Marquée à jamais
Alors que les deux championnes regardaient Cynthia avec effarement puis avec résignation, la jeune fille balafrée continuait à sangloter. Occupée à pleurer, elle se souvint de ses conclusions. Tout individu à un seuil de douleur, physique ou mentale, qui une fois franchi, est prêt à tout pour que cela cesse. Ce jour était le premier ou elle atteignait ce seuil.
La honte les paralyserait et empêcherait toute action réfléchie. Cynthia arrêta de pleurer, releva le visage et regarda avec détermination les autres prisonnières.
Profitant du fait qu'elle n'était entravée qu'aux poignets, elle s'approcha des championnes et marmonna à leurs oreilles.
-Les filles, j'ai une idée pour s'enfuir. Vous êtes partantes ?
Les deux hésitèrent. La cicatrice encore sanguinolente sur le visage de leur interlocutrice semblait les décourager.
-C'est à vous de voir si vous voulez rester croupir ici. La liberté nous attend, faites moi confiance.
Se voyant mal rester moisir dans un cachot, les deux championnes acceptèrent l'idée de s'évader. Cynthia était une jeune fille très prévenante, qui essaye toujours de bluffer pour mieux troubler l'adversaire. Elle se retourna avant de demander à Jasmine d'essayer d'atteindre la pokéball cachée dans ses cheveux. Elle était attachée par un élastique à une petite mèche de ses cheveux dorés.
Jasmine, les mains dans le dos, essaya plusieurs fois avant de parvenir à obtenir l'objet de tous leurs espoirs. Elle lança la sphère d'ou sortit un magnifique chat noir. Le pokémon regarda sa maîtresse et sans attendre d'ordre, il trancha ses liens d'un coup de griffes. Cynthia caressa affectueusement le poil de Noctali qui ronronna avant de se frotter à sa dresseuse.
-Noctali, utilise Griffe-Acier pour libérer Alizée et Jasmine.
En moins de temps qu'il n'en faille pour le dire, les trois filles étaient libres et hors de leur cellule. Elles partirent récupérer leurs pokémon dans le coffre fort avant de s'apercevoir qu'elles auraient du mal à fuir. A part l'Altaria d'Alizée, il n'y avait aucun autre pokémon volant dans l'équipe. Cynthia se maudit. Deux fois en quelques heures qu'elle agissait sans entrevoir toutes les possibilités de ses actions. Elle chercha une idée quand Alizée pensa à l'autre dresseuse retenue de force. Elles décidèrent alors de libérer Morgane qui pourrait certainement les téléporter loin de cette île. Les trois filles libérèrent la championne aux pouvoirs psychiques et lui rendirent son pokémon.
-Merci. Je peux vous téléporter chez moi, mais le produit d'Hélio fera effet pendant encore deux bonnes heures.
-Alors il va falloir tenir pendant encore tout ce temps.
Morgane la regarda.
-Quels sont les pokémon à notre disposition ? Parce que Kadabra est K.O.
-J'ai Noctali et Griknot, les autres sont restés chez moi.
-Juste Altaria, je survolais Hoenn quand j'ai été attaquée par Dracolosse.
-J'ai un Magnezone et un Steelix. Avant que tu poses la question que j'ai déjà entendu des centaines de fois et qui commence à m'agacer, je te réponds : Oui je sais que ça contraste avec l'idée qu'on se fait de moi quand on m'aperçoit, mais je ne suis pas aussi fragile que j'en ai l'air, enfin quand j'arbore un visage souriant.
Alors qu'elles jacassaient, une personne s'approcha et elle se tenait dans l'encadrement de la porte quand les quatre évadées la remarquèrent.
-Vous pensez vraiment tenir encore deux heures ?
-Sandra, tu crois que nous allons te suivre bien gentiment ?
-Je ne suis pas ici pour vous arrêter, je veux vous aider. La vérité c'est que je suis un agent double. Le conseil des Quatre de Kanto m'a demandé de surveiller cette team Galaxie pour connaître leurs ambitions. Ils m'ont choisie parce que j'étais la moins surveillée de toutes. Cela fait des semaines qu'ils nous épient et notent scrupuleusement nos tactiques lors des combats. J'ai d'ailleurs récupéré leurs plans et effacé tout leur réseau informatique.
Elle sortit une éprouvette contenant un liquide d'un vert vénéneux.
-J'ai l'antidote pour Morgane.
Cynthia la regarda, soupçonneuse.
-Qu'est ce qui nous dit que ce n'est pas un mensonge et que tu bluffes ?
-Elle dit la vérité, je sens de la sincérité dans son esprit quand elle parle.
Morgane avala l'antidote et se sentit mieux. Elle se prépara à réaliser le téléport quand Hélio apparut.
-Bien, je vois que l'on cherche encore à fuir. La leçon sera encore plus dure cette fois. Il appela un dinosaure de pierre. Les écailles gris-vert du monstre, ainsi que son ventre bleuté impressionnaient moins les filles que les pics sur sa queue et ses crocs tranchants. Hélio regarda Sandra, apeurée.
-Tyranocif, fais payer cette traîtresse !
-Noctali, feinte !
Le dinosaure n'avait même pas fait attention au chat noir qui s'entoura d'une aura pourpre et se jeta dans le ventre du monstre. Agacé, Tynanocif se détourna de son objectif initial. Il ouvrit la gueule et chargea un rayon d'énergie. Noctali, encore sonné par le choc, encaissa l'attaque Ultralaser de plein fouet avant de se relever.
-Noctali, queue de fer !
-Riposte avec Casse-Brique !
Le Noctali sauta et sa queue s'illumina. Il frappa de plein fouet la gorge du Tyranocif qui n'émit pas un seul grognement de douleur. Tyranocif donna un grand coup de poing dans son adversaire qui fut éjecté vers Cynthia. Sans hésiter, sa dresseuse courut et attrapa son pokémon au vol, avant qu'il ne s'écrase au sol. A ce moment précis, Morgane utilisa son pouvoir pour téléporter tout le monde en sécurité dans son arène à Safrania.
Jasmine posa alors la question classique dans ce cas de figure.
-Est ce que tout le monde va bien ?
Plusieurs acquiescèrent avant que Sandra fasse une remarque.
-Moi oui, mais je crois que Cynthia n'est pas de mon avis.
La blonde tenait son petit pokémon dans ses bras. Elle caressa la fourrure de Noctali et se mit à pleurer.
-C'est pas vrai, tu ne peux pas…
Le coup de poing du Tyranocif avait eu une telle puissance qu'il avait brisé les côtes du pokémon, créant une violente hémorragie interne.
-Non, c'est impossible … NOCTALI !
Cynthia n'avait jamais connu une telle douleur. Le petit Evoli qu'elle avait reçu pour le début de son voyage initiatique, quand elle avait dix ans, venait de mourir dans ses bras. Tous les souvenirs heureux qu'elle avait, les courses dans les prairies, les caresses s'envolaient. En quelques secondes, tout cela faisait désormais parti du passé. Un passé qu'elle ne pourrait plus rattraper, qu'elle ne pourrait que regretter.
C'était une sensation horrible. Le monde aurait pu s'écrouler autour d'elle, son cœur battait à éclater. Sa vie semblait s'évaporer, son âme semblait s'évaporer devant la douleur. Les larmes coulaient, brûlant ses yeux et consumant sa volonté. Son corps n'était qu'une simple enveloppe brûlée par des larmes de douleur et anesthésiée par un venin glacial.
La vie ne serait elle alors qu'un chemin qui vous blesse dès que l'on y fait un pas ? Elle avait compris qu'elle devrait aller jusqu'au bout avec cette douleur amère dans le cœur, son âme marquée à jamais par cette journée.