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Un long parcours de YumeArashi



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Informations

» Auteur : YumeArashi - Voir le profil
» Créé le 26/03/2009 à 21:51
» Dernière mise à jour le 02/06/2009 à 09:29

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Stupeurs et Tremblements
J'étais parée... enfin, plus ou moins si j'en croyais la partie « neutre » des dires du Pokédex. Ponyta broutait tranquillement jusqu'à ce qu'elle m'aperçoive. Dès lors, elle se campa solidement sur ses jambes et baissa la tête, sans se départir de cette expression belliqueuse qu'on lui associait tout naturellement à ce pokémon enragé. Je déglutis avec difficulté... Puis, prenant mon courage à deux mains, je pénétrai dans l'enclos...

J'avance avec précautions, je fais un pas. Puis deux. Je respire. Mon coeur fait la java tandis que mes mains deviennent moites. Je crains qu'elle ne me « dore » comme un toast sur lequel le grille-pain se serait acharné mais je chasse cette idée et prends confiance en moi. Je ne suis pas seule. Je ne suis plus seule. Je tends la pokéball devant moi, c'est mon bouclier, mon ami, mon pokémon. Nous sommes à vingt mètres l'une de l'autre. Je hausse la voix.

« Hum... J'aimerais qu'on parvienne à s'entendre toutes les deux ! Or, je te préviens, il y a dans cette pokéball un pokémon très puissant... Si tu tentes quoique ce soit, tu le regretteras amèrement. ok ? »

Mes paroles eurent l'effet d'un coup de poing sur le flanc d'une montagne... En gros, aucun. Ponyta, qui avait parfaitement saisi ce que j'avais eu tant de mal à exprimer, racla le sol de l'un de ses sabots. La corrida allait commencer.

Elle chargea violemment et j'eus à peine le temps de me jeter dans un plant de végétaux urticants afin de me protéger. Ma seule arme roula plus loin dans l'herbe et je la perdis de vue tandis que Ponyta faisait demi tour, prête à relancer l'offensive. Je rampai à toute vitesse dans les plantes voraces. De grosses plaques envahirent mes bras. Je résistai péniblement à l'envie de me gratter : le sol tremblait, j'étais dos à Ponyta et ces secousses indiquaient qu'elle n'allait pas tarder à me broyer sans pitié, ce n'était pas le moment d'assouvir un besoin si futile. Que pouvait un humain face à la furie que j'avais décidé de combattre ? J'imaginais déjà mon dos en morceau et...
Ma main heurta quelque chose que je saisis sans me demander ce que c'était. Je l'envoyai violemment vers la jument. L'objet décrivit un arc de cercle harmonieux avant de s'écraser sur la tempe de la jument. Toujours plaquée par terre, le visage maculé de poussière humide, j'entendis un caractéristique « Carpe caaaarpe ».

« Et merde... »

Je pris appui sur mes mains et me relevai pour mettre le poisson qui allait manquer d'air dans l'abreuvoir. Dieu ce qu'il était lourd et encombrant... Ponyta ne bougeait plus, étalée à son tour dans l'herbe, la seule chose qu'elle était encore en mesure de faire était tenter de respirer régulièrement. Magicarpe en « sécurité » dans l'eau, je m'approchai du pokémon feu, les poings sur les hanches.

« Je t'avais prévenue, je ne sais pas pourquoi tu t'obstines. Je suis fatiguée mais tu l'es encore plus. Si tu en veux encore, je suis prête à me défendre et même à attaquer jusqu'à ce que ton ego ait diminué. La défaite est difficile à admettre mais l'acharnement ne paye pas lorsque de l'autre côté, ce que tu sembles vouloir appeler « l'ennemi » à tout prix, n'est pas prêt à abandonner de sitôt. »

Elle grogna et ouvrit la gueule. Une puissante attaque Lance Flammes en sortit. Je fis deux pas de côté, frôlant ainsi la crise cardiaque et revint près d'elle par la droite. Ma mère n'approuverai certainement pas cette technique mais la douceur n'a parfois aucun effet.

« Mais t'es sourde ou quoi ? Tu veux être violente, je peux l'être aussi ! »

J'écrasai sèchement mon pied sur son museau, un léger craquement se fit entendre : elle gémit. Je profitai de l'occasion et grimpai sur son dos. Dieu ce que c'était haut ! Ce fut le pire affront, la preuve physique que l'on cherchait à réduire en esclavage, mettre au service de l'Homme ce corps bouillant de colère. Les flammes dorsales du pokémon redoublèrent d'intensité. Il se leva violemment, mû par une force désespérée qu'il puisait au plus profond de son cœur. La tension était palpable, les muscles bandés de Ponyta fins prêts à montrer leur vigueur. Ce combat allait se terminer en ma faveur, je le savais et cela insuffla dans ma poitrine un air nouveau, le même qui gonflait celles des valeureux maîtres des temps anciens. En temps normal, cela m'eût fait sourire.
J'étais prête à souffrir le martyr... or la morsure cuisante des flammes ne rongea pas ma peau. Je n'éprouvai aucune douleur, rien.
Ponyta, aveuglée par cette ire dévastatrice, fila à travers l'enclos à toute vitesse, enchaînant ruades et sauts, essayant par tous les moyens de me désarçonner, accélérant, ralentissant, usant de mille stratagèmes, prenant des virages serrés au terme desquels elle s'arrêtait net avant de reprendre le galop de plus belle. Elle suait abondamment, sa tempe était enflée et ses forces s'amenuisaient seconde après seconde. J'étais impressionnée de la manière avec laquelle elle me malmenait. Cette lutte était l'exutoire dont Ponyta avait besoin. A la fin, il n'y aurait plus trente-six solutions.
Je ne pus dire combien de temps la « bataille » dura. Car c'était une réelle bataille, dont chacun des assaillants attendait quelque chose. A contrario, j'étais bel et bien certaine d'une chose : tous les pensionnaires avaient assisté à ce rodéo endiablé et si ma mère avait vent de ça, ce qui me manquerait à coup sûr pas, j'allais être sévèrement réprimandée. La voix de Lionel me hurlait de lâcher prise. Il avait peur.

Mes jambes meurtries saignaient : le fluide pourpre avait traversé le toile de mon pantalon se mêlant ainsi avec celui de Ponyta sur les flancs de laquelle il s'était aussi répandu. Je n'osais imaginer l'état de mes membres. Je n'en pouvais déjà plus.. Mes muscles, complètement endoloris, travaillaient sans relâche, déployant leurs forces pour m'aider à rester « en selle » et ils se débrouillaient bien mais ils n'allaient pas tarder à faiblir. Le pokémon émit un souffle rauque, un peu comme si sa poitrine avait été placée dans un étau qui se resserrait au fur et à mesure. J'en vins même à me demander où j'avais bien pu acquérir une telle assiette. Il accéléra une dernière fois. La barrière de l'enclos ne fut qu'un obstacle ridicule qu'il franchit sans autre forme de procès. Ponyta m'emmena ainsi dans des lieux reculés du Domaine, sous les hurlements de Lionel, des lieux sauvages où même ma mère ne se risquait qu'en cas d'urgence médicale. Je parlai à Ponyta, me penchait , la priai de se calmer, la rassurai... Au bout d'un moment, son galop se cadença. Nous étions arrivé à un point où une telle attitude devenait absolument inespérée. Son allure était confortable, ses foulées lestes et amples. J'en oubliai de respirer. Mes mains se décrispèrent et je pus sécher les larmes qui humidifiaient mes joues depuis le début de cette chevauchée infernale. Je... me risquai une petite seconde à jeter un œil autour de moi.


...



Le paysage défilait tellement plus vite qu'à bord de la charrette familiale... Les arbres se démembraient, les nuages prenaient une toute autre forme, les chemins ressemblaient à de drôles de serpents beige sans tête. Il était si différent vu d'ici. Les neiges éternelles des hauts sommets montagnards brillaient sous le soleil, la rivière reprenait ses droits sur les berges et s'évanouissait dans les flots de l'un des lacs naturels cachés de la région au milieu d'une grande forêt de pins. J'avais lu dans l'une des aventures de l'auteur Linda Carph, qu'il existait un point d'eau près de Jadielle où, les soirs de pleine lune, un millier de lucioles se réunissaient et dansaient gracieusement sur les eaux sombres du lac. Un ballet unique où s'entrelaçaient les corps lumineux des insectes mâles et femelles, ce qu'elle qualifiait d'union d'âmes perdues. D'après cette femme, il était rare de pouvoir y assister mais quiconque y parvenait se voyait doter d'un don précis. Ce n'étaient sans nul doute que des histoires écrites pour les enfants mais l'évocation de ce récit magique me fit sourire malgré l'épuisement indescriptible qui torturait mon corps. Ponyta allait, tranquillement, vers cet Inconnu qui était le sien cette fois. Puis le jour commença à décliner et ce fut sans doute ce qui la décida curieusement à faire demi-tour. Je me taisais. Le pokémon était entièrement libre de ses choix, je ne prétendais pas exercer un rapport de dominant et dominé avec ce pokémon... Et il le comprit.

Ponyta reprit le chemin de la Pension, franchit à nouveau la barrière. Cette ultime secousse fit tressaillir tous les muscles que la chevauchée n'avait pas insensibilisés. Elle me déposa près de l'abreuvoir, duquel avait disparu Magicarpe, avant d'aller s'effondrer quelques mètres plus loin. Lionel accourut, le visage décomposé. Il saisit ma main et débita une multitude de paroles dont je ne saisis pas le sens. Profitant d'un moment de calme, je murmurai :

« Et bien, ce fut la croix et la bannière pour arriver à un semblant d'écoute... »

Mes jambes ployèrent et je m'évanouis...