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S'avouer vaincu de Pikercy



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» Auteur : Pikercy - Voir le profil
» Créé le 06/08/2009 à 20:49
» Dernière mise à jour le 06/08/2009 à 20:49

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6 - Afin d'écraser l'amour et la vérité
---I---

Elle s'était rarement sentie aussi nerveuse que ce matin. Mais elle le savait très bien, ça ne servait pas à grand-chose de s'inquiéter, ni de se trouver des excuses. Il fallait en passer par là, c'était inévitable. Elle mit la clef dans la serrure, et, avant de tourner et d'abaisser la poignée, elle se retourna, et dévisagea ses sœurs.
« Vous êtes sûres qu'on est prêtes à rouvrir ? demanda Daisy avec inquiétude.
- Bien sûr que non, répondit Lily en haussant les épaules. Mais qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'autre ? Si on ne rouvre pas ce matin, c'en est fini de l'arène d'Azuria ! Il faut qu'on tienne jusqu'à ce qu'on retrouve Ondine, on n'a pas d'autre solution.
- Mais… Mais si l'Inspecteur est là, derrière la porte, et qu'il attend pour combattre contre nous ! On va se faire ridiculiser, on ne pourra garder le titre de championnes, c'est impossible… »
Daisy se lamentait. Bien sûr, c'était elle qui avait reprit en main l'arène lorsqu'Ondine était partie pour son voyage avec Sacha, voilà plus de cinq ans. Mais maintenant, « à cause » de sa petite sœur, Azuria avait acquis une trop grande réputation pour que les trois Sensationnelles puissent tenir la maison. Jamais elle ne l'avouerait – elle avait beau mieux s'entendre avec Ondine, il ne fallait tout de même pas exagérer – mais elle était décidément bien plus forte qu'elles trois réunies. Et maintenant, elles étaient seules toutes les trois, toujours sans nouvelles d'Ondine, et avec une horde de dresseurs impatients d'en découdre à leurs portes. Une dizaine de jours de fermeture en pleine saison du Tournoi, cela ne s'était encore jamais vu. Il doit y avoir une vingtaine d'arènes officielles de la Ligue Indigo dans tout Kanto, mais non, il faut que ce soit ICI que tout le monde se donne rendez-vous. Ils ont besoin de huit badges que je sache, pas de quinze ! Daisy soupira. Si elle voulait pouvoir se consacrer à elle, à ses projets, professionnels et personnels, il fallait en passer par la réouverture de l'arène, prier pour que l'Inspecteur ne se présente pas avant qu'Ondine ne revienne, et espérer le retour de la petite sœur prodige. Pourquoi je ne pourrais pas moi aussi décider, comme ça, de prendre du bon temps sans prévenir personne, hein ? Daisy avait mûri ces derniers mois, au contact d'Ondine. Mais la célébrissime mauvaise foi des Sœurs Sensationnelles ressortait parfois, involontairement. Pourvu qu'elle revienne vite, lorsqu'elle aura fini de batifoler avec son petit copain… Hey ! Attends une minute ! Daisy fit volte-face et s'écria :
« Violette ! Lily ! Vous savez où il est parti Sacha ?
- Sacha ? Le garçon du Bourg Palette ?
- Le petit-mais-pas-vraiment copain de notre petite sœur chérie ? dit Lily en grinçant des dents.
- Oui, Sacha, oui, vous savez où il en est de son voyage ?
- Bah, c'est qu'on ne suit pas vraiment l'actualité des copains d'Ondine tu sais.
- Il était pas à Hoenn à un moment ? Je me souviens qu'Ondine passait son temps devant la télé à ce moment là.
- Oui, mais il l'a perdue la Ligue Hoenn, s'impatienta Daisy. Il a bien dû repartir quelque part ?
- A quoi tu penses, Daisy ? interrogea Violette.
- Je pense, que connaissant un peu notre sœur, pour la faire partir comme ça, sans prévenir, il n'y a pas trente-six solutions. Si elle était partie faire des recherches sur les Pokémon aquatiques, elle nous aurait au moins prévenues. Là, elle se volatilise, et on retrouve en rentrant un tas de lettres raturées adressées à Pikachu et au garçon qui le dresse, à moins que ce soit l'inverse, bref. Là où est Sacha, on trouvera Ondine, j'en suis sûre.
- Elle aurait tout laissé en plan pour le retrouver ? T'es sûre qu'on parle de la même Ondine ? Elle qui nous agresse à chaque fois qu'on fait des sous-entendus quand elle va voir un gars à Azuria ?
- Justement.
- Je pense plutôt qu'Ondine n'est toujours pas assez grande pour s'imaginer dans un vrai rendez-vous.
- Bon, Lily, ça ne coûte rien d'essayer, si ? Ou tu préfères que je te laisse accueillir la quinzaine de dresseurs qui attendent l'ouverture de la porte ce matin ?
- Pfff… soupira sa sœur.
- Attendez. Ondine doit bien avoir le numéro de la mère de Sacha dans ses affaires ? Elle est déjà allée plusieurs fois là-bas non ?
- Oui… Près de trois semaines à attendre patiemment le retour de l'être aimé l'année dernière après la ligue Hoenn, dit Violette en soupirant de lassitude. Comment peut-on être aussi naïve ? Ca me dépasse complètement, rajouta-t-elle pour elle-même en arranger une mèche qui lui dégringolait devant les yeux.
- Bon, il faut qu'on trouve ce numéro. Je vais voir dans sa chambre.
- Mais, et l'arène, on l'ouvre ou pas ?
- Ils ont attendu dix jours, non ? Bah ils pourront bien attendre une demi-heure de plus, dit Daisy d'un ton catégorique. »
Elle retourna la clef dans la porte pour la verrouiller, et se dirigea vers les escaliers qui donnaient dans la zone habitable du bâtiment de l'arène. Elle traversa les couloirs en courant, et arriva devant la porte de la chambre de sa sœur hors d'haleine. Une montée d'adrénaline lui causait un léger mais incontrôlable tremblement. Peut-être ai-je une piste pour la retrouver! Mais aussi, plus secrètement, et si son hypothèse se révélait juste, la grande sœur qu'elle était se trouvait toute excitée à l'idée que la rouquine puisse enfin tenter quelque chose avec ce garçon imbécile et aveugle dont elle s'était entichée. Elle ouvrit la porte de la chambre toujours entièrement bleue à la volée et ressentit à nouveau la bizarre sensation qu'elle transgressait une loi inviolable. Depuis toutes ces années où elle s'était interdite de pénétrer dans la chambre de sa sœur, voilà qu'elle le faisait pour la deuxième fois en deux jours. Elle se dirigea vers la rangée de documents, placés sur une étagère surplombant le petit bureau. Elle hésita : les feuillets, cahiers et autres dossiers n'étaient pas marqués sur leur tranche. Voilà bien Ondine tiens. Elle tira sur un petit cahier bleu, au hasard, ce qui provoqua la chute de deux autres sur le bureau. Daisy jura une première fois, puis une deuxième lorsqu'elle se rendit compte que ce qu'elle avait dans les mains n'était que des notes sur la manière de nourrir et d'élever correctement les Stari.
Puis elle baissa les yeux sur un des deux cahiers du bureau, qui s'était ouvert dans sa chute sur une page au hasard :

… que nous sommes arrivés sur le Plateau Indigo, Sacha a l'air nerveux, inquiet, bref, pas dans son état normal. Je t'écris ces quelques lignes sur le bord du lac du plateau. Le soleil perce à peine les quelques nuages. Il doit être quelque chose comme six heures du matin. Peut-être cinq. Je n'arrivais pas à dormir, et puis, ces derniers temps, il est de plus en plus difficile de trouver un moment pour t'écrire. Cette nuit, Sacha s'est levé, et ça m'a réveillé. J'ai le sommeil léger, je ne peux m'empêcher d'être aussi stressée que lui ; je t'ai déjà dit ce que je ressentais…

Daisy releva les yeux en plein milieu de la phrase et secoua volontairement la tête de toutes ses forces pour tenter d'effacer ce qu'elle venait de lire. Son premier journal de voyage. La dernière des choses que j'ai le droit de lire ! Elle se faisait honte à elle-même, mais elle semblait contempler son propre corps agir dans un sens contraire à sa volonté. Elle se représenta sa main, comme éthérée, tourner la page du journal, et ses yeux lire les lignes les unes après les autres. Alors qu'elle se répétait et répétait encore qu'elle ne devait pas, elle se rendit compte qu'elle ne comprenait même plus ce qu'elle lisait.

… ore une fois je n'ai pas pu faire quoi que ce soit pour l'aider, pour l'encourager. Ce ne devait pourtant pas être si difficile de me lever moi-aussi pour le retrouver au bord du lac ! Il a peur, c'est évident. Je devrais être là pour le rassurer, et la seule chose que j'ai été capable de faire, c'est de détourner les yeux de la porte de notre chambre en train de se fermer. Je ne suis qu'une idiote, une rouquine crétine doublée d'une imbécile… Un jour, je le regretterai et je sais que…

« Tu as trouvé les coordonnées de sa mère ? »
Violette, voyant que Daisy tardait à redescendre, avait fait irruption dans la pièce en ouvrant la porte d'un grand geste. Cette dernière eut tellement peur qu'elle fit voler le cahier jusqu'au plafond.
« Mais tu ne peux pas frapper avant d'entrer ?!
- D'entrer où ? Dans la chambre d'Ondine alors que je sais très bien qu'elle n'y est pas ?
- Euh, oui, évidemment, dit comme ça…
- Alors tu as trouvé oui ou non ?
- Oui, oui, j'ai trouvé, grommela la jeune femme blonde en rangeant le journal et en récupérant l'autre document sur la table. »
Elle le prit et sortit de la chambre, suivie de Violette. Elles redescendirent toutes les deux pour retrouver Lily devant le visiophone. Daisy marmonnait en tournant les pages.
« Gnagnagna… Cathy… c'est pas là… Professeur Chen… non plus… Professeur Orme… non plus… JACKY ! Lily, vite, passe-moi une feuille que je note ! »
Elle avait tendu la main sans la regarder. Ne sentant aucune réaction, elle releva les yeux et vit les regards interloqués de ses deux sœurs.
« Hum… Laisse tomber en fait… Heu… Vous vous souvenez comment elle s'appelle la mère de Sacha ?
- Bah, et si tu allais voir directement à « Sacha », il n'a pas de portable que je sache, ça doit donc être le numéro de chez lui.
- Tu as raison. Sacha… Sacha… Ah ! Voil.. »
- Hé ben ? Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Violette. »
Daisy redressa la tête, retenant son rire. Elle baissa le répertoire. Le numéro de Sacha mobilisait une page à lui tout seul. Les chiffres le composant étaient en moyenne 5 fois plus gros que ceux des autres correspondants, étaient stylisés et écrits avec application sur l'ensemble de la page, autour des lettres de son prénom.
« Hé bien, elle risque pas de l'oublier…
- Surtout qu'elle devait sans doute déjà le connaître par cœur lorsqu'elle a réalisé ce… chef-d'œuvre ! »
Lily et Violette éclatèrent de rire.
« Bon, allez, passons l'appel, dit Daisy d'un ton décidé. »
Elle empoigna le combiné du visiophone, composa le numéro et patienta, alors que la mention « Appel Sortant » clignotait sur l'écran. Daisy tapotait l'appareil avec ses doigts en signe d'impatience. Elle n'oubliait pas la horde de dresseurs toujours postée devant l'arène. Soudain, l'écran s'alluma sur le visage d'un Pokémon à tête de clown, ce qui fit sursauter Daisy.
« Mime ? M. Mime ?
- Euh… Bonjour. Serait-il possible de parler à Mme Délia Ketchum s'il vous plaît ?
- Mime ! Mime ! M. Mime ! répondit le Pokémon de son ton enjoué. »
Celui-ci se retourna et poussa son cri une nouvelle fois pour appeler la mère de Sacha.
« Voilà, j'arrive, j'arrive ! »
La voix de Daisy se rapprochait, jusqu'à ce que son visage apparaisse dans le cadre de l'écran.
« Bonjour ! Que puis-je faire pour vous mademoiselle ?
- Bonjour Madame. Hé bien, voilà, je vous appelais pour savoir si vous aviez des informations sur le lieu où se trouverait votre fils Sacha à l'heure actuelle ?
- Sacha ? Mais en quoi est-ce que ça vous concerne ?
- Je m'appelle Daisy, et je suis la grande sœur de son amie Ondine et…
- Oh ! Ondine ! Comment va cette petite chérie ? J'ai appris sa disparition au journal télé, je suis morte d'inquiétude ! Vous avez des nouvelles ?
- Malheureusement non, mais je me disais qu'il y avait une possibilité pour qu'Ondine soit partie retrouver votre fils, mais je ne sais pas où il se trouve actuellement…
- Sacha est à Sinnoh, vous croyez vraiment qu'elle pourrait être allée le rejoindre ?
- A Sinnoh ?! Euh… hé bien, c'est plutôt un long voyage, mais oui, c'est possible, vous savez où exactement ?
- Exactement, non, Sacha ne m'a pas rappelée depuis une semaine, la dernière fois, il était à Verchamps, mais je suis bien incapable de vous dire où il se trouve maintenant.
- Bon, merci tout de même. Au moins on a déjà Sinnoh comme piste... Désolée de vous avoir dérangé Madame.
- Pas de problème. Si vous reprenez contact avec Ondine, dites-lui bien que je suis furieuse qu'elle m'ait autant inquiétée ! Et qu'elle a intérêt à venir me voir lorsqu'elle rentrera à Azuria !
- Oui, Madame, je n'y manquerai pas. Au revoir, termina Daisy dans un sourire, en raccrochant le combiné. »
Une fois l'appareil éteint, elle se retourna vers ses sœurs.
« Hé bien, je ne savais pas qu'Ondine et la mère de Sacha étaient si proches !
- Elle prend ses marques ! s'amusa Violette.
- Quoi qu'il en soit, on a déjà une piste. Il faudra concentrer les recherches sur Sinnoh. Je devrais pouvoir trouver le numéro de Lovis, le champion des Pokémon eau du coin, peut-être qu'il pourra nous aider. En attendant… (elle jeta un coup d'œil à sa montre et son visage se décomposa). Oh là là… Il faut ouvrir l'arène, vite ! »
Les trois Sœurs Sensationnelles se précipitèrent vers la porte, derrière laquelle elles entendaient déjà des cris de protestation. Au moment d'ouvrir en grand les deux battants, elles se regardèrent, et sentirent monter un grand stress, peut-être encore plus grand que dans les loges de leurs spectacles habituellement donnés à guichets fermés.




---II---




Les bras serrés autour de son sac, Ondine courait sur la rue principale d'Unionpolis, sans prendre garde à ce qui se passait autour d'elle. Elle bouscula trois passants, qui se retournèrent en pestant, peu habitués à voir tant d'impolitesse dans leur paisible ville. Mais elle n'en avait cure. Elle n'avait qu'une seule idée en tête : mettre le plus de distance possible entre elle et cette maudite arène, qui avait vu s'envoler ses espoirs en fumée digne des Pokémon spectres qu'elle abritait. Après la perte de sa propre arène et de ses rêves de gloire, voilà qu'elle venait de réaliser qu'elle devait aussi faire une croix sur… Sur ? Elle eut un petit rire désabusé. Comme Violette te l'a toujours dit. Beaucoup, beaucoup trop naïve… Elle dépassa encore deux pâtés de maison pour retrouver la route principale, qui filait à l'ouest, celle-là même qui l'avait menée dans cette Unionpolis qui portait si mal son nom. Elle revivait en pire ce jour où elle avait compris qu'elle devait rentrer chez elle, et laisser Sacha partir seul à Hoenn. Mais cette fois, elle partait, semble-t-il, définitivement, en laissant sa place à une autre, à la si jolie et si gentille Aurore. Celle qu'elle n'avait pas su être pendant trois ans. Malgré sa volonté de ne pas craquer – je ne le mérite même pas – quelques larmes lui échappèrent, et s'évaporèrent bien vite sur le sol sec des premiers jours d'été.


***


Jason sirotait paisiblement un jus de fruit, alors que le soleil tapait dur dans le ciel de Sinnoh. Il attendait avec délice que les heures douces du soir arrivent, pour pouvoir se rendre aux fêtes du marché d'Unionpolis avec Lixy, qui dormait paisiblement sous les fraîches frondaisons des arbres bordant sa maison. Quel plaisir que la retraite ! La Sylphe SARL et ses journées harassantes, toujours sur la brèche, étaient bien loin. Il ne pouvait pas imaginer autre attitude qu'un sourire béat devant une telle journée. Il continuait de regarder les passants, son plaisir favori. Son œil fut attiré une nouvelle fois par une belle et éclatante chevelure rousse, qu'il jurait avoir déjà vue plus tôt.
Il plissa les yeux, et reconnut effectivement la jeune fille qui était si énervée ce matin. Mais ses longs cheveux ne lui tombaient plus sur les épaules, elle les avait attachés en une queue de cheval qui pendait malicieusement sur le côté. Sa tête était basse, et ses mèches rousses lui couvraient les yeux. Sa démarche était lasse, et elle refusait de relever la tête pour regarder devant elle. Visiblement, son séjour à Unionpolis ne fut pas très heureux. Jason eut une pensée triste, en agitant dans son verre le liquide couleur pêche. Personne ne devrait faire de peine à une jeune fille comme elle.
Alors qu'il rêvassait en la regardant s'éloigner, il s'étrangla dans son jus de fruit, saisi par l'impression soudaine qu'il n'avait pas vu cette jeune fille seulement le matin même. Il ne prit pas le temps d'essuyer les gouttes qui s'agrippaient dans sa barbe, et se précipita à l'intérieur de sa maison. Lixy, ayant entendu son dresseur se lever précipitamment, ouvrit un œil, s'étira et le rejoignit.
Si le vieil homme avait attendu quelques minutes de plus pour se ruer chez lui, il aurait sans doute remarqué l'étrange manège de deux groupes qui suivaient, à quelques dizaines de mètres de distance, la trace de la demoiselle aux cheveux de feu.


***


Jessie, James, et Miaouss, s'efforçaient de rester discrets, alors que la morveuse se dirigeait, sans s'arrêter ni se retourner, vers le Mont Couronné. Voilà quelques dix minutes qu'ils avaient dépassé les faubourgs d'Unionpolis.
« Jessie, qu'est-ce qu'on attend pour passer à l'action ? lança James.
- Quelle soit seule sur la route ! Qu'on ait vraiment quitté les environs de cette ville pour éviter de se faire pincer par ces idiots de Bolly et Charles. Et tais-toi donc, tu vas finir par nous faire repérer !
- Détends-toi Jessie, intervint Miaouss, j'ai l'impression qu'on pourrait hurler à tue-tête qu'elle ne nous entendrait pas. Je ne sais pas à quoi elle pense ni ce qu'il s'est vraiment passé dans l'arène, mais elle a l'air d'être sacrément secouée la petite !
- Même si j'en ai absolument rien à carrer, il faut avouer que sa petite baisse de moral peut nous aider à la capturer ! se réjouit Jessie. Allons, on arrive là on a posé notre avion. Passons le chercher et on pourra l'intercepter sur le chemin.
- Voilà quelque chose qui me plaît, approuva Miaouss ! »
Et les trois tristes compères disparurent dans les fourrés, ravis de pouvoir à nouveau entrer en scène.


***


« Alors, tu les vois ?
- Une seconde Bolly, tu ne vas pas me poser la question tous les dix pas… »
Bolly leva – une énième fois – les yeux au ciel devant l'air mi-blasé, mi-agacé de son partenaire, qui commençait sérieusement à lui courir sur les nerfs. Charles gardait les yeux rivés sur l'écran de sa montre ultra-perfectionnée, aux couleurs de la Team Rocket, le genre d'instruments uniquement réservé aux quinze premières unités de terrain. Le genre de ceux que Jessie, James et Miaouss ne pourront jamais voir qu'en vitrine. L'écran de l'appareil faisait figurer un radar, qui affichait le déplacement précis de leurs trois « collègues », qui voulaient de toute évidence les doubler, en ne suivant pas le plan initial. Une erreur grossière – une de plus – qui allait cette fois leur coûter cher. Evidemment, ces trois imbéciles avaient oublié que leurs uniformes, comme tous ceux des agents de terrain de la Team Rocket, étaient pourvus d'émetteurs. Il avait suffi à Charles de configurer son radar selon les anciennes fréquences de localisation (Jessie et James portaient encore l'uniforme ringard d'il y a six ans déjà) pour pouvoir découvrir qu'ils ne se dirigeaient pas du tout vers le sud, où il devait les attendre avec sa coéquipière pour récupérer la cargaison.
Il semblerait donc qu'il y ait quelques changements dans le déroulement de la mission. Ce n'était pas pour lui déplaire.


***


Jason cherchait frénétiquement dans la pile de journaux qui s'entassaient dans son salon. Plus il y repensait, plus il était certain d'avoir vu cette fille quelque part. D'avoir vu cette queue de cheval quelque part. L'image lui tournait encore et encore dans la tête sans qu'il puisse parvenir à la fixer définitivement avec un nom, et avec un contexte précis qui lui échappait. C'était important, il en était convaincu. Il jetait les journaux déjà datés les uns après les autres derrière lui, notamment les nombreux exemplaires du Sinnoh du Jour, le quotidien populaire de la région. Daté d'hier – « Soupçons de malversations autour du casino de Voilaroc » ; daté d'avant-hier – « 'Oui, je crois au Grand Festival' : Kenny de Bonaugure face aux lecteurs » ; daté d'il y a trois jours – « La réfection de l'arène de Verchamps en bonne voie : Lovis en chef de chantier ! ».
« Non, non, non, ce n'est pas ça, mais où ai-je bien pu voir cette fille ? »
Il envoya en l'air encore quatre journaux, avant de changer de pile. Visiblement, ce n'était pas dans les quotidiens. Sa retraite lui permettait enfin de s'informer à sa guise, et il ne comptait plus ses abonnements aux différents journaux de la région. Il empoigna un exemplaire du SinnoHebdo, et, à la vue de la couverture, son cœur fit un bond dans sa poitrine. « Kanto : La Ligue Indigo suspend l'arène d'Azuria à titre provisoire. »
« Voilà ! C'est elle ! Ondine d'Azuria ! »
Sous le gros titre était placée une large photo de la jeune fille souriante, reconnaissable à sa coiffure si particulière, et portée disparue depuis presque deux semaines. Jason parcourut à nouveau rapidement l'article des yeux, qu'il avait distraitement mis dans un coin de sa tête à la première lecture. Maintenant qu'il était établi à Unionpolis, les affaires de Kanto ou des autres régions ne le concernaient plus. Dans le corps de l'article, un encadré attira son attention : « Sa sœur Daisy lance un appel à témoins ». Daisy, revenue s'occuper de l'arène, attendait visiblement avec impatience des nouvelles de sa sœur. Et, si habitué à déchiffrer les humeurs des passants, Jason était convaincu qu'Ondine avait des problèmes. Elle doit n'avoir qu'une envie, c'est retrouver sa sœur. Sans compter qu'elle doit être morte d'inquiétude là-bas à Azuria. Il descendit à la fin de l'article, et trouva ce qu'il espérait trouver : le numéro de téléphone de l'arène. Sans attendre plus longtemps, il empoigna son téléphone et composa le numéro, en n'oubliant pas l'indicatif de Kanto. Peu importe de payer un peu plus le téléphone, quand quelqu'un loin de chez lui a visiblement besoin d'aide !


***


Ondine restait perdue dans ses pensées. Lorsqu'elle était rentrée à Azuria la première fois, après ses premiers adieux à Sacha, elle avait mis près de trois semaines à pouvoir mettre le nez hors de sa chambre. Heureusement que la saison de la Ligue Indigo venait de se terminer, et que toutes les arènes étaient alors fermées pour un mois. Mais les nuages sombres de la solitude menaçaient à nouveau sa tête. Elle serrait les bras autour de son ventre, regrettant amèrement son Togepi. Toute l'affection qu'elle avait perdue lui arracha – contre son gré – des sanglots. Et elle n'avait plus son Azurill, avec qui elle aurait pu partager sa peine, depuis que…
Ses pensées furent interrompues par une explosion sur la route devant elle, alors qu'elle s'enfonçait dans la forêt, avant de revenir au passage aménagé sous le Mont Couronné. Une épaisse fumée grisâtre montait du lieu de l'explosion, dont le souffle l'avait projetée à terre. Elle toussait, cherchant à reprendre son souffle, et surtout à comprendre ce qu'il venait de se passer. Loin dans sa tête, un sourd et familier pressentiment commençait à poindre. Il se confirma rapidement lorsqu'elle entendit trois rires déments percer le rideau grisâtre. Et alors que trois silhouettes se dessinaient à travers les volutes, la fumée sembla se déchirer sur une part de son passé qu'elle aurait préféré oublier.
« Sont-ce les pleurs d'une ancienne morveuse que j'entends ? commença Jessie.
- Bien sûr, c'est elle ! Et ça faisait longtemps ! reprit James.
- Dans le vent !
- Sur l'océan !
- C'est délirant ! intervint Miaouss
- Partout où nous allons nous semons le chaos !
- Comme dans ma chambre, ou dans mon bureau ! (James s'interrompit et chuchota à Jessie :) Je me demande si je n'ai pas fait une erreur en choisissant cette réplique ?
- Grr… Il est vrai que nous sommes beaux et charmants, reprit-elle en donnant un grand coup sur la tête de son partenaire.
- Hem… Mais tout comme les roses, nous avons des piquants ! dit celui-ci en se relevant.
- Jessie !
- James !
- Et Miaouss, nous sommes toujours trois !
- Quant à ceux qui pensent pouvoir faire face…
- La Team Rocket les terrasse ! finirent-ils en chœur. »
La fumée s'était maintenant totalement dissipée, et Ondine pouvait clairement voir que les trois voleurs n'avaient pas du tout changé depuis qu'elle avait abandonné son voyage. Même tenue ridicule, mêmes rires arrogants, même suffisance hautaine. Ah, sauf que ce n'était pas la même ritournelle débile. Elle redressa la tête.
« Vous n'avez pas encore été virés vous trois ?
- Hahaha, dit Jessie avec un rire aigu. Je ne suis pas sûr que tu sois en position pour faire des sarcasmes, morveuse !
- Et quand nous t'aurons ramenée à Kanto, bien ficelée pour le Boss, nous allons plutôt avoir une jolie promotion ! se réjouit James.
- Me ramener ? Moi ? Mais… pourquoi ?
- Tu poses trop de questions, morveuse ! cria Miaouss, toutes griffes dehors, s'efforçant de se donner un air menaçant.
- Et tu n'as plus ton petit copain avec toi pour te protéger ! dit Jessie d'un air triomphant. »
Ondine serra les dents à se faire mal. La veine de son cou avait triplé de volume.
« Redis ça encore une fois, la mocheté ?
- La mocheté ?! hurla Jessie. Comment oses-tu, espèce d'avorton rouquine ? »
Jessie était sur le point de se précipiter au contact, avant d'être retenue par James et Miaouss.
« Allez, Jessie, garde ton calme !
- Elle va voir cette sale morveuse ! Seviper, en avant ! »
Elle jeta de toutes ses forces sa Pokéball qui s'ouvrit en rencontrant le sol. Le mystérieux serpent se matérialisa sur le sol, ouvrant grand la gueule pour découvrir ses deux longs crocs luisant de poison.
« Vortente, à l'attaque ! »
James fit de même avec sa propre Pokéball, et, comme d'habitude, se dépêtra de son Pokémon qui s'était retourné pour lui démontrer son affection. Ondine soupira. Toujours aussi pathétiques…
« Vous semblez oublier que vous n'affrontez plus la petite Ondine de Kanto ou de Johto, mais la championne d'arène d'Azuria ! Marill, je compte sur toi ! »
Elle alla chercher sa Pokéball dans son sac, et la lança, pour faire intervenir son nouveau Pokémon. Voilà pourquoi elle ne pouvait plus porter Azurill dans ses bras. Contrairement à Togepi, il avait évolué très rapidement, elle avait dû lui trouver un Pokéball : il n'aurait pas pu se percher sur ses épaules continuellement surtout, elle l'espérait, s'il devait bientôt devenir un Azumarill. La petite souris bleue se positionna sur le terrain, volontaire pour le combat.
« Maaaaaaaarill ! »
Jessie partit d'un rire tonitruant, qu'elle affectionnait pour impressionner ses adversaires.
« Parce que tu crois que c'est avec cette bestiole ridicule que tu vas pouvoir nous battre ? T'es sûre que tu n'es pas plutôt une championne de l'humour ?
- Cause toujours, ma grande, répondit Ondine avec un petit sourire, qui eut le don d'énerver encore plus Jessie.
- Grr… Seviper, apprends-lui la politesse ! Attaque Queue-Poison ! »
Le serpent se précipita sur Marill, sa queue acérée luisant d'une aura violacée. Marill esquiva facilement, d'un petit saut sur le côté. Ondine avait un air satisfait et un sourire féroce.
« Marill, riposte avec Bulles d'Eau ! »
Son Pokémon poussa un cri, inspira et relâcha une multitude de bulles en suspension qui éclatèrent au contact de Seviper, qui gémit, aveuglé.
« Vortente ! Va l'aider avec Ball'Graines ! commanda James. »
Le grand Pokémon Plante ouvrit sa large gueule et largua une série de graines qui explosèrent au sol tout autour de Marill, qui ne put esquiver l'attaque.
« Marill ! Projette-toi sur Vortente avec l'aide de ta queue ! Attaque Koud'Krane ! »
Le Pokémon aquatique obéit au doigt et à l'œil à sa dresseuse. Sa queue en ressort lui permit de prendre une large impulsion au sol, et de se lancer à la vitesse de l'éclair sur la grande plante dégingandée. Vortente fut frappé de plein fouet, et tituba en direction des trois Rocket.
« Marill, je te propose de conclure avec ton plus beau Pistolet à Eau !
- Maaarill, maaarill ! »
Un puissant jet d'eau frappa Seviper encore sonné, et celui-ci fut entraîné avec Vortente. Les deux Pokémon, comme ils en avaient l'habitude, finirent assommés contre un arbre adjacent. Catastrophé, James rappela Vortente.
« Encore perdu… chuchota-t-il avec dépit. »
Jessie rappela elle aussi son Pokémon, mais contrairement à son coéquipier, son regard flamboyait de rage. A elle toute seule, la morveuse prétentieuse avait réussi à les battre, et aboutir au même résultat que les trois autres imbéciles réunis. Cela ne pouvait se passer comme ça. Leur plan allait marcher, même si elle devait user de toutes les possibilités, même si elle devait envoyer Miaouss au combat ! Cette fois, ils ne seraient pas mis à l'écart. Pas avant d'avoir usé toutes leurs cartes.
Jessie fit passer sa main dans son dos, à la recherche de sa discrète ceinture de Pokéball. Lorsqu'elle mit la main sur celle qu'elle cherchait, elle la mit devant ses yeux, et la regarda d'un air mauvais. Cette fois, tu vas voir, sale morveuse. Je te réserve une petite surprise spéciale de la Team Rocket.
« Tu crois peut-être que tu as gagné, la rouquine ? Mais le combat n'est pas fini ! Yanmega, à l'attaque ! cria-t-elle. »
Ondine s'arrêta, interloquée par le nom de ce Pokémon qu'elle ne connaissait pas. Elle suivit des yeux le trajet de la Pokéball que Jessie avait lancée bien en hauteur. Arrivée en haut de sa trajectoire en parabole, le mécanisme de l'objet se déclencha et, dans un éclair blanc, le Pokémon se matérialisa près des branches des arbres secouées par le vent.
Lorsqu'elle vit cette immonde et gigantesque libellule, Ondine en eut le souffle coupé. Ses yeux émeraude s'agrandirent d'horreur. Une douleur lancinante lui vrillait le dos. Ce fut comme si sa colonne vertébrale s'était brisée en plusieurs endroits, en partant du bas pour remonter jusqu'à sa nuque, où la base de ses cheveux se hérissait déjà de terreur. Puis, un frisson glacé lui parcourut l'échine en sens inverse, depuis sa nuque jusqu'à ses pieds. Secouée par ce premier frisson, elle ne put réprimer ses tremblements. Ses dents blanches s'entrechoquaient maintenant. Seule sa main droite ne tremblait pas, crispée sur la Pokéball de Marill, ses jointures blanches sous la pression. Sur le moment, elle oublia tout. La Team Rocket, l'arène, ses sœurs, ses Pokémon, Aurore, Pierre, Sacha, les arbres, le vent, Unionpolis. Il n'y eut plus qu'elle et ces deux yeux globuleux qui la fixaient. Ces quatre ailes qui s'agitaient frénétiquement pour maintenir le corps de l'insecte géant en suspension, provoquant un vrombissement qui la pénétrait par tous les pores de sa peau et lui retournait, lui pressurait l'estomac. Elle s'oublia elle-même, fascinée et terrorisée par la vue de ce Pokémon qu'elle aurait préféré ne jamais connaître.
Sa peur viscérale des insectes envahissait tout, oblitérait complètement le monde extérieur. Elle ne pouvait pas bouger, elle ne pouvait pas courir en tous sens en agitant les bras pour se protéger, comme elle avait l'habitude de faire chaque fois qu'elle s'imaginait avoir entendu un bruissement d'ailes de Dardargnan. Elle ne s'était pas évanouie, mais c'était tout comme. Elle semblait déconnectée de la réalité. Toujours éveillée, elle était passée dans un état de semi-léthargie, incapable de lutter contre la peur qui lui dévorait les boyaux. Elle n'entendait plus les cris de triomphe de Jessie qui s'imaginait déjà trôner aux côtés du Boss lors des réunions plénières de la Team Rocket, elle n'entendait plus les rires de Miaouss, elle n'entendait plus les petits cris de Marill se demandant quoi faire alors que Yanmega volait, menaçant, autour de lui. Sa bouche entr'ouverte dans un « Oh… » qu'elle ne prononça pas, elle ne se rendit pas compte qu'elle était tombée à genoux. Seul restaient présents dans son esprit les deux yeux immenses de la libellule, et le vrombissement de ses ailes. Ses yeux restaient ouverts, mais elle ne vit pas Marill être percuté par une Vive-Attaque de son adversaire. Elle ne l'entendit pas crier en attente d'un ordre, avant d'être interrompu, soufflé par un Vent Argenté dévastateur.
C'est lorsqu'elle sentit qu'on la soulevait du sol que le barrage intérieur qui avait contenu l'expression physique de sa terreur lâcha. Ce fut comme des digues fragiles qui cédèrent sous la pression d'une mer implacable. Toutes ses résistances furent vaincues. Elle ferma les yeux et sombra dans le néant, entendant toujours, au loin, le bruit sourd du battement de quatre ailes terrifiantes.




---III---




« Le combat pour l'obtention du Badge Cascade d'Azuria va pouvoir commencer. Il opposera Peter de Céladopole à la championne Daisy. Chaque dresseur a droit à deux Pokémon. Seul le challenger peut changer de Pokémon au cours du match, et c'est à la championne de commencer. Vous êtes prêts ? Commencez ! »
L'arbitre officiel de la Ligue Indigo leva à la verticale ses deux drapeaux, et Daisy lança pour la septième fois aujourd'hui la Pokéball d'Hypotrempe dans l'eau de l'immense bassin de l'Arène d'Azuria. Son adversaire appela sur le terrain un Boustiflor. Vu l'état de fatigue d'Hypotrempe, Daisy voyait ce combat mal engagé. Elle n'avait eu que le temps de passer au Centre Pokémon pour qu'il bénéficie d'une remise en forme rapide, à l'heure du déjeuner. Heureusement, Poissoroy et Ptitard étaient en meilleure forme, mais elle préférait les utiliser à fond pendant la session de l'après-midi, qui venait de commencer. Promis Hypotrempe, c'est le dernier match pour toi aujourd'hui !
Dans les tribunes, remplies comme rarement pour des matchs d'arène (près du tiers des sièges étaient occupés), les autres dresseurs attendaient leur tour. Violette et Lily étaient assises sur une rangée près du bassin, mais elles ne regardaient pas le match. Elles étaient bien trop occupées à scruter attentivement les visages de toutes les personnes présentes dans le public, en essayant de trouver qui pourrait ressembler le plus à un Inspecteur de la Ligue Pokémon. Même si, pour le coup, elles étaient distraites par le challenger actuel. Il vient de Céladopole ! pensait Violette affolée. Tout comme l'inspectrice Jenny qui est venue hier. Si ça se trouve, c'est lui l'inspecteur, et on ne s'en est même pas rendues compte. Oh là là… Lily tournait et retournait le problème dans sa tête. Non, ce n'est pas possible, il est trop jeune pour un inspecteur. A quel âge c'est le recrutement ? Les Inspecteurs ont tous plus de trente ans non ? Lui il a quoi ? Vingt ? Vingt-deux ? Oh, je ne sais pas…
Le problème restait insoluble, et Hypotrempe venait d'être contraint de déclarer forfait, abattu par une attaque Tranch'Herbes fulgurante. Ce sera une nouvelle défaite pour Daisy, qui devait en être à 4 sur ses sept matchs. Plutôt un bon score pour quelqu'un qui vient de reprendre la compétition. Il ne restait plus qu'à espérer que parmi celles-ci ne se trouvait pas l'Inspecteur de la Ligue Indigo…


***


Pour une fois, la Team Rocket était fière. Jessie rayonnait en ouvrant la marche, la Pokéball de Marill dans la main. La ridicule souris bleue, apeurée et affaiblie, n'avait fait aucune difficulté pour la réintégrer. James portait Ondine, toujours évanouie, sur son dos. Il avait éternué plus d'une fois, les longues mèches rousses lui chatouillant le nez régulièrement. Miaouss l'aidait, à sa façon, en soutenant les pieds de la morveuse, tout en trottinant derrière. Jessie partit de son rire désormais célèbre.
« Quand je repense à cette idiote lorsqu'elle a vu Yanmega ! Elle est devenue plus blanche que le Boss lorsqu'on lui a donné notre dernière facture d'équipement ! Si j'avais su que Yanmega pouvait faire cet effet là, je l'aurais utilisé plus souvent. (Elle embrassa la Pokéball du concerné.) Aah, tu es le meilleur, mon petit Yanmega !
- Euh Jessie, tu ne crois pas que c'est tout simplement que la morveuse à la trouille des insectes ?
- Pardon ?
- Mais oui, tu ne te souviens pas quand on les a rencontrés dans la Forêt de Jade, déjà elle hurlait quand un Chenipan s'approchait d'elle.
- Peut-être. Mais c'est surtout grâce à mon incroyable talent de dresseuse et de chef de groupe que nous avons enfin réussi une mission ! A moi l'augmentation !
- C'est beau de rêver… souffla Miaouss dans ses moustaches. »
Le groupe continuait de progresser dans la forêt, jusqu'à atteindre leur avion miniature, qui leur servirait à rejoindre la première base de la Team Rocket à Kanto, une fois qu'ils auraient traversé la Mer Septentrionale, qui séparait Sinnoh de leur continent de départ. A sa vue, ils coururent. Ondine, ballottée en tous sens sur le dos de James, ne réagit pas.
Ils arrivèrent au pied de l'appareil. Ils se regardèrent et, sous le relâchement de la tension, ils éclatèrent de rire. Enfin une mission accomplie ! Le Boss allait les couvrir de félicitations ! Et cette fois, ce n'était pas seulement dans leurs rêves avant de passer à l'action : la mission était terminée, et il ne leur restait plus qu'à rentrer tranquillement !
« Bon, ne perdons plus de temps, annonça Miaouss. Sortez la corde, il faut attacher la rouquine histoire qu'elle ne nous gêne pas quand elle se réveillera. Et j'ai aucune envie de la voir gémir le nom de son petit copain en s'imaginant qu'il viendra la sauver, on n'est pas à Lovdisc, mon amour ici ! »
Les deux humains suivirent le conseil de leur Pokémon d'ami. James déposa Ondine sur le sol herbeux de la forêt d'Unionpolis, tandis que Jessie sortait la corde de la soute de l'avion. Ils ligotèrent Ondine solidement, et la bâillonnèrent : ils avaient déjà eu assez affaire à son caractère tempétueux pour prendre désormais leurs précautions.
« Dis-donc, elle a pas grandi depuis la dernière fois ? dit James en essayant de faire un nœud correct autour des fins poignets de la dresseuse.
- On se passera de tes commentaires, James, répondit Jessie entre ses dents, alors qu'elle attachait le bâillon autour du coup de la rouquine. »
Le travail était terminé. Ils se redressèrent, satisfaits. Ondine n'avait toujours pas émergé. Le choc était plus rude que ne le pensaient les Rocket, qui oublièrent bien vite ce menu problème.
« Quand je pense à la tête que vous faire ces idiots de Bolly et Charles quand ils verront qu'on les a grillés ! dit Jessie, ravie.
- Ca vous dirait pas d'échanger votre numéro 25 contre un numéro 10 ? dit Miaouss, mort de rire.
- Comme quoi, on a beau se penser plus intelligent que les autres… renchérit James.
- … on reste tout de même parmi les cons, c'est ça ? intervint une voix grave, derrière eux. »
Jessie, James, et Miaouss glapirent, et se retournèrent. Charles et Bolly, les bras croisés, les regardaient d'un air dépitié. Celui-ci releva son chapeau du pouce et balaya la scène d'un œil las.
« En fait, vous êtes bien plus pathétiques que ce qu'on dit…
- Ca veut dire quoi ça, Monsieur je-sais-tout ? cracha Jessie.
- Mais, mais… Comment vous nous avez retrouvés ?
- Vous êtes sûrs que la seule chose que vous avez été capables de voler dans votre carrière, c'est pas votre qualification d'agents de la Team Rocket ? demanda Bolly. On le sait tous, sauf vous apparemment : toutes les combinaisons sont équipés d'émetteurs devant permettre à vos coéquipiers de vous retrouver. Après il suffit d'être un peu plus doués que la moyenne pour pouvoir retrouver aussi les autres membres…
- Sans parler de l'avion, ajouta Charles. Vous pensez bien qu'on ne le laisserait pas derrière nous sans un minimum d'assurances, tout de même ?
- On se doutait bien que vous alliez nous faire un coup dans ce genre, renchérit Bolly. Ca vous ressemblait trop en fait.
- Donc maintenant, reprit Charles, vous allez bien gentiment nous laisser repartir avec l'avion, la jeune fille, ses Pokémon. Et nous, nous ne parlerons pas de votre insubordination à la hiérarchie, ça vous convient ?
- Tu vas voir, ce qui nous convient ! cria Jessie. Je vais te faire bouffer ton chapeau ! Yanmega, à l'attaque !
- Jessie… gémit James, qui se prenait la tête dans les mains. »
Mais elle avait déjà lancé sa Pokéball, qui avait libéré la libellule géante, fraîche et dispose, puisqu'elle n'avait presque pas eu à combattre. Charles retira son chapeau, laissa apparaître son crâne parfaitement lisse. Ses deux yeux bleus fixèrent Jessie.
« Qu'il est regrettable d'en arriver à des extrémités pareilles… Tartard, j'ai besoin de toi !
- Démolosse, sort de ton trou ! cria Bolly. »
Les deux Pokémon firent leur apparition pour faire face au Yanmega de Jessie. Cette dernière, survoltée, se tourna vers James.
« Qu'est-ce que tu attends ? Viens m'aider et vite, qu'on leur flanque une bonne leçon !
- Mais Jessie… On va se faire atomiser, tu le sais bien…
- Arrête de jouer les pisseurs James ! »
Jessie était dans une rage folle, elle semblait avoir perdu complètement ses nerfs. Charles haussa un sourcil en regardant sa partenaire.
« Je suggère que nous ne prenions pas plus de notre temps pour régler cette affaire.
- Tu as raison, Charles. Démolosse ? »
Le chien de ténèbres grogna son approbation.
« Tartard ? »
Le Pokémon approuva à son tour.
Dans un même mouvement, et sans que leurs dresseurs n'aient eu besoin de leur donner un ordre oral, deux attaques Déflagration et Hydrocanon furent lancées sur Yanmega, qui, malgré sa vitesse, ne put esquiver. Projeté contre Jessie, ils culbutèrent contre leurs partenaires James et Miaouss, avant de décoller au-delà des arbres. Ils eurent tout de même le réflexe de crier :
« Une fois de plus la Team Rocket s'env… »
Avant d'être interrompus par une branche qui stoppa net leur course. Ils s'affalèrent au sol, quelque part dans la forêt, ne désirant qu'une chose : rester là, couverts de honte, et se faire oublier, si cela était encore possible.


***


« Tiens, tu as gagné le Badge Cascade. Félicitations. »
Daisy avait terminé sa phrase dans un souffle, totalement épuisée. Le jeune dresseur récupéra le précieux sésame bleu et, le visage rayonnant, il sortit en courant de l'enceinte de l'arène. Violette se tourna vers le groupe d'une dizaine de personnes qui attendaient leur tour.
« Nous sommes désolées. Mais il est l'heure de fermer l'arène pour aujourd'hui. Nous vous demandons de bien vouloir revenir demain matin. Nous allons vous donner des certificats de présence, afin que vous soyez prioritaires. Bonne soirée. »
Une fois les billets remis aux dresseurs, ceux-ci quittèrent les lieux en maugréant. Lily ferma la porta en soupirant de soulagement, tandis que Daisy s'effondrait sur la première chaise qu'elle put trouver.
« Lily, il faudrait que tu ailles porter tous les Pokémon au Centre ce soir. Ils ont besoin d'un long repos avant demain, et moi aussi je crois… dit-elle en basculant sa tête en arrière. »
Une vingtaine de matchs dans la même journée, c'était un rythme inhumain, autant pour elle que pour ses Pokémon – si le qualificatif d'inhumain pouvait s'appliquer à ces derniers.
« Je crois que je vais aller me coucher tout de suite. J'ai besoin de repos. »
Elle se leva péniblement, et prit l'escalier qui menait à l'aile habitable du bâtiment. Lorsqu'elle arriva dans le couloir, son regard fut attiré par le clignotant rouge du visiophone, signalant des messages en attente. Avec un bâillement, elle appuya sur le bouton de lecture. Une voix pré-enregistrée lui répondit.
« Vous avez deux nouveaux messages… Message 1, aujourd'hui à 10h23 :
Bonjour Mademoiselle Williams. C'est David Léonard à l'appareil, de l'administration de la Ligue Indigo. Je viens d'apprendre que l'arène d'Azuria était ouverte ce matin. Vous m'en voyez ravi. Je vous remercie de votre rapidité, je ne doute pas que de nombreux dresseurs seront heureux d'apprendre cette réouverture. Quant à vous et à l'arène, je pense que nos petites affaires administratives seront réglées dans les prochains jours. Au revoir Mademoiselle. Biiiip. »
Daisy était dépitée. Super… Ca veut dire que la venue de l'inspecteur est pour dans quelques jours. Après-demain en gros. Trois jours avec de la chance… Encore trois jours de stress en somme…
« Message 2, aujourd'hui à 12h57 :
Heu… Bonjour Mademoiselle. Je vous appelle car j'ai eu votre numéro dans un journal. J'espère que je suis au bon endroit, je cherche à joindre une des sœurs de la prénommée Ondine d'Azuria, celle qui a disparue. Je suis persuadé l'avoir vue pas plus tard qu'il y a cinq minutes passer devant chez moi. J'espérais vous avoir directement au téléphone, mais visiblement, ce n'est pas le cas. Je me nomme Jason, et je réside à Unionpolis, dans la région Sinnoh. Mes coordonnées sont le 2244-570912-07. Je suis à votre disposition. Biiiip. »
Daisy s'était déjà précipitée à la recherche d'un papier pour noter le numéro du vieil homme qui avait laissé ce message. Elle n'avait plus du tout envie de dormir.


***


Charles remit son chapeau sur sa tête, et l'ajusta des deux mains.
« Bon débarras. »
Maintenant que la pitoyable unité 25 n'était plus dans ses pattes, il allait pouvoir continuer sa mission en paix. Il s'agenouilla aux côtés d'Ondine, qui avait basculé sur le côté, toujours fermement attachée par la corde, et toujours inconsciente. Il saisit son sac, le fouilla et, visiblement déçu, le jeta négligemment un peu plus loin. Il ne contenait que les Pokéball de la fille et rien d'autre d'intéressant. Il reporta son attention sur le visage de la jeune fille, toujours crispé de terreur. Il lui prit la main, et tâta son pouls. Sa respiration et ses battements de cœur semblaient s'apaiser. Elle n'allait sans doute pas tarder à reprendre conscience. Il reposa doucement sa main légère, en imprimant une légère carasse à la base de son poignet, profitant au passage de sa peau douce. Il examina son visage juvénile, et lui dégagea avec douceur une mèche de ses cheveux qui passait devant ses yeux.
« Charles ! cria Bolly, qui s'affairait auprès de l'avion. Je peux savoir ce que tu fabriques ? »
Il retira précipitamment sa main.
« Je réfléchis, Bolly, je réfléchis. »