La rencontre des opposés.
Le Drattak était assis sur un rocher, déjà là depuis cinq minutes. Le soleil était brûlant du midi et la fumée qui sortait de ses narines s'envolaient dans des voluptueuses danses au gré de la brise parfumée. Il était essoufflé et son ventre se soulevait et se rabaissait à une cadence effrénée. Ses ailes se secouaient paresseusement. Il hochait tristement la tête, l'air abattu. Ses yeux furetaient inlassablement l'horizon où de vertes prairies contrastaient avec le ciel bleu. L'eau d'une rivière coulait lentement, zigzaguant entre les arbres et les collines. Il regarda une montagne au sud, grande et toute de pierres où ses semblables avaient creusé des trous spacieux pour y vivre et s'abriter des intempéries.
Au loin, la grande forêt paraissait s'étendre à l'infini, comme un manteau vert posé sur le sol. Le Drattak était maussade parce qu'il avait été vaincu, et pour un pokemon volant c'était bien une des pires humiliations. Le fait de ne pas sortir vainqueur de quoi que se soit était le point faible de ces belles créatures.
Le Drattak avait participé à une grande course aérienne qui survolait la région des drogannes, mais il avait, aux trois quarts du chemin, été sauvagement bousculé et il était tombé sur le sol, ivre de fatigue. Car il n'était pas jeune, et ses vieux os creux le supportait de moins en moins. Mais il était fier et sa fierté pouvait, selon lui, abattre tout s'il en avait le désir.
Pour l'instant, elle avait été brimée et la blessure sanguinolente qui ornait sa jambe prouvait qu'il ne devait plus se mesurer à de jeunes pokemon volant ! Mais quelle folie lui avait passé par la tête ! Maintenant il ne voulait que lécher sa plaie et se cacher aux yeux du monde.
Malheureusement, le Drattak qui l'avait sauvagement bousculé avait toujours été son ennemi, aussi loin que ses souvenirs le lui permettaient. Merinsaar était son nom, nom qui trottait incessamment dans la tête de Rendawell, le Drattak.
Il continua donc à scruter l'horizon, perdu dans des pensées futiles. Mais l'image de son ennemi était tellement présente dans sa tête qu'il commençait presque à halluciner celui-ci. Mais non, ce n'était pas une hallucination ! Quand il le vit, petite tache rouge qui grossissait à vue d'oeil dans le ciel, il tenta de s'en aller, mais il était si faible, ne pouvant même pas battre des ailes, qu'il s'affaissa sur le roc, grognant de mécontentement à l'arrivée de Merrinsar.
Il atterrit juste en face de Rendawell. Il lui cachait le soleil, comme une ombre menaçante. Merinsaar commença à lui parler avec une étrange douceur :
- Alors, mon vieux Rendawell, Pas trop fâché d'avoir Perdu ?
- Dégage ! Tu m'as battu et c'est assez pour moi !
- Mais non, voyons, ce n'était qu'une petite course de rien du tout ! Je suis quasiment sûr que tu pourras gagner la prochaine. Si bien sûr elle se situe dans la catégorie bambins !
Il ne répondit pas tout de suite, mais l'envie soudaine de lui arracher la tête le fit sourire.
- Mon pauvre Merinsaar ! Si tu savais comme j'ai eu le temps de me reposer ! Je pourrais très bien te tuer sur-le-champ.
- Ha ! Ha ! Ha ! Laisse moi rire, vielle croûte ! Tu ne serais même pas capable de faire du mal à un brin d'herbe. Tu n'as même pas riposté quand on t'a enlevé ton fils et ta femme !
Cela mit le feu aux poudres. La perte de sa famille pour Rendawell était encore une blessure ouverte et Merinsaar venait d'enfoncer un couteau au fer rouge dans cette plaie. Il se releva soudainement et gifla son ennemi au visage, ce qui tuméfia l'arrogante grimace de son rival. Il riposta mais le vieux avait prévenu le coup et le mordit à la gorge. Rendawell était si enragé que le sang lui brûlait les yeux. Il ne remarqua pas les lianes magiques l'enrouler. Il dut s'affaisser.
Rendawell ne savait que trop bien qu'il ne faille pas brusquer se sombre personnage, au risque de la vie, mais il avait été trop loin. Merinsaar ne le tua pas, à sa grande surprise, mais s'envola pour enfin disparaître dans le ciel bleu. Le temps que Merinsaar s'en aille, les lianes magiques se dissipèrent et laissèrent penaud le Dracaufeu.
Les souvenirs récents de sa famille virent défiler devant ses yeux. Il Son fils et sa femme avaient disparut au cours d'une bataille contre les pokemon normaux aux pokemon de l'ombre. Il était si seul depuis ce temps... Son travail de garde auprès du royaume des Drattak l'occupait de moins en moins, car il devenait de plus en plus un ermite et cette course lui avait prouvé qu'il vieillissait vraiment, qu'il ne pouvait se cacher au sablier qui annonçait que sa fin était proche.
Mais un petit point blanc qui se distinguait dans la plaine verdoyante le fit sortir de ses pensées. Le point bougeait très tranquillement, et semblait s'arrêter pour regarder des choses à tout bout de champ. Rendawell s'avança plus proche de la falaise, plissant ses yeux pour mieux distinguer l'inconnu. Il put discerner une silhouette de cheval de feu, une grande crinière embrasée... Et une corne scintillante au front. Cela ne pouvait être qu'un Galopa, le célèbre cheval de feu orné d'une magnifique corne. Sa chair, selon les rumeurs, guérissait tous les maux et douleurs, voir même coupures et entailles profondes...
Activé par le désir de s'acquérir ces vertus, Rendawell commença à battre des ailes pour attaquer sa proie, malgré sa grande fatigue. Il sous-estimait la créature, qui était la reine des Galopa, Bysalkamir, qui prenait sa marche.
Cette fois elle s'était éloignée de la forêt, qui était le refuge de son peuple. Mais elle en avait assez de toujours traîner autour de ses mêmes arbres ! Donc elle dût s'en allez, dépasser les limites de son territoire, allez voir plus loin, ce qui la tentait depuis longtemps. Elle plaignait un peu les gardes qu'elle avait semés dans la forêt, car son époux l'obligeait sans cesse de se rendre à quelque part avec une escorte. Elle avait bien rit en découvrant qu'elle courait si vite ! Zigzaguant à travers les arbres, elle c'était rendue à la clairière qu'elle franchit et elle put s'émerveiller du paysage. Que de chances que les Galopa de basses naissances ne pouvaient accéder !
Mais Bysalkamir était pure et forte, toujours entêtée à défendre jusqu'à la mort son peuple fantastique, à qui elle tenait beaucoup, qui occupait souvent ses pensées premières, excepté sa liberté maintenant trouvée.
Elle vit arriver de loin son attaquant et redoutait un peu la force de ce gros pokemon, qui était pour elle un ennemi, un Drattak malfaisant, quelle devrait battre seule à seul si un combat devait être engagé. Toujours quelque chose pour gâcher son plaisir ! Elle ne savait pas si les intentions de Drattak étaient bonnes où mauvaise et c'est pourquoi elle se cambra sur ses pattes arrières pour accueillir son visiteur.
Rendawell remarqua de justesse l'insigne en forme d'oeil qui ornait la cuisse de Galopa, signifiant l'ultime poste hiérarchique. Il s'étonna d'abord, quitta son expression farouche, atterrit en douceur près du Galopa et s'inclina, Ce qui l'amusa.
- Je peux voir, Drattak, que tu as du respect envers moi, ce qui me touche. Il n'y a plus beaucoup de gens qui respecte encore leurs ennemis... même en période de paix. Que me veux-tu, pokemon volant ?
- Je ne voulais point vous importuner, reine, je suis désolé. Je repars tout de suite...
- Mais non, restez donc, si vos intentions ne sont pas mauvaises ! Je n'ai rien contre les Drattak polis et respectueux ! Je me ferais même un plaisir de faire votre connaissance ! Elle faillit presque regretter ses mots, mais l'expression gênée du vieux Drattak l'emplis de confiance.
- Oh !... J'en doute fort. Je ne suis qu'un vieux Drattak désagréable. Qui n'a personne à qui parler...
La licorne le regarda longuement et une étincelle se produisit dans ses pensées.
- Votre nom serait-il Rendawell ?
- Comment...comment le savez vous ?
- J'ai entendu parler dans mon coin qu'un pauvre Drattak qui porte votre nom avait perdu sa famille dans la grande guerre.
Il se renfrogna, les souvenirs redéfilèrent devant ses yeux.
- Oh ! Mais je ne voulais point vous accabler... Je m'en excuse fortement ! Vous savez, on se bat tous contre ce grand lâche de Rakantassa, qui ne sort pas de son trou !
- Ce qui nous fait un point en commun. Je ne veux pas vous importuner, reine. Je m'en vais de ce pas.
Il se retourna et la reine vit sa blessure sur sa jambe.
- Mais vous êtes blessé, pauvre ami. Laissez moi voir ça ! Allez, allez, je ne vous veux aucun mal.
Rendawell se retourna à contrecoeur, montrant sa plaie ouverte à la licorne.
-Ce... Ce n'est rien, voyons ! On prend des blessures avec l'âge.
- Je ne suis pas dupe ! Votre entaille est si profonde que je pourrait m'y glisser ! Laisser moi vous guérir.
Elle ne le laissa pas répondre qu'elle s'avança de lui et planta sa corne dans sa cuisse sanguinolente. Il hurla de douleur dans un cri déchirant, horrifiant, qui fit trembler la reine de tout ses membres. Elle retira péniblement et lentement sa corne. Elle était rouge de sang. La blessure du Drattak tourna au blanc, puis commença à se refermer doucement. Il geignait de douleur pendant un certain temps puis il poussa un soupir de soulagement. Sa jambe ne saignait plus. Il était troublé parce que la reine Galopa l'avait soigné, lui qui voulait la manger peu de temps avant.
Il se confondit en douces excuses confuses. Le Galopa emporté par l'enthousiasme, l'invita à marcher avec lui. Il accepta et ils se mirent à marcher tout en racontant leurs histoires. La reine sut la défaite du Drattak et eu pitié de lui. Elle l'invita dans son royaume, pleine de gentillesse à son égard, dans la grande forêt d'Erendagon, où les Galopa, Grahyena et autres pokemon se complaisent dans la verdoyante masse d'arbres et de pouvoirs maléfiques. Mais il voulait pas entrer dans la forêt, de peur d'effrayer tout ses habitants et d'enfreindre une grande loi : Les pokemon dragon mangent les Galopa et les Grahyena, et ça a toujours été comme ça.
Mais celui ci aimait bien cette Galopa et malgré sa faim, il préférait goûter au plaisir d'être admiré par ses soi-disant proies. Il voulait à tout prix voir des Grahyena, les voir danser et chanter. Mais il savait trop bien que les Grahyena étaient prêts à tout pour combattre un pokemon dragon, car c'est un met et un trophée de choix. Il avait complètement oublié Merinsaar, et pour le moment il s'en foutait comme de sa première dent perdue.
Il continua donc à marcher, heureux dans sa peau, oubliant tout ses soucis comme ci le Galopa l'avait lavé de tous ses chagrins et de ses peines, ses malheurs et ses rancunes.