Dans les mains du magicien blanc
Un soldat débarrassa la dresseuse de ses liens et la releva brusquement. Cynthia regarda celui qui donnait les ordres à toutes ces créatures. Contrairement à Gandalf, il avait un visage dur, de longs cheveux blancs lisses, une barbe longue et bien taillée. Cynthia sentait la prestance de ce vieillard en blanc appuyé sur un bâton orné d'un cristal. Le magicien la regarda avec ses yeux enfoncés et sévères.
-Suis moi.
Elle regarda rapidement autour d'elle. Les soldats autour devaient être plusieurs centaines et elle soupçonnait qu'il y en avait d'autres abrités dans les fosses. Elle préféra ne pas tenter de s'enfuir, ce serait voué à l'échec et très mal vu par les locaux. Elle n'avait pas d'autre choix que d'obéir … pour l'instant.
Le magicien la conduisit dans la tour sans prononcer un seul mot. Lorsqu'elle mit pied dans la place forte, les portes se refermèrent brutalement, la laissant prisonnière du lieu. Elle suivit son hôte jusqu'à arriver dans une grande salle. Un des coins était occupé par un bureau et des tas de parchemins mal rangés, posés parfois à même le sol. Il y avait également une table entourée d'un placard.
Au centre de cette pièce, une colonne abritait une sphère translucide d'une couleur bleu nuit. Le magicien s'assit sur son trône et fixa Cynthia. La jeune femme resta debout, à quelques mètres du magicien blanc, celui ci commença à l'interroger.
-Je connais ta situation, Cynthia. Tu n'es pas de ce monde.
-Que voulez vous de moi ?
Le magicien saisit son bâton et fendit l'air. Comme propulsée par une force invisible, Cynthia fut poussée et retomba sur le sol.
-Que tu te taises quand je parle.
Elle se releva, les dents serrées.
-Moi aussi je sais faire ça !
De colère, elle utilisa son pouvoir pour repousser son ennemi. Saroumane chuta lourdement avant de répliquer. Après quelques échanges, Cynthia était essoufflée, ses forces limitées l'empêchaient de bien se battre. D'un coup, elle se retrouva éjectée à l'autre bout de la pièce, au bord de la table.
-Très impressionnant.
Elle se releva péniblement et se retourna vers le sorcier. Celui ci avait une idée en tête. Il lui montra la table et Cynthia vit qu'il y avait un magnifique chapon doré à point ainsi qu'une carafe d'eau pure et une bouteille de vin. Le couvert était mis pour une seule personne et un geste lui indiqua que tout ceci lui était destinée. Saroumane sortit et referma la porte, laissant la dresseuse prisonnière de cette petite pièce. Cynthia regarda autour d'elle pour apercevoir un sommier pour une personne, des rayonnages emplis de parchemins poussiéreux et mal rangés, ainsi qu'un petit placard.
Après avoir fait le tour de la chambre qui lui servait de cellule, elle se jeta sur la nourriture. Après avoir mieux mangé que les trois derniers jours, elle soupira. Comparé à certaines prisons, celle ci était un trois étoiles.
Cynthia fit les cent pas pour passer le temps, sauf qu'elle n'est pas du genre à savoir attendre sans rien faire. Elle fouina dans les étagères et ressortit quelques papiers. L'écriture était régulière, ce qui lui permit de lire sans trop de difficultés. Elle se sentait à son aise, aimant bien fouiner dans les archives et accumuler toujours plus de connaissances. Elle n'entendit pas les portes s'ouvrir, trop absorbée par sa lecture. Un bruit sec la tira quand même de son activité. Le magicien prenait de ses nouvelles.
-Alors, avez vous apprécié le repas ? Comment trouvez vous votre chambre ?
-Merci pour le repas et la chambre, mais je préfère encore ma liberté. Pourquoi m'avez vous enlevée ?
Le vieillard se retourna et plaça un drap sur la pierre de vision. Ses conversations avec son invitée ne devaient pas être entendues.
-Je veux te faire une proposition. Si je n'avais fait que t'envoyer une invitation, tu n'aurais pas répondue.
Cette phrase avait un air de déjà entendu. Cela ne lui plaisait pas puisque la dernière fois qu'elle l'avait entendue, elle avait fini dans un cachot avec le visage balafré par un Cornèbre. Cette fois ci, elle préfèrerait se montrer plus coopérative.
-Je vous écoute.
-Je te propose un marché. Nous avons tous deux beaucoup à gagner.
Cynthia s'interrogeait. La seule chose qui lui importait, c'était de revoir sa terre natale et ceux qui s'y trouvaient.
-Tu sais que pour retourner chez toi, il faut que tes pouvoirs te reviennent tous.
-En effet. Le seul moyen, c'est que je sois la force obscure la plus puissante de ce monde.
-Il y a une autre possibilité. Imagine que la force obscure la plus puissante te permettes de son plein gré à rentrer chez toi.
Cynthia fit une moue dédaigneuse. Elle allait enfin pouvoir déverser un flot de sarcasmes.
-Bien sur, c'est si évident. Sauron est bien connu pour sa gentillesse et son dévouement aux autres. Il n'a rien à faire de moi ! l'idée d'une femme seule dans un monde hostile lui plait plus que celle d'une femme heureuse chez elle. Il est hors de question que je remettes l'anneau au vil seigneur de la perfidie !
Saroumane trouvait son invitée vraiment intéressante.
-Je sais déjà cela. Mais je ne pensais pas à Sauron comme détenteur de l'anneau. Si une personne utilise l'anneau, elle tombe tôt ou tard sous la coupe du seigneur noir. Mais si elle est assez puissante, elle peut utiliser l'Unique pour anéantir son ancien maître et prendre sa place.
-Je pense avoir compris. Vous n'avez jamais été vraiment fidèle au seigneur noir. Votre armée sert vos propres intérêts avant tout. Vous voulez l'anneau pour votre compte et détruire votre ennemi.
-Tu es vraiment intelligente.
Cynthia réfléchit au discours du magicien blanc. Le contrat était en ses mains, elle n'avait juste qu'à donner l'anneau à Saroumane et elle pourrait rentrer chez elle. Elle avait cette réserve normale, mais les trésors de rhétorique déployés par son interlocuteur à la voix tellement envoûtante finirent par la convaincre sur le fond.
-C'est une proposition intéressante. Qu'est ce qui me permet de croire que vous tiendrez parole ?
-Si j'obtiens l'anneau et que Sauron tombe, une partie de son pouvoir te reviendra. Si je ne tenais pas parole, tu ne cesserais de me mettre des bâtons dans les roues. Pourquoi me faire un nouvel ennemi alors que je pourrais ne pas avoir à me préoccuper de ton cas.
Cynthia sourit devant cette réflexion pertinente. Elle serra la main du magicien blanc, promettant de ramener l'anneau en échange de la restitution de l'intégralité de ses pouvoirs. Maintenant qu'ils étaient sur la même longueur d'onde, il ne restait plus qu'à localiser le porteur de l'anneau. Ce fut facile, puisque quelques heures après, Cynthia savait ou était Frodon. Après un coup d'œil rapide dans la pierre de vision, elle éclata de rire.
-Ils sont encore plus bêtes que je ne le pensais ! Frodon se promène avec son ami jardinier et une espèce de bestiole rachitique ! Apparemment, ils comptent suivre ce chemin.
Elle mit le doigt sur une carte de la Terre du Milieu, montrant un passage dans les terres bordant le Mordor, jusqu'à un lieu nommé Minas Morgul.
Cynthia regarda au nord de cette place et supposa qu'ils traverseraient la région boisée bordant le royaume de l'ennemi.
-C'est parfait. Je n'ai plus qu'à aller là bas et les attendre. Grâce à vous, j'ai augmenté ma puissance, je peux ressentir la présence de l'anneau, même s'il n'est pas utilisé.
Saroumane était aux anges. Elle s'était laissé convaincre si facilement ! Il entendait bien respecter sa part du marché. Lorsqu'il posséderait l'anneau, il pourra régner en maître sur le monde. Cynthia avait accepté pour son seul intérêt. Son égoïsme condamnerait tout ce qu'il y a de vert sur la Terre du Milieu, mais qu'en avait elle à faire ? Ce monde passerait des royaumes à la dictature, de l'artisanat à l'industrie et des révoltes paysannes à la guerre totale. Le progrès aura sa place sous peu. Si les habitants n'étaient pas d'accord, tant pis pour eux.
-J'ai déjà fait cela. Autrefois, j'ai fait passer mon intérêt avant celui de tous. Cela ne me pèse pas sur la conscience, j'y prends même plaisir.
Cynthia reposa son regard sur la carte. Elle ne riait plus, la démence dans ses yeux avait fait place à la désillusion.
-Oh non, ce n'est pas possible !
-Quel est le problème ?
-Déjà, ils sont très loin. Il me faudra aller très vite et en plus, il y a cet immense fleuve à traverser, l'Anduin.
Saroumane avait déjà réfléchi au problème. Il lui demanda de venir l'accompagner dans les fosses. Cynthia découvrit une immense fourmilière grouillante d'activité. Des arbres alimentaient des forges, des lames, des cuirasses et des casques s'entassaient. Elle fut menée devant une fosse.
-Vois la solution à tout tes problèmes.
Cynthia jubila et se sentit pousser des ailes. Des ouargues, ces loups monstrueux étaient utilisés comme montures.
-Prends ces animaux, une escorte sous tes ordres et pars prestement. Je te ferai parvenir des vivres et ton arme. Saroumane appela un des loups et posa sa main sur le museau de l'animal.
-Sers cette jeune dame. Obéis lui comme tu m'obéis.
Le magicien interpella un de ses orques et lui ordonna de ramener une troupe de cinquante de ses plus féroces guerriers. Il se tourna vers Cynthia et lui rendit son arme. Elle la prit et la rangea dans son fourreau.
-Les ouargues sont très robustes. Il peuvent tenir près d'un mois sans manger.
-Ne craignez rien, il y a de nombreux villages isolés sur mon itinéraire. Ce sera même une faveur puisque j'épargnerai une vie de dur labeur à tous ces paysans.
La troupe demandée par le magicien blanc arriva finalement. Les ourouk-haï les plus endurants, les plus féroces, les plus résistants, une horde de berserkers lourdement armés fit son entrée.
-Magnifique, ils sont parfaits. Soldats ! Vous partez pour une mission dont vous êtes les seuls capables de la mener à bien. Vous allez chercher deux semi-hommes, l'un à un objet que je désire absolument. Vous serez sous les ordres de Cynthia. Obéissez à tout ses ordres.
-Pardonnez moi monseigneur, mais qui est cette personne ?
Pour répondre à la question de l'Ourouk, Cynthia leva le poing en l'air.
-Quoi ? Nous sommes les plus féroces guerriers et nous devrions obéissance à une femelle humaine ?
Excédée, Cynthia marcha en direction du soldat qui devait faire un demi mètre de plus qu'elle. Elle sortit son épée elfe qu'elle venait de récupérer et décapita net celui qui lui faisait face.
-Rentrez vous ça dans le crâne. C'est moi qui commande pour toute la durée de cette mission ! Je veux que vous exécutiez mes ordres sans discussion. Ais-je été claire, immondes pourceaux ?
Un murmure inintelligible s'éleva des rangs de l'armée de Cynthia.
-Quand on s'adresse à moi, c'est « Maîtresse » ou « Votre Seigneurie ». Compris ?
Une clameur retentit. Des dizaines de voix scandèrent alors un « Oui Maîtresse ! ».
Cynthia s'approcha de l'ouargue dominé par le pouvoir du magicien blanc et monta sur l'animal. Ce n'était pas plus difficile que de monter un cheval. Un cheval trapu, avec de grosses dents certes, mais une monture presque comme une autre. Un orque fixa le paquetage contenant les réserves de nourriture et d'eau de la jeune fille. Une fois qu'il eut terminé, Cynthia leva son épée couverte de sang noir et poussa un cri de guerre, chargé de fureur et d'envie de destruction.
-En avant ! Nous triompherons en noyant ce monde de notre détermination. Nos ennemis n'auront de nous ni pitié, ni compassion. Ils auront du feu, du fer et du sang !
Saroumane vit la troupe de cavaliers s'élancer avec célérité. Avec un pareil discours, tous suivraient sans efforts celle qui se serait révélée plus utile qu'il ne l'aurait cru. Saroumane mènerait la guerre ouverte contre les paysans du Rohan tandis que Cynthia agirait dans l'ombre.