Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 14/08/2009 à 23:42
» Dernière mise à jour le 04/03/2013 à 16:40

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Episode 31 : Oeil pour Oeil...
-chapitre 31- Œil pour Œil...

Les forêts de Johto avaient toujours eu un elle-ne-savait-quoi de magique, et plus elle les regardait, plus elle se sentait incapable de les quitter. C'était ici qu'elle était née. Elle se sentait capable de s'allonger dans l'herbe fraîche et de contempler le feuillage doré onduler au dessus d'elle, sentir les rayons du soleil lointain inonder son visage, l'obliger à fermer les yeux, à grimacer jusqu'à ce qu'une branche clémente ne vienne la sauver.

Elle sourit, le cœur gros.

C'était ici qu'elle était née, à Johto, et contrairement à son frère, elle se sentait incapable de quitter son pays. C'était ici qu'elle voulait vivre, élever ses enfants, et mourir. Une ombre passa sur son visage et son expression ébahie contemplant le ciel se déforma, sa main se porta au médaillon à son cou. Elle caressa les contours polis du cœur en cristal dont l'engrenage d'argent reluisait à l'intérieur, comme un secret inaccessible, mais diffusant une musique envoûtante, aussi attirante que la vie.

Dès qu'elle esquissa ce geste, elle perçut du mouvement derrière son dos, et elle transforma son sanglot qui montait en un grognement peu engageant. Les regards se dissipèrent et elle respira lourdement. Elle appréciait qu'on la garde à l'œil, qu'on soit aux petits soins avec elle, que tous fassent attention à ses moindres désirs, mais...

Elle ferma douloureusement les paupières, et cette fois, pas à cause de la douce chaleur que lui envoyait l'astre du jour.
En fait, elle ne savait plus vraiment ce qu'elle aimait ou non. Elle ne voulait pas être seule mais la présence de qui que ce soit, la moindre tentative pour la consoler l'exaspérait au plus haut point. C'était pathétique, de se sentir mal et de rejeter toutes les aides, les mains tendues qu'on lui offrait... Elle le faisait en connaissance de cause, cependant elle ne supportait pas leurs visages emplis de compassion qui signifiait « je comprends, et je partage ta peine ». Pour elle, ils ne pouvaient tout simplement pas comprendre ce que cela faisait, et ceux qui ne faisaient même pas l'effort de comprendre et la jugeaient tout simplement valaient encore moins.

Elle passa une main sur son nez et se le frotta, retenant un rire nerveux. Elle devenait un véritable nœud sous pression, paradoxal de surcroit... Dire qu'avant elle détestait les gens dans son genre... D'ailleurs, elle les détestait toujours, les gens compliqués !

-Cristal... On y va, tu nous suis ?

La concernée se redressa, et ses couettes emmêlées, fourchues, eurent un faible mouvement négatif.
La femme derrière elle poussa un soupir et balbutia tout en triturant ses mèches noires et rouges, embarrassée :

-Il faudra bien que tu traverses Doublonville un jour... Elza et Matthew ne vont pas pouvoir rester des lustres devant la pension, ils doivent continuer leur voyage initiatique...
-Allez-y, Myxi, je... Je passerai par Mauville, je vous rejoindrai, mais je ne veux pas traverser Doublonville, je... Je ne pense pas que j'y arriverai...
-J'ai promis à ton frère et à Silver de ne pas te laisser seule ! Allez, c'est juste une ville ! Tu y es entrée la dernière fois avant cet appel ! Arrête de faire l'enfant !

Cristal ne répondit pas. Elle se leva, commença à rassembler ses affaires et à partir en direction de la forêt d'Ecorcia, lentement, muette.

-Arrête ! Cristal ! Hurla une voix lointaine.

Brusquement, une main attrapa son bras, un frisson la cloua sur place, elle se retourna et revit l'espace d'un instant l'expression de son père furieux la gronder pour s'être éloignée de leur pique-nique. Sa gorge s'obstrua. Le visage de Myxilia se rembrunit et ses yeux bleu clair se voilèrent de tristesse. Elle lâcha sa prise et murmura un pardon devant la frimousse sombre de son amie.

Mais Cristal ne la voyait plus, elle fixait les éclats éparpillés de ses souvenirs si rares de son père. Sa poitrine se compressa. Elle se rappelait de cette journée : leur géniteur les avait emmenés déjeuner spécialement près de son lieu de travail. C'était la veille de l'accident, Gold avait reçu son œuf de Capumain de la pension, et elle son pendentif dans une des boutiques de la ville. Elle entendait encore l'écho de leurs rires insouciants. A peine deux jours plus tard, son père tombait dans le coma, un sommeil dont il ne se réveillerait jamais. Un détail la détourna des pensées du défunt. Elle se rappelait d'un évènement lors de cette journée : elle s'était battue avec Gold pour la salade aux œufs, le garçon était parti bouder dans son coin, et dans la soirée ils ne l'avaient pas retrouvé, on avait cru à un enlèvement, elle avait vu ses parents pleurer pour le première fois quand la police leur avait dit : « Plus vite on mettra sa photo sur le site des enfants kidnappés, plus on aura de chance de le retrouver en vie ».

Un mauvais pressentiment la tirailla. Ce jour-là, tout s'était bien terminé, on avait retrouvé son aîné assoupi dans le creux d'un arbre. Elle se demanda une brève seconde pourquoi elle avait eu ce pincement au cœur, pourquoi elle avait repensé à cette histoire, et pourquoi elle s'inquiétait pour cet idiot...

Elle leva les yeux au ciel et fronça les sourcils. Elle espérait qu'il n'avait pas d'ennuis en cet instant. Il était la seule personne qui lui restait vraiment, cela faisait des années qu'elle voyait sa mère qu'une fois l'an, à peine. Elle grimaça.

Myxilia profita de son absence pour appeler son frère Alexandre et lui demander d'escorter son amie pour qu'ils puissent les rejoindre à Rosalia. En passant par Mauville.

Mais Cristal avait raison, à des lieues de là, son frère avait d'énormes ennuis, et malheureusement il n'était pas le seul.

La brise marine soufflait sec devant le QG de la Team Opale, froide et ayant le goût âcre du sel. Ce n'était pourtant par elle qui mettait Sam mal à l'aise. Elle rajustait son chapeau sur son crâne presque toutes les secondes, intimidée, les gardes sur le palier du bâtiment imposant la fixant avec méfiance. Et elle abaissait encore sa coiffe sur ses yeux pour camoufler sa gêne.
Un des sbires les contempla, elle, Gold et Eléa, de haut en bas. Sam eut l'impression de se retrouver nue devant lui, et se mordit les lèvres. Son regard la transperçait de toutes parts. Comment pouvait-il seulement croire à leurs mensonges dans ce cas ?

Samantha se tortilla sur elle-même, et Gold lui fila discrètement un coup de pied dans le mollet pour la calmer. Elle se retint de lui en envoyer un dans les parties intimes. Elle lui fit une grimace rageuse et éloquente. Tout ceci, tout ce cinéma, découlait entièrement de sa faute ! Si elle se tenait aussi devant un bâtiment abritant des criminels de renommée mondiale, vêtue de leur uniforme, tenant Eléa par les poignets, c'était entièrement de sa faute ! Elle, elle le sentait très mal, leur plan...

Sur le coup, alors que Sam ne croyait pas du tout aux esprits, elle se promit de venir hanter le brun si elle y passait.

-Qu'est-ce que vous avez là ? Grogna un des surveillants après les avoir sondé à la hâte.

Gold s'avança, il eut le même réflexe que la fille adoptive des Joëlle et ajusta son couvre-chef pour dissimuler sa frimousse. Il toussota, embarrassé, puis il déclama leur texte répété encore et encore la veille, avec un sang-froid remarquable :

-Nous avons capturé la fille unique de la famille Sarl. Nous voulons l'apporter au chef.

Eléanore secoua la tête avec dédain, prenant l'attitude d'une riche héritière orgueilleuse, ses boucles courtes voletèrent gracieusement et son nez mutin émit un reniflement fier. Samantha ne put qu'admirer son attitude. Jamais, elle n'aurait eu le courage de réagir ainsi devant des bandits capable de les tuer par pur caprice, elle. Mais elle se reprit, se demandant si ce n'était pas de la stupidité, finalement. Gold dut songer à la même chose car il sursauta et resserra sa prise sur les liens de la gamine pour lui intimer de ne pas exagérer. Eléa lui tira la langue comme simple réponse.

Sam écarquilla des mirettes. Mais en plus elle se moquait de la situation ! Définitivement, c'était de la stupidité !

Cependant le sbire ne tint pas compte du manège, il se pencha vers Eléa et la toisa méchamment, ses yeux se transformèrent en deux fentes noires lançant des éclairs furieux. Ses lèvres s'étrécirent puis s'étirèrent, dévoilant une dentition qui aurait pu faire pâlir d'envie un Nosferalto.

-Oui, j'me souviens de toi. Lorsque j'ai passé l'examen pour devenir membre, j'ai dû piquer des pokémons chez Chen, et tu m'as pourchassé avec une fourche ! Sale peste !

Samantha frémit. Gold se plaqua la main contre le front. Il fallait qu'ils tombent sur un des seuls sbires qui la connaissait ! Eléanore sourit de toutes ses dents, amusée par la coïncidence.

-Oh c'est vrai, je te reconnais ! J'ai bien cru que j'allais finir embroché face à elle ! S'exclama brusquement le collègue du premier.

Mais elle en avait menacé combien avec une fourche ?!

Eléanore rit sous cape et Samantha soupira, exaspérée par le comportement de son amie.

Elle avait appris la nuit dernière le secret d'Eléa, sa véritable identité, pour élaborer le plan, et à vrai dire elle avait été si exténuée, si tourmentée par leur mission, qu'elle s'était contentée d'envoyer valser cette nouvelle d'un geste las de la paume, fatiguée par toutes ces révélations. Maintenant qu'elle y songeait à tête reposée, elle saisissait toute l'ampleur de la chose. Qu'est-ce qu'elle allait dire aux parents d'Eléa si le moindre accident se produisait ? Ils risquaient la guerre nucléaire !

Non quand même pas... Sam soupira encore. Elle était trop accablée. C'est à ce moment précis qu'Eléa en profita pour répondre aux brigands de garde.

-Dommage que je vous ai loupé, vous auriez peut-être choisi une autre voie que celle-ci !

Alors que Gold frappait d'un coup de paume le crâne de la gamine insolente, Sam se pinça pour vérifier qu'elle ne cauchemardait pas. La douleur qui lui mordit le bras confirma ce qu'elle pensait, et elle se surprit à penser qu'elle aurait tout donné pour qu'on l'assomme ici et maintenant pour que ce délire s'achève là. Malheureusement pour elle, les voleurs se retournèrent pour débattre brièvement de la conduite à suivre. Gold tendit l'oreille, se tenant sur la pointe des pieds, comme pour survoler leur conversation, mais il ne perçut que quelques bribes.

« On fait quoi ? -Depuis quand on engage des gosses ici ? C'est louche ! -Le chef sera ravi, ça fait des mois que notre espion à la Sylphe fait des mauvais virements et des détournements de fonds en vain. -T'es sûr que cette brute est sa fille ? -Les enfants, en ce moment, ça porte la poisse, les parents cèdent pas... -Alors on fait quoi ? »

Cela tournait en rond et Eléanore, de plus en plus comblée, ricanait méchamment, ne se souvenant que trop bien des nombreuses fois où elle avait chassé des voleurs du jardin des Chen en faisant voler sa fourche.
Samantha rajusta de nouveau son chapeau en grommelant.
Elle le sentait vraiment pas, ce plan !

De l'autre côté de la bâtisse, alors que les deux sbires acceptaient enfin de faire entrer Gold et Sam, à contrecœur, un tout autre groupe s'affairait.

Christopher, tout de blanc vêtu, pianotait sur le clavier camouflé derrière le buisson. Son masque de Ptitard, en revanche, ne cachait en rien ses yeux brillants de détermination. Sur la pokémontre de Silver qu'il arborait à son bras, le visage inquiet d'Angie répétait : « N'oublie pas la procédure pour ne pas te faire repérer ! ». Bien à l'abri dans la grotte qui les avait protégés pendant deux jours, elle tenait un ordinateur sur ses genoux et servait de relai aux enfants.

La voix d'Akira lui répondit à la place de celle de Chris, trop absorbé par sa tâche :

-Encore heureux, qu'il n'oublie pas la procédure pour ne pas se faire repérer, j'ai pas envie d'assommer des dizaines de sbires, moi !

Comme pour confirmer ses dires, il envoya un coup de pied à un des brigands saucissonnés à un tronc de la forêt, ceux qui gardaient la porte avant leur arrivée. Angie plissa les yeux et grommela qu'avec Christopher, on ne savait jamais. Mais son compagnon poussa un cri victorieux quand son engin émit un signal positif et que la porte devant lui s'ouvrit. Alors que l'informaticien se complimentait, Angèle changea de sujet et les pressa d'entrer :

-Les enfants sont déjà dans l'immeuble ! Dépêchez-vous !

Elle jeta un coup d'œil rapide à une fenêtre de l'ordinateur de fortune d'Akira, un vieux portable sur lequel les vieux rapports non terminés et non envoyés s'amoncelaient les uns sur les autres. Le pokématos allumé sur la poitrine de Gold montrait la progression du premier groupe. Ils se faufilaient dans les couloirs sombres à la queue leu leu. Bientôt, ils allaient être séparés alors que les deux autres flemmards traînaient à l'entrée ! Sous les cris outrés de la blonde, et les gémissements qui en découlèrent à cause de sa plaie par la suite, les adultes entrèrent avec une honte non dissimulée.

L'intérieur, à l'instar de l'extérieur, était sinistre, sombre, et humide. Pas une seule lumière n'éclairait le passage. Les ténèbres engloutissaient le chemin à suivre et ne laissaient aucun repère aux pauvres aventuriers qui le parcouraient. La panique gagna progressivement l'ancien voleur en blanc. D'ailleurs, à mesure que la peur montait en lui, il répétait :

-Les gentils finissent toujours par s'en sortir indemnes, les gentils finissent toujours indemnes...
-C'est pas comme si tu avais toujours été du bon côté, Chris. Ne te fais pas trop d'illusions, le reprit sévèrement Angie, affichant une moue contrite. Ce n'est pas parce que tu portes du blanc que tu es devenu un saint !
-Je croyais qu'avec une tenue toute blanche... Balbutia le bandit.
-Tu es désespérant par moment. Grommela sa compagne.
-Tout le temps. Compléta Akira en soupirant.-Ne vous en faites pas, Christopher, Angèle, je compte sur vous pour profiter un maximum de ma diversion... Angèle, surveille-le, je ne veux pas me sacrifier pour rien.

La blonde se mit au garde à vous en grimaçant maladroitement, mal à l'aise, laissant son coéquipier s'offusquer tout seul. Le professeur sourit doucement, et attrapa ses pokémons à sa ceinture. Il caressa rapidement la matière en acier et les fit passer dans les creux de ses paumes, anxieux. Enfin, il inspira un bon coup et s'élança dans les couloirs. Un éclair rouge traversa les nuages de l'obscurité, et une secousse manqua de faire tomber sur les fesses le pauvre Christopher. Une autre intonation, une belle explosion, ébranla la structure de l'édifice.


Angèle frémit, se rongeant un ongle devant son écran. Elle donna rapidement des indications hypothétiques à Christopher pour qu'il trouve la salle de contrôle et chercha des yeux la fenêtre des enfants.

Eléanore était à terre, sur les fesses, et Samantha l'imitait, même si elle tremblait comme une feuille. Le sbire devant eux scrutait la pénombre, cherchant l'origine du bruit si peu encourageant. Soudain, le mur à côté d'eux implosa, une forme immense, une espèce de statuette flottant dans les airs émergea de la poussière de ciment. Akira, sur le dos de son Kaorine, riait de manière tonitruante, délibérément. Ils passèrent en un éclair, se téléportant à toute vitesse, le brun criait avec une voix que même Sam eut du mal à lui reconnaitre : « Haha ! Bande de bandits, le dresseur masqué est venu vous châtier ! ». Sa silhouette se dissipa à nouveau et une foule d'hommes et de femmes en uniforme se lancèrent à sa poursuite dans une cohue et un vacarme alarmant.

Le sbire qui guidait Sam, Gold et Eléa se retourna vers eux tandis que son coéquipier suivait la masse. Il fronça les sourcils et leur hurla :

-Vous, occupez-vous de l'intrus, j'emmène la gamine des Sarl. Grouillez-vous !

Il attrapa Eléanore par le poignet et l'emporta avec lui dans un escalier en colimaçon. Samantha retint un gémissement, prête à courir chercher son amie de suite, mais Gold la rattrapa par les épaules et lui intima de la laisser se débrouiller. Il l'entraîna donc avec lui, mais au lieu de suivre les ordres, les deux enfants cherchèrent en toute hâte un passage vers le sous-sol.

Le brun saisit son pokématos d'une main et appela à voix basse Angèle pour demander un plan. La blonde grimaça, et elle lui répliqua :

-Encore quelques minutes ! Christopher a trouvé un bureau où se connecter mais je ne suis pas encore dans l'unité centrale.

Un peu plus loin, le bandit renversa une armoire devant la porte de la salle, et le meuble s'éclata à terre dans un fracas monstre, tout son contenu se répandit sur le plancher, les bouts de verres brisés se mélangèrent aux feuilles éparses et disloquées des livres, un liquide nauséabond s'éleva dans la pièce à cause du mélange des produits conservés. Elle donna un haut le cœur à Christopher et celui-ci ouvrit l'unique fenêtre avec un soulagement grandissant, le teint verdâtre derrière son masque. Un cri de sa collègue l'obligea à retourner mettre son nez dans cet air ranci et putride au lieu de l'air marin mêlé à la senteur des pins de la forêt. Il grimaça mais obéit.

De sa cape, il sortit un filin d'acier relié à une sorte d'ordinateur de poche - c'était grâce à lui qu'il avait pu faire griller les pare-feu du serveur rocket, il ne s'en séparait jamais. Il alluma l'ordinateur du bureau et donna un coup de pied au fauteuil derrière lui pour avoir plus de place. Il brancha son outil et commença à pianoter sur le clavier pendant plusieurs minutes.

Il ne fallut pas longtemps à Chris pour s'infiltrer sous une identité fausse et pour accéder au serveur principal, encore moins pour se munir d'un plan. Angèle récupéra les données qu'il lui envoya, marqua le lieu où se trouvait son ami, chercha rapidement le passage vers les sous-sols et enfin transmit les informations à tous les membres de l'équipe.

Alors qu'Akira détruisait encore un mur entier, poursuivi par des sbires furieux, Eléanore entendit son pokématos accroché à sa cuisse sonner. Elle se pinça la lèvre inférieure. Heureusement, son « kidnappeur » n'entendit rien tant le vent de trouble sifflait et résonnait dans les allées de leur QG. La gamine aux couettes sentit le soulagement poindre, et elle prit son courage à deux mains pour se lancer elle aussi dans la bataille. Miyu, au dessus de son dos, s'exclama :

« Allez, vas-y ! »

Eléanore trébucha et s'étala à terre. Attiré dans la chute, le membre d'Opale bascula en arrière, Eléa se rua sur le côté pour l'esquiver et saisit une de ses balls. Pilou en sortit, furieux, et avant même que le sbire n'ait pu comprendre ce qui lui arrivait, il se retrouva paralysé par une Cage-Eclair. Les moqueries de Miyu ne l'atteignirent pas et pourtant, vu sa tête dégoûtée, emplie de fureur mêlée d'effroi, on aurait pu le croire.

La riche héritière attrapa son prisonnier et le balança sans ménagement dans la première pièce qu'elle atteignit. Elle lâcha Ash, son Reptincel, et fit fondre les gonds de la porte pour la sceller. Le spectre qui l'accompagnait rit sous cape, savourant un « maintenant, les rôles sont inversés ! ». Elle le fit taire d'un geste de la main.

« Comme s'ils pouvaient m'entendre ! » Répliqua-t-il. « Franchement, tu ne m'as pas écouté et tu te jettes dans une merde noire, alors laisse-moi au moins causer ! »

Eléanore, lasse, maugréa : « Si seulement ça avait pu marcher ! Dommage ! ». Elle réprima tout de même un rire joyeux. Elle s'amusait comme une folle, l'adrénaline qui parcourait son corps en cet instant lui faisait sentir plus fort que jamais à quel point elle était vivante. Son cœur palpitant et sa respiration rude sous l'effort, tout ça marquait la trace d'une existence encore bien présente. Et le fait de la mettre en jeu ne rendait les évènements que plus violents, plus envoûtants encore ! C'était un choix conscient de sa part, une volonté qu'elle avait eu de suivre le chemin le plus dangereux possible pour oppresser cette pulsation incertaine dans sa poitrine, la pousser dans ses plus lointains retranchements.

Elle extirpa son pokématos de sa jambière de fortune et déchira sa robe qui la gênait pendant qu'elle courait. L'écran indiquait une croix dans un dédale de lignes incompréhensibles. Heureusement, un message arriva dans sa boîte de réception, à côté d'un de Daniel et Lucas qu'elle n'avait pas ouvert. Angie lui avait écrit précisément le nombre de croisement qu'elle devait franchir pour parvenir au but, puis pour s'enfuir.

Eléanore sourit.

Ash sauta sur son dos et elle prit ses jambes à son cou, riant aux éclats cette fois. Sous le regard atterré de Miyu, elle fit même une roue pour exprimer sa joie. Jouer les héros lui plaisait plutôt pas mal !

Contrairement à elle, les autres n'appréciaient que légèrement la situation. Samantha et Gold descendaient de plus en plus profondément dans les entrailles de l'enfer, et alors que la jeune fille s'attendait à une chaleur suffocante, presque insoutenable, un froid glacial la saisit, lui rongeant les os aussi efficacement que la glace, léchant sa peau avec une dureté peu commune.

Son souffle paniqué s'élevait en un petit nuage devant elle à chaque inspiration, brouillant sa vue l'espace de quelques secondes. Elle voyait l'air qu'elle rejetait s'en aller, retourner dans le monde de la surface, tandis qu'elle continuait sa course vers le fond, comme si, ayant touché le bout de l'abîme, elle décidait de prendre une pelle pour continuer de creuser sa propre tombe.

Si Sam pensait s'enfoncer encore plus dans l'erreur, Chris, lui, s'élevait, au véritable sens du terme. Il venait de sortir du bureau par la fenêtre, et grâce au pokémon de Silver, Cornèbre, il montait vers le toit de l'édifice, abandonnant derrière lui l'ordinateur allumé qui envoyait ses données à Angie via l'engin qu'il lui avait implanté. Il remarqua dans l'amas d'arbres qui s'empilaient les uns sur les autres la bosse surélevée de la grotte qui abritait son amie. Il pointa le nez vers les cieux et posa un pied sur la terrasse. Il crocheta la serrure de la porte de secours, et s'engouffra de nouveau dans cet étau étrécissant peu à peu son emprise sur eux.

Akira, quant à lui, commençait à fatiguer. Kaorine avait cédé sa place à Porygon-Z et M.Mime, ceux-ci lançant sans cesse des Distorsions et des Protections pour ralentir leurs poursuivants. Mais là, le professeur devait bien concéder une vérité, il ne savait plus vraiment où se planquer.

Heureusement pour lui, la relève arriva. A peine remarqua-t-il la tache blanche que formait Christopher dans cet océan noir, qu'il lança Staross et lui ordonna d'utiliser Camouflage. Il se fondit littéralement dans la matière avec son pokémon pour les membres d'Opale, interloqués. Néanmoins, ils ne purent pas réfléchir longtemps à la question, un cri les fit se retourner comme un seul homme. Un éclair blanc zébra dans les ténèbres, la chevelure étincelante de l'ancien bandit, monté sur Absol, leur fit une grimace mal assurée, avant de hurler :

-Ahaha ! Vous ne pourrez jamais attraper le dresseur masqué !

La bande de voleurs s'ébranla, parcourue d'un frisson de fureur, et ensemble ils répliquèrent : « Ne crois pas que tu nous échapperas en changeant ton accoutrement stupide ! ». Mais Christopher ne l'écoutait déjà plus. Peureux, lui et le pokémon malédiction avaient pris la fuite à toute berzingue, zigzagant dans les couloirs en poussant des cris effrayés.

La masse s'éloigna du couloir où se trouvait Akira, celui-ci réapparut doucement et soupira d'aise. Son esprit dériva une brève seconde sur l'extérieur, et plus particulièrement à son lit tant chéri. Comme il lui manquait ! Il détestait toujours autant ce genre d'aventure !

Une voix le fit sursauter, et malgré tout, il dégaina une pokéball par réflexe.

-Ils ont raison, vous êtes vraiment ridicules dans vos costumes !

Eléanore apparut derrière lui, avec un sourire jusqu'aux oreilles, ravie de toute évidence. Akira maugréa :

-Tu exagères, il a la classe mon costume...

Elle se pinça l'intérieur de la joue pour ne pas répondre. Miyu, lui, ne se priva pas, et il lança : « Ouais, autant de classe qu'un Psykokwak en costard ». Mais ils ne se permirent ni l'un ni l'autre de rester là, sans couverture. Pour l'instant, le plan se déroulait sans anicroche : d'après le rapport d'Angie, Gold et Sam venaient de trouver les cachots, ils en étaient à la dernière ligne droite.

Akira attrapa la main d'Eléa et la tira avec elle, prudent, dans le dédale, remontant le chemin que venait de traverser Christopher pour leur sauver la mise. La gamine avec lui ne se laissa pas compter longtemps, et elle accéléra pour le dépasser, bien décidée à se mettre en première ligne malgré les conseils de son ami. Ils touchèrent bientôt au but.

De son côté, Christopher venait de s'échapper de justesse. Le Farfuret de Silver avait, de sa propre initiative, lancé un Blizzard surpuissant qui avait ralenti considérablement les bandits, mais surtout fragilisé le mur d'enceinte. Absol avait saisit l'occasion de rêve, et avec une estoc meurtrière, créé une brèche béante par laquelle ils avaient pu s'échapper du bâtiment avant de disparaître entre les arbres.

Cependant, si Christopher poussa un cri victorieux quand il parvint sans encombre à leur cachette, il ne se doutait pas que les choses allaient rapidement dégénérer.

Dans la masse de voleurs aux uniformes d'Opale, un homme émergea, furieux. Il hurla des insultes à ses subordonnés incompétents, rouge de colère. Méphisto fulminait, trépignait devant une défaite imprévue. C'est alors que deux détails le frappèrent. Sa rage se calma instantanément et se transforma en un calme presque plus effrayant.

Il venait de voir la fenêtre ouverte sur sa façade, et il avait bien vu deux silhouettes s'affairer à l'intérieur de celle-ci. De plus, il lui semblait percevoir des bruits, provenant de l'ouverture grillagée donnant sur le sous-sol. Un rictus sinistre étira ses lèvres rêches. Ses employés, inquiets, balbutièrent quelques questions, et demandèrent les instructions, tout en s'excusant platement, mais alors qu'ils s'attendaient tous à se voir mis à pied, leur patron les rassura d'un geste de la main nonchalant.

-Contentez-vous de bloquer tous les accès de la ville - tramway, passages à niveau - faites tout arrêter, ne laissez plus personne entrer ou sortir de ma ville.

Quelques personnes abandonnèrent la foule pour transmettre ces ordres, et dès qu'ils furent hors de vue, Méphisto pointa du doigt le haut de l'immeuble, puis le bas.

-Un groupe en haut avec moi, l'autre groupe sous les ordres de Gilles, en bas aux cachots. Tuez tous les intrus. Si vous les laissez s'échapper, attendez-vous à voir notre prison sous un tout autre point de vue.

La masse devant lui déglutit difficilement puis se dispersa dans une hâte proche de la frayeur.

Sous leurs pieds, les martèlements de leurs pas précipités résonnaient comme le glas de la fin aux oreilles de Sam. Elle grelottait, les murs suintaient d'humidité, et la peur environnante, la souffrance paraissaient elles aussi couler de ces prisons, comme ces gouttes d'eau glacées s'écrasant inlassablement sur l'asphalte gorgé de sang. Il lui semblait presque entendre les cris de douleur des victimes d'Opale, elle sentait leurs fantômes hanter encore leurs dernières demeures. Gold, lui, se jetait littéralement de barreaux en barreaux en criant le nom de leur ami, avec la même vigueur, la même détresse de sa voix étranglée. Elle ne savait pas comment il pouvait encore conserver une lueur d'espoir. Elle, elle n'en gardait plus une seule. Elle l'avait vomie, vomie il y avait quelques minutes, quand ils avaient ouvert une sorte de trappe au milieu d'une cellule et qu'ils en avaient tiré un cadavre en décomposition, dévoré par les algues, mort noyé dans ce trou à rat. L'image de ce corps imprégnait encore sa rétine et son odeur putréfiée assaillaient ses narines. La seconde d'après, elle se coucha contre un mur et rendit de nouveau son repas, ou tout du moins ce qu'il en restait. Gold fit demi-tour et la força à se redresser et à le suivre dans ses recherches. Les jambes branlantes, elle fit quelques pas, mais tout son esprit restait entièrement attaché à cette vision de cauchemar, à cet homme qui, comme eux, avait voulu défier Opale, et qui avait vécu la pire fin qui soit, dont la chair partait en lambeau dans une eau stagnante qui l'avait accompagnée de l'autre côté.

Ce n'était plus un frisson qui la parcourait, ce n'était plus de la peur qui la saisissait, mais l'horreur, l'horreur tout simplement. A tel point qu'elle ne parvenait même pas à la réaliser complètement. L'air froid du donjon avait fini par l'engourdir au point de ne plus pouvoir réagir lucidement. Elle percevait encore et encore les mêmes cris de Gold qui se répercutaient de tous les côtés.

-Silver ! Silver ! Hurlait-il, de plus en plus faiblement malgré tout - le propre écho de ses suppliques semblaient les étouffer dans l'oeuf.

Elle sortit brusquement de sa torpeur, comme si son cerveau avait enfin intégré toute l'ampleur du désastre, comme si elle venait enfin de réaliser ce qui se passait, l'image imprégnant sa pupille se dissipa pour laisser place à une masse inerte affalée sur le bitume. Une masse aux cheveux rouges. Ses jambes bougèrent d'elle-même et elle se jeta vers la cellule. Les gonds émirent un crissement strident quand Gold défonça la porte avec son Grolem et se précipita vers son coéquipier.

La pièce était encore le témoin d'une ardente partie de cache-cache entre les bourreaux et la victime. Des traces de sang menaient un chemin morbide, une reconstitution de la scène du crime. D'abord touché dans le coin gauche de la pièce, le blessé avait dû se réfugier jusqu'aux barreaux, espérant probablement pouvoir atteindre la porte pour s'enfuir. La paillasse lui servant de lit avait été renversée pour servir de rempart bien faible, plusieurs traces de pas se mélangeaient dans la poussière. La tablette de bois fut probablement défoncée, la victime sortie de sa cachette avait été traînée tout au long de la pièce, jusqu'à son exact centre. Elle avait dû essayer de fuir, elle avait dû trouver la force d'échapper quelques secondes à son agresseur, espérant ramper assez vite pour se sauver, mais évidemment cela avait été inutile. Des chaînes gisaient un peu partout, autrefois tendues comme des cordes de violons, puis aujourd'hui, délaissées en une masse informe, inutiles à présent pour soumettre cet être brisé, immobile, baignant dans une mare putride et écarlate. ...

Samantha était pétrifiée, pétrifiée par une peur absurde. Elle avait peur de faire un pas, juste un pas en avant, elle avait peur de revenir dans le flot du temps, et d'assister au massacre du roux en un instant. Elle avait peur de constater son décès, de le voir dans le même état que le cadavre de tout à l'heure, pourrissant lentement dans le boyau inondé.

Elle... Elle ne pouvait tout simplement pas supporter cela, c'était au dessus de ses forces... Contrairement à Gold, qui se rua vers son ami. Il tituba et tomba à ses côtés, il le retourna sans douceur, le corps flasque du roux suivit le mouvement mollement, inanimé, inexpressif. Son visage apparut plus pâle que jamais.

La frimousse de Gold se décomposa lentement, ses prunelles mordorées, d'abord reluisantes d'espoir, frémirent d'inquiétude, puis pour finir elles se teintèrent d'effroi. Il ne comprit pas immédiatement la vérité, cela lui semblait trop irréel, trop proche, trop impossible. Il secoua avec véhémence son coéquipier en l'appelant doucement, mais le faible tressautement du corps n'avait même pas assez de force, de vraisemblance pour se faire passer pour un souffle vital.

Une larme s'écrasa au sol, s'incrustant dans la roche de la même manière que l'avait fait le liquide pourpre du roux pendant ces heures de tortures.

-Silver... Me fais pas ça... Réveille-toi...

Son timbre enroué, effondré, se répercuta solennellement entre les quatre murs insensibles de cette prison. Ils avaient déjà vu des dizaines de scènes similaires : ce son étranglé, ce gémissement du brun se fit absorber par ces pierres indifférentes.

-Silver, je t'en supplie, ouvre les yeux... Répéta-t-il dans un murmure rauque.

Le sanglot de Samantha se répercuta entre eux, et de l'autre côté de l'écran du pokématos pendant au cou du brun, les pleurs de l'adolescente furent repris en concert par les deux voleurs à l'abri dans la grotte. Mais si eux venaient d'être accablés par le chagrin, il n'en était rien pour Samantha. Elle savait que c'était égoïste de sa part, qu'elle aurait dû souffrir de la perte de cet ami, mais plus que tout, ce qui martelait son cœur en cet instant, c'était la certitude d'avoir risqué sa vie en vain, de ne plus avoir aucune chance de sortir de cet enfer vivante, de finir exactement comme lui sous peu.

Gold serra le corps de Silver contre lui et glissa ses doigts dans les siens. Ils étaient gonflés, comme dépourvus d'os. Ces monstres lui avaient brisé une main. A travers le rideau de larmes qui obstruait sa vision, il s'obligea à contempler l'état global de son camarade. Outre sa main, qui même après avoir été soignée en chirurgie, n'aurait jamais pu retrouver toute son ancienne agilité, il avait les deux bras cassés, une épaule déboîtée, une tâche de sang coagulé marquait son ventre, un large sillon pourpre s'écoulait encore de son front, et ses deux pieds avaient triplé de volume à cause du froid. Sur ses jambes nues, il voyait des dizaines de bleus jaunes s'amonceler parmi les coupures purulentes, probablement faites avec l'aide d'un Pokémon.

Gold laissa sa tête tomber contre le flanc de Silver, incapable de retenir son chagrin.

Dire que leur dernière conversation ensemble avait été une dispute, une dispute stupide où il l'avait accusé de but en blanc de se droguer... Dire qu'il avait été en pouvoir d'empêcher cela, de le retenir, et qu'il n'avait pas réagi assez vite ! Il lui aurait suffi de tendre le bras, de l'assommer, de le dénoncer à Peter ! N'importe quoi, il aurait pu faire n'importe quoi, tout aurait donné une meilleure fin !

Il renifla bruyamment, sentant son cœur se disloquer. Il eut l'impression qu'on le broyait avec une machine particulièrement horrible.

Pourquoi se sentait-il si terrifié ? Il avait déjà vécu les années après la perte d'un être cher, quand son père était tombé dans le coma, il avait connu une peine similaire. Du moins il le croyait. Aujourd'hui, il était incapable de mettre un nom, une impression familière à ce qu'il ressentait. Il frissonnait à la simple idée de lui survivre. Peut-être parce qu'il avait tout simplement peur d'affronter la vie sans lui... Peut-être qu'il avait peur d'admettre cet avenir qui se traçait à présent sans lui.

Pourquoi se sentait-il si seul ? Cela ne lui était jamais arrivé de se sentir seul, il avait toujours eu quelqu'un auprès de lui dans la douleur, que ce soit sa sœur, sa mère quand sa cadette était incapable de le soutenir, et même Silver, comme le jour où il avait appris la mort de son père. Mais là, alors que Sam, Chris et Angie pleuraient eux aussi, là plus que tout, il avait l'impression d'être le seul au monde à le crier et à le regretter. Cette personne extraordinaire était morte, inconnue de tous, personne à part lui ne savait à quel point le roux pouvait se montrer généreux quand il le désirait, et personne d'autre ne le pourrait maintenant.

Pourquoi se sentait-t-il blessé ? Il en avait connu des blessures durant le combat, des meurtrissures graves parfois presque mortelles, des blessures au cœur aussi, mais aujourd'hui il sentait que le fait de l'avoir perdu le rongeait de l'intérieur et que la plaie en lui ne se fermerait jamais.

Pourquoi se sentait-t-il perdu ? C'était pourtant le concept le plus simple du monde, il était vivant, lui non, il n'y avait aucun besoin de chercher une autre explication ! Tout était fini, c'était pourtant clair ! Tout en lui s'effondrait à mesure que ses larmes versées s'écrasaient sur l'asphalte écarlate. Il ne se pensait plus à Opale, à Twilight, il ne savait même plus où il se trouvait, tout ce dont il était sûr c'était qu'il serrait le corps sans vie de son coéquipier et ami contre lui. Il avait l'impression qu'il avait emporté avec lui tout une part de son être, ses repères, toutes ses marques dans ce monde, qu'il ne serait plus jamais le même.

Mais bon sang ! Comment pouvait-il se mettre dans un état pareil pour cet idiot ? Encore, s'il s'était agi de sa sœur, il pouvait comprendre, mais Silver, ce type... Ce type... Voilà, il ne parvenait même plus à lui trouver des défauts ! Comme si la mort lui conférait une auréole !
Gold se rendit alors compte d'une chose, une chose qui l'effraya lui-même : quand il s'était engagé dans Twilight avec sa sœur, ils s'étaient promis tous les deux d'accepter la mort qui risquait de s'abattre l'un sur l'autre, mais les mots qu'ils avaient eu ce jour-là avaient autant de valeur que de la poudre de fée, autant d'efficacité qu'un Rattata face à un Mackogneur.

Comment pouvait-il accepter la mort d'un des êtres qu'il aimait le plus au monde ?

-Gold...

Le brun hoqueta, relevant la tête, cherchant qui l'appelait, mais devant lui, Sam vomissait de nouveau dans un coin, sûrement incapable de soutenir l'image du cadavre de leur ami après avoir vu celui du dernier prisonnier. Lui aussi, il aurait aimé vomir, mais une bulle encombrait son estomac et sa gorge, aussi pesante que des cailloux.

-Gold, tu me files mal au crâne... Répéta la faible voix.

Le cœur de Gold fit une embardée, et s'écrasa avec fracas contre son diaphragme, avant toute logique, il posa ses prunelles mordorées sur Silver. Celui-ci le fixait d'un air exaspéré, retenant de toute évidence une plainte douloureuse. Bien vivant. Il ne savait pas comment c'était possible devant l'étendue de ses blessures, mais il l'était. Et alors qu'il lui avait fallu quelques minutes pour l'enterrer, il ne demanda pas plus d'une seconde pour le ressusciter, comme un vœu de gamin devenu réalité du jour au lendemain.

Sur l'instant il se ficha totalement du reste, des raisons, de la phrase du roux, il l'enlaça de toutes ses forces en balbutiant :

-Oh Arceus... J'ai cru que... J'ai cru que... T'es vraiment un con de me ficher des trouilles pareilles !

Et Silver, dans ses bras, la vue embrumée, légèrement perdu, ne put que maugréer en retour :

-Arrête... J'ai mal au crâne...

Samantha, dans un coin, leva la tête et son expression s'illumina, elle se joignit à l'étreinte essayant de chasser ses sanglots en vain. Les hoquets de peine se changèrent peu à peu en des pleurs de soulagement dans l'écran du pokématos. Angie et Chris, les visages ruisselants, remerciaient Arceus avec une piété qu'on ne leur connaissait pas. Mais Sam ne laissa pas la joie s'installer trop vite, elle obligea Gold à se mettre sur ses jambes.

Il fallait vite partir et emmener Silver dans un hôpital, avant qu'il ne passe vraiment l'arme à gauche. Le brun hissa son camarade sur son dos avec précaution, Grolem l'y aida et Capumain sortit de sa pokéball pour maintenir. Le roux paraissait complètement ailleurs, ballotant sur son support, les yeux dans le vague, et c'est certainement cet air-là qui fit comprendre à son coéquipier que le temps jouait contre eux.

Sam, les mains sur le dos du roux, aidée par Capumain, soutint Silver derrière Gold pendant quelques pas, mais alors qu'ils avançaient péniblement vers la sortie et l'issue aquatique qu'Angèle leur avait indiqué sur la carte du pokématos, Silver revint véritablement à lui.

-Qu'est-ce que vous faites là ? S'écria-t-il brusquement, manquant de tomber dans les bras de Sam. Il gémit instantanément de douleur à cause de ce simple mouvement.
-On est venu te sauver, enfin ! Tu croyais quand même pas qu'on allait te laisser ici ! Répliqua Gold.

Mais Silver eut une réaction tout à fait inimaginable : il tenta de descendre du dos de son camarade.

-Repose-moi ! Lâcha-t-il en se débattant faiblement.

Les deux adolescents furent déboussolés. Samantha tenta de le calmer mais à peine porta-t-elle ses mains à son ventre qu'elle sentit un liquide chaud les asperger. Elle ne voulut même pas savoir ce que c'était, de toute façon, le garçon se plia en deux et réprima un haut-le-cœur. La jeune fille put voir ses lèvres bleuir.

-Mais enfin, qu'est-ce qui te prends ? Il faut se barrer, tu vois bien que tu as besoin de soins ! Cria Gold, les yeux révulsés sous l'anxiété.
Mais le cri qu'il reçut en réponse dépassait de loin toute logique propre :

-NON ! Je ne peux pas partir d'ici... pas avant que... pas avant... d'avoir fouillé toutes les cellules... Je...

Ses paroles s'embrouillaient les unes après les autres, les images confuses de la mission lui revenait peu à peu. Silver ne semblait pas savoir par quoi commencer, quel sujet était le plus important d'aborder, il en lançait un et un autre lui revenait à l'esprit et il lâchait le reste au détriment du nouveau, l'abandonnant à moitié entamé sur le côté, à tel point que son discours n'avait ni queue ni tête pour les enfants devant lui. Samantha arqua un sourcil et Gold parut atterré.

-Okay, okay, attends, refais-le, mais en clair cette fois... Bafouilla le brun lui faisant le geste de ralentir.

Mais le roux ne parvint pas à enfiler un mot de plus, il se recroquevilla et se serrant la tête.
Brusquement, Samantha sentit elle aussi une douleur lancinante oppresser son crâne, un mal lui vrillant les tempes et titillant les orbites. C'est alors qu'enfin, une voix s'éleva pour répondre à Gold, mais ce ne fut ni la sienne, ni celle du roux.

-C'est sa mère qu'il cherche.

Derrière eux, se tenait le vieil homme qui avait empoigné Silver lors de son arrivée, pokéball en main, et avec lui une dizaine d'autres sbires, des sourires malveillants sur les faces. Sam sentit le mal de tête empirer, elle tira sur les bords de son chapeau, espérant l'atténuer mais cela ne marcha pas.

Et à quelques étages de là, la même scène se produisait.

Eléanore cacha derrière elle l'engin électronique de Christopher. Il avait eu le temps de charger le serveur de tout Opale, et contenait des preuves irréfutables contre eux, ils ne pouvaient pas l'abandonner, sans compter que l'ex-voleur maladroit y tenait malgré tout, même s'il l'avait sacrifié. Cependant, enlever l'armoire qui barrait le passage avait pris du temps, trop de temps, et l'ennemi les avait rattrapés. Maintenant, dans le couloir, Akira et la jeune héritière faisaient face à une bande de malfrats avec à leurs têtes - même s'ils l'ignoraient encore - Méphisto, plus rouge de rage que jamais.

Le professeur masqué eut alors un réflexe qu'Eléanore n'aurait jamais cru de lui. Il lui ordonna de courir pendant qu'il les retenait. Elle refusa catégoriquement d'abord, mais il insista et finit par la pousser violemment, Miyu mêlant ses suppliques aux siennes. Eléanore se pinça la lèvre jusqu'au sang, mais finit par céder, elle se retourna et partit à toute vitesse en direction de l'escalier qui menait à la terrasse. Quelques sbires la pourchassèrent dans les couloirs, l'oppressant dans cette seule direction. Pilou leur envoya quelques Eclairs bien placés, de même Feurisson avec son Brouillard, mais bientôt Eléanore vit une bande de Démolosses les prendre en chasse, elle et ses pokémons. Elle rappela tout le monde sauf Ash, le seul ayant dépassé le niveau trente-cinq dans son équipe, et déboula sur le toit précipitamment.

Akira se retourna dès qu'il la vit disparaître au détour du couloir et dégaina ses pokéballs, évaluant mentalement ses chances de vaincre.

Il ne pouvait pas partir tant que les enfants se trouvaient à l'intérieur du bâtiment, et Angie devait lui envoyer un message sur son portable quand ce serait le cas. Il avait conservé quelques attaques Téléport de son Kaorine pour filer comme ça, avec Eléa, et dans le pire scénario, il pouvait passer prendre tous les enfants s'ils se regroupaient, mais cela signifiait qu'il ne pouvait utiliser son sixième pokémon de peur qu'il ne soit mis hors combat. Il ferma les yeux et se décida.

Florizarre apparut devant lui, accompagné de Staross, ses deux meilleurs Pokémons, probablement ses seules chances de survie.

Akira fit couler son regard sur son adversaire, celui-ci sortit un Carchacrok et un Démolosse, et le professeur retint une grimace tandis qu'un simili de tempête de sable s'abattait sur leur terrain de fortune. L'espace d'un instant, il fut heureux d'avoir pris l'identité du dresseur masqué, ayant ainsi des pokémon bien entraînés, et il fut également heureux d'avoir déjà combattu Lily et son propre Carchacrok. Le combat allait être rude, sans aucun doute. Pire que tout, avec son œil entraîné, Akira comprit qu'il n'avait que peu de chance, s'il visait la victoire. Il savait évaluer la force de l'adversaire devant lui, et là, même si sa fierté, pas très forte mais existante quand même, en prenait un coup, il devait avouer que son opposant le dépassait de loin, pour une fois. Par prudence, il prépara un plan de secours.

-Démoloss, attaque Canicule ! Rugit Méfisto.

Avant même que le chien noir ne bombe le torse pour aspirer l'air dont il avait besoin pour attiser ses flammes intérieures, Akira réagit.

-Staross, Armure !

Le pokémon Eau, probablement habitué à ce genre de stratégie, se jeta sur Florizarre et utilisa son attaque Armure pour parer le jet flamboyant. Il ne laissa pas le temps à son adversaire de répliquer, l'air chaud et stagnant devant Staross devait être utilisé à bien, surtout avec une tempête de sable qui risquait de tout gâcher. Akira brandit le bras et s'écria :

- Florizarre, attaque Poudre Toxique ! Staross, Tour Rapide !

De fins grains sortirent avec force du bulbe éclos de la créature plante. Le vent qui soufflait sur eux aurait dû les disperser avant même qu'ils n'atteignent leurs cibles, mais un étrange courant les happa dans un tourbillon bouillant : l'action rotative du pokémon Eau, combinée à l'atmosphère brûlante dûe aux restes de l'attaque Canicule, attirait la poussière comme le siphon d'une baignoire. Méphisto parut furieux quand la combinaison fatale heurta de plein fouet son Démolosse et son Carchacrok, les empoisonnant de ce fait, mais cette incartade ne modifia en rien sa stratégie offensive.

-Carchacrok, Dracocharge ! Beugla-t-il, le cou strié des marques de ses veines palpitantes.

Le pokémon Dragon se jeta dans la mêlée, ses cornes comme déchirées par le sable et la vitesse autour de lui, un éclair violacé se dirigea droit sur Staross, Akira réagit au quart de tour : son pokémon n'avait pas encore récupéré assez pour éviter une attaque, aussi voyante soit-elle. Il devait être déstabilisé par son Tour Rapide, il fallait autre chose.

- Staross, Camouflage ! Florizarre, Danse-Fleur !

Seulement cela ne se déroula pas comme prévu. Si l'étoile de mer disparut dans un coup de vent sous les yeux paniqués du pokémon Sol, la Danse-Fleur ne fut pas lancée : un jet de flammes emporta Florizarre. Démolosse avait profité du fait qu'Akira s'inquiétait pour Staross pour avoir le pokémon Plante dans sa faiblesse. Le gros reptile roula quelques mètres et s'ébroua, mal en point, les bouts de ses feuilles roussis brillaient dans la tempête. Yuki sentit son sang se glacer dans ses veines : il commençait à brûler ! Avec ce vent, même gonflé de sable, son pokémon pouvait s'embraser dans quelques instants ! Sur le coup, il en oublia toute sa stratégie et hurla :

-Staross, Bulles d'Eau sur Florizarre !

Le pokémon abandonna sa couverture et cracha ses salves humides sur son coéquipier. Beaucoup furent totalement détruites par la tempête poussiéreuse, mais la plupart des autres touchèrent la créature, et les flammes ne parvinrent pas à s'étendre davantage. Cependant, Akira ne put pas pousser un soupir de soulagement, le pokémon Dragon se jeta littéralement sur l'étoile et la propulsa avec une violence inouïe contre le mur du couloir. Le pokémon Eau se redressa difficilement, s'extirpant des débris avec une lenteur stressante. Le dresseur masqué ordonna d'instinct à son pokémon Eau d'utiliser son « Soin », mais le temps qu'il s'inquiète pour le premier, les pokémon adverses s'acharnaient sur son autre créature. Akira se réveilla à temps pour crier :

-Florizarre, Clonage !

Juste avant qu'un Giga-impact et une Déflagration ne l'atteigne.

La poupée fut quasiment détruite sur le coup, ne laissant au dresseur qu'un court répit. Des parcelles entières du sol frôlèrent Akira de peu, manquant de l'assommer. Yuki essuya rapidement de sa manche un peu de sueur qui commençait à couler sur son front. Il plissa les yeux d'incompréhension. Le poison devait pourtant affaiblir les pokémons de son adversaire, comment pouvaient-ils continuer à être aussi rapides ? ... Le dépassaient-ils à ce point question niveaux ? Son équipe frôlait déjà la barre des 70, cela signifiait donc qu'ils dépassaient ça ? Il avait voulu gagner du temps jusqu'à présent, mais si ce qu'il pensait se révélait exact, il ne tiendrait pas longtemps. Il devait se débarrasser de toute urgence du plus dangereux. Carchacrok était un monstre ultra résistant à presque tous les types en face de lui, sauf une seule capacité de son staross, avec Démolosse ils constituaient un vrai problème pour lui. Il fallait que l'attaque fatale de Staross l'atteigne.

-Florizarre, attaque Tempêteverte, maintenant ! Cria Yuki. Staross, Météores puis Camouflage !

Les feuilles se mirent à virevolter autour d'eux, accompagnées d'étoiles jaunes. Le sable rencontra l'ensemble cosmique avec une force peu commune, l'onde de choc obligea Akira à fermer les yeux, mais il n'avait pas besoin de sa vision pour savoir ce qui allait se produire : Staross, caché parmi ce cyclone destructeur, se rapprochait de deux pokémons ennemis et une fois près de Démolosse...

-Attaque Bulles d'Eau ! S'écria-t-il.

L'étoile violette apparut derrière le chien, elle se gonfla, rassemblant toute sa puissance, son joyau luit d'un éclat redoutable, mais alors que la situation semblait s'achever ici pour le chien démoniaque, Méphisto sourit et s'empressa de lâcher avec délectation.

-Cizayox, maintenant !

Le canidé noir fut touché de front par l'offensive liquide et il s'effondra sans se relever, cependant Akira n'eut pas le loisir de savourer cette victoire : deux lames l'entourèrent et l'une d'elle se posa sous sa gorge. L'insecte rouge, derrière son dos, l'attrapa et l'étreignit de toute sa force. L'enseignant écarquilla des yeux tandis que ses créatures s'arrêtaient, saisies de stupeur, de terreur pour leur dresseur.

-Il faut surveiller ses arrières, avec moi... Fit Méphisto en arborant un sourire narquois.

Il avait dû lancer sa ball lors du Giga Impact, mélangée au débris de roche...

-C'est pas très réglo, comme tactique, ça... Grommela Akira, se pinçant les lèvres.
-Je n'ai jamais suivi les règles. Rétorqua le chef des bandits.

Il posa un regard froid sur ses pokémons, et d'un mouvement sec, il ordonna :

-Finissez-les.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «
Dans la pénombre du sous-sol, le vieil homme qui se tenait en face de Sam, Silver et Gold, paraissait plus ridé qu'une prune, ses plis à la lueur vacillante de la flamme de son pokémon Feu, Simiabraz, lui conférait un air impitoyable. Ses prunelles brillaient d'une couleur pénétrante alors que ses orbites disparaissaient pratiquement toutes entières dans le creux de ses arcades. Une deuxième créature, un Mangriff vigoureux, s'amusait à frotter ses serres l'une contre l'autre pour produire de petites étincelles malveillantes.

Gold, soutenant Silver avec l'aide de Sam, dévisagea le nouveau venu, déglutissant d'appréhension. Il questionna du regard le roux, mais celui-ci ne fut pas en état de lui répondre, ni même de lever la tête vers lui. Capumain gémit derrière lui, et Grolem se plaça entre le nouveau venu et les enfants pour faire office de rempart s'il le fallait. Sam frémit. Un Simiabraz, cela signifiait donc que leur adversaire était au moins niveau 36... Et elle, n'en avait aucun qui atteignait les 30, à part Galifeu. Elle observa Gold un instant du coin de l'œil, et pria pour que lui, ait des créatures capables de faire face à ça...

Le vieil homme eut un rictus, peut être croyait-il avoir déjà gagné ?

-Alors, mon petit Silver, tu fatigues ? Pourtant, d'après nos sources, tu résistes plutôt bien aux drogues et aux poisons... ?

Le roux voulut probablement émettre un sifflement de mépris comme il en faisait souvent, mais il n'y parvint pas, il grelottait beaucoup trop pour cela. Gold frissonna sous l'impulsion de la colère.

-Que lui avez-vous fait !?
-Oh ? Moi ? Rien de bien méchant. Du moins pas plus que ce que son père lui fait habituellement, il faut croire... ! Néanmoins, je suis surpris, je m'attendais à un peu plus de résistance de ta part. Giovanni nous avait pourtant dit que tu étais parvenu à échapper à l'emprise de sa mixture, je croyais que tu y parviendrais avec la nôtre aussi !

Il retint un rire tandis que Silver lui envoyait un regard aussi noir qu'il put. Oui, il avait réussi à échapper à la drogue de son père, mais seulement grâce à son Notensfer. Sans son pokémon pour aspirer le poison, il serait resté une marionnette docile entre les mains de la Rocket. Aujourd'hui, il n'avait plus son Nostenfer sur lui, il était donc normal qu'il subisse les effets de leur mélange.

-Arrêtez de dire n'importe quoi !!

Le cri de Gold se répercuta dans le crâne du roux.

-Silver n'est pas le fils du chef des Rocket, vous vous êtes fait avoir comme des idiots ! Rugit le brun.

Un rire sinistre retentit en réponse, un rire qui hérissa les poils de l'adolescent, et si Silver avait été en meilleur forme, il aurait probablement retenu un ricanement nerveux lui aussi.

-Silver ? Pas le fils de Giovanni ? C'est toi l'idiot, petit... Oh, peut-être que tu ne lui as pas dit la vérité sur ton compte, Silver ? C'est vrai que ce n'est pas une famille très enviable, ton père n'a même pas levé le petit doigt pour te sortir de nos geôles.
-Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il fasse quelque chose... Trouva la force de maugréer le roux.

Le visage de Gold se décomposa, il blêmit littéralement. Il aurait été prêt à réfuter tous les dires de ses adversaires, peu importe les preuves qu'on lui apportait, il les aurait toutes repoussées avec la même véhémence. Mais là, là c'était Silver qui avouait, dans sa réponse, il avouait la vérité. Par réflexe, Gold lâcha son camarade qui s'affala dans les bras d'une Sam déstabilisée. Il recula de quelques pas.

-C'est faux... Balbutia-t-il comme pour s'en convaincre.

Silver ne pouvait pas faire partie de cette troupe de monstres, il ne pouvait pas être enregistré dans leurs rangs, et encore moins être le fils de la créature immonde qui les commandait. C'était impossible ! Il le connaissait, après tout.
Du moins, il avait cru le connaitre.

-C'est faux... Répéta-t-il plus fort en cherchant du soutien dans les yeux bleu argenté de son coéquipier. Mais le roux baissa la tête.
-De quoi ? Tu as du mal à accepter ça ? Se moqua le vieil homme. C'est vrai que, vu son père, il risque de devenir comme lui, ou pire... Et dire que vous avez fait tout ça pour le sauver ! Tu vas sauver le fils d'un monstre, c'est hilarant, non ?

Gold se plaqua les mains sur ses oreilles pour ne pas entendre ces paroles. Non, non il ne fallait pas qu'il se fasse convaincre, il... Il risquait d'entacher l'image qu'il avait du roux, il ne pouvait passe permettre ça, pas maintenant ! Mais... Mais... Les souvenirs défilèrent devant les yeux du brun. Silver avait toujours été antipathique, voire cruel par moment, et lui...

Ce type avait raison...

Merde, il lui avait menti depuis le début ! Silver ne lui avait jamais dit la vérité sur rien ! Même pas ça ! Comment avait-il pu lui cacher une histoire aussi énorme ? Un haut-le-cœur lui souleva la poitrine. Il... Il avait sauvé un monstre de la Rocket... Peut-être même un de ceux qui... Qui avaient attaqué son père pendant qu'il allait travailler... Peut-être un de ceux qui lui avaient porté le coup de grâce ! C'était... C'était impossible, il n'avait pas pu faire ça ! Il n'avait pas pu faire confiance à... à... à un meurtrier !

Samantha fronça les sourcils. Silver, dans ses bras, n'osait pas regarder son coéquipier, elle sentait son amertume comme si elle avait été la sienne. Alors, toute peur l'abandonna, elle oublia dans quelle situation ils se trouvaient tous, elle oublia qu'un pokémon les menaçait au moindre mouvement brusque, elle lâcha Silver que Capumain rattrapa et envoya une claque retentissante à Gold.

Le brun tomba sur les fesses, les yeux écarquillés, des doigts caressant sa joue en feu, dont la douleur le ramenait à la réalité. Il fixa son bourreau sans comprendre sa réaction.

-TU ES IMMONDE ! Rugit-elle.

L'insulte asséna une seconde gifle mentale au gamin.

-TU CROIS SINCEREMENT QU'ON CHOISIT SES PARENTS ? TU CROIS SINCEREMENT QUE C'EST FACILE D'ACCEPTER SA FAMILLE ?

Elle le saisit par le col.

-Toi, tu as peut-être eu une famille digne d'être montrée, dont on peut être fier... Une famille qui t'acceptait comme tu étais... Mais on n'a pas tous cette chance !
Le vieil homme, assistant muettement à ce spectacle, se mordit les lèvres en fronçant les sourcils. Cette fille contrecarrait son plan pour semer la zizanie parmi eux. Mais Sam ne le remarqua pas, elle continua à crier, à serrer de plus en plus fort sa prise sur l'uniforme du brun, le secouant pour lui faire comprendre ce qu'elle voulait dire.

Elle aussi avait dû grandir dans une famille qui n'était pas la sienne, tous les jours, on le lui avait dit et répété, tous les jours elle ne se sentait pas à sa place dans cette masse de chevelures roses. Ce n'était que depuis peu qu'elle avait enfin accepté sa famille, mais avant... Avant qu'elle ne rencontre Eléa, elle osait à peine prononcer son nom, de peur que les mêmes remarques ne viennent, de peur qu'on attende d'elle encore plus de savoir, de meilleures notes encore...

Si... Si elle avait subi ça, rien qu'avec une génération aussi illustre, aussi respectée que celle des Joëlle, elle ne pouvait même pas imaginer combien Silver avait dû craindre que la vérité éclate dès qu'on lui demandait son identité, combien il avait dû avoir peur de la réputation de la Rocket qui le précédait... Il avait dû être sans cesse sur ses gardes, presque paranoïaque, ce secret avait dû le ronger plus profondément encore que tout ce qu'il avait subi ici. Et lui... Ce type qui se prétendait être son ami... Comment pouvait-il... Comment pouvait-il réagir ainsi ?! Certes elle ne connaissait pas le roux aussi bien que Gold, elle n'avait pas partagé des années avec lui, à peine quelques jours... Mais c'était toujours le même garçon, celui qui les avait tous sauvé lors de la traversée du mont Sélénite, celui qui... Celui à qui elle avait offert sa plume !

Comme si ses pensées avaient transpercé le tissu de peau et de chair de l'adolescent, le visage de Gold se contracta sous la culpabilité. La brune relâcha son étreinte, puis la resserra brusquement, plongeant ses prunelles, les jumelles de celles du roux, dans celles du garçon.

-Le monde n'est ni tout blanc, ni tout noir, Gold. Tout le monde a un côté qu'il ne veut pas dévoiler, et si Silver a celui-là, le tien est peut-être encore pire que ça.

Sur ce, elle le laissa tomber et retourna vers le roux pour l'aider à se relever. Celui-ci lui souffla un merci bien faible, elle ne le perçut presque pas tant sa voix faiblissait de seconde en seconde.
Gold resta coi, la main sur la joue, immobile, ces paroles trouvant un écho dans son esprit. Le vieil homme sourit et lança méchamment :

-Donc toi aussi tu vas aider le fils d'un monstre ?

Mais ce fut Sam qui lui répondit, avec un air sévère presque méprisant :

-Quitte à aider un monstre, je préfère sauver celui que je connais.

Le membre d'Opale grimaça sous la fureur. Cette phrase se répercuta dans les murs de la prison. Gold se redressa et se dirigea sans un mot vers son coéquipier, pour le reprendre sur son dos.
Cette fois, le vieil homme ne camoufla pas sa rage, et les sbires qui l'accompagnaient empoignèrent leurs pokéballs en guise de menace.

-Très bien... Susurra leur adversaire. Il semble que comme ta mère, Silver, tu as des amis stupides. Je sais que toi tu résistes bien à la torture, le sang de ta mère coule dans tes veines après tout... Mais eux, je suis sûr qu'ils apprécieront beaucoup moins nos séances.
-Vous semblez bien sûr de vous... Murmura Gold avec une voix pleine de ressentiment.
-La torture est un art difficile... Qui donne du pouvoir sur sa victime... Je sais faire parler n'importe qui, n'importe quand... Vous céderez, un jour ou l'autre. Le plus dur dans cet art, c'est de ne pas en faire trop... Ne pas dépasser le seuil de souffrance tolérable, rester juste à la limite pour que la victime n'avoue pas n'importe quel crime, ou ne tombe pas dans les vapes... Expliqua fièrement le vieillard.
-Vous vous présentez en expert... Mais d'après ce que j'ai compris de votre discours... Vous n'avez pas réussi à faire parler ni Silver, ni sa mère... Rétorqua Sam.
Elle ne savait pas elle-même d'où elle tirait une telle assurance. Le visage de leur adversaire se durcit.

-Holly était différente. Elle était capable de tenir peu importe ce qu'on lui faisait subir... Tout comme son fils, apparemment. Impossible de la faire parler... Mais je suppose, après tout, que vous avez tous les deux été élevés pour résister à ce genre de traitement ? Elle nous sortait toujours cette excuse bidon quand nous nous acharnions sur elle : « J'ai déjà ruiné des vies en me confiant à un monstre, vous ne croyez quand même pas que je vais reproduire la même erreur ! » ou encore : « J'ai déjà perdu un œil sous les coups de mon mari, à côté de lui, vous ne valez pas mieux qu'une bande de Ramoloss ! ».

Il éclata d'un rire sinistre, empli de haine. La douleur se raviva dans les tempes de Sam et Silver. Cette fois, s'en fut trop pour le roux, ses lèvres se serrèrent jusqu'à ce que sa bouche ne ressemble plus qu'à un mince trait continu, et il siffla pour de bon :

-Où est-elle ?

Le vieillard le fixa et son rictus s'élargit.

-Une fois qu'on a compris que ni elle, ni Giovanni ne céderaient, elle ne nous était plus d'aucune utilité. Tout comme vous. Simiabraz, Stratopercut !

Le singe de feu se jeta sur Grolem, les poings levés, et Gold répliqua plus par réflexe que par logique :

-Séisme !

L'onde de choc ne fit que secouer le terrain de manière folle, le macaque fut déséquilibré, mais son estoc toucha tout de même le pokémon Roche dans sa faiblesse. Grolem tomba en arrière, tourneboula sur plusieurs mètres, et percuta rudement Samantha qui fut renversée violemment. Silver percuta le sol, privé de son soutien principal tandis que la tête de celui-ci percutait le mur. Le chapeau de fortune resta au sol.

-Sam ! Hurlèrent les deux garçons.

L'adolescente se releva avec peine, le mal de tête qui la faisait souffrir devenant de plus en plus fort. Elle n'avait jamais été très sujette aux maux de crâne, pourtant...

Le vieillard posa son regard sur elle, son air victorieux se volatilisa et il pâlit.

-Ho... Holly ? Bafouilla-t-il.

Samantha resta inerte. Elle n'avait pas bien entendu, le monde tanguait encore dangereusement devant ses yeux. En revanche, Silver sentit son cœur bondir dans sa poitrine. C'était pour cette raison qu'il voulait qu'elle reste loin de ces types, que Gold la protège...

-Ce... C'est impossible ! Balbutia l'homme, blanc comme un linge, comme ayant vu la mort en face.

Sam arqua un sourcil d'incompréhension, et Gold saisit cette occasion pour ordonner à son Capumain de lancer un Aéropique sur Simiabraz, suivi d'une attaque Coup Double. Mais si les offensives firent mouche, et que le petit être simiesque prit le dessus sur la grosse créature, le vieil adversaire s'en ficha totalement. Tremblant comme une feuille, insensible aux tourments de son pokémon, il pointa du doigt Sam et hurla, au bord de la crise cardiaque :

-Tu es morte ! Mangriff, Ultralaser !

Samantha ne saisit l'ampleur de ce cri que trop tard, comme tous les enfants. La mangouste se gonfla et lança son rayon sur l'humaine avant que Capumain ne l'abatte d'un Dynamopoing. Mais le mal était fait, le jet de lumière plus rapide que le son traversa le couloir dans un vrombissement retentissant.

La fille adoptive des Joëlle ne parvint pas à bouger tant l'horreur la saisissait, et incapable de faire un geste, elle ne put que penser en fermant les yeux :

« C'est la fin. »

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Eléanore courut jusqu'au toit. La terasse immense du bâtiment aurait dû être leur échappatoire à elle et Yuki, s'ils avaient suivi le plan. Mais là, malgré le soleil qui inondait la place de rayons, de la lumière qui illumina douloureusement son œil gauche, cela ressemblait à un cachot.

Elle heurta la rambarde bien trop vite à son goût. Reptincel sauta dans les bras de sa dresseuse et gémit de crainte.

Devant eux, les chiens ténébreux grognèrent, hérissant le poil et montrant les crocs. Les membres d'Opale affichaient des sourires fiers, comme s'ils s'attendaient à ce qu'elle capitule immédiatement.

Mais ils ne connaissaient pas Eléanore.

Après tout, elle avait le choix : soit c'était se faire capturer ici, et vivre ses derniers jours torturée, soit ils appelaient son père et elle finirait sa vie dans un hôpital, soit elle sautait du toit et c'était une fin rapide... Soit elle survivait et c'était sa maladie qui l'emportait.

De toute façon, la fin était la même quelles que soient les situations. Elle haussa les épaules. La question ne se posait même pas. Elle jeta un coup d'œil à Miyu, au dessus d'elle, qui appréhendait déjà sa décision.

« Non... Eléa, ne fais pas ça... » Souffla-t-il catastrophé.

Elle fit un pas en arrière et bascula dans le vide.