Chapitre 8 : Écume et brume
-Je veux venir avec vous, déclara Morgane avec fermeté.
Au moins, ça, c'était dit. Julien ne sut pas quoi répondre. Pour l'instant, il n'arrivait même pas à imaginer qu'il allait bientôt entamer un voyage dont l'issue du monde dépendait. Le monde. Sauver le monde. Il avait beau se le répéter encore et encore, il y avait toujours quelque chose de surréaliste dans ces propos. Quelqu'un voulait lui donner un coup de main ? Pourquoi refuserait-il ?
-Je n'y vois aucun inconvénient. Qu'en pensez-vous monsieur ? demanda-t-il en s'adressant au vieillard.
Seulement il n'avait pas prévu la réponse qu'il recevrait. Le vieil homme hésita un instant, comme s'il n'était lui-même pas sûr de ce qu'il allait dire. Pourtant sa décision était prise depuis longtemps.
-Julien… commença-t-il, un peu triste peut-être. Je ne vous accompagne pas.
Toute l'assistance resta figée à l'écoute de cette révélation. C'était bien lui qui savait tout non ? N'était-ce pas lui qui avait pourtant tenu à ce que Julien se batte ? Et maintenant que les choses allaient se corser, monsieur quittait le navire ! C'était un peu simple ! Mais pouvait-on réellement lui en vouloir ? Car s'il l'avait pu, Julien l'aurait fait lui aussi. Allez, hop, on laisse le tatouage, le Pokémon et les légendes et on se fait jardinier à Floraville sous un nouveau nom. Mais hélas, ça ne marchait pas comme ça.
-Je… Je ne comprends pas ! Pourquoi ? Pourquoi me laissez-vous faire cela seul alors que c'est vous qui en savez le plus ?
-Julien, s'excusa le vieillard, je n'ai plus l'âge de telles aventures. Sincèrement, m'imaginez-vous en train de parcourir Sinnoh à la recherche de reliques cachées ? Je ne serais qu'un poids pour vous. Je vous ralentirais. Et puis, c'est votre quête, pas la mienne. Pas la nôtre, ajouta-t-il en regardant Morgane.
La jeune femme, vexée, se défendit :
-Le temple que vous avez détruit était toute ma vie ! Je n'ai jamais fait autre chose que de le protéger depuis que je suis toute petite ! J'ai passé plus de temps devant son entrée que n'importe où ailleurs, même chez moi ! Aujourd'hui, non seulement ma mission touche à sa fin, mais en plus je découvre qu'elle avait réellement un but ! J'ai consacré vingt-et-un ans à Regigigas, et je compte bien en consacrer encore autant s'il le faut !
Un nouveau silence s'installa. Décidément… Mais elle avait raison. Elle n'avait fait que servir Regigigas, et ce depuis sa naissance. S'il s'en allait, c'était avec sa raison de vivre. A moins bien sûr qu'elle ne l'accompagne. Le vieillard le comprenait très bien.
-Je vois… Mais vous êtes jeune et vous n'avez jamais connu d'autres horizons que Frimapic. Seriez-vous capable de voyager toute la journée, de vous battre sans relâche et, qui sait, de tuer pour votre cause ?
Morgane réfléchit. Elle ne pouvait rien affirmer comme cela bien sûr.
-Je saurais prendre les décisions qui s'imposeront, conclut-elle. Julien, s'il vous plaît, laissez-moi vous accompagner.
Ambre toussota.
-Hem, je ne voudrais pas me montrer trop possessive, mais si quelqu'un devait accompagner mon mari, ne serait-ce pas moi ?
-Ambre, dit doucement Julien, on ne peut pas partir tous les deux avec les enfants. Et on ne peut bien sûr pas les laisser.
Elle soupira longuement.
-Je sais, souffla-t-elle. Mais comprends-moi. Te voir partir m'est déjà insupportable, mais alors si en plus c'est avec une autre femme…
-Je comprends… fit Julien. Si tu préfères que je parte seul, alors j'irai seul. Mais conçois aussi que j'aurai besoin de soutien.
Ambre, après une courte pause, se tourna vers Morgane, résignée.
-Vous en prendrez soin n'est-ce pas ?
-Il vous reviendra vivant, promit Morgane.
« Et en bon état. » espéra Ambre.
…
Après encore une demi-heure de discussion, tous s'accordèrent pour que Julien et Morgane s'en aillent le lendemain dans la matinée. Ainsi, quand le rendez-vous fut fixé pour neuf heures, le vieillard et Morgane prirent congé de leurs hôtes, les laissant seuls pour cette dernière soirée. Il était bientôt dix-neuf heures. Julien se sentait confus. Tout allait bientôt se concrétiser, mais il n'arrivait pas encore à y croire. Demain, il partait pour un voyage. Un long voyage sur les traces des antiques civilisations et de leurs secrets. Le Nœud de Regigigas, la Corde Divine, le Cœur du Monde… Non, ça n'était définitivement pas possible. Il était en train de rêver. Mais Ambre le ramena à la réalité.
-Que va-t-on dire aux enfants ?
-Que j'ai trouvé un boulot, très loin. A Rivamar. Et que je m'en vais pour une durée indéterminée.
Deux minutes plus tard, toute la famille se retrouvait en réunion dans le salon. Chacun s'était installé dans le canapé ou un fauteuil. C'est Ambre qui prit la parole.
-Jade, Florian, commença-t-elle. Papa a trouvé du travail dans une grande école très prestigieuse. Le directeur a entendu parler de papa et il lui a envoyé une lettre. Papa s'en va donc pour Rivamar dès demain et on ne sait pas quand il reviendra.
Les deux petits accueillirent la nouvelle joyeusement. Leur papa était un très bon professeur et quelqu'un le voulait lui en particulier ! Ils étaient fiers. Ils savaient que c'était bien quand leur papa trouvait du travail. Ils ne se doutaient pas du tout de ce qui allait arriver.
Le restant de la soirée se déroula comme d'habitude. Il fallait jouer le jeu jusqu'au bout. On mangea puis l'on regarda la télévision. Julien raconta une histoire à ses enfants. La différence aujourd'hui fut qu'il inventa l'histoire plutôt que de la lire. Il avait pour habitude de regarder un film avec Ambre lorsque les jumeaux dormaient, mais ce soir ils préférèrent se coucher tôt. Dans le lit, ils discutèrent. Ambre fit part de ses angoisses à Julien.
-J'ai tellement peur Julien, si tu savais…
-J'ai peur aussi.
-Et si jamais tu ne revenais pas ? Tu vas jouer à une chasse au trésor Julien. Mais une chasse au trésor mortelle avec le monde à la clef et la Team Galaxie comme adversaire !
-Je le sais.
Ambre hésita. Elle avait encore quelque chose à dire. Mais elle avait peur d'aller trop loin.
-Julien… S'il te plaît, quoi que tu fasses avec cette jeune, ne m'oublie pas, et ne l'aime jamais plus que moi.
-Je te le promets, lui murmura-t-il gravement.
Il se pencha sur elle et l'embrassa. Elle pleurait. Il l'étreignit. Lui aussi il avait peur. Lui aussi il avait des doutes. Et s'ils se trompaient ? Si les clefs n'étaient pas là où la carte le laissait penser ? Et la Team Galaxie ? De quoi étaient-ils capables ? De tout… Mais il laissa ses craintes de côté pour cette nuit. Il ne devait plus y penser.
…
Le lendemain, Julien et Ambre se levèrent à sept heures. Les petits avaient école et il fallait les emmener. De plus, Julien avait ses affaires à préparer. Le couple resta plutôt silencieux. Ils s'étaient tout dit hier soir. Et tout ne passait pas que par les mots, mais aussi par les sentiments. Ils s'aimaient. Julien avait l'estomac noué, il ne déjeuna que très peu. Quand il fut lavé, il alla préparer ses affaires. Il avait l'impression d'être un jeune dresseur qui s'apprêtait à partir à la conquête de ses huit badges. Seulement, ayant privilégié les études, il ne l'avait jamais été. Que devait-il prendre ? Déjà, sur lui. Un jeans d'un bleu très foncé qui mettait en valeur ses longues jambes fines. On ne peut plus sobre. Des baskets en cuir noir, élégantes. Un petit pull col V en coton à motifs écossais bleus et blancs, on ne peut plus classique, par-dessus une chemise blanche légère dont les manchettes et le col ouvert dépassaient de son pull. Pas de cravate. Il n'allait pas au boulot non plus. Il prit dans son sac un t-shirt ainsi que quelques sous-vêtements et un pantalon noir. Il ne fallait pas non plus que cela tienne trop de place ou soit trop lourd. Enfin il y mit quelques fournitures de dresseurs : des Super Potions, des TotalSoins et quelques balls.
Quand vint le moment pour Jade et Florian de partir à l'école, Julien les embrassa plus fort que jamais, les serrant contre lui. Les petits lui firent plein de bisous et lui souhaitèrent bonne chance. Julien n'oublierait jamais ce moment. Il en avait même le regard humide. Finalement, l'heure de partir arriva. A neuf heures moins quart, Ambre et Julien prirent silencieusement la route en direction du port, où tous s'étaient donné rendez-vous. Ils arrivèrent juste à l'heure. Tout le monde était là.
-Bonjour madame, s'inclina le vieillard. Bonjour Julien. Je vous remercie d'être venus. Morgane, Julien, dans un quart d'heure part le bateau en direction de Joliberges. Vous y serez vite. Là-bas se trouve une bibliothèque. Peut-être pourrez-vous vous y rendre si vous vous en sentez l'envie. Il se peut que certains livres contiennent des choses intéressantes. Ensuite, votre objectif sera Bonaugure. C'est la plus proche des deux villes qu'il vous faut voir. Prenez garde, la Team Galaxie peut être de partout.
Julien se remémora ce que lui avait dit Hélio la veille : « Nous avons des agents aux services secrets. ». Oui, ils étaient vraiment partout.
-Bien sûr, vous pouvez me contacter par le biais de votre femme Julien. Nous avons procédé à un échange de numéros de téléphone hier et bien que je n'aie moi-même ni fixe ni portable, j'ai tous vos numéros. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler, il me reste quelques atouts dans ma manche.
Julien acquiesça. Tout semblait de plus en plus réel. Il passa la main à sa ceinture. Il y sentit les balls de Togekiss et de Regigigas.
-N'oubliez pas que Regigigas sera votre allié le plus fidèle. Il mourrait pour vous s'il le fallait. Morgane, êtes-vous prête vous aussi ?
La jeune femme, blême, fit oui de la tête.
-J'ai été prévenir Candice de mon départ. Je lui ai expliqué ce qu'elle devait savoir. Sa famille et la mienne sont amies depuis longtemps et elle a facilement accepté que je ne lui dise pas tout. Elle m'a promis qu'elle resterait silencieuse.
-Avez-vous des Pokémon ?
Elle souleva le bas de son t-shirt pour toute réponse, dévoilant une peau lisse et pure, un ventre ferme, des hanches magnifiques et une ceinture à laquelle était accrochée quatre balls.
A quelques mètres, sur la passerelle qui reliait le pont du bateau et son quai, un marin agita ses bras musclés, nus malgré le froid.
-Ohé, si vous êtes là pour prendre le ferry, alors c'est maintenant, cria-t-il de sa voix bourrue.
-On arrive, lui répondit Julien.
Après quelques brefs échanges de consignes et de tendres « au revoir », Julien et Morgane quittèrent Ambre et le vieux, embarquant sur le ferry qui portait le doux nom d'Échos Océaniques. Morgane n'ayant pas de carte, on lui demanda de payer son voyage, mais ce fut Julien qui le fit pour elle.
-Vous n'êtes pas obligé, essaya-t-elle.
-Autant partir sur de bonnes bases, fit Julien, qui avait estimé qu'une jeune femme comme elle qui n'avait jamais réellement travaillé ne devait certainement pas avoir beaucoup d'argent.
-Bon, je ne pense que l'on ait d'autres personnes, dit le marin, plus pour lui-même que pour ses deux passagers. Que quatre passagers aujourd'hui ! Je vais prévenir le capitaine. Vous pouvez visiter le bateau ou aller dans une cabine, vous êtes libres de faire à peu près tout ce qui vous chante tant que ça ne nous nuit pas. Les Pokémon d'plus de 80 kilogrammes sont interdits à bord.
-Merci monsieur.
-Merci.
Julien alla se placer à l'arrière du bateau pour faire signe à Ambre. Morgane le suivit. Elle ne se plaça pas trop près de lui par respect pour Ambre. Elle savait qu'une femme se faisait vite des idées et elle ne souhaitait pas mettre la pagaille dans leur couple juste parce qu'elle avait voulu l'accompagner. Son but à elle n'était que de voir et servir Regigigas. Comme on le lui avait enseigné. En pensant à sa famille, elle passa la main à son cou. Puisqu'elle partait avec Julien, elle avait obtenu de lui le droit de garder son médaillon. Et elle lui en était sincèrement reconnaissante.
Alors que tous les deux rêvassaient sur la poupe du ferry, accoudé à la rambarde, le regard perdu au loin où disparaissaient progressivement les terres glacées de Frimapic, le marin vint les rejoindre. C'était un homme plutôt petit mais musclé, assez large, barbu, qui portait la tenue caractéristique des marins. Il devait être âgé d'une cinquantaine d'années, peut-être un peu moins.
-Vous êtes mariés ? leur demanda-t-il de sa grosse voix grave et rauque.
-Non ! répondit Morgane, ses longs cheveux bruns flottant dans le vent iodé de l'océan. Julien et moi sommes tous les deux professeurs et nous partons pour Rivamar, où une école a fait appel à nous. Donc nous faisons le voyage ensemble.
-L'école de Rivamar ? s'exclama le marin. Vous d'vez être des têtes vous, y prennent pas n'import'qui là-bas.
-Je suis spécialisé dans les légendes Pokémon, confia Julien.
-Les légendes ? Vous savez, nous, marins, on en entend des légendes ! Par exemple, il paraît qu'à Hoenn, il existe une grotte sous l'eau qui permettrait d'obtenir la puissance infinie !
-Oui. On dit qu'elle permet de libérer les trois golems de glace, de roche et d'acier.
-Moi j'dis, toutes ces histoires, c'est bien beau, mais 'faut pas trop y faire confiance. Elle en pense quoi votre femme ?
Julien s'étonna. Comment savait-il qu'il était marié ?
-Votre bague ! C'est bien une alliance que vous avez là non ?
-Ah ! Oui. Oh, vous savez. Pour elle aussi, ce ne sont que de belles histoires.
-Vous laissez vot'femme seule ? Z'avez pas peur qu'un marin d'passage lui trouve de beaux yeux ?
-Elle est intelligente vous savez. Je lui fais confiance.
-J'vois ça. Faites quand même gaffe. On sait pas c'qui pourrait arriver, surtout avec des personnes malintentionnées. Ou même c'qui pourrait arriver tout court !
-C'est-à-dire ? demanda Julien, intrigué.
-Ces temps-ci, j'sens bien qu'la mer est agitée. En d'ssous. Je sais pas ce qui se prépare, mais ça sent mauvais, j'peux vous le certifier.
Les jeunes gens restèrent silencieux. Etait-ce un signe annonciateur ? Ou tout simplement une coïncidence ?
-Vous en faites pas les jeunes, vous allez pouvoir traverser tranquilles, c'est pas pour tout d'suite. N'empêche que c'est inquiétant. Allez, j'vous laisse, j'ai du boulot qui m'attend. Merci pour la discussion !
-C'est nous qui vous remercions. A bientôt.
Et le marin les laissa seuls sur la poupe. Entre leurs rêveries et la conversation, il s'était déjà écoulé une heure.
-Vous avez déjà voyagé Morgane ? demanda Julien pour faire la conversation.
-Non. J'ai passé ma vie à Frimapic. Et vous ?
-Vous pouvez me tutoyer, vous savez, dit Julien que le vouvoiement gênait.
-Vous aussi, répondit Morgane. Alors, tu as déjà voyagé ?
-Oh, oui. J'ai quitté Frimapic à onze ans pour aller au collège puis au lycée à Vestigion. Ensuite, j'ai été à l'université à Unionpolis. Mais pendant mes années d'études, je n'ai guère eu l'occasion de visiter Sinnoh. A part ces deux villes, je ne connais que Celestia et Bonville.
Tandis que Julien et Morgane discutaient de tout et de rien, faisant connaissances, ils ne remarquèrent pas l'homme qui, accoudé à la superstructure du bateau, quelques mètres derrière eux, parlait dans son talkie-walkie. Un vrai bijou en réalité puisque son fonctionnement incluait des technologies encore inconnues que seules la Team Galaxie maîtrisait. Un moyen efficace de communiquer en toute discrétion.
-Ludovic. Vrai prénom : Julien. Motif du voyage : emploi à l'université de Rivamar. Est accompagné d'une femme brune, la vingtaine. Identifiée comme la gardienne du temple de Frimapic. J à la ball de Regigigas à sa ceinture.
-Prenez-lui la ball et débarrassez-vous d'eux, ordonna une voix ferme et glaciale.
Hélio se félicitait d'avoir laissé un agent à Frimapic. Diode, agent de la Team Galaxie, aimait le travail facile. Il avait beaucoup tué pour le compte de l'organisation criminelle. Et des personnalités importantes ! Il fallait le reconnaître, il était doué. Personne ne pouvait lui échapper. Ne pouvait LEUR échapper. A lui et à son Raichu, un Pokémon d'une puissance phénoménale. Une bonne décharge, et la victime était cuite. Dans tous les sens du terme se prit-il à plaisanter. Mais ce coup-ci, il fallait qu'il rapporte quelque chose, il allait donc y aller plus doucement. Un bon coup de couteau bien placé, puis il enverrait les corps à la flotte. Dans le but d'accomplir son œuvre macabre, il s'avança vers les deux jeunes.
-Bonjour, fit-il. Excusez-moi, savez-vous à quelle heure arriverons-nous à Joliberges s'il vous plaît ?
-Bien sûr, répondit Julien.
Dans la manche de Diode, le couteau glissa le long de son bras, le manche atterrissant dans sa main gantée.
-Il est prévu que nous accostions à…
Julien s'interrompit sous le choc. Une chaleur intense. Diode recula.
Le Symbole de Julien s'était mis à briller plus fort que jamais. La ball à sa ceinture tremblait rageusement. Julien sentait qu'il allait bientôt s'évanouir. Son corps était étrangement mou. Le passager en face de lui semblait effrayé. Énervé aussi. Et c'est alors que le jeune homme le vit, brillant au soleil. Dans sa main droite, caché par sa manche, se trouvait un poignard à la lame étincelante.
-Morgane, cours ! souffla Julien en s'agenouillant.
Morgane s'éloigna, inquiète. L'individu cria et sortit son arme. Julien se sentait défaillir. Il allait bientôt avoir un malaise. Le Signe brilla plus fort encore. Diode frappa sauvagement dans l'air, essayant d'atteindre le cœur, mais Julien se déplaça et il n'eut que le bras. Du moins, c'est ce qu'il crut. Car lorsqu'il regarda, il se rendit compte que sa victime n'avait rien. Il aurait pourtant juré l'avoir touché ! Julien ne voyait plus rien. Il s'accrochait désespérément au garde-fou, sentant le vide dans son dos. L'HonorBall vibrait furieusement. Diode se pencha au-dessus de lui, la main gauche tendue droit devant, tentant d'arracher la ball à son propriétaire. Julien lui donna un violent coup de pied dans l'abdomen. C'est à peine si Diode bougea. Il ne résisterait pas longtemps. Il fallait… essayer. Avec l'énergie du désespoir, il leva les deux jambes, le dos contre le parquet, la tête dans le vide. Il entendait le remous produit par les hélices du ferry. Il voulait faire passer son agresseur par-dessus la rambarde. Le tatouage brillait moins intensément. Il n'avait plus aucune force. Il était coincé. Ses côtes cassées lui faisaient mal.
Et soudain, le poids de son adversaire diminua. Ses jambes retombèrent. Il distingua une ombre passer au-dessus de sa tête puis, quelques secondes plus tard, le bruit de quelque chose de lourd qui tombe à l'eau. Un visage gracieux se profila devant le soleil, lui faisant de l'ombre.
Tout n'était plus que brume. Il s'évanouit.