Assiégée ?
Il lui attrapa le poignet pour la retenir et elle ne put retenir un petit cri.
-Excusez-moi, mais seriez vous par hasard Cynthia, l'ex-championne de Sinnoh ?
-Ne remuez pas le couteau dans la plaie. Qu'est ce que vous me voulez ?
Elle se dégagea violemment de l'étreinte de l'inconnu.
-Voilà, je suis en possession de photos de vous en position compromettante.
-Et alors, qu'est ce que ça peut me faire ? Ce qu'il y a dans la presse m'indiffère car je ne sors jamais de chez moi. Tous les ragots que vous pouvez dire, je m'en moque comme d'un Lovdisc !
Le mystérieux inconnu, journaliste ou détective privé sourit.
-Regardez bien. Avec ça, vous risquez plus que la honte. C'est carrément le procès et avec ce que vous devrez aux différentes parties, vous risquez la ruine ou pire.
Cynthia pâlit devant les clichés.
-Quand avez vous pris ces photos ?
-Il y a deux jours, j'ai escaladé le mur d'enceinte et me suis installé sur le balcon de votre chambre. Une fois en place, j'ai pu photographier à loisir.
Elle perdit son calme car ce type venait d'avouer qu'il avait franchi son royaume privé, sa frontière la protégeant du monde extérieur. Mais le pire, c'est qu'il avait osé observer son nid personnel, son cocon, l'endroit ou elle se sentait en totale sécurité : sa chambre. Elle se sentait comme mise à nue, le cœur à vif.
Elle repensa à cet homme en noir devant une jolie blonde nue.
-C'est du chantage. Publiez les et je vous jure qu'une rencontre avec un Drascore sera une chatouille comparé à ce que je vous ferai. Vous risquez de perdre bien plus que moi.
-Très bien, voici les photos. Je vous laisse un numéro. Réfléchissez bien, j'ai encore les négatifs. Si dans deux semaines vous ne m'avez pas rappelé pour me confirmer que vous acceptez de me donner vingt millions de pokédollars, vous verrez ces photos à la une de Poké-Match.
-C'est ce que nous verrons. Au fait, si je vous cherche, dans quelle ville habitez-vous ?
-Unionpolis, mais je ne donnerai pas plus de précisions. Au revoir et réfléchissez bien.
Cynthia refusa de céder aux menaces et rentra chez elle. Elle aurait pu faire taire ce maître chanteur mais de nombreux témoins étaient présents et l'idée même de tuer, pour le monde entier ou pour son propre compte, la répugnait.
Elle savait que tuer ne résolvais pas les problèmes, mais elle ignorait encore que ça les éradiquait purement et simplement. Elle n'avait pas encore connu ce sentiment de toute puissance qui envahit celui qui met à mort, mais vu l'absence d'humanité que l'on lui témoignait et le fait que son cœur s'était assombri au point de connaître ce qu'éprouvent les pokémon utilisant leurs instincts primaires, il était désormais inévitable que son premier passage à l'acte sera une explosion de violence et de jouissance.
Pendant deux semaines, elle fut harcelée au téléphone par ce corbeau. A chaque fois, il lui rappelait les conditions du marché. Cynthia était exaspérée. Comment pouvait elle trouver vingt millions ? Pour avoir une telle somme, elle se retrouverait avec rien sur ses comptes aux îles Sevii et n'aurait plus de toit. Cependant, si elle refusait de céder, sa vie privée serait étalée à la une de tous les journaux.
Elle était désemparée. Impossible d'appeler la police pour pister l'appel, impossible de retrouver ce maître chanteur. Elle laissa le délai expirer. Le dernier jour, elle reçut un appel.
-Alors, avez vous choisi ?
-Oui, mais vingt millions c'est beaucoup. Ne pourrait on pas s'arranger en réduisant la somme à dix ?
Elle bluffait. Que ce soit vingt ou dix, elle n'avait pas l'intention de payer.
-Non. Mes exigences ne sont pas à discuter.
-Très bien. Alors vous pouvez aller vous faire f***** !
-Bien, c'était votre dernière chance. Vous le regretterez.
Cynthia raccrocha. La colère l'envahissait. Sans le savoir, cet interlocuteur venait de jeter de l'huile sur le feu. Il venait de mettre en marche un mécanisme que personne ne pourrait plus arrêter.
Les conséquences de ce chantage seraient plus graves que personne n'aurait jamais pu imaginer.
Le surlendemain, une foule en colère accompagnée de plusieurs agents de police approchait du manoir. Cynthia comprit que le corbeau avait mis ses menaces à exécution. Elle avait réagi comme le rêve l'avait prévu, elle se retrouvait bouleversée, désarmée mais pas encore enchaînée.
Cynthia réagit en déployant sa milice privée composée de deux Archéodong et d'une cinquantaine de Machopeurs, couverts par cinq Drattak et cinq Démolosse. Vu l'entretien qu'elle coûtait, cette force de défense allait protéger efficacement son manoir tandis qu'elle fuirait vers l'ouest.
Elle entendit les policiers lui ordonner de se rendre mais elle avait bien vu que la foule d'imbéciles la lyncherait sans que les forces de l'ordre ne fassent quoi que ce soit pour la défendre. Alors que les rustres hurlaient devant le portail, Cynthia s'échappa discrètement en escaladant le mur d'enceinte.
Elle fut rapidement repérée et poursuivie alors qu'elle courrait vers le Mont Couronné. Elle se demandait en quoi sa vie privée les regardait, mais elle devina que comme elle était célibataire, cela avait pu outrer certains religieux imbéciles, obtus et bornés par leurs superstitions dégénérées.
Elle haïssait toutes les religions car ce n'était qu'un moyen de contrôle des masses humaines dégénérées et abruties par ces lobotomies. La constatation que 90% de ses semblables étaient des veaux débiles et patauds l'écœura, la confortant dans sa volonté de ne plus appartenir à cette espèce.
Cynthia se mit à fuir en escaladant les flancs de la montagne au lieu de passer par les grottes. Son instinct lui sauva la vie puisque ses poursuivants passaient par les grottes ou des renforts s'étaient massés pour la prendre au piège. Pendant que beaucoup se perdaient au passage, elle atteignit un sentier enneigé.
Elle avançait sur des corniches étroites et glacées. La neige tombait en un blizzard de plus en plus violent. Le gel mordait son visage et ses lèvres gercées mettaient ses nerfs à rude épreuve. Tremblante de froid et risquant l'hypothermie, elle savait qu'elle n'avait pas le choix, qu'elle ne pouvait qu'avancer pour sauver sa vie. Le chemin semblait infini, la tempête effaçant ses traces et masquant la visibilité, elle ne voyait pas le bout et s'imagina errer à jamais dans cet enfer blanc.
Finalement, elle arriva au pied d'une falaise de glace et grimpa. Ses doigts étaient gelés et brûlaient. Elle ne pouvait pas abandonner car toute chute lui serait fatale. Après de rudes efforts, elle arriva au sommet tant convoité, atteignant à nouveau les Colonnes Lances. Etrangement, le vent était beaucoup moins glacé et moins violent. Elle se servit de Carchacrok pour bloquer la grotte de sortie. Elle s'adossa à un pilier et souffla un petit moment avant de se frictionner les bras gelés. C'est à ce moment que Spiritomb sortit de sa ball.
-Cynthia.
La dresseuse s'étonna. Cette voix n'était pas celle du serviteur, mais celle de son maître. En regardant la bouche du pokémon interdit, elle aperçut la silhouette du légendaire Giratina.
-Pourquoi as-tu fui ? Pourquoi ne pas faire face ?
-Je ne peux pas dialoguer avec ces gens et je ne veux pas les tuer pour autant. S'ils me poursuivent, c'est à cause de cela. Sois sincère, est-ce que je suis un monstre ?
Elle regarda les preuves de ses actes. Elle jeta un œil à la photographie ou elle était délicatement allongée dans son lit, le visage collé à la fourrure soyeuse du pokémon aura. Il avait une de ses mains caressant les cheveux d'or et l'autre couvrant son sein. Si Cynthia n'avait pas été totalement dénudée, on aurait pu voir dans ces images un être protecteur rassurant une enfant triste, angoissée et en mal d'affection, ce qu'au fond elle était. Hésitante, elle tendit les photos à Spiritomb avant de pleurer.