Comment crois-tu qu'elle a réagi à ton avis ? Pourquoi crois-tu qu'elle s'est retrouvée ici dans cette forêt avec moi pour seule compagnie ? Où crois-tu que tu puisses te réfugier pour ne pas reconnaître tes responsabilités ? Si tu es là, si elle est là, c'est ta faute. »
Des gouttes de sueur perlaient sur son front, sur sa nuque. Il se passa la main sur le visage pour se remettre les idées en place. Il pensa bifurquer à gauche, mais après quelques secondes de vertige, il lui sembla se diriger vers la droite. Il tournait la tête dans tous les sens. Sous la protection si misérable des branches, il croyait avoir des visions. Ce carré de lumière à travers les feuilles de frêne, n'était-ce pas l'embrasure de la fenêtre de sa chambre, où Ondine regardait le ciel sombre, lors du premier tour du Tournoi Tourbillon ? Ce bosquet d'arbustes, n'était-ce pas les barreaux du dirigeable de Jessie et James, où ces idiots avaient raconté n'importe quoi ? Ce gros buisson, n'était-ce pas la conque géante qui reposait au fond du bassin d'Azuria, lors du spectacle organisé par ses trois sœurs ? Ces éclats lumineux au loin, n'était-ce pas les lampions de la fête de la fin de l'été ? Et cette voix, n'était-ce pas… ?
« Sacha ! Suis la lumière ! Pas ma voix ! » Les volutes de brume, tourbillonnant sous les effets de la brise, faisaient trembloter ces visions, qu'il n'expliquait pas autrement qu'à cause de l'attaque de Xatu. Il agita les mains devant lui, pour dissiper les illusions du brouillard. C'est sa voix ! « Ondine ! » Son appel se répercuta contre les arbres, dont l'écorce se tordait en plusieurs rictus narquois. Il se retourna, ignorant l'ordre, essayant vainement de se rappeler d'où provenait cette voix cristalline, à travers les ténèbres luxuriantes de la végétation. Il regarda Pikachu, qui lui indiqua une direction après avoir fait pivoter ses longues oreilles. Par là… Il enclencha à nouveau sa course, ne se croyant pas capable d'être encore plus essoufflé. Il n'entendait plus sa voix, il l'avait à nouveau perdue. Pas question de perdre cette partie. Il avait quasiment proféré cette pensée entre ses dents. Au milieu des arbres, il était engagé dans un jeu à double détente. Il ne perdrait pas face à la Team Rocket. Mais bien plus, il ne devait pas perdre à nouveau devant elle.

« Tu cours encore ? »

De peur, son cœur manqua un battement. Il tourna la tête deux fois pour trouver d'où venait la voix. En hauteur, il vit Charles, assis nonchalamment sur la branche robuste d'un chêne. Il jouait avec son chapeau, se le passant d'une main à l'autre. D'un air mauvais, Sacha se retourna, une Pokéball dans la main.

« Sais-tu faire autre chose, à part courir ? »

Charles avait laissé sa jambe droite se balancer dans le vide, d'avant en arrière, tandis que sa gauche était repliée sur la branche, lui permettant d'appuyer son coude. Il avait un air parfaitement détaché, trop détaché, comme si le danger de cette forêt n'existait pas, comme si la brume n'existait pas. Comme si Ondine n'existait pas.

« Tu ne prends donc jamais le temps de t'arrêter ? »

Sacha déglutit. Le faire taire, une idée fixe depuis maintenant des heures. Le faire taire et ne plus jamais entendre sa voix.

« Tu sais, je connais certaines personnes qui aimeraient que tu t'arrêtes un peu, parfois.
- Où est-elle ?
- Elle ?
- OU est-elle ?
- Ne joue pas au plus malin avec moi. Que t'importe ? Laisse-moi l'emmener, je saurais la comprendre, rester à ses côtés. Tu l'as abandonnée, laisse-lui au moins une chance de t'oublier.
- Je ne l'ai pas abandonnée. Vous mentez !
- Une accusation qui me blesse profondément, mon jeune ami.
- Vous respirez le mensonge ! Où est-elle ?
- As-tu l'habitude de poser des questions aux personnes qui mentent ?
- Répondez-moi ! hurla-t-il.
- Bien. Mais alors ne me qualifie pas de menteur, s'il te plaît, je n'aime pas les fausses vérités. »

Disant cela, il se pencha et montra la direction derrière lui, se retournant, quasiment la tête à l'envers, sous la branche. Sacha plissa les yeux. Au travers des reflets verts, l'éclair roux le foudroya. Il n'était pas en train de courir. Mais il marchait, le plus vite possible. A chacun de ses pas il lui semblait s'extirper de sables mouvants. Charles le suivait, au-dessus de lui, sautant avec agilité sur le circuit de branches, étrange arche végétale, basse et lourde, surplombant le chemin interminable qu'empruntait Sacha. Et toujours, d'un ton guilleret, il l'interrogeait.

« Dans quelle Ligue iras-tu, la prochaine fois ? Crois-tu pouvoir trouver une compétition qui t'amène encore plus loin d'Azuria ? »

Les fibres de tissus des gants de Sacha craquaient sous la pression de ses poings serrés.

« As-tu déjà trouvé un prétexte pour te justifier quand tu seras à sa hauteur ? »

Il accéléra.

« As-tu déjà trouvé un prétexte pour te justifier la prochaine fois que tu la laisseras derrière toi ? »

Il ne voulait plus l'entendre, il courait à nouveau. Charles avait quitté les hauteurs des arbres. Il avait sauté derrière lui, laissant Sacha prendre de l'avance.

« Où coures-tu à nouveau ? lui lança-t-il. C'est seulement comme ça que tu veux lui montrer que tu ne l'as pas oubliée ?
- Je ne l'ai pas oubliée ! finit-il par crier, bien qu'il se fût promis de ne pas lui répondre. Je n'ai pas cessé de penser à elle ! »

Le rideau de feuilles s'écarta sur la tenue bleu marine que portait Ondine. Sacha grimaça avant d'arriver sur le chemin. Il avait répondu à Charles, il avait répondu trop fort. Un aveu de faiblesse. Ondine avait forcément entendu. La sueur lui glaçait le dos.
Mais elle ne bougeait pas. Il ne comprenait pas ; à cette distance, elle l'avait forcément entendu. Il écarta sauvagement les branches qui poursuivaient leur mouvement perpétuel. De là où il était, il découvrit la rouquine, immobilisée dans une position improbable, sur le point de reculer, un bras devant elle dans un geste de défense qu'elle persistait à ne pas vouloir terminer. Seuls ses yeux s'agitaient. Paralysée. Sacha se précipita à sa rencontre, lorsque la voix de Charles fusa derrière lui.

« Tartard, Entrave ! »

Il sentit tout d'un coup ses jambes devenir lourdes, beaucoup trop lourdes pour lui. Ses bras semblaient être déconnectés de son cerveau. Mais il courait. Et dans son élan, il s'immobilisa en l'air, fit encore deux pas, avant de s'écraser dans un dernier mouvement contre Ondine. Ils basculèrent sur le bas côté. Pikachu, lui, était immobilisé un peu plus loin. Charles s'approcha des deux dresseurs paralysés avec un petit rire.
A l'intérieur de leur prison corporelle, ils se rendaient compte que leurs visages n'avaient jamais été aussi près l'un de l'autre, même pendant leurs sempiternelles disputes. Au milieu de leur agitation, leurs yeux se rencontrèrent un bref instant. En cet instant où ils ne pouvaient plus se contrôler, ils réussirent à lire ce qu'ils voulaient y voir. Ondine crut comprendre le regret de l'abandon commis par Sacha et sa joie de la voir enfin près de lui après ces années d'éloignement. Son cœur voulait exploser, détruire ce coffre rigide où il était enfermé. Un instant, un bref instant de ce qu'elle avait toujours rêvé, mais de ce qu'elle n'avait jamais osé accomplir, le serrer dans ses bras ; et voilà qu'elle ne contrôlait même pas son propre corps. Collé contre elle, il ne sentit pas les coups sourds de révolte qui martelaient sa poitrine. Un moment inespéré. Une torture.
Sacha, à travers les longs cheveux roux, tellement plus séduisants lorsqu'ils étaient détachés, vit le scintillement des spores et des premières lueurs nocturnes se refléter dans les yeux émeraude qui lui faisaient face. Il eut peur de ce qu'il croyait y voir. Son cœur lui aussi battait la chamade, tout aussi révolté de ne pouvoir lui faire comprendre. Mais enfermé en lui, il se demandait déjà si lui-même comprenait.
Leurs visages, les traits saisis au vol par un photographe invisible, ne pouvaient pas rougir.
Charles s'accroupit et se pencha contre l'oreille de Sacha.

« Prends le temps de t'arrêter… »

Puis il s'échappa.





---III---






Lily et Violette serraient les poings, les dents, les bras, bref, tout ce qu'elles pouvaient serrer. Autour du bassin, la tension était à son comble entre Daisy et son adversaire, le grand gaillard qu'elle avait repéré au début de la journée. Corpulente, sûr de lui, il menait une manche à zéro et le Poissoroy de la championne était en grande difficulté face au Phyllali adverse. Il faut dire que l'arène d'Azuria n'avait pas pour habitude de voir dans ses murs des Pokémon aussi rares. Souple, agile et élégant par-dessus le marché, le Pokémon Plante évitait gracieusement tous les coups portés par son adversaire. Daisy elle-même, face à ce redoutable adversaire, commençait à paniquer.

« Poissoroy, Empal'Korne ! »

Le gigantesque Pokémon Poisson sauta hors de l'eau, sa corne tendue vers son adversaire. Mais les mouvements nécessités par l'Empal'Korne étaient tels que Phyllali n'eut aucun mal à voir le coup venir. Il plongea sur le côté et rejoint rapidement un îlot proche, où il se secoua pour faire sécher ses poils.

« Phyllali, attaque Feuillemagik, maintenant ! »

Le Phyllali hurla et de multiples feuilles scintillèrent autour de ses longues oreilles, avant de se précipiter sur Poissoroy qui fut sur le coup mis hors de combat.

« Poissoroy ne peut plus se battre ! déclara Josh en levant son drapeau vert. Le vainqueur du match et du Badge Cascade est Daniel de Féli-Cité ! »

Le challenger rappela son Pokémon dans sa balle et revint sur le bord du bassin. Il s'approcha de Daisy, récupéra son badge sans lui serrer la main.

« Je suis venu de loin pour me battre dans cette arène dont on parle tant en ce moment, je dois vous avouer que je suis déçu. »

Puis, sans laisser le temps à la championne, bouchée bée, de pouvoir répondre, il tourna les talons et sortit. Lily et Violette s'approchèrent immédiatement de leur sœur.

« C'était un désastre… murmura Daisy.
- Les Inspecteurs de la Ligue Indigo peuvent être originaires de Sinnoh à votre avis ? demanda Violette.
- Il ne s'agit que de leur ville de naissance. Rien n'indique que son métier ne soit pas à Kanto… soupira Lily.
- Allez Daisy, reprit Violette, rien ne prouve non plus que c'était bien lui l'Inspecteur, tu as encore des matchs à livrer.
- Tu as raison, soupira-t-elle. Qui est le prochain sur la liste ?
- Moi ! déclara une jeune femme, souriante et bien mise, qui se présenta main tendue. Ravie de vous connaître, je m'appelle Rose et je viens des Cramois'Iles.
- Enchantée, répliqua Daisy, heureuse de voir enfin quelqu'un d'aimable aujourd'hui. Nous allons livrer un combat à deux Pokémon chacune. Vous êtes prête ?
- Absolument.
- Josh ? On y retourne, annonça Daisy. »




***




Bolly se secoua, essora ses cheveux et sauta à terre.

« Comment oses-tu ? »

La jeune fille ne répondit pas. Elle avait les poings serrés, le visage ravagé par les pleurs.

« Laissez-les partir, dit Aurore, détachant chaque syllabe.
- Ah, je vois, le sauvetage de dernière minute. Nous aurions dû le prévoir, celui-là ! Xatu ! »

Plus loin dans la forêt, elle n'entendait plus les cris et les appels qui résonnaient encore à ses oreilles. « Sacha ! Ondine ! » Bolly appela une nouvelle fois son Pokémon, mais il n'y avait pas de trace de l'oiseau. « Xatu ! Ramène-toi immédiatement ! ». Une fois cet ordre donné, une masse indistincte surgit des branches d'un arbre et s'écrasa quelques pas devant Bolly. Lorsque la poussière retomba, la Rocket vit avec incrédulité son Xatu, les pattes en l'air, les ailes écartées, complètement inconscient, un petit lapin lui sautillant tout autour.

« Lapo ! Laporeille ! »

Un bref rictus se forma sur le visage ravagé d'Aurore.

« Bien joué Laporeille.
- Laporeille ! »

Bolly fulminait. Comment diable son Xatu avait pu se faire surprendre, puisqu'il utilisait l'attaque Reflet ? Si ce misérable Pokémon n'était pas pris dans la Brume depuis le début, il a pu prendre le temps de repérer le vrai, sans parler de la fatigue. Quel incapable !

« Tu vas vite regretter de t'en être mêlée ma mignonne. Démolosse, à toi de jouer ! »

La jeune femme blonde avait appelé son deuxième Pokémon et un grand chien noir pourvu de cornes se matérialisa devant Tiplouf et Laporeille. Aurore n'avait jamais vu de monstre de ce type, mais elle n'en avait cure. Elle ne sortit même pas son Pokédex pour en savoir plus, elle n'était plus que volonté froide d'en finir avec son adversaire. Elle préférait ne pas penser à ce qu'elle était en train de faire, à ceux pour qui elle était en train de combattre, seul comptait pour l'heure le résultat.
Mais Bolly eut un instant de distraction, lorsqu'elle se rendit compte que les arbres ne « dansaient » plus autour d'eux, que les chemins et les sentiers reprenaient leur aspect normal. Et merde ! Bien évidemment, Xatu au pays des rêves, il n'y avait plus personne pour maintenir la distorsion de la zone, qui peu à peu reprenait son aspect normal. Les deux adversaires tournèrent la tête en même temps lorsque quelqu'un émergea des fourrés à leur gauche. Aurore vit un homme en tenue sombre, arborant le même « R » que la femme blonde ainsi qu'un large chapeau, arriver assez essoufflé, suivi par un Tartard.

« Bolly que… »

Il s'arrêta lorsqu'il vit la situation.

« Oh. Je vois. Qu'avons-nous là ? Bonjour vous, vous venez à la rescousse de nos deux tourtereaux, c'est cela ? »

Aurore déglutit difficilement. Elle se frotta les yeux, qui la piquaient effroyablement.

« Ou peut-être que non ? continua Charles en relevant son chapeau.
- Taisez-vous et laissez-les partir ! cracha Aurore. »

Charles croisa les bras en considérant la jeune fille qu'il avait devant les yeux.

« Oh, nous aimerions tellement, tu sais. Mais en fin de compte, même si tu le demandes avant tant d'insistance, cette idée n'a pas l'air de te faire un plaisir fou, si ? »

Aurore serra les dents, alors que la femme blonde la regardait d'un air mauvais.

« Ca suffit Charles, celle-ci, on s'en occupe selon ma méthode !
- Arrête immédiatement Bolly ! On ne va pas s'attaquer à quelqu'un qui ne nous a rien fait et qui en plus fait preuve d'un tel dévouement pour des amis qui l'ignorent superbement en ce moment ! »

Aurore eut un glapissement.

« Tiiiii, Tiplouf, Tiplouf ! tenta son Pokémon, qui battait des ailes en essayant d'attirer son attention. »

Mais sa dresseuse ne le regarda même pas.

« Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- Oh, ma pauvre amie, dit Charles avec un grand geste de son chapeau. Tu venais pour Sacha et Ondine, n'est-ce pas ? Ou peut-être seulement pour l'un des deux ? »

Il s'approcha et s'assit en tailleur juste devant elle, sans le moindre geste de provocation.

« Qu'est-ce que vous en avez fait ?
- Moi ? Mais absolument rien ! Regarde, tu as mis KO notre Xatu, la Distorsion est arrêtée, et la Brume est en train de se lever. Nous avons perdu, il faut bien l'admettre. Lorsque j'ai vu que ça tournait mal, je me suis précipité ici pour rejoindre ma partenaire, comme il est bien normal, il faut bien s'entraider non ? (Charles prit sa tête dans ses mains). Ah ! Oui, la vie de la Team Rocket est bien difficile en ce moment, crois-moi, après tous ces échecs… Ainsi, lorsque nous avons vraiment perdu, crois-tu que cela mène à grand-chose de planquer nos cibles quelque part ? Comment veux-tu que nous leur fassions quoi que ce soit maintenant que tu as arrêtés à toi toute seule ? Non, je crois que ces deux jeunes gens ont autre chose à faire que te remercier ! »

Aurore ferma les yeux. Les phrases à rallonge de l'homme de la Team Rocket tournaient et tournaient dans sa tête, formant un rideau indistinct qui lui brouillait son raisonnement. Qu'était-il en train de dire à la fin ? Et le voici qui se met à pleurer maintenant, mais qu'est-ce que c'est que ce Rocket ? Qu'est-ce qu'il veut me dire à la fin ? Charles continuait son discours entrecoupé de sanglots.

« Ah, oui, nous sommes bien misérables, tous autant que nous sommes ! Regarde-nous ! Nous sommes perdus dans cette sombre forêt et nous venons d'être coupés en plein milieu de notre réussite par une jeune dresseuse comme toi ! Quand nous allons rentrer à la base, nous allons être mis au ban de la Team comme Jessie et James ! Voilà ce qui nous attend ! Et moi, en plus, j'ai eu le cœur brisé par cette jolie rousse sans pitié qui préfère son Sacha ! Oh, mais ça, ajouta-t-il en reniflant, je n'ai pas besoin de t'en parler, tu me comprends, n'est-ce pas ? »

Aurore manqua une respiration et faillit s'étrangler, ce qu'elle tenta de rattraper par une quinte de toux.

« Ah, oui ! Je vois que tu sais ce que je ressens. Oh, les malheurs de nos cœurs saignants, tu ne crois pas ? Dire que si tu ne nous avais pas interrompus, peut-être que tous nos soucis seraient envolés ! (Il releva la tête et essuya ses yeux. Il prit son chapeau dans ses deux mains et avança à genoux devant Aurore, Laporeille et Tiplouf, les yeux fous.) Mais oui, imagine ! Notre mission est de ramener Ondine à Kanto avec nous ! Moi, avec Ondine dans l'avion, et toi, avec Sacha, paisiblement dans ce beau pays de Sinnoh, ne serait-ce pas formidable, dis ? »

Aurore avait porté une main à sa bouche devant cette hypothèse. Etait-ce vraiment possible ? Pouvait-elle faire confiance à ces inconnus pour remporter Ondine dans les limbes de souvenirs d'où elle n'aurait jamais dû sortir ? Non, ils sont de la Team Rocket, ils essayent de te piéger ! C'était la houle, la tempête sous son crâne, où les flots de son émotion essayaient de grignoter petit à petit la berge de sa raison. Tiplouf et Laporeille s'agitaient, sautillaient, tentaient de ramener leur dresseuse à la réalité de la situation. Mais elle ne les voyait pas. Un instant, elle céda.

« Vous… Vous croyez ? »

Il n'en fallait pas plus pour remettre Charles sur ses deux jambes et lui prendre les mains dans les siennes, en écartant sans ménagement les deux Pokémon.

« Mais oui ! Viens avec nous, nous allons à leur recherche. Je suis sûr que nous allons les trouver dans les bras l'un de l'autre, peut-être cachés dans un des buissons tu ne crois pas ?
- Tiiii, Tiplouf !
- Tu nous accompagnes ! décida Charles. Et tu nous aideras : tu passeras la première, tu regarderas où ils sont et à ce moment, tu te décideras. Puis tu tenteras de les séparer. Nous, pendant ce temps là, nous nous faufilons derrière Ondine, on l'embarque et tu n'entendras plus jamais parler de nous, ni d'elle d'ailleurs, tu peux me croire !
- Tiplouf ! Ti, Tiplouf ! »

Le petit pingouin bleu ne ménageait pas sa peine pour essayer d'attirer l'attention d'Aurore, qui ne pouvait détacher son regard des yeux bleus de l'homme de la Team Rocket, et de sa proposition d'aide si incongrue. Arrête-toi, comment pourras-tu regarder Sacha et Pierre après ça ? Mais après tout, avait-elle quelque chose à perdre ? S'ils étaient si discrets qu'ils le disent, peut-être que Sacha et Pierre ne sauront jamais ce qu'il s'est passé ! Et que personne ne saurait vraiment où est passé Ondine. Il n'y aurait que quelques semaines à attendre pour oublier cet épisode, ce n'était pas cher payé finalement. Après tout, elle était bien venus les sauver tous les deux et maintenant qu'elle était à la merci de la Team Rocket, c'était celle-ci qui lui proposait de l'aider et nous ceux qu'elle était venue sauver ! Eux, pendant ce temps-là, devaient s'amuser quelque part dans la forêt, heureux d'être ensemble, pendant qu'elle n'avait que sa conscience qui pouvait donner son avis… Qu'importait après tout, la situation était suffisamment désespérée !

« Aurore ! »

C'était sa voix. Elle la ramena brusquement à la réalité.

« Que… ! »

Charles fit volte-face dans une exclamation étouffée.

« Laissez Aurore tranquille ! cria Sacha en émergeant à toute vitesse des arbres. »

Derrière lui arrivèrent rapidement Ondine, serrant le poing contre sa poitrine en courant, essoufflée, le visage fermé et étrangement rouge, puis Pierre, Ptiravi dans ses bras, des gouttes de sueur perlant à son front.

« D'où il sort celui-là encore ? s'exclama Bolly en apercevant Pierre. » Son Démolosse grogna en voyant le groupe des adversaires s'agrandir à nouveau.

La jeune fille tourna son visage torturé vers son ami qui venait de surgir de derrière les arbres. Elle l'interrogea du regard, mais Sacha détourna rapidement le sien. Elle ne saurait dire si elle avait cru distinguer une gêne, une pudeur ou une rougeur s'imprimer sous ses yeux bruns. Ondine quant à elle fixait ostensiblement ses yeux, soit sur Charles, soit sur le sol et les brindilles d'herbe où étincelaient les gouttes d'eau en suspension.

Charles abandonna Aurore pour revenir à la hauteur de Tartard.

« Comme vous vous êtes libérés vous deux ?
- Ptiravi n'est peut-être pas encore un Leveinard, mais il est déjà bien capable de dissiper une Entrave quand il en voit une ! dit Pierre avec fierté, en présentant son bébé Pokémon à bout de bras.
- Une Entrave ! cria Aurore. Vous disiez que vous ne les aviez pas trouvés !
- Pas trouvés, laissés en plan immobilisés… Tout cela dépend des points de vue, qui peut affirmer détenir la vérité ? dit Charles en haussant les épaules.
- Vous avez menti ! hurla la jeune fille.
- Oh, peut-être, mais tu sais, quand on aime…
- Ca suffit maintenant, battez-vous et laissez-la tranquille ! cria Ondine. Vous allez regretter toute votre vie ce que vous nous avez fait ! Stari, à l'attaque !
- Pikachu ! cria Sacha.
- Simularbre ! compléta Pierre en lançant sa Pokéball. »

Charles vint à la hauteur de Bolly. Tartard et Démolosse étaient prêts à en découdre.

« Très bien, vous l'aurez cherché… Pourtant il me semblait que ça ne vous déplaisait pas… Ne dites-pas que nous n'avons pas tout fait pour éviter d'en arriver là, soupira Charles en remettant son chapeau en place. »

« Stari, attaque Météores !
- Simularbre, attaque Damoclès !
- Pikachu, Vive-Attaque ! »

Les trois Pokémon s'élancèrent. Les étoiles lancées par Stari illuminaient la forêt dans la nuit tombante. Simularbre se précipita le premier sur les deux adversaires, qui l'évitèrent facilement d'un pas sur le côté. Pikachu, grâce à sa vitesse, parvint à percuter Démolosse.

« Tartard, Pistolet à Eau ! commanda Charles. »

Son Pokémon lui obéit immédiatement, et projeta un puissant jet d'eau qui percuta Simularbre de plein fouet. Le Pokémon Roche souffrit beaucoup de l'attaque et mit un genou à terre.

« Pikachu, attaque Tonnerre sur Tartard, vite !
- Démolosse, utilise Intimidation ! »

Pikachu s'était retourné pour se charger en électricité afin de foudroyer le Pokémon aquatique, mais le chien des ténèbres s'interposa et ouvrit grand sa gueule. Sa bave dégoulinait de ses multiples crocs luisants. Le poil de Pikachu se hérissa de peur ; il se retrouva incapable d'esquisser le moindre geste.

« Tartard, attaque Mach Punch sur Simularbre ! »

Tartard prit une impulsion et sauta d'un mouvement leste par-dessus Démolosse et Pikachu afin d'atterrir derrière Simularbre qui récupérait de l'attaque précédente.

« Simularbre, attention ! cria Pierre ».

Mais le Pokémon Roche n'eut pas le temps d'esquisser un geste de défense ; il se prit le coup de poing fulgurant de son adversaire et s'affala au sol, inconscient.

« Non ! Simularbre, revient ! ordonna un Pierre dépité. »

Ils n'étaient plus que deux contre deux. Sacha et Ondine se jetèrent un regard entendu.

« Stari, Pistolet à Eau sur Démolosse !
- Pikachu, joint ton attaque Tonnerre ! »

Les deux attaques combinées de ces deux Pokémon qui avaient si souvent combattu ensemble touchèrent le chien noir, qui hurla sous la douleur de l'électricité conduite par le jet d'eau. Cependant, il resta debout, tremblant sur ses pattes, mais prêt à attaquer à nouveau.

« Démolosse, attaque Mâchouille ! »

Le chien se projeta à l'aide de ses pattes arrière. Pikachu, très agile, esquiva, mais le chien avait visé son coéquipier. Stari fut emprisonné dans sa mâchoire et son bijou central commença à se fissurer sous la pression.

Ondine cria avec horreur, lorsque Sacha intervint :

« Pikachu ! Queue de fer pour libérer Stari !
- Tartard, attaque Entrave ! »

Pikachu fut immobilisé dans sa course par le pouvoir de Tartard, qui s'était remis de ses deux attaques successives contre Simularbre. Paralysée en plein élan, la souris jaune ne put venir à la rescousse de Stari, qui bientôt glissé inanimé des crocs de Démolosse. Pikachu se retrouvait à la merci de ses deux adversaires.

« Vous auriez dû choisir la solution sans combat mes pauvres amis, se lamenta Charles. Enfin, je me réjouis de savoir qu'Ondine va m'accompagner. »

La rouquine eut une moue de dégoût, ainsi qu'une lueur de profonde inquiétude. Elle tourna le regard vers Sacha, qui tenta de lui composer un visage rassurant. Mais au fond de lui, un nœud s'était formé dans son estomac ; ces deux Rocket étaient plus forts, bien plus forts que ceux dont ils avaient l'habitude… La situation semblait désespérée, lorsqu'un hurlement lui fit relever la tête.

« Vous avez menti ! »

Aurore, les poings serrés, le visage ruisselant de larmes, lançait des regards acérés aux deux bandits.

« Laporeille, attaque Uppercut ! »

Le petit lapin approuva, sauta contre un arbre pour prendre son élan et se précipita contre Démolosse, affaibli, qui ne put éviter le coup qui l'envoya directement au tapis.

« Laporeille, rebond ! »

Aurore allait se décrocher la voix. Mais elle ne s'en rendait plus compte, son seul objectif était maintenant de se débarrasser de ces deux agents, surtout de l'homme, dont la proposition précédente l'emplissait maintenant d'horreur. Comment avait-elle pu ne serait-ce qu'une seconde envisager de suivre la Team Rocket ?
Laporeille avait à nouveau sauté pour atterrir sur la tête de Tartard.

« Tartard, utilise Poing Glace ! »

Le Pokémon essaya de faire dégager Laporeille de sa tête, mais celle-ci ne cessait de sautiller, évitant ainsi le contact glacial qui la menaçait. Tartard, la migraine aidant, fut bientôt désorienté, et s'affala afin de reprendre son souffle.

« Laporeille ! cria Aurore. »

Alors, au-dessus d'un Tartard désorienté, le Pokémon d'Aurore se mit à luire, à éclairer la nuit qui était désormais presque complète. La jeune fille, les yeux rougis, regarda avec un regard mêlant le regret de ne plus voir Laporeille, mais aussi la fierté et la satisfaction, le petit lapin évoluer sous ses yeux. C'était maintenant un grand Lockpin qui regardait de haut Tartard sous ses pattes.

« Lockpin, Mawashigeri ! »

Le grand Pokémon décocha un fantastique coup de pied au Pokémon Aquatique qui s'écrasa, inconscient, contre un arbre. Lockpin, avec Aurore à ses côtés, se tourna alors vers Bolly et Charles, qui pour la première sembla avoir une lueur d'inquiétude dans les yeux.
Avec une inspiration satisfaite et, enfin, un sourire sur son visage défait, Aurore, chassant sa dernière larme, chuchota à son Pokémon :

« A toi. »