Smirnoff, 3ème recueil de Domino

"Il y a plus subtil que la mort."
(Domino)




















Etienne marchait.

Il se retourna vers Dexter et Jade.

-Bon, on va s'arrêter ici et faire un autre exercice !

Les deux élèves posèrent leurs sacs. Etienne bailla.

-Un problème, monsieur ?

Etienne soupira.
-J'ai fait un mauvais rêve... Un rêve bizarre ou je me faisais tuer...

Dexter et Jade éclatèrent de rire.

-N'importe quoi !

-Vous, tué ? Bah voyons ! Ricana Jade. Pourquoi pas moi pendant qu'on y est !

-C'est vrai, c'est idiot... marmonna Etienne. Bon. L'exercice du jour, ça va être de m'aider à rentrer chez moi et à ne pas aller faire ces foutus exams ! Comme ça je reverrais mes enfants, je ferais un bon pot-au-feu et ma femme sera la plus heureuse des blondes !

-Ah ça ce serait cool ! Sourit Dexter.

-Et on irait manger des beignets ! S'amusa Jade.

-En effet... Bon, votre premier objectif est de retrouver ma femme et mes enfants !

-On y va, Jade !

-Oui, Dexter !

Il se mirent à courir devant Etienne, fier. Et bientôt, effectivement, il retrouverait sa femme et ses enfants...

Ses enfants...

Sa femme...

Retournons à la réalité, voulez-vous ?

Ou en étais-je, ah oui...

Etienne est mort.

C'est triste.

Et effectivement...

Il ne fut jamais retrouvé dans cette forêt.





En effet, quelques secondes après son décès, quelque chose bougea dans sa poche. Une créature en sortit.
Un certain Pachirisu surnommé Kenny.
Un peu secoué, il avait, attaché à sa queue par du scotch bio (La colle des normaux étant toxique) un dictaphone.
Pachirisu constata vite le décès de son maître. Inquiétude du Pokémon.
Il sautilla sur la poitrine et électrocuta légèrement le corps.
Ecouta le cœur puis recommença.
Et encore.
Il sentit alors que le cœur était reparti.
Mais que ça ne durerait pas.
Il ne pouvait cependant pas transporter seul son maître, il était bien trop petit.
En cherchant à la ceinture, il ne trouva aucun Pokémon.
Pachirisu paniqua.
Il devrait faire très vite pour rejoindre l'habitation connue la plus proche si son maître demeurait intransportable.
C'est alors qu'il constata vite après une rapide fouille qu'il n'était pas seul sur son maître. Une autre Pokéball gisait dans la poche intérieure. Pachirisu sortit celui qui s'y trouvait. A sa grande surprise c'était Erwan, le Capidextre.
L'écureuil électrique sauta de joie.
Mais le singe, lui semblait au comble du malheur. Il pleura Etienne, lui caressa la tête et soupira.
Pachirisu fit état de son dilemme à Capidextre qui comprit.
Il prépara un lit de feuilles qu'il attacha avec du bois tandis que Pachirisu partit à toute vitesse prévenir qui de droit.
Erwan plaça son maître sur le traineau de fortune et le tira jusqu'à l'hôpital le plus proche.
Pas question de laisser tomber Etienne. N'importe quel autre Pokémon aurait fui son maître. Pas Erwan. Ni même Kenny, le Pachirisu qui avait été capturé bien après lui. Il était clair qu'Etienne avait préparé tout cela mais il n'espérait pas du tout qu'Erwan le transporte. De même il avait basé la préparation de Pachirisu sur un coup de poker.
Il savait mieux que personne que les Pokémon sentaient la mort de leur maître et fuyaient celui-ci s'ils en avaient l'occasion. Les Pokémon ne s'attachent qu'à des choses vivantes.
Oh bien sur on a observé des cas de Pokémon qui se laissaient mourir près de leur maître. Ou même de Pokémon tristes pour eux.
En l'occurrence aucun n'avait pleuré son maître, ni même ne l'avait transporté jusqu'à un hôpital. Jusqu'à maintenant.

Erwan mit quatre heures à porter Etienne jusqu'à l'hôpital humain de Floraville.

Pachirisu atteignit en deux heures trente Voilaroc.

C'est Linda qui reçut le message sur le dictaphone. Surprise. Elle savait qu'Etienne avait rappelé Pachirisu mais pas qu'il reviendrait comme ça. Elle s'empara du dictaphone et appuya sur le bouton play pour lire la cassette.

"A la personne qui recevra ce message.
Si vous l'écoutez, c'est que je suis probablement déjà mort ou grièvement blessé..."

Inutile de dire que Linda éteignit le message et hurla de chagrin.
Roland, sa sœur et son frère, s'étonnèrent.
Linda mit quelques minutes à rallumer le dictaphone.

"Essayez de me chercher dans un hôpital de la région ou alors utilisez ce Pachirisu pour me retrouver... J'ai été assassiné, attaqué, ou assailli... Qu'importe, si vous recevez ça c'est quue Pachirisu est sorti de ma poche et vous a trouvé. J'ai été attaqué par mes élèves, Dexter Stone et Jade Moravia. Si quelqu'un trouve ce message, qu'il me trouve et tente de me secourir. Il y a peut-être encore une petite chance. Si ma femme trouve ce message..."

Elle arrêta encore, pleurant comme une damnée, maudissant la terre entière. Elle appela Kenneth, puis Lionel, puis Estelle, puis Linus, puis Charlie. Elle tenta huit fois d'appeler Travis. Sans succès.

Elle cria, maudit la terre entière. Elle attrappa Lily, la secoua en hurlant "POURQUOI !! POURQUOI !!" ce qui effraya particulièrement la fillette et ses frères.

Elle resta hagarde en les attendant, tous. Jamais elle n'avait eu à ce point besoin de voir des gens. Elle pleura bruyamment. Les secondes parurent des heures. Un temps elle voulut aller le chercher elle-même. Mais où ? Et elle pleura encore. Dire qu'il s'était peut-être fait massacrer, tuer... Si elle avait su elle l'aurait empêché de partir avec ces élèves.

Et pourquoi elle l'avait encouragé comme ça...
Mais quelle conne elle faisait.
Et bon sang mais pourquoi a t-il fallu qu'il fasse une dernière année ?!
C'est lui le con !
Quel vieux gros con !
Vieux gros con excentrique !
Mais elle l'aime !
Mais elle se raccroche à son image. Et la moindre photo lui donne des envies de larmes.
Elle ne peut même plus se retenir. Et elle pleure, et elle pleure.

Roland, Lily et David s'étaient enfermés dans la chambre de Roland en entendant leur mère hurler. Chacun serrant un Pokémon contre lui, Evoli, Rattata ou Paras.

Kenneth arriva avec Judith, les enfants, en même temps qu'Estelle et Jonathan avec les leurs.

Estelle pleura avec Linda.

Kenneth et Judith s'occupèrent des enfants et les rassurèrent. Roland se demandait ce qui se passait avec sa mère. Lily était apeurée. David hésitait à pleurer.

Jonathan faisait appel à ses connaissances dans les mairies de chaque ville. Il demandait à joindre les administrations des hôpitaux. Estelle, affolée, résista à l'envie d'appeler des morgues.

Il trouva Etienne qui avait été admis dans un hôpital à Floraville grâce à Erwan. Linus, Lucy, Norbert, Lionel, Charlie et Léopold s'y rendaient. Jonathan annonça la nouvelle. Linda manqua de lui casser le dos en le remerciant.

Ils prirent la voiture, direction l'hôpital.

Sur le chemin, Linda tenait toujours le dictaphone.
Voulait-elle entendre le message d'Etienne ?
Non.
Elle ne voulait pas.
Et puis c'était sa voix, c'était peut-être tout ce qui restait de lui.

Après ça, elle n'aurait plus rien.