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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 29/04/2009 à 20:25
» Dernière mise à jour le 27/05/2012 à 23:19

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 21 : Le calme avant la tempête...
Chapitre 21


La salle de bains dans laquelle Eléanore pénétra était des plus hétéroclites. Construite entièrement en bois, une sorte de bassine surélevée faisait office de baignoire, profonde mais petite, toute ronde avec un couvercle. Plusieurs serviettes pendaient aux murs, un lavabo de porcelaine et d'acajou trônait au milieu, dépeuplé de produits de beauté. Après tout, c'était une salle de bain de mecs. Elle vit une sorte de mosaïque dans les teintes chaudes qui faisait le tour des meubles, et mettait en relief la fenêtre en vitrail.

Alice la mena derrière l'auvent, décoré par un dessin de Poissoroy, elle lui passa un T-shirt trop grand et une sorte de boxer.
-Pour te changer, expliqua-t-elle alors qu'elle commençait à faire couler le bain. Elle abaissa une sorte de tuyau en bambou, en enleva le bouchon et activa un poêle sous l'estrade de la baignoire.

Eléanore se dévêtit docilement et vint rejoindre la jeune femme. Elle la fixa un moment, sceptique. Elle était magnifique, avec sa chevelure flamboyante. Le visage tout en finesse, elle ne ressemblait pas du tout à son frère : même si Daniel avait du charme, ce n'était pas un canon. La concernée, sentant l'intérêt qu'on lui portait, se retourna et sourit.

-Alors... Moi, c'est Alice ! Je suis l'aînée de la famille. Ton nom, c'est Eléa, c'est ça ?
Exténuée, la dresseuse répondit faiblement par un « oui... Enchantée. »
Elle posa ses prunelles d'émeraude sur une glace qui s'embuait peu à peu. Miyu se reflétait sur la surface opaque, il paraissait la narguer. Se rendant compte qu'elle ne portait qu'une serviette sur elle et que son ami imaginaire était un garçon, l'adolescente piqua un fard monstrueux.

Alice s'approcha de son invitée, et la contempla longuement, la jugeant des pieds à la tête.

-Ouais... T'es mignonne quand on y prête attention. Avec ta mine renfrognée, on le voit pas, mais dès que tu dors ou que tu rougis... Mon frangin te mérite pas !

Elle éteignit l'eau.

-Elle doit pas être très chaude - avec ta fièvre c'est préférable - mais comme prendre un bain froid, c'est odieux, j'ai quand même chauffé l'eau... Allez, je te laisse, je vais engueuler l'autre, je vais lui faire rentrer une bonne fois pour toutes qu'on ne s'approche pas des filles de trop près sans se prendre un coup comme tout-à-l'heure !

Eléanore attendit qu'elle parte de la pièce avant de se glisser dans le liquide. Le contact lui fit un bien fou, ses muscles contusionnés se détendirent. L'atmosphère protectrice et étouffante du bain contrastait avec le temps immonde qui fouettait les vitres dehors.

Seule, l'esprit plus claire et libérée d'un elle-ne-savait-quoi, Eléanore put analyser plus clairement la situation, et avant tout son état. Elle ferma les yeux et démêla le tissu emmêlé de ses sensations.

Tout son bras droit, elle ne le sentait plus du tout. Des marques noires s'accumulaient autour de ses articulations, ses pieds étaient indiscernables sous les taches sombres. Elle remarquait aussi, assez sereinement bizarrement, que les cicatrices des morsures d'Abo avaient enflé et montraient le même genre de tache. Son corps faisait peine à voir.

-Ouais... C'est dommage, quel gâchis !

Miyu, devant elle, toujours flottant dans les airs avec son visage moqueur, eut un sourire après son commentaire.

*silence*

-AHH !

Elle envoya une bonne claque au concerné qui passa au travers comme tout-à-l'heure. En désespoir de cause elle plaqua ses bras contre sa poitrine et croisa les jambes, aussi rouge qu'un Voltorbe.

-Je te l'ai dit, ça ne sert à rien... Et puis, tu en fais des histoires... Quand même, je t'ai déjà vue nue avant.
-L-l-là c'est d-différent ! Puis-Puis pourquoi tu reviens d'un seul coup comme ça ?! Balbutia-t-elle.
-C'est exactement pareil qu'avant... Comme si tu avais à craindre quoi que ce soit devant un ectoplasme, d'toutes façons. Et puis, arrête de parler à haute voix, on va te prendre pour une folle. Chuchote ou penses-y - nous ne faisons qu'un, ne l'oublie pas.
-Rép-réponds ! Qu'est-ce que tu fais ici ? Ah, c'est affreux je parle à un ami imaginaire, à douze ans... Bientôt treize ! C'est... c'est ridicule... Qu'est ce qui m'est arrivé... ?

Elle fronça les sourcils, tentant de se remémorer les derniers évènements, mais elle ne parvenait qu'à rassembler des images floues et sans aucun sens. En revanche, elle se souvint d'une sensation agréable, se détachant de la souffrance qui avait assaillit son corps, celle d'une main prenant la sienne et la serrant tendrement. Celle de Danny ?
Elle retint un sourire, son cœur se gonflant d'allégresse sans raison.

-Yop... Ouah, qu'est-ce que t'as l'air débile avec cet air bête sur le visage... Commenta Miyu avec une moue désabusée.
Eléanore sursauta, trouvant cette phrase bien trop familière à son goût.
-Sinon, si tu veux, je peux répondre rapidement à tes questions... ? Ou tu préfères penser à tes amis pendant des heures ? Perso, je crois que la première option est meilleure.
Eléa plongea la tête dans l'eau. Elle avait presque oublié à quel point la personnalité de Miyu était agaçante...
Néanmoins, petite, sa présence l'avait tellement aidée... Le jour où elle avait compris ce qui l'attendait comme destin, sans l'apparition de son ami imaginaire, elle n'aurait jamais pu surmonter l'épreuve. Elle se souvenait de cette nuit dramatique, où, enroulés dans les couvertures, fixant le songe, ils avaient discuté longuement sur la mort. Même si ce personnage n'était qu'un rêve, il l'avait sauvée, sauvée de cette peur paralysante qu'est la mort, c'était indéniable.

-D'accord... Dis-moi un peu... Pourquoi es-tu réapparu ?
L'homme fit une pirouette et sourit, avant de répondre avec enthousiasme :
-Ouais, enfin ! D'abord, je n'ai jamais vraiment disparu, qu'est-ce que tu crois ? C'était juste que tu étais trop bornée pour accepter ma présence. Tu sais que tu as un caractère de Malosse ? A chaque fois que je faisais quelque chose pour toi, tu songeais "super j'ai des pouvoirs, oh, c'est Ash qui me parle !" Pfou ! Quelle plaie. Heureusement, dans la caverne, ton esprit était trop affaibli pour nier ma présence, et j'ai pu revenir !
-Dans la grotte, que s'est-il passé ? S'enquit Eléa, assimilant difficilement son discours.
-Tu es bien trop réceptrice aux sentiments. Tu ne contrôles pas bien tes aptitudes, et de ce fait tu n'as pas su fermer ton esprit qui a capté toutes les souffrances des Pokémons alentours dans la grotte. Jamais vu un endroit où on criait à l'aide avec autant de désespoir...
-Mais pourquoi ça m'a mis dans cet état ? Et puis... Comment ça se fait que j'ai cette aptitude ?

Cette fois, elle n'avait pas vraiment de mal à accepter cette idée : elle avait eu cette sensation étrange d'être elle et en même temps d'être un autre, ça, elle s'en rappelait.

-Parce que tu es malade. Tu en poses, de ces questions stupides... Seules nos deux volontés te permettent de combattre ce foutu venin, alors forcément dès qu'il y en a un qui flanche, tout se déséquilibre et le venin se lâche ! Surtout avec tout ce que t'as chopé la dernière fois. Quelle idée, aussi, de s'amuser près d'un nid de Abos ! Crétine.
Eléanore s'enfonça à nouveau dans l'eau jusqu'au nez et cracha un juron dans l'eau.
-Je lis dans tes pensées, ne l'oublie pas... C'est vraiment méchant ce que tu viens de dire ! S'offusqua l'être. Et puis pour tes aptitudes, j'avoue que moi même j'ignore pourquoi tu en es capable...

La jeune fille se redressa, de mauvaise humeur, et une dernière question s'imposa à elle.
Tellement évidente qu'il lui sembla absurde de ne pas l'avoir posée en premier lieu.

-Miyu... Commença-t-elle, fixant le liquide ondulant à ses moindres mouvements. Qu'est-ce que tu es, exactement ?
-Pas un ami imaginaire, en tout cas... Rétorqua simplement le garçon, peu concerné par l'interrogation. Mais je ne peux pas t'en dire plus, il est des choses que les êtres de chair et de sang ne doivent pas savoir, et celle-là en fait partie. Un jour, peut-être, je te raconterai...
-Alors tu es quoi ?
-Tu écoutes, bon sang ?! J'ai dit, un jour, dans le futur, crétine, pas maintenant ! Allez, dépêche-toi de sortir du bain avant d'être toute fripée... Ash s'inquiète pour toi, et probablement tous tes amis veulent te voir...

Eléanore sortit de la baignoire et la vida, elle se dirigea vers l'auvent pour prendre les habits. Elle avait retrouvé un peu de souplesse, même si sa vision s'était restreinte et qu'elle avait du mal à se situer dans un espace avec la même force qu'avant. Au moment de disparaitre derrière l'auvent, elle se tourna et jeta un regard au garçon jouant les cosmonautes au dessus du lavabo.
-Si je te vois me regarder, je te jure qu'esprit ou pas, tu le sentiras passer... lâcha-t-elle froidement.
Elle se cacha derrière la paroi avec pudeur.
Miyu contempla son cirque et poussa un soupir exaspéré :
-Comme si y avait quelque chose à regarder...
-Je t'entends aussi, spectre à la gomme.
-Alléluia !

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

-Monsieur Gold ! Monsieur Gold, ils annoncent à la météo une alerte rouge pour toute la nuit ! C'est incroyable, non ?! La neige, puis un Typhon !

La voix de Chris, stridente, manqua de lui percer les tympans. Il n'arrivait pas à dormir, certes, mais ce n'était tout de même pas une façon de réveiller les gens.

-Angie ? Qu'est-ce que tu fais ?

L'ex-voleur, coupé dans son élan, s'arrêta, pantelant sur le seuil de la porte, en mode gobe-mouche, avec un regard d'autoroute.

Sa compagne, dans la chambre également, était venue mettre de l'ordre dans leurs affaires quelques heures plus tôt, et avait profité de l'occasion pour, sur la demande de Gold, coudre la plume argentée au sac du concerné.
La surprise laissa son coéquipier les bras ballants. Il lui fallut plusieurs minutes pour intégrer les explications.

-Oh, ce n'est que ça ! Bon, très bien, je vais chercher monsieur Silver alors, il faut pas qu'on soit séparés pendant la tempête !

Gold se demanda à quoi cela pouvait ressembler d'avoir le cerveau de ce Christopher. Il semblait indiscernable, un peu comme un grand gamin qui avait un talent indéniable pour l'informatique, mais totalement abruti pour le reste. Comment lui expliquer qu'ils ne risquaient rien à l'intérieur du centre face à la tourmente ?

Avec amertume, Gold se résigna à se lever et à partir à la recherche de Silver lui aussi. Un peu plus tôt, il lui avait filé mal à la tête, et si par malheur Chris trouvait le rouquin alors que celui-ci subissait toujours des douleurs au crâne, Gold ne donnait pas cher de la peau de l'ex voleur. Lui-même, ayant connu cela, avait eu du mal à s'en remettre.

Le long du couloir, les questions l'assaillaient les unes après les autres. S'il aurait souhaité qu'elles se tournent professionnellement vers Sacha ou Peter, il n'en était rien en réalité. Les évènements des derniers jours hantaient ses pensées.

Cette fille, le repaire Rocket, et plus que tout l'étrange comportement de son coéquipier.
L'amour ?
Non certainement pas, d'abord le roux le niait farouchement, ensuite, il ne voulait même pas songer à cette possibilité tant elle l'exaspérait.

Non, Silver n'était pas amoureux de cette Samantha. Hors de question.
Alors quoi ?
La réaction du roux protégeant son coude lui revint en mémoire. Deux fois déjà, et ce genre d'action excessive ne lui ressemblait pas... Il cachait quelque chose, exactement comme il l'avait fait pour les blessures de son dos. Il se remémora dans un rire leur entraînement commun où le roux ne se changeait jamais en public, et qui plongeait tout habillé quand il n'avait plus d'autre choix. Finalement, Gold avait su pour le dos de son camarade par hasard. Ce coup-ci, hors de question d'attendre un an pour ça, il allait prendre le Tauros par les cornes !

Justement, quand on parle du loup... Silver se trouvait à l'accueil, sur un des sofas du centre. Il observait une photo encadrée et accrochée au mur, au dessus de la TV. Gold plissa les yeux pour l'étudier ; elle montrait une convention d'infirmières Joëlle, avec leurs progénitures - l'abondance de cheveux roses et de blouses blanches ne laissait aucun doute - et pourtant, au milieu de cette vague colorée, une tâche bleutée et noire flottait toute seule comme un naufragé.
Gold faillit faire une crise cardiaque.
Encore la fille ! Mais... mais... Même en photo, elle les suivait !
Le rouquin, perdu dans ses réflexions, marmonnait des bribes de pensées confuses. Le brun tendit l'oreille.

« Elle est la fille adoptive d'une des Joëlle, alors... A quel âge a-t-elle pu être adoptée... ? Réfléchis. Un nouveau né, comment évalue-t-on son âge ? Auraient-ils pu faire une erreur ? ... J'en sais rien, j'en ai jamais vu, de gosse... Rah, ça m'énerve ! »

Houlà, ça allait exploser. Gold jugea préférable de se retirer : à ce stade-là, quiconque s'approcherait de lui risquait de le payer cher. Il fit un pas en arrière, à contrecœur, laissant son dessein pour plus tard. Malheureusement, Chris arriva à l'accueil et, voyant le rouquin, il se précipita sur lui sans se soucier des avertissements du brun.

-Mr Silver ! C'est dangereux, il faut se dépêcher de s'abriter, on annonce un typhon !!Ne vous en faites pas j'ai tout...

Il ne put finir sa phrase, statufié sur place par un regard noir foudroyant, quasi pétrifiant, digne de la gorgone.
Il l'avait prévenu, cet idiot, pourtant... Ne jamais déranger Silver alors qu'il avait mal au crâne, c'était la première règle de survie avec lui !

Gold abandonna le pauvre voleur à son triste sort, et attendit que l'orage passe tranquillement. Les deux.
Mais il n'allait pas s'arrêter là : dès que la tempête cesserait, il reprendrait l'investigation.
Les deux.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Akira, la joue contre la paroi vitrée, contemplait passivement la pluie tomber à flots et le vent fouetter les arbres de la forêt.

Quelle guigne... Ils étaient bloqués à l'intérieur. Il se pinça pour être sûr qu'il ne cauchemardait pas.

Affalé complètement dans le bow-window, le visage défait, Yuki comptait les secondes qui passaient avec une lenteur phénoménale. Shinobu parlait avec entrain avec la petite Rebecca, et essayait de lui apprendre à jouer au gô.
Il avait toujours adoré les gamins, et montrait une patience d'ange avec eux. D'après Lily, ils se ressemblaient sur ce point, mais Akira savait qu'elle disait ça pour lui faire plaisir. Il faut dire que le jour de l'examen technique, il avait été le seul élève à se servir des Pokémons pour éviter la « course-poursuite » dans les couloirs pour rattraper un « élève délinquant ». C'est tellement plus simple de lancer un regard noir à l'assemblée pour les empêcher de fuir, il ne voulait pas se fatiguer à plaquer un élève au sol pour l'emmener chez le dirlo après.

-Bravo ! Tu es très douée ma petite Rebecca ! S'exclama Shinobu dans un rire.
La concernée piqua un fard et sourit timidement.

Pathétique, il la laissait gagner en plus... Elle n'apprendrait rien comme ça - et il voulait partir ! Un peu plus et il se mettait à imiter un Skitty grattant à la porte pour sortir faire ses besoins.

-Dites-moi... Puisque nous sommes coincés un bout de temps ici... Pourquoi êtes-vous venus, tous les deux ? Akira, qui est cette petite fille adorable ?

Le professeur eut un rictus nerveux, griffant profondément la vitre en face de lui. Il voulait partir.

-Ma fille ! Lâcha-t-il, celle que j'ai eu avec Lily ! Répondit-il avec méchanceté.
Son aîné lâcha les pions qu'il tenait, amoché par la pique. Yuki fut heureux de son petit effet. Rebecca, quant à elle observa le manège avec surprise.
Shinobu se tourna vers la gamine et la toisa de haut en bas, abasourdi.

-Ma... mais tu as quel âge ? balbutia-t-il.
-Bientôt sept ans ! S'exclama l'enfant, naïvement.

Il y eut un blanc. Sur le coup, Akira crut que son frère allait tourner de l'œil, mais au contraire, celui-ci lui jeta un regard noir et lança à son cadet :

-Très drôle, monsieur le comique...
-Je sais, je suis hilarant ! Ha-ah-ha ! Rétorqua le brun avant de retourner à sa contemplation de la pluie.

°Arrête-toi, stupide pluie ! Arrête-toi !° Songea-t-il avec un grimace furieuse.

Shinobu, derrière lui, parut attristé par la réaction de son cadet ; il baissa ses yeux bleus et toisa la table de jeu avec mélancolie. Puis il retourna dans le jeu avec Rebecca, qui lui expliqua qu'elle était fan des chansons de Mr Yoite.

-C'est vrai ? Dans ce cas, je te dédicacerai un album... Et si tu peux venir au bar où je travaille tous les soirs, je t'en dédierai une.
Les yeux de la petite s'illuminèrent de joie et d'étonnement.
-P-Pour de vrai ? Bafouilla-t-elle, rouge.
-Puisque je te le dis ! Je tiens toujours parole, ne t'en fais pas.
-Presque toujours. Rectifia Akira dans son coin.

Ils contemplèrent le silence ambiant avec peine. Finalement, voyant bien que son frère s'enfermait à nouveau dans son mutisme, Shinobu revint auprès de la petite.

-Dis-moi, comment as-tu fait pour avoir mon adresse ?
-C'est Daniel qui me l'a donnée, c'est mon grand frère.
-Oh, tu es donc la sœur de Daniel ! J'aurais dû m'en douter, avec une aussi jolie bouille ! S'exclama le brun.
-Dis-moi, comment un gamin peut trouver aussi facilement ton adresse alors que même ta famille ignore si tu es en vie ou non ? Balança Akira avec ressentiment.

Son double s'arrêta de respirer un instant, puis il reprit son air habituel avant de répliquer :

-C'était un hasard... J'ai tout fait pour garder mon identité secrète, j'ai changé de nom, et même pris un pseudonyme pour écrire... Mais Daniel a travaillé dans le bar où je chante tous les soirs, il jouait du piano dans l'orchestre - parfois du violon et de la guitare quand il y avait un imprévu - et quand il a reconnu la chanson, il m'a demandé mon adresse. Ensuite, il est parti en voyage initiatique, et je ne le revois plus... Il nous manque un joueur, maintenant !

Il eut un rire, Rebecca enchaîna en lançant des louanges à son frère et à ses aptitudes pour la musique. Yuki, cependant, ne parut pas convaincu par la réponse de son frère. Ou plutôt, elle lui resta en travers de la gorge.
Les heures passèrent sans que la tempête ne se calme, en silence. Rebecca finit par appeler sa mère pour la prévenir qu'elle était à l'abri et qu'elle resterait pour la nuit s'il le fallait, que Mr.Yoite était d'accord. Elle finit d'ailleurs par s'assoupir sur le canapé à force d'attendre, bercée par le bruit de la pluie.

Une fois fois qu'il l'eue couverte, Shinobu se tourna vers son frère et lui demanda s'il désirait manger quelque chose, mais Akira l'ignora. Il allait partir chercher quelque chose à grignoter pour lui quand, enfin, le brun se leva et se planta devant lui.

Ils étaient presque de la même taille, constata-t-il.
-Pourquoi est-ce que tu as fais ça ? Pourquoi tu m'as mis moi - et seulement moi - dans la confidence ? Pourquoi tu m'as appelé seulement trois semaines plus tard ?! Tu imagines l'enfer ?!
-Je suis désolé de vous avoir infligé cela... S'excusa son double, le cœur gros.
-On s'en fiche, des autres ! Mais tu te rends compte du calvaire que ça a été pour moi ? J'ai dû faire une oraison funèbre ! J'ai dû... J'ai dû... C'est Lily qui m'a ramassé à la petite cuillère le jour de l'enterrement, je n'ai même pas été capable de m'habiller seul ! S'écria Akira en serrant les poings.

C'était plus fort que lui, il fallait que ça sorte, que ce poids sur sa poitrine saute, que tous ces souvenirs cessent de s'imposer à lui. Il ne voulait pas blesser ce frère qu'il admirait, qu'il aimait, il voulait encore moins le mettre sur le banc des accusés, mais il désirait comprendre, être libéré, libéré de ce secret.

-Akira... Je suis désolé...

Cette phrase eut le don de le mettre hors de lui.

-Mais je m'en fous que tu sois désolé ! Je veux que tu voies tout ce que tu as causé comme dégâts ! A tout garder pour toi, à ne faire confiance à personne, à ne rien dire de ta fuite !
-Oui... On se ressemble sur ce point. Avoua Shinobu.

Akira fut pétrifié par cette phrase, il se redressa et fixa avec étonnement son frère, qui, la tête basse, les pupilles bleues prises dans la tourmente, n'osait lui renvoyer son regard.

-Ce n'est pas pareil, mon jardin secret n'a jamais blessé person...
Il arrêta sa phrase, repensant à Lily et à leur rupture à cause de ses absences répétées. Ce n'était pas la même chose : lui, il avait besoin de cette part de mystère, pour faire le point, pour faire ce qui lui plaisait, pour échapper à cette vie oppressante de temps en temps.
Il sursauta ; exactement comme la fuite de Shinobu, sauf que lui, c'était devenu une nécessité vitale.

Akira grimaça, fronça les sourcils et se mordit la lèvre. Il détestait l'admettre, mais Shinobu avait raison, et il le comprenait. Finalement, sa conscience était revenue.
Il observa à nouveau son aîné, hésitant, demandant muettement pardon pour son comportement, le concerné sourit timidement et l'étreignit avec joie.

-Si tu savais comme tu m'as manqué... Murmura-t il. Je veux que tu me racontes tout, tout ce qui s'est passé depuis... qu'est devenue Lily ? Et les parents ? Ton travail... Tout...
-A la seule condition que tu me racontes aussi... Ajouta Akira, ne pouvant retenir un faible sourire à son tour.

Chez eux, les étreintes n'étaient pas permises, la culture du pays natal de leur mère obligeait la pudeur. Mais les deux garçons n'avaient jamais respecté cette règle, elle était stupide.

Ils prirent place devant le gôban et recommencèrent une partie. Comme avant... Ils avaient toujours procédé ainsi, un coup après l'autre, un secret après l'autre, c'était leur mode de communication. Mais cette fois, Yuki mit une pâtée à son aîné en quelques tours. Il ne fallait pas abuser, ça c'était pour sa fuite, et le calvaire qu'il avait vécu. Maintenant, ils étaient quittes.

Shinobu lui confia ce qu'il savait déjà, son échec pour l'école de sociologie, sa peur de rentrer chez lui, et finalement son choix. Il avait tout pris, toutes leurs économies, il avait dit adieu à Chapignon et avait jeté sa pokéball avec son sac - vérifiant qu'il ne risquait rien, tout de même - dans la rivière. Il fallait qu'on le croie mort, sinon jamais il ne pourrait refaire sa vie, les parents l'auraient cherché jusqu'au bout du monde pour le ramener par la peau des fesses. Une fois dans le train, il avait décidé de s'établir à Azuria, une petite ville où il n'attirerait pas trop l'attention, contrairement à Safrania. Il avait rapidement trouvé un petit studio et un travail dans un bar. Un travail qui avait abouti - il ne savait lui-même comment - à une carrière de chanteur chaque soir. Les managers avaient afflué et il avait pu se mettre à écrire de petites histoires, se trouver cette maison, et s'installer...

Akira sortit Chapignon de sa pokéball pour leur permettre des retrouvailles ; le Pokémon ne se priva pas et se jeta dans les bras de son dresseur, manquant de le paralyser avec sa capacité spéciale. Shinobu constata avec plaisir les progrès de son ami, et fut heureux de voir qu'Akira s'occupait bien de lui.

-J'ai eu peur que tu le délaisses par colère ou par flemme pendant un moment. Avoua-t-il, confus.
-Mais qu'est-ce que vous avez tous, à me prendre pour un gars irresponsable ?! S'emporta le brun avec exaspération.
-Bah, tu n'es pas vraiment un exemple non plus... Analysa Shin par plaisanterie.
Akira grommela dans sa barbe mal rasée, préférant ne pas relever la remarque.

-Dis... Et Lily... ? Bafouilla Shinobu au bout d'un moment. V-vous, enfin, elle va comment ? Demanda-t-il.
Son cœur battait si vite dans sa poitrine qu'Akira aurait pu l'entendre de là où il se trouvait.
-Je ne sais pas, nous ne sommes plus ensemble. Lâcha-t-il en prenant un air aussi détaché que possible.
-C-C'est vrai ? M-mais comment ? S'exclama son aîné. C-ce n'est pas à cause de moi, au moins ?
Son visage se peignit de tristesse et de culpabilité, et pourtant Akira voyait bien au fond de ses pupilles l'espoir, l'amour qu'il portait à la brune et qui se réveillait.
-Ne sois pas si présomptueux, cracha Akira. Si on a rompu, c'est parce que ça ne marchait plus. Alors c'est vrai que ta fuite a accéléré les choses, et que tu n'étais plus là pour me donner des conseils, mais tu n'es pas responsable de ça !
-Alors, qu'est-ce qui s'est passé ?
-Je ne voulais pas lui révéler mon secret... La raison de mes absences...
-Arf, mais tu es un idiot ! Perdre une telle perle pour si peu ! S'emporta Shin.
-Puis les parents se sont mêlés de ma relation et ils ont voulu que je la demande en mariage.

Son frère faillit basculer en arrière et s'étaler au sol, blanc comme un linge, les yeux écarquillés. Il s'écria :

-Et tu as dit non ?!
-J'avais pas envie d'être piégé à vingt ans ! Ils voulaient ce mariage seulement parce que Lily venait d'une famille influente et riche. Tu sais combien Lily s'est battue pour qu'on la voie grâce à ce qu'elle était et non pas à son nom... Je pouvais pas faire ça...
Le visage dépité de son aîné montrait qu'il comprenait ses sentiments mais qu'il ne les digérait tout de même pas. Lui, aurait probablement accepté sans l'ombre d'un doute.
-Et puis... Le mariage, c'est chiant ! Faut trouver un magasin, une bague, lui demander, puis préparer la cérémonie, les costumes... Non, c'est lourd... Je me marierai pas pour tout l'or du monde.
-Vive le concubinage, si je comprends bien... Plaisanta son frère.
-Vive le célibat ! Rétorqua Akira. Pas de casse-pieds du tout, c'est encore mieux !

Shinobu soupira, mais sourit. Il était trop heureux de revoir son frère pour le contredire.

-Est-ce que je peux lui dire maintenant, que tu es en vie... ? Demanda Akira, reprenant sa contemplation de la tempête. Elle t'aime, tu sais ?
-Non... Je ne saurais pas quoi lui dire... Je n'ai jamais été fort pour ça, de toutes façons. Allez, changeons de sujet !
-Attends, j'ai peut-être encore une photo d'elle dans mon portefeuille... Se précipita Akira, déçu par le comportement de son aîné.

Il farfouilla dans sa poche, et finit par en extirper une sorte de chose en cuir usé. Il regarda à l'intérieur, laissant de côté les factures et les tickets de caisse, abandonnant sa carte bleue...
Shinobu jeta un coup d'œil par-dessus son épaule.
-Mes cheveux ont poussé, hein ? J'ai la flemme d'aller chez le coupe-tif... Plaisanta Akira tout en continuant ses recherches.
-Je le savais déjà, tu sais, je regarde la télé moi aussi... Je vois tes exploits.

Yuki ne répondit rien, il venait de mettre la main sur un cliché. Mais pas de Lily.

-Qui est-ce ? Demanda son frère.
-Mon élève... C'est la photo que j'ai prise au cas où elle disparaîtrait pendant le voyage encadré...
Il évita de préciser qu'il avait bien failli la perdre, effectivement.

-Elle n'a pas l'air très amical... Commenta Shin. Probablement parce qu'elle t'a comme prof. Je la plains, la pauvre... Je suis sûr que c'est elle qui te surveille plus que l'inverse.
-Tu n'as pas tort... Répondit Akira.

Il admira la photo. Samantha devait avoir treize ans dessus, elle tenait Poussifeu dans ses bras et lisait un livre sur la médecine, posé sur ses genoux. Ses longs cheveux soyeux encadraient sa frimousse sérieuse, à peine retenus par la plume dont elle se servait comme barrette. Les sourcils froncés, concentrée, elle n'avait même pas remarqué qu'on la prenait en photo. Contrairement à son maudit Pokémon qui lui avait fait payer ce geste.
Il songea à la Samantha dont il avait la charge à présent, une fillette beaucoup plus épanouie, souriante, joyeuse... Avec un sourire magnifique, et des yeux brillants, ensorcelants...

-Mais elle sourit de plus en plus, maintenant... Fit-il, ailleurs.

Shinobu ne répondit rien, absorbé par l'expression inhabituelle de son frère.
Une autre image tomba du foutoir qu'était son portefeuille. Cette fois, on y voyait bien Lily. Elle portait une robe pourpre, moulante, avec de la dentelle. Elle semblait s'ennuyer, et emberlificotait autour de son doigt une mèche de ses cheveux longs. Ses grands yeux cerclés de cils se perdaient dans l'infini.
L'aîné des Yuki resta béat devant la photographie.

-Je te la donne si tu veux, lâcha Akira.
-Merci...

Il voulait que son mot englobe tout ce qu'il ressentait : merci de ne plus lui en vouloir, d'être toujours près de lui, de lui avoir pardonné, d'être toujours le même...
Shinobu laissa une larme lui échapper.
Merci de lui rappeler qu'il n'était pas si seul, après tout.

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Samantha ne lâchait plus l'un des Wattouat. Elle adorait ces petites créatures, et Mr.Yuki lui avait pris sa peluche à leur effigie.

-C'est tout doux... Commenta-t-elle en serrant le Pokémon dans ses bras.

Lucas la regardait, enroulé dans une couverture, sirotant une citronnade, cette fois. Avec la pluie, tout son gel était parti, et ses cheveux lui tombaient sur les yeux, mèche par mèche.

-C'est trop MIGNON ! S'exclama soudain l'adolescente dans un cri aigu.

L'assemblée sursauta, stupéfaite par sa réaction.

-Dis... Aurais-je déteins sur toi ?

Une voix venant de l'escalier retentit tendrement à leurs oreilles. Eléanore descendit lentement les marches une à une. Ses membres tremblaient à chacun de ses mouvements et elle avait des cernes immenses, sans oublier ces taches qui lui couvraient le corps, mais elle était là, devant eux, réveillée.

Elle leur fit un signe de salut.

-Yo ! Je suis désolée de vous avoir inquiétés ! Mais franchement, le cas de Sam est plus grave que le mien, je pense !

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase : les deux amis se levèrent et se jetèrent sur elle pour l'étreindre avec soulagement. Elle bascula, et tomba sur le cul avec un gémissement douloureux et un cri : « C'est comme ça que vous traitez les convalescents ! ». Malheureusement pour elle, sa protestation se perdit dans le fou rire et les sanglots. Sam serrait fortement le T-shirt de la jeune fille, hoquetant, laissant couler de grosses larmes de Mysdibule. Elle avait eu si peur de ne jamais la voir se réveiller, si peur de perdre sa toute première amie. La vision de ce sang se mélangeant à la boue l'avait tant tourmentée, hantée ces dernières heures. A chaque fois qu'elle y songeait, un haut-le-cœur la prenait et l'envie de crier au secours la saisissait.

-Tu vas bien... Merci Arceus, tu vas bien... Balbutia Sam entre deux sanglots.
-Bah oui, qu'est-ce que tu crois ? Je suis solide, moi ! Regarde un peu ces biceps ! S'enthousiasma Eléa.
Elle fut un peu trop sûre d'elle car un flash la prit et elle faillit tomber à nouveau. Lucas la rattrapa de justesse avant qu'elle ne heurte le sol.
-Hahaa... Rit-elle mollement. Pas tant que ça, finalement...

Ils l'aidèrent à se mettre sur ses jambes. On lui présenta un à un les membres de la famille de Daniel, pendant que Samantha séchait difficilement ses larmes et calmait son hoquet.

-Bah dis donc ! On en prend du bon temps, pendant mon absence !

Un homme venait d'entrer, trempé jusqu'aux os, plutôt mince, mais à la carrure carrée. Il avait les cheveux de miel et des yeux verts bourrus, des lunettes sur un gros nez, une salopette délavée et dégoulinante d'eau. Il entra dans la pièce avec étonnement.

-ONCLE TOM ! Exultèrent les Kazamatsuri. Tu es revenu plus tôt !
-Bah qu'est-ce que vous croyiez ? Je vais pas vendre au marché par ce temps ! Quelle galère, les routes sont presque toutes inondées... Ondine prépare déjà l'équipe de secours...
-C'est dans ces moments-là que je suis heureuse de savoir ma petite Rebecca à l'abri avec ce professeur... Frangin, bon retour à la maison. Sourit Lyndis.–Daniel est revenu avec Gabriel, Lucas et ses amis... Mais on a besoin de tes compétences en médecine, apparemment.

Le fermier grommela un « jamais tranquille » en moquerie. Frédérique et Alice l'emmenèrent avec elles jusqu'à la chambre. Eléa, Lucas et Sam les suivirent, ainsi que le Wattouat qui s'étaient attaché à la gamine... Parfois, il vaut mieux ne pas se poser de questions !

Les retrouvailles avec ses petits-fils furent étranges : aussi spontané que sa sœur, il les enlaça joyeusement, mais les concernés, à moitié écrasés par cette étreinte, durent être libérés à la suite de bruits d'os craquelants peu avenants.

Daniel et Eléanore s'assirent sur le lit et laissèrent le fermier les examiner. La plaie de son neveu suppurait, l'oncle grimaça et s'emporta face au manque de sérieux de l'adolescent.

-Tu veux perdre ta jambe ?! On t'a pas élevé comme ça enfin, avec une blessure pareille on va à l'hôpital !
-Pardon. Répondit simplement Danny, penaud. Tu peux soigner ça ?
-Ça va faire mal, on a que des médocs pour Pokémon ! Gronda Tom. Mais si j'entends une seule plainte de ta part, tu es prévenu : cette fois, je te brise la cheville !
-Je ne me plaindrai pas, promit le garçon avec une grimace.

Gabriel sortit des boules quiès du tiroir avec insolence et en tendit à Sam et Lucas.
L'oncle prit des pommades d'une armoire dans le couloir, et coula plusieurs d'entre elles dans une bassine. Samantha le vit clairement y verser une bouteille d'alcool haut degré. Elle se rongea un ongle d'anxiété. Le pauvre.
L'homme appliqua les onguents sur l'enfant qui trembla dès leurs contacts, puis, sans délicatesse, il plongea la blessure dans la bassine.

Aucun son ne sortit de la bouche de Daniel. Il eut bien un sursaut, il ouvrit bien la bouche, mais la referma aussitôt, et il se figea comme une statue, tressautant néanmoins au moindre mouvement. Du sang s'écoula de la commissure de ses lèvres tant il se les mordit fort pour ne pas crier. Eléanore posa sa main sur la sienne pour le soutenir, qu'il serra en retour aussi fort qu'il put.

L'oncle enleva sang et pus, nettoyant la plaie avec une éponge dure. Une fois sa besogne finie, Sam crut qu'il allait se lever et frapper son neveu, mais il n'en fit rien et lança à Lucas :

-Va me chercher un fil et une aiguille. Elle est ouverte et longue d'un pouce, on peut voir l'os de la cheville. Apporte moi aussi l'attelle pour les Ponyta.

Le brun se précipita dans les couloirs et revint quelques minutes plus tard. Danny avait viré au blanc, et il menaçait de tourner de l'œil d'un instant à l'autre.

Eléanore perçut vaguement le commentaire de Miyu : « celui-là, je le soigne pas s'il tombe », mais elle n'y prêta pas garde, inquiète de le voir si mal en point. Pourquoi n'était-il pas allé à l'hôpital avec une meurtrissure pareille ?

L'oncle recousit la plaie sans douceur. Cette fois, Sam, Lucas et Gabriel vinrent eux aussi soutenir leur ami, muets comme des carpes, mais parcourus de frissons et de hauts-le-cœur. Tom acheva son travail en bandant la cheville et en lui glissant une sorte de protection souple en latex. Il se releva et ordonna à Daniel de ne pas forcer, lui déclarant qu'il aurait une cicatrice.
Vint le tour d'Eléa. La jeune fille se braqua, raide comme un piquet, terrifiée.

Il ausculta son cœur, vérifia plusieurs fois sa respiration, étonné, puis analysa les marques noires, perplexe.

-Tu as un très mauvais souffle... Mais à part ça, je ne vois plus grand-chose de dangereux, tu as dû faire une crise d'angoisse, ce qui a provoqué le malaise - le manque d'oxygène, tu sais. Tu as des médicaments contre ça ? Oui ? Donc continue de les prendre, c'est tout.

Eléanore soupira de soulagement. Miyu, quant à lui, tira la langue à l'homme en s'écriant :

-Evidemment qu'elle va mieux, mais c'est pas grâce à vous !

Elle dût se faire une raison, elle allait devoir vivre avec cette voix à présent...

L'homme partit de la pièce, furieux. Les enfants, une fois seuls dans la pièce, se regardèrent dans le blanc des yeux. Gabriel attendit quelques secondes, puis, fatigué par le silence, il lança, indifférent :

-Au fait, je vais partir avec vous en voyage initiatique, moi aussi.
-QUOI ?!

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La tempête ne se calma pas de toute la journée. Lyndis appela à table, on les aida à descendre. Le repas, simple mais délicieux, fut composé de pâtes, et d'une fondue. L'ambiance de la table était joyeuse et pleine d'entrain. On se battait pour un morceau de pain, les combats de fourchettes s'enchaînèrent sous l'œil torve de la mère de famille et de son frère.
Akira Yuki et Rebecca appelèrent peu après pour souhaiter bonne nuit à toute la famille et les rassurer. Vu que les adolescents prévoyaient de repartir le lendemain, il leur donna rendez-vous - si le typhon passait - devant l'arène. Lyndis prit ensuite le téléphone pour parler à son petit ami actuel tout le reste de la soirée, très peu inquiète par le typhon ou l'absence de sa fille. Samantha appela également sa mère pour lui donner de ses nouvelles, et elle acheva sa conversation par un « je t'aime maman » qui laissa l'infirmière Joëlle, à l'autre bout du fil, toute pantelante.

Devant l'âtre, alors que les plus petits jouaient à un jeu de société, et que les grands révisaient, les amis parlèrent longuement.
On décida avec difficulté la répartition des Pokémons. Le débat fut ardu, surtout pour Danny, mais finalement ils parvinrent à un accord. Gabriel débuterait avec beaucoup de Pokémon, puisque de toute façon il resterait sous la tutelle de Daniel - cela allègerait son travail de dressage. Le jeune garçon lui confia donc son Carapuce, Natu, Nosferapti et Stalgamin shiney. Pour faire encore plus de place dans son équipe et pour pouvoir prendre soin des shiney restants, Balignon et Riolu, il donna également son Evoli à Eléanore, à contrecœur. Celle-ci promit de s'en occuper convenablement.

Ils récapitulèrent donc chacun leurs équipes avec attention...
Samantha possédait Galifeu, Kirlia, Magicarpe, Farfuret, et Barpau - provisoirement.
Lucas, quant à lui, son équipe inchangée contenait toujours Mentali, Noctali et Arcko.
Eléa montrait fièrement Salamèche, Pikachu, Héricendre et Evoli.
Gabriel faisait connaissance avec Carapuce, Nosferapti, Natu et Stalgamin, assez récalcitrants.
Daniel, enfin, comptait avec lui Ramoloss, Gobou, Riolu - qu'il nomma Bravery, parce qu'il eut la mauvaise idée d'avouer qu'il ressemblait à Eléa et qu'il dût bien rattraper cette gaffe... -, et Balignon.

C'était assez équilibré, constatèrent-ils, peu enthousiasmés. Ils avaient encore du mal à intégrer que tous ces Pokémons leurs appartenaient : la plupart d'entre eux avaient, après tout, commencé avec juste leur premier il n'y avait pas si lontemps.
Samantha proposa à Lucas de lui donner Barpau une fois celui-ci en âge d'être dressé. Le garçon accepta, un peu troublé par tous ces changements.

Plus tard dans la soirée, ils remontèrent tous se coucher. L'orage grondait encore au loin, faisant trembler Lucas de tous ses membres. On installa tous les matelas sur le sol, et il fut décidé qu'ils dormiraient tous dans le même lit cette nuit.

Les enfants s'allongèrent, se battirent légèrement pour les couvertures, puis, épuisés, abandonnèrent la bataille. Le Wattouat qui suivait Sam vint se loger près d'eux, réduisant encore un peu plus leur espace.
Gabriel s'assoupit rapidement. Daniel allait partir lui aussi, heureux d'être ainsi entouré, quand soudain, Samantha posa enfin une question :

-Eléanore... Tu as quoi, exactement ?
La jeune fille ne répondit pas immédiatement. Puis, après un moment de réflexion, elle lança enfin :
-Bah, comme l'oncle Tom a dit : un problème respiratoire. Je suis asthmatique.
-Ne dis pas n'importe quoi ! On crache pas du sang si on est asthmatique ! S'emporta Sam.
-Daniel, tu sais ce qu'elle a, toi ? Avec Yuki, vous savez tous les deux, c'est pour ça que vous n'avez pas voulu aller à l'hosto, ni appeler les secours dans la grotte, hein ? Enchaîna Lucas faiblement.
Les deux concernés se jetèrent un regard, et Eléa sentit son sang se glacer.
Ils savaient, ils savaient... Ou, tout du moins, ils étaient sur le point de percer son secret. Que pouvait-elle... Comment...
La panique prit d'assaut son cœur, et elle chercha Miyu, mais celui-ci dormait en apesanteur au-dessus d'eux, peu soucieux du drame qui se déroulait en bas.
-Daniel ! Réponds-moi ! Insista Lucas, la voix brisée, osant à peine croire qu'il remettait en doute la parole de son ami d'enfance.
-Je ne sais rien. Lâcha froidement Danny. Si je n'ai pas voulu qu'on appelle les secours, c'est parce que j'avais peur qu'on nous sépare, c'est tout. Quant à l'hosto, si on y était allé, on m'aurait obligé à garder le lit pendant que vous auriez continué votre voyage. Yuki l'a probablement fait pour ne pas avoir d'ennuis, lui.

La répliqua cloua le bec de Lucas, abasourdi de voir le peu de confiance qu'avait Daniel en lui. Peu importait le temps que cela aurait pris, il l'aurait toujours attendu ! Fâché, Lucas se tourna et tenta de s'endormir en retenant ses larmes, une plaie béante au cœur.
Samantha, elle, n'abandonna pas :

-Eléa !
La jeune fille l'ignorait, elle l'obligea à se tourner vers elle.
-Eléa, s'il te plait, réponds-moi... C'est cruel de ne rien me dire et de me laisser dans l'ignorance comme ça !
La gamine plongea son regard d'émeraude dans le bleu argenté de son amie, désolée par son mensonge. Elle ne voulait pas lui dire, pas comme ça, pas maintenant.
-Sam... Tu me fais confiance, non ?
-Je... oui. Affirma Sam.
-Ne t'en fais pas. Si c'était si grave, je t'en parlerais, non ? Je ne m'inquiète pas, moi, alors il n'y a aucune raison pour que toi tu le fasses ! Nous sommes amies, après tout. Ça va aller.

Samantha grimaça, puis elle balbutia une phrase incertaine, réminiscence du passé :

-Tu me raconteras, un jour ?
Eléa la prit dans ses bras et lâcha :
-Oui, c'est promis...

Les minutes s'écoulèrent, puis quand elle sentit que Lucas et Sam s'étaient endormis à leur tour, soit de tristesse, soit de soulagement, elle se tourna vers Daniel.

-Tu sais ? Demanda-t-elle simplement.
-Je sais. Répondit-il.

Elle ne savait pas comment - et à vrai dire elle s'en fichait pas mal. Elle avait l'impression d'être nue devant lui, une douleur lancinante lui brûla les entrailles et obstrua sa gorge.

-Je ne rentrerai pas. Même si j'y laisse la vie, je ferai ce voyage. Déclara-t-elle lentement, détachant chacun de ses mots les uns des autres.
-Je ne t'y obligerai pas. Je ne dirai rien non plus.

Eléanore frissonna. Tout son corps ressemblait à un brasier, et pourtant elle avait froid, elle était glacée, et elle avait mal. Ce n'était pas à cause de sa maladie, cette fois. Elle aurait aimé qu'il ne sache jamais, ou tout du moins qu'elle lui avoue son secret d'elle-même, mais, mais...
Elle ne comprenait même plus ce qu'elle voulait !
Deux bras chauds s'enroulèrent autour de son cou, et elle se retrouva contre le corps de son ami. Il la colla contre lui, elle avait sa tête contre son torse, si proche qu'elle percevait la mélodie de son cœur - où était-ce la sienne ? Elle n'osa pas le regarder dans les yeux. Incapable de faire quoi que ce soit, d'affronter cette expression emplie de pitié - ou de désespoir - qu'elle voyait si souvent avant.
Elle voulait... Elle voulait rester la petite fille normale, qu'on acceptait pour ce qu'elle était, qu'on appréciait pour de vrai et non pas par obligation.

-Eléa... Eléanore ? Bafouilla Daniel en l'étreignant un peu plus encore.

Il lui remonta le visage en lui soulevant tendrement le menton. Eléa se crispa. Il savait vraiment tout. Elle ferma précipitamment les yeux, mais les sensations, elles, ne disparurent pas - ils étaient trop proches. Cette étreinte était différente de celle qu'elle partageait avec ses Pokémons ou avec Sam et Lucas. Alors que tout-à-l'heure elle n'avait pas été gênée par leurs tenues respectives assez légères, cette fois, elle crut que son cerveau allait exploser. Le froid la pétrifiait, mais chaque fois qu'elle sentait le contact de Daniel, elle était secouée d'une sorte de choc électrique agréable, doux, chaud...

-Eléanore, tu veux que je t'appelle comme ça maintenant ? Demanda-t-il.
-Je n'aime pas mon prénom, je préfère Eléa, comme avant... Répondit-elle d'une voix tremblante, tentant d'ignorer les sensations qui l'assaillaient.
Il resta silencieux puis murmura :
-Oui, moi aussi, je préfère que tu restes Eléa...
Elle se tendit sous son étreinte.
-Eléa... Tu veux bien me regarder... Comme avant ? Lança-t-il avec une petite voix.
La jeune fille eut le cœur serré.
De toute manière, elle ne pouvait pas rester comme ça toute sa vie.
De toute manière, c'était trop tard.
Elle ouvrit un œil, contempla le visage de son ami, et tout son souffle s'arrêta dans sa gorge. Elle fut incapable de bredouiller un seul mot de plus.

Daniel lui souriait, le même sourire, celui de la première fois, de gamin shooté, celui qu'il arborait quand il lui avait sorti : "C'est donc bien vrai, les anges tombent du ciel ! Et le récit de leur beauté n'est pas faux !"
Il se pencha vers elle et lui embrassa le front doucement.
Elle ravala ses pleurs, et passa à son tour ses bras autour de son cou.
Il ne changeait pas, il n'avait pas changé !
Elle rit malgré elle, un rire nerveux, de soulagement. Cet apaisement gagna son corps et elle se laissa aller contre lui, détendue, plus effrayée par leur proximité.
Ils étaient toujours amis.
Cette constatation lui chatouilla le cœur.

-Eléa... Souffla Daniel alors qu'il s'endormait peu à peu lui aussi.
-Oui ?
-Si jamais tu as besoin de parler... d'en parler... Je serai... toujours là...
Elle se souvenait de ce bonheur, c'était celui qu'elle avait ressenti après, après avoir accepté son destin, quand Miyu lui avait dit qu'il serait là, près d'elle. C'était la délivrance, savoir qu'elle n'était pas seule, que quelqu'un la comprenait, peut-être même mieux qu'elle-même.
-D'accord... Sourit-elle en sombrant dans les bras de son camarade.
Alors qu'Eléanore partait dans le monde des rêves, Daniel posa sa tête contre elle, et murmura :

-Quoi qu'il m'en coûte... On restera tous ensemble, à la fin...

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Un peu plus loin, un nouvel arrivant se précipita dans un refuge de fortune qui se situait sur la route montagneuse menant à Azuria.
Les autres réfugiés l'aidèrent à refermer la porte derrière lui.
Il secoua la tête pour sécher ses cheveux châtains en bataille. Tremblant de froid sous sa cape, il rangea rapidement sa pokéball à sa ceinture et renonça à se reposer pour scruter la foule du regard.

Il vit une femme, fine, aux cheveux et aux yeux noirs onyx, qui tentait de calmer un autre garçon avec bandana qui hurlait à tout va qu'avant la tempête, il avait vu un Ptera dans le ciel.
Deux ou trois autres personnes se tenaient dans un coin, enroulées dans des couvertures chauffantes, mais pas une seule trace de celle qu'il cherchait.

Il soupira et alla s'accroupir dans un coin, engourdi. Il avait survolé cette maudite montagne de bout en bout, il avait même vu les premières caravanes du comité des concours accéder à la dernière ligne droite vers Azuria avant la tempête...

Où était-elle ?

Il s'assoupit en serrant une photographie contre son cœur.