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Pokémons, Sucre et Rock'n'Roll de Cheshire-cat



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» Auteur : Cheshire-cat - Voir le profil
» Créé le 13/05/2009 à 22:03
» Dernière mise à jour le 13/05/2009 à 22:03

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On s'y brûle les ailes...
Elle appuya son front contre la vitre. Les rues défilaient les unes après les autres sous son regard. Le bus était plein comme un oeuf, et elle était contrainte de partager sa banquette avec deux petites vieilles. Heureusement que le point de rendez-vous n'était pas loin. Dix minutes d'hémorroïdes, de dentiers, de permanentes et d'arthrite, c'était déjà dix minutes de trop. Sans compter le désagréable parfum à la rose, probablement périmé depuis un siècle ou deux, dont elles s'étaient abondamment aspergées. Le bus s'immobilisa enfin, dans un soupir de freins. Enfin, son arrêt ! Elle sauta sur le trottoir avec allégresse. Moins elle était en contact avec les gens, mieux elle se portait... Sur ce point, elle ressemblait un peu à Abadon.

Yasha plissa les yeux et s'abrita du soleil du revers de la main. Où était ce foutu motel ? D'après le plan qu'elle avait dû mémoriser, il devrait être là... Son regard glissa sur un bâtiment étroit, miteux, écrasé entre deux immubles grisâtres. C'était sûrement ça. L'enseigne confirma son intuition, tandis qu'elle s'approchait. Motel Fruit de la Passion. Un nom sucré. Hypocrite. Surtout quand on savait ce qui ce passait réellement entre les murs lépreux de ces chambres baignées dans la lumière glauque de néons à l'agonie. Quelque part, elle était contente d'avoir été choisie pour cette mission. Son rôle était... Avilissant au possible et elle haïssait le personnage qu'elle incarnait. Mais l'idée d'être le châtiment, la punition largement méritée, pour l'un des dépravés qui tenaient lieu de clientèle à cet établissement minable, cette idée lui procurait une joie inimaginable.

Son oreillette grésilla, et elle fit mine de fouiller dans son sac-panda pour dissimuler sa grimace de déplaisir. La voix de Lysandre, toujours aussi sarcastique malgré le vernis de professionnalisme qu'il appliquait sur ses mots, lui résonna dans l'oreille.

"Sugar, ta chambre est réservée au nom de Candy Floss..."

Candy Floss. Barbe à papa. Très fin. Lysandre ne connaissait pas son vrai nom, tout comme elle ne connaissait pas le sien. Et il ne ratait pas une occasion de faire allusion au ridicule du surnom qu'on lui avait imposé quand elle avait signé ce putain de contrat. Elle n'avait pas eu le choix ! Tout le monde n'avait pas la chance de récupérer un prénom normal, comme lui. Sale veinard...

"Tu es sensée avoir rencontré ce type sur un tchat, toi sous le pseudo de RockLolly, lui en tant que PapaNoël... Un "pépé gâteau", tu vois le genre... D'où le costume."

Oui, elle voyait très bien. Le genre d'homme qui sortait uniquement avec des filles assez jeunes pour être ses petits-enfants et qui avait un disque dur plein de photos de mineures. Le genre d'homme qu'elle se faisait un plaisir de "corriger". Elle rajusta sa jupe, prit une profonde inspiration. Il était temps de mettre en place le masque... Elle laissa l'air sortir lentement par son nez, et quand elle releva le visage, Yasha n'existait plus. Ne restait que RockLolly, souriant de toute sa niaiserie, mâchant son chewing-gum avec enthousiasme, RockLolly la trop maquillée, RockLolly qui trottinait en direction du motel. Le maquillage facilitait l'illusion, mais sans plus. Non, cela avait toujours été son talent personnel. Elle pouvait devenir qui elle voulait, imiter une démarche, une voix, un regard, avec la facilité d'un metamorph. C'était bien pour ça qu'on l'avait recrutée. Pas pour son "extrême" sociabilité.

Le propriétaire des lieux lui remit sa clef avec un remarque salace qu'elle fit mine de ne pas comprendre, mastiquant bruyamment sa sucrerie rose. D'un battement de cils innocent, elle le salua, et grimpa les escaliers étroits. Chambre 23... En un regard, elle avait évalué la pièce. Ça serait parfait... Elle posa son rattata sur le sol et lui sourit tendrement. Il se dressa sur ses pattes arrière, sa queue en spirale bien calée sous son petit derrière, les yeux brillants. Elle fouilla dans la poche avant de son sac et lui tendit un biscuit. Abadon s'en saisit avec avidité... Et il l'enfourna plus vite qu'il n'en fallait pour le dire, couvrant au passage son pelage duveteux de miettes. Vraiment, vraiment trop adorable. Elle s'en voulait d'avoir à le mêler à ça. Il aurait sûrement été mieux avec un gentil petit garçon, pour jouer avec lui... Mais elle avait laissé tomber cette idée depuis un moment déjà. La dernière fois qu'elle avait laissé un enfant le toucher, Abadon avait manqué de lui arracher un doigt.

Quelques coups discrets à la porte. Derrière, le "pépé gâteau" était là. RockLolly reprit aussitôt les commandes, innocente et aguicheuse en même temps. Une fille un peu vulgaire, découvrant qu'elle pourrait réellement séduire des hommes plus âgés, mais trop bête pour en deviner les conséquences. Yasha, elle, flottait, lointaine. Elle tenait son rôle, sans trop y penser, répétant les phrases que lui soufflaient Lysandre pour prouver qu'elle était bien la petite gourde qu'il avait rencontré sur internet. C'était mieux de ne pas penser du tout d'ailleurs. Ne pas réfléchir. Sinon elle hésiterait, et ça, elle ne pouvait absolument pas se le permettre.

"Quel âge as-tu ?"

Il transpirait beaucoup, elle voyait avec une précision chirurgicale la moindre goutte de sueur dégouliner de ses tempes pour s'écraser dans son cou. On aurait dit un morceau de beurre sur un grill. Sauf qu'il ne savait pas encore que plus il fondait, plus il se rapprochait d'un Enfer de flammes. Elle lui répondit dans un souffle, les yeux flous, la voix un peu rauque...

"J'ai l'âge que vous voudrez.
-C'est vrai ?
-Même le Père Noël a droit à un cadeau...
-Je veux... Je veux que tu ais... quatorze ans...
-Vous aimez les petites filles, Papa Noël ? Vous êtes un vilain, vilain garçon..."

La main caressante se changea en poing, le cueillant à la tempe, et la lourde carcasse de l'homme valdingua dans les airs. Yasha se redressa, rajusta sa tenue. Elle avait l'impression de sentir encore ses mains sur elle... Eurk. Mais elle ne pouvait pas se permettre de vomir ici. Il ne fallait pas laisser de traces de son passage. Pas la moindre.
Déjà, le vieux porc se redressait, couinant de douleur, surpris. Ne comprenant pas encore que le piège s'était refermé sur lui. Elle s'accroupit pour se mettre à sa hauteur, souriant toujours avec le même air d'innocence, de douceur... Seuls ses yeux restaient froids, impitoyables derrière leurs lentilles bleues. Il allait payer. Il ouvrit sa bouche édentée pour parler, mais elle lui enfonça le canon du revolver qu'elle avait tiré de son sac dans sa gorge, lui coupant la parole.

"Monsieur Grantt... Je suis envoyée par un de vos amis... Un de vos amis très proches... A qui vous avez emprunté de l'argent. Une grosse somme. Vous vous souvenez ? Oui... Ne niez pas, vous vous souvenez. Votre ami est très triste Monsieur Grantt. Très, très triste... Il espérait que vous le rembourseriez, mais vous ne l'avez jamais fait. Vous savez ce qu'on dit ? Les bons comptes font les bons amis... Vous voulez être un bon ami, n'est-ce pas ?"

Elle sentit la nausée remonter. Il s'était pissé dessus. Répugnant. Se concentrer. Il fallait qu'elle reste concentrée. Elle n'était qu'une messagère après tout. Si la lueur de supplication dans son regard la rendait folle de rage, ce n'était pas à elle de lui crever les yeux.

"Un peu de sang froid, enfin... Il est toujours votre ami, il ne veut pas vous tuer... Ce n'est qu'un avertissement, rien de plus. Notre petit... tête à tête a été filmé. Je vais emporter la vidéo avec moi, et si vous tardez trop à rembourser votre emprunt, et bien nous la rendrons publique. Ce qui serait déplorable. Votre épouse risque de ne pas apprécier, à propos, c'est bien elle l'actionnaire principale de votre entreprise, non ? Et si malgré cette vidéo, vous tardez encore, votre ami sera au regret de devoir écourter votre... collaboration. Nous nous sommes bien compris ?"

Il hocha la tête frénétiquement, ses gencives se cognant contre le métal de l'arme. Satisfaite, elle se redressa et rappela Abadon qui vint se lover à sa place habituelle sur son épaule. Elle ressortit de la chambre sous le visage de RockLolly, aussi enthousiaste et bondissante que lorsqu'elle y était entrée, mais au lieu de sortir par la porte, elle enjamba la fenêtre et se laissa glisser le long de la gouttière jusque dans l'arrière cour. Le camion était là, un camion de marchand de glaces on ne peut plus banale... Elle se hissa dedans, et il démarra. Elle ôta sa perruque puis son oreillette et les tendit à Lysandre.

"Il a saisit le message ?
-Au poil. Tu m'offres une glace ?
-Crève."