-14- : Discussion (Partie 2/2)
- Tu vois... C'est pas forcément évident de...
Sandra et Alex marchaient à l'extérieur de l'hôpital depuis deux minutes à peine. Le jeune homme semblait en pleine détresse, et la jeune femme avait un air grave mais compatissant sur le visage. Deux enfants, probablement un frère et une sœur, qui courraient après un Pachirisu apeuré dans le parc de l'hôpital les dévisagèrent lorsqu'il passèrent près d'eux, ne se doutant pas que ce genre de comportement était très fréquent près d'un hôpital.
- Je... je ne peux plus... Je n'ai pas réussi à...
Alex hésitait, ses phrases hachées par le tristesse. Il parlait à Sandra, le regard plongé dans le sol, qui, elle, le fixait dans le silence le plus complet, attendant ses mots.
- Je n'ai pas combattu avec mes Pokémon depuis ce jour, dit-il comme un aveu. Je ne peux pas. Je...
Il leva la tête vers les yeux bleus de son amie. Celle-ci s'arrêta de marcher, invita Alex à s'asseoir sur un banc de pierre blanche d'un geste de bras, ce qu'ils firent tout les deux. Le banc leur offrait une vue sur l'entrée de l'hôpital, que tous deux fixèrent dans le silence. Sandra finit par se tourner vers le jeune homme.
- Ecoute. Je sais que ce n'est pas évident. Mais... Il va falloir franchir ce cap un jour. Il va aussi falloir que tu ailles parler à Pierre. On ne peut pas se permettre de nous battre avec un membre de moins. Imagine un gladiateur sans tête... Non, sans jambe droite !
En temps normal, son ami aurait ricané avec elle de sa boutade. Mais il se contenta de regarder la façade du bâtiment, l'air absent. Elle soupira.
- Voyons, Alex, tu es plus fort que ça. Je ne dis pas que tu as eu raison en ne rien faisant, mais je peux comprendre que tu aies eu peur, que tu aies été impressionné ou un truc du genre. Or, Pierre ne le comprends pas. Il faut que tu ailles lui parler. Et je suis sûre que tu arriveras à te remettre au combat. Tu vas peut-être dire que je fais du zèle, mais je pense sincèrement que tu es le meilleur Dresseur de notre petit groupe de quatre...
Elle se tut quelques secondes en regardant le profil de son ami, comme attendant une réaction, un sourire. Mais il ne semblait pas l'écouter, à fixer l'entrée du bâtiment.
- Regarde, si tu ne te bats plus, comment tu vas faire pour devenir Dresseur professionnel ? Je te rappelle que c'est payé à la victoire et qu'il est pas facile d'entrer dans une corporation de Dresseurs pro...
- Hé... l'interrompit-il. Ce ne serait pas...
Sandra tourna le regard vers l'hôpital. Un agent de la P.i.S aux cheveux auburn était sorti, suivi une minute après par un grand homme au visage las.
- Monsieur Winston ? Demanda Sandra, comme si celui-ci, situé à une dizaine de mètres d'elle, avait pu se retourner à l'entente de son nom.
Alex acquiesça d'un signe de tête lorsqu'un grand oiseau apparut près de lui. Il le chevaucha, ce qui donna confirmation aux deux jeunes concernant son identité.
Ceux-ci se levèrent, se dirigèrent vers lui en courant et en criant son nom, tandis que le Pokémon s'envola, indifférent à leurs interpellations et aux cris admiratifs de deux enfants qui avaient dû totalement oublier leur écureuil de proie.
--------------------------------------------------------------
Le Rapasdepic volait depuis environ quinze minutes. Il avait passé les frontières Ouest de Sessei, survolé l'île Deux et le Bois Aux Baies de l'île Sevii Trois, Kansei. La seule ville de l'île n'était plus très loin et, au vu de la vitesse à laquelle il volait, il aurait atteint celle-ci d'ici une petite poignée de minutes. Et avec elle, la destination que son maître lui avait donnée...
L'homme assis sur le Pokémon regardait le paysage défiler en-dessous de lui. Il voyait l'île sur laquelle il était né se rapprocher à grande vitesse. Le village des décennies précédentes avait tellement changé, et avait fini par se transformer en une ville dont l'envergure était comparable à certaines cités de Kanto ou Johto, un peu à la manière d'un enfant qui se change en adulte au fil des années. Cette croissance exceptionnelle était uniquement dûe à l'influence de Kanto à laquelle l'archipel Sevii avait été rattachée durant près d'un siècle et qui devait elle-même son développement aux Pokémon. Ce serait presque à se demander où ils en seraient tous sans ces animaux...
Le Bec-Oiseau avait survolé le centre de la ville, et se rapprochait à présent de la périphérie, là où se trouvaient les quartiers pavillonnaires connus dans tout l'archipel poképolite pour leur tranquillité, si bien que beaucoup de retraités de l'archipel y venaient vivre les dernières années de leur vie. Son Dresseur mit un certain moment avant de reconnaître la maison dans laquelle il voulait se rendre, car, comme il était souvent le cas dans ce genre d'espace, elles avaient toutes une fâcheuse tendance à se ressembler. De taille moyenne, pour la plupart, avec un toit recouvert de carrés de pelouses, comme il était prévu par la loi en vigueur à Sevii, à raison de plus de soixante-quinze pour cents de la surface du toit. L'un de ces toits, cependant, était totalement recouvert de ce tapis vert « réglementairement écolo ».
Monsieur Winston eut un sourire. La voici...
Il ordonna à son Rapasdepic de descendre. Une fois le grand oiseau posé, il en descendit, le rappela dans sa Ball et franchit le portail d'entrée, passant à côté d'une boîte aux lettres en forme du symbole postal de la contrée de Poképolis, un Cadoizo. Sur le ventre de l'oiseau de métal était marqué à l'encre rouge « Mr, Mme Stevensen et leur fille, Sandra Stevensen». Il s'avança dans l'allée menant à la maison.
- C'est bien pour la Vendetta. Très bien. Détend tes muscles avec des Poing-Karaté, maintenant. Dix minutes. Ensuite, tu te concentreras sur des Coup-Croix.
A l'intérieur, dans le sous-sol spécialement aménagé, une Mackogneur, en pleine rééducation, jouait du tranchant de la main pour frapper un bloc rectangulaire au moins aussi gros qu'elle. Mme Stevensen regardait son Pokémon prendre du plaisir à frapper le «punching-ball» de béton armé. Une rééducation qui promettait, pour l'instant. Dans très peu de temps, si la Colosse continuait ainsi, elle pourrait se remettre à des attaques un peu plus techniques, comme les Poings Élémentaires. Et alors, elle pourrait enfin protéger Sandra et ses amis de ce Magnéton-Dieu. Et se venger de la cuisante défaite qui l'avait marquée, accessoirement.
Un bruit aigu vint alors interrompre cette réflexion et la séance, par la même occasion. Quelqu'un avait sonné...
- C'est très bien, Eugénie. Repose-toi. Je reviens.
La Pokémon fixait sa maîtresse, une lueur de supplication dans les yeux.
- Bon... soupira la femme. Tu peux continuer.. Mais vas-y doucement, hein ? Et ne commence pas les Coup-Croix sans que je ne sois là !
La Colosse acquiesça, puis se remis à frapper joyeusement sur sa cible, alors que la mère de Sandra remontait les escaliers de bois en soupirant, amusée par l'entêtement de son Pokémon.
- Oui, j'arrive ! Cria t-elle de sa voix cristalline
La sonnette faisait son office de plus en plus rapidement. Encore un représentant impatient... Une fois arrivée, elle regarda par le judas. Elle mis un temps à reconnaître son visiteur, celui-ci étant revenu dans l'allée, et finit par lui ouvrir :
- Bonjour, Juliette, dit-il immédiatement de sa voix fatiguée.
- Léonard ! Répliqua l'autre en souriant. On ne t'attendait plus, tu sais !
- Je sais.
- Mais que fais-tu ici ? Tu n'es pas avec ta fille ? La dernière fois que tu l'as vue, c'était il y a bien trois semaines, et là...
- Où est la tienne, Juliette ?
Les sourcils de celle-ci se levèrent quelques secondes. Elle sembla surprise par la question de son interlocuteur, mais surtout par la neutralité de son ton. Elle répondit, perplexe :
- Elle doit être encore à l'hôpital, tu sais. Mais qu'est-ce...
Juliette s'interrompit en voyant la sphère rouge et blanche que tenait le père de Emma.
- Tu me dois des explications, Juliette... Depuis combien de temps je suis le propriétaire d'un Raichu, par exemple...
Celle-ci mis un temps avant de comprendre ce à quoi Léonard voulait en venir, et, quand ce fut le cas, il était déjà trop tard. Un éclair était déjà apparu, et le bruit si caractéristique de l'ouverture d'une Pokéball avait déjà retenti. Une créature métallique en était sortie, et se tenait à présent aux côtés de son Dresseur. Constituée de trois sphères de métal brillant sous le soleil de début de printemps, chacune des trois étaient surmontées de deux grands aimants. Les trois grands yeux de la créature se fermaient l'un après l'autre, dans ce qui ressemblait à la fermeture du diaphragme d'un appareil photo.
- Tu trouves vraiment que Newton est un Raichu ? La police était pourtant formelle. Je dois délirer, alors... ou manquer de sommeil...
Le Magneton qui avait donné son nom à une souris imaginaire recula tout en fixant celle que son maître l'avait envoyé combattre. Celui-ci recula également un peu plus dans l'allée du jardin des Stevensen, laissant à peu de choses près l'écartement standard entre deux Dresseurs lors d'un combat Pokémon. Il ne manquait plus que le défi soit annoncé et...
- Juliette ! Je te défie !
Celle-ci soupira devant ce qui avait du arriver. Pourquoi cette loi de « Pour régler les problèmes, rien de tel qu'un combat Pokémon ? » existait-elle encore ? A Hoenn, on était un peu plus censés et on laissait faire la police...
- Écoute, Léonard, tu ne vas tout de même pas rentrer dans ce jeu ridicule...
- Newton ! Rayon Chargé !
Les six aimants du véritable Newton se mirent à briller d'une lueur bleue. Les étincelles se concentrèrent vers le centre de gravité du Pokémon Acier. Puis, à la manière d'un élastique que l'on relâche, un rayon d'électricité concentré partit à toute vitesse en direction de la propriétaire des lieux. Laquelle, du fort de sa jeunesse passée à pratiquer les arts martiaux, effectua un bond sur le côté pour éviter l'attaque qui finit sa folle course dans le mur sur la porte d'entrée. Plusieurs pierres tombèrent de l'édifice. Léonard haussa les sourcil d'étonnement, non pas à cause du geste de la femme – il avait déjà eu l'occasion de la voir à l'entraînement avec sa Mackogneur – mais par le fait qu'elle semblait décidée à ne pas combattre, en dépit de la tradition :
- Allez, Juliette ! Un Dresseur Pokémon ne doit pas refuser un défi !
Nouveau soupir de cette dernière devant le puérilisme de son adversaire forcé. Il était hors de lui, cela se comprenait, et toutes ces émotions accumulées durant les deux derniers mois devaient bien être évacuées un jour ou l'autre. Mais de là à l'entraîner dans un combat Pokémon... En plus de ça, aucun passant, et ils étaient assez nombreux à cette heure, (certains enfants s'étaient d'ailleurs arrêtés pour regarder ce combat Pokémon qu'ils rêvaient probablement de pouvoir livrer un jour) ne ferait rien pour l'arrêter. Au nom de la loi, aussi idiote soit elle.
- Voyons, Léonard, arrête-toi, je vais t'expliquer !
Celui-ci ordonna à sa créature de réitérer l'attaque, feignant apparemment de ne pas entendre le cri de l'autre. L'éclair partit, et Juliette esquiva de nouveau. Le Rayon Chargé se dirigea vers l'intérieur de la maison. Il entra par la porte mais y repassa aussitôt, se propageant dans l'atmosphère. Ce fut alors qu'un léger bruit se fit entendre. Une créature dont le pelage orange était emporté par un vent frais se tenait à présent devant la porte. L'Alakazam dévisagea le Magneton, statique, puis, dans un geste sec, brandit ses deux cuillères à soupe devant lui. Un Mur de Lumière bleutée enveloppa toute la maison, offrant probablement une protection contre les attaques électriques du Magneton. Il y eut un bruit similaire à celui qui avait retenti lorsque le Pokémon Psy avait apparu, et une sphère noire entourée d'une légère aura bleue se matérialisa dans l'allée, se tenant à environ un mètre au-dessus du sol. La Luxe Ball s'ouvrit et un Pokémon semblable à un grand serpent en sortit. Son corps, brillant d'humidité, était recouvert de grandes écailles en forme de losange, dont la couleur variait selon leur place sur le corps puissant et gracieux du Pokémon. Certaines d'entre elles variaient même de couleur en fonction de leur exposition au soleil, à la manière d'un arc-en-ciel. Au sommet de sa tête, deux antennes se rejoignaient, formant un cœur comme celui des cartes à jouer. La créature se plaça devant le hall d'entrée, protégeant sa Dresseuse de tout son corps. Le Pokémon était à la fois impressionnant et beau, il dégageait comme une aura apaisante qui ne semblait cependant pas avoir d'effet sur Monsieur Winston qui se contenta de sourire.
- Milobellus... Alakazam... dit-il simplement, comme un enfant de Deuxième Année à qui l'on aurait demandé de reconnaître le Pokémon qu'il voyait. Newton, Tonnerre !
Juliette eut un nouveau soupir devant l'entêtement de Léonard et devant l'attaque qui se dirigeait vers le Serpent de Mer, puis finit par faire signe à Alakazam. Celui-ci tendit les bras devant lui, et les éclairs de l'attaque du Magnéton s'arrêtèrent, avant de finir par disparaître.
- Voyons, Léonard ! Tu ne vois pas que tu ne peux rien contre mon système de défense ? Cria la mère de Sandra avec un brin de dédain dans la voix, comme elle avait fâcheusement tendance à le faire dans une situation de domination similaire à celle-ci, défaut qui a été transmis à sa fille, comme tant d'autres choses.
Ce dernier ne sembla pas affecté par cette réalité, et continua à ordonner à son Magnéton d'attaquer, ce que la créature s'acharna à faire. Aucune des attaques que celui-ci ne tenta, toutes aussi puissantes soient-elles, n'arrivèrent à franchir le mur de défense mis au point par Madame Stevensen et ses Pokémon. Mais il n'était absolument pas question d'abandonner... Léonard Winston, aveuglé par ses sentiments, ordonna encore une Fatal-Foudre, alors que son « adversaire » s'était assise sur le sol, semblant attendre le moment où il finirait par abandonner. Les aimants de Newton s'illuminèrent, tandis que des bruits de pas lourds se firent entendre. Alakazam, dans l'entrée, n'eut le temps de se téléporter avant que la Mackogneur ne lui assénât un Pisto-Poing qui eut pour effet de le faire tomber au sol et d'annuler l'attaque Mur Lumière.
- Oh... constata Juliette.
La Pokémon continua de courir en direction de Newton qui, dans l'impossibilité d'être surpris de par son statut de machine, continua à préparer son attaque sans se soucier de la montagne de muscles qui se dirigeait vers lui. Bien mal lui en pris, car un coup de poing surpuissant ne tarda pas à être décoché par la Colosse, dans l'indifférence totale de Milobellus qui s'était contenté d'observer la scène. La force du coup projeta le Pokémon Acier contre la boîte au lettre Cadoizo dans un grand fracas métallique. Les diaphragmes qui couvraient ses yeux se fermèrent tous trois, et le Magnéton retomba sur le sol, K.O. Léonard, qui n'avait pu que regarder la défaite de Newton, tenta de le rappeler, mais ce fut sans compter sur la Mackogneur qui courrait dans sa direction... Dans la direction de Newton.
- Milobellus ! Cria Juliette. Qu'est ce que tu fais ? Empêche-le ! Tu ne vois pas qu'il est en train de s'acharner ?!
Le Serpent de Mer, d'un naturel calme et posé, regarda sa Dresseuse quelques instants, puis se pencha en arrière. Lorsqu'elle se redressa, elle lança un Laser Glace rapide en direction de Eugénie, laquelle, ayant repoussé Léonard sur le sol, se dirigeait vers le Pokémon Acier inconscient dans ce qui s'apparentait à un Coup-Croix. Mais, l'attaque Glace étant plus rapide que le Pokémon Combat, celui-ci se trouva emprisonné dans un bloc de glace translucide.
Léonard, tentant de se relever, rappela Newton dans un rayon rouge, alors que Juilette se dirigeait vers lui, la PokéBall de sa Mackogneur dans la main gauche. Il mit la main à sa ceinture, attrapa une HyperBall et la lança en l'air, retombant sur le sol par la même occasion. La sphère se dirigea dans la direction de Juliette qui, à la vue de l'objet, eut le réflexe de reculer. La Ball commença à s'ouvrir dans une lumière blanche, avant qu'un autre éclat, bleu celui-là, sembla l'arrêter. Celui-ci se propagea à tout l'appareil, le fixant en l'air. Une autre sphère, rouge et blanche, la rejoignit et toutes deux disparurent avant de réapparaître, réduites à leur taille minimale, dans la main gauche de Juliette, à côté de celle de Eugénie. La femme marcha vers son « adversaire », lui tendant la main droite.
- Viens, dit-elle à un Léonard perdu, en l'aidant à se lever. Je crois qu'une discussion serait vraiment la bienvenue...
-------------------------------------------------------------
- Voilà pour la compresse. Une bonne chose de faite. Tu peux reboutonner, maintenant.
Emma, un bandage bleu appliqué sur la poitrine, s'exécuta en rendant son sourire à l'infirmière. La douleur qu'elle ressentait quelquefois lorsqu'elle parlait, faisait un mouvement un peu brusque ou même encore respirait était très efficacement calmée par les compresses. Le simple fait de reboutonner cette chemise donnée par l'hôpital pouvait parfois, si elle n'y faisait pas attention, avoir pour conséquence cette douleur qui mettait tant de temps à se dissiper. Mais, avec les compresses, ça allait mieux. Qui aurait pu croire que du simple Anti-Para, produit pourtant courant, pouvait faire un tel effet ? Pas elle, en tout cas.
- Je vais devoir partir mademoiselle, dit l'infirmière aux cheveux châtains. Mais ne t'inquiète pas, Leveinard peux très bien faire ce qu'elle a à faire seule. A propos, t'as-on expliqué en quoi consiste le travail de Leveinard ? Je n'ai pas besoin de t'expliquer ?
Emma acquiesça silencieusement en souriant. L'infirmière lui rendit son sourire, puis quitta la salle, ayant préalablement indiqué au Pokémon Œuf de faire son office d'un signe de tête. Une fois celle-ci partie, le sourire d'Emma se transforma rapidement en grimace. Sans le vouloir, l'infirmière venait de lui rappeler ces deux mois qu'elle avait passés, inconsciente des soins qu'on lui avait donné. Oh, elle ne l'avait sans doute pas fait exprès, et Emma seule aurait pu comprendre ce rappel douloureux. Mais il était là. Emma se sentit tout à coup mal à l'aise.
Cependant, comme par un fait exprès, la douleur qui avait remplacé la souffrance physique ne tarda pas à être dissipée par un parfum. A la fois envoûtant et tranquillisant... Ce mélange d'odeur – car il ne semblait pas que Emma ait déjà pu sentir une fleur ou un Pokémon Plante dégager une telle odeur – avait un effet étrangement apaisant qui avait fait s'envoler le rappel de l'infirmière. Emma jeta un oeil à la Leveinard. Elle avait la tête lancée en arrière, les yeux fermés et ses deux petites pattes avant levées comme les bras d'une Exorciste de la Tour Lavandia qui ferait une invocation à Arceus lors d'un enterrement Pokémon. Le Pokémon semblait très calme et en même temps très concentré. Ses six «mèches» et son pelage rose étaient mus par une sorte de vent qui semblait provenir du Pokémon lui-même. Emma haussa un sourcil. Aromatherapy...
La jeune femme décida de faire comme le Pokémon Oeuf devant elle. Elle laissa sa tête en arrière, venant la poser sur le grand oreiller blanc de l'hôpital, enfonca son corps dans les couvertures et regarda d'un oeil absent le plafond d'un blanc immaculé. Elle se prit à fermer les yeux, et laissa ses pensées s'en aller avec le vent parfumé de l'attaque. Qu'il pouvait être doux de ne plus penser à rien, oublier les annonces qui avaient suivi son réveil, l'absence forcée de son père qu'elle aurait tant voulu voir rester... Soudain, le fait que le Magnéton transformé par une implantation d'Energie Zéro allait sûrement réapparaître un jour ou l'autre s'imposa à son esprit. Emma pris une grande inspiration de l'air « Aromathérapié » qui avait envahi sa chambre, comme si celui-ci avait le pouvoir de lui faire oublier cette réalité. Mais le souvenir de la peur et de la douleur que ce scientifique lui avait infligé la renforçait, la rendait plus forte que toutes les Aromatherapy du monde. Ce Magnéton rempli de Z.O.N.E tournait dans sa tête, libéré de toute chaîne Plante. Il passait et repassait, dansait presque dans son esprit.
Un Magnéton gavé de Z.O.N.E... Magnéton gavé... de Z.O.N.E... Magnéton... Z.O.N.E...
Puis, petit à petit, les mots Magnéton et Z.O.N.E finirent par flotter dans son cerveau, par se choquer, se repousser, puis par se heurter encore. Cette danse dura cinq longues minutes durant lesquelles Emma continuait de fermer les yeux. Elle pouvait presque voir les lettres formant ces noms se mouvoir dans le noir, quand tout à coup, elle se prit à sourire.
Magnéton. Z.O.N.E. MagnéZ.O.N.E.
Elle ouvrit les yeux, comme si la trouvaille de ce mot-valise avait réussi à arrêter la danse folle des deux mots qui lui avaient donnés naissance. Elle aperçut du coin de l'œil la Leveinard, toujours concentrée dans la tâche que son infirmière de maîtresse lui avait donné, puis releva la tête et redressa son corps en regardant le Pokémon exécuter son attaque.
- Lucas...
- Nooon ! Aide-moi, DARKRAI !!
L'observation du Leveinard par Emma fut interrompue par ce cri venant de la télévision. La jeune femme, interpellée, se tourna vers l'appareil. Une publicité, qui avaient toujours beaucoup plus forte que le film qu'elles interrompaient, en accord avec la politique de « non-respect du droit des téléspectateurs » adoptée par la plus grande chaîne de Kanto : Céla-TV, montrait les moments les plus riches en effet spéciaux du « Nouveau Blockbuster des Studios Doublon, basé sur le Roman à succès de Bobby Alexander », à en croire la publicité... Bof, de toute façon, le livre devait être sans doute bien mieux que cet affront commercial...
Une ombre pixélisée, censée représenter les griffes mystérieuses du Pokémon Dieu le plus noir de tout les temps apparut à l'écran, mais elle fut occultée par l'image d'un homme au visage sérieux, les tempes grisonnantes et les rides dissimulées par un abus de fond de teint. Il était assis dans une pièce qui semblait totalement transparente, les coudes sur un bureau en PVC censé être du verre. Un gros plan se fit sur son visage :
- Nous interrompons votre programme « les Flammes du GalopAmour », dit-il impassible, malgré le fait qu'il venait de citer le nom d'une des séries les plus niaises du monde, pour un flash spécial... Un phénomène de disparition de Pokémon a été observé. Il semblerait que les Magnétis de Kanto et des îles Sevii disparaissent, et ce depuis quelques mois. Ce phénomène ne toucherait pas seulement certains Dresseurs, mais serait bien d'une ampleur plus conséquente. En effet, de grandes infrastructures telles que des Centres Pokémon ou encore des bâtiments administratifs ont constaté une disparition des Magnétis dans leurs sous-sol, ce qui pourrait causer de nombreuses pannes de courant dans les bâtiments alimentés par le système Magnéti-6.0. Nous vous demandons donc une extrême prudence si vous possédez un de ces Pokémon. Toutefois, cette informationest à mettre au conditionel, ce phénomène ne semblerait pas concerner les Magnétis de version inférieure à la version trois point deux, de même que les Magnétons...
Emma s'était relevée sur son lit, les yeux grossis par la surprise. Par le choc de la nouvelle. Il était impossible que cela n'ait pas de rapport avec le MagnéZ.O.N.E...
Le moment tant redouté était donc finalement arrivé.
La Peur allait enfin avoir une raison d'être.