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Un long parcours de YumeArashi



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Informations

» Auteur : YumeArashi - Voir le profil
» Créé le 28/02/2009 à 10:18
» Dernière mise à jour le 02/06/2009 à 09:27

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Vol à main [non] gantée
Au sein de la pension, tout était minutieusement réglé. Étant donnée l'immense charge de travail et l'abondance de Pokemon en tous genres aux habitudes alimentaires différentes, il fallait une organisation méthodique pour bloquer la distribution des repas sur une heure et demie. Mes parents avaient beau aimer les pokémon à la folie, ce n'était pas cet amour qui leur donnait des ailes et les métamorphosait en Flashmon – le Linéon super héros plus rapide qu'un Galopa au maximum de son capital vitesse. Ils avaient donc eu l'ingéniosité de demander de l'aide à leurs propres pokémon. La présence de Lionel était tout aussi précieuse que la leur. Les noms des habitants du domaine m'étaient tous ou presque inconnus. Dix des plus imposants et forts oiseau du groupe des arbres, des Roucarnage, un Altaria, quatre Etouraptor, et trois Rapasdepic, eux même divisés en trois groupes, répandaient les sacs de graines fermement agrippés par les serres crochues des volatiles dans la Zone montagneuse, partout autour de la rivière et dans les prairies du Sud. Ils faisaient ainsi plusieurs allers-retours pour distribuer toutes les rations. Ma mère chargeait alors d'autres sacs sur la charrette en bois, tirée par deux gros Tauros, et s'occupait de nourrir les espèces des enclos autour de la maison.
Bien sur ces pokémon n'obéissaient qu'à leur première dresseuse et j'eus un mal fou à expliquer, avec force gestes et expressions corporelles et faciales, que j'étais la fille de Cyrielle et qu'elle était partie en excursion dans la montagne. Heureusement, Lionel, ou plutôt Oké, parvint à nouer un contact avec l'un des Roucarnage, qui transmit le message aux autres unités.
L'expérience me faisant cruellement défaut, l'opération fut assez délicate. Je mis une heure de plus que prévu. La peur d'avoir déréglé quelque chose me rongeait le ventre et j'eus plusieurs maux de tête qui ne cessèrent que plus tard. Lionel veillait au grain, s'occupait des moindre détails que j'avais négligé, me rassurait du mieux qu'il pouvait. J'étais en nage... Le soleil tapait horriblement fort et déjà des rougeurs désagréables apparurent sur mes bras nus. Un énorme camion, que je n'avais pas entendu arriver, klaxonna bruyamment et me fit faire un bond assez extraordinaire. C'était Sam... Le fameux chauffeur kamikaze qui nous avait amené Ponyta un mois auparavant.

« HEEEEEHOOOOO ?
- Ca va ! Je suis la. Que se passe t-il ?
- Bonjour ma p'tite dame ! Je viens livrer les sacs de compléments alimentaires de M'dame Cyrielle. Trente tonnes comme prévu, fit il en se grattant le ventre fièrement.
- Co... COMBIEN ?! Hurlai-je estomaquée.
- Trente tonnes ! C'est bien ce qui était prévu, non ?
- Je débarque ça comment moi ? Vous pouvez m'le dire ?
- Ma foi, je...
- Mariiine ! Respiiiire ! Tout va bien, on a de l'aide », dit doucement Lionel en posant une main sur mon épaule.


Effectivement, une horde de gros bras sortie d'on ne sait où avançait clopin-clopant le long du sentier de terre battue, bien ordonnée, à la queue leu leu, apposant leurs grosses empreintes dans la glaise rougeâtre. Ce que je supposais être des pokémon avaient des cuisses presque aussi larges qu'on tronc, plusieurs paires de bras, un slip assez ridicule, une ceinture de pokécatch et des pieds à deux orteils. Plusieurs modèles miniatures suivaient leurs aînés, en roulant des mécaniques.

« Quesseucé ? Demandai-je en écarquillant les yeux.
- Les plus petits sont des Machoc, les violets des Machopeur et les gros bras gris beige, des Mackogneur, expliqua Lionel. J'ai discuté avec tes parents tôt ce matin et ils m'ont expliqué où ranger tout ça. Le hangar est en fait une sorte de graineterie, c'est la qu'on va tout stocker.
- On va en avoir pour trois plombes même avec des body-builders en caleçon !
- Un quart d'heure tout au plus. Et ce n'est pas un caleçon mais un slip et une ceinture? Crois moi s'ils ne les avaient pas, on serait très mal. Elles les aident à contrôler une force dont tu ne peux même pas imaginer l'étendue. »

En effet, la « corvée » fut vite achevée. Les pokémon travaillaient vite et extrêmement bien. Soulever de telles charges ne semblaient même pas les fatiguer ne serait-ce qu'un tout petit peu. Leurs muscles saillants découpaient de drôles d'ombres sur le sol, le soleil meurtrier jouait avec la chair granuleuse des colosses en mouvement dans la poussière volatile. Chacun de leurs gestes était d'une étonnante grâce : on eût dit un ballet, un tableau impressionniste. Je restai captivée par le spectacle jusqu'à ce que Sam réclamât son dû. Je réglai avec l'argent prévu à cet effet et repris le chemin de la Pension aux côtés de Lionel qui avait auparavant remercié les pokémon de leur aide. Il ne restait plus qu'à préparer le repas. Quatorze heures, les pensionnaires allaient m'en vouloir horriblement.

J'accélérai la cadence et pénétrai en trombe dans la cuisine. Tout en enfilant mon tablier brun rayé de blanc, j'attachais mes cheveux et lavais mes mains, J'empilai à toute vitesse plats, ramequins, casseroles, poêles et couverts, tous en équilibre précaire au centre de la table en chêne. J'ouvrais le réfrigérateur, allumais le feu, donnais une pile d'assiettes à Lionel, soufflais sur les braises de la cheminée pour les raviver un peu afin de cuire le reste des aliments, surveillais la viande grillée, prenais note des préférences de cuisson des pensionnaires - « Bleu ? Oui, pour vous Madame Quiker, je sais, c'est plutôt saignant. Cru ? Êtes vous sur ? Vous êtes un véritable carnivore ! Hahaha ! » - j'invitais les convives à patienter autour de quelques amuse-gueules préparés par Cyrielle la veille. Lionel avait pris soin de dresser la table et de détendre l'atmosphère avec un agréable fond sonore. Il revint à la cuisine, enleva les pommes de terres de la braise où elles cuisaient, les sortit du papier sulfurisé, en disposa deux dans chaque assiette sans oublier de les couper pour telle ou telle personne. Je le regardai faire. Il semblait connaître les habitudes de chacun mieux que moi. Un sourire naquit tout seul au coin de mes lèvres.

La joyeuse compagnie riait gaîment autour de ce repas préparé sur le pouce. Si quelques uns voulaient nous aider à débarrasser, nous les remerciions gentiment mais n'acceptions pas. Lorsque la salle fut vide, je m'adossai à un mur et soufflai en passant une main sur mon front. Lionel balaya sous la table et roula la nappe en boule avant de l'épousseter au dehors. Les miettes s'envolèrent aussitôt, cueillies en vol par une escouade d'Etourmi. Pendant quelques secondes, le bruit des ailes qui s'entrechoquaient me fit fermer les yeux puis Lionel me serra contre lui. Je les rouvris alors et je me trouvai au centre d'un tourbillon aérien de petites plumes grises et blanches. Tout tournait, il pleuvait des plumes ! C'était tellement joli.

« Merci Lio. Je ne sais pas comment j'aurais fais sans toi aujourd'hui, dis-je en souriant.
- Je suis content de t'avoir aidée... » souffla t-il.

Il entrelaça ses doigts avec les miens délicatement. Un silence embarrassant s'installa. Il se rapprocha imperceptiblement de mon visage qui devait être à présent aussi rouge que la crinière de Ponyta. Un bruit de vaisselle brisée m'extirpa de ma torpeur et m'obligea à dégager ma main de la sienne pour courir à la cuisine, soulagée.
Okéoké avait apparemment tenté de « surfer » sur la pile de plats déposés sur le rebord de l'évier. Complètement désolé par ce qui venait de se produire par sa faute, tentait de ramasser les bouts de porcelaine éparpillés ça et la en les saisissant entre son corps et sa petite queue noire.

« Bravo Oké ! » Fis-je les poings sur les hanches, un sourire aux lèvres.

Le petit pokémon se recroquevilla en boule, tout penaud, et attendit une punition qui ne viendrait jamais. Je m'accroupis à ses côtés et lui caressait la tête.

« Oké... Ce n'est qu'une vilaine assiette, rien de plus. Tu as déjà vu la mer ? Un jour nous irons surfer tous ensemble ! Tu aimerais ?
- Okééééééé !! »

Les débris furent ramassés et l'affaire oubliée. Étant donné que j'avais jusqu'à dix-sept heures pour me reposer, je décidai de retourner voir Ponyta. Malgré moi, j'avais besoin de sa présence et ce manque créait une petite douleur physique que j'avais souvent cru être de simples maux de tête.

Je me saisis de la petite clé ronde, ensevelie dans la terre d'un port de géranium et l'insérai dans la serrure de la remise de mon père. J'ouvris la porte de la pièce, adjacente à la cuisine, doucement, comme si j'allais accomplir un méfait innommable en y pénétrant. Comme il faisait noir... Je déambulai un court moment entre les tréteaux, les rabots, les étagères de Potions et coupes que l'on ne pouvait exhiber dans la salle de réception puis tâtonnai le long du mur dans l'espoir d'y trouver un interrupteur. Ce fut cause perdue, s'il y en avait un, je ne le trouverais sans doute pas aujourd'hui. Un mince filet de lumière perçait à travers les rares fissures du plafond. Le plan de travail ployait sous les tonnes de cartes, livres et recherches menées par mon père au cours de sa jeunesse : plus de trente ans de souvenirs. Son fidèle Pokédex trônait au somment d'une pile de feuilles, lustré, aussi reluisant que lorsque j'étais enfant. C'était à cette époque que j'avais entendu pour la première fois le nom de « Pokédex ». Phil m'en avait souvent parlé et le pointait fièrement du doigt en disant : « Dans cet engin électronique, se trouvent regroupés tous les pokémon qui existent, ou presque. Cet objet est une véritable encyclopédie qui pourra te servir un jour ! » J'évoluai au sein d'un véritable musée, un sanctuaire. Papa avait tout gardé et « tout » voulait dire de vieux dessins, des cadeaux offerts par ses pokémon tels que des baies, maintenant desséchées, des objets en apparence précieux qu'il avait étiquetés en tant que Capacités Secrètes et Capacités Techniques, des pierres, des fleurs sagement alignées dans un herbier de verre, des tickets de casino, de vieilles brochures, des perles mauves et bleues, des amulettes, des morceaux de roche, des accessoires divers, des dessins d'enfants, un grand nombre de photos jaunies... Je n'osai m'attarder sur ces dernières, pensant déjà que je violais déjà assez cet endroit si personnel. Mon regard fut cependant attiré par un coffret à plusieurs étages. J'approchai. Je l'ouvris. Il contenait trente-deux morceaux travaillés et colorés de métal rutilant : les badges de tous les champions existant. Je restai ébahie devant le témoignage qui s'offrait à mes yeux.

J'entendis tout à coup le craquement caractéristique de l'escalier. Mon cœur se mit à battre. Je savais exactement ce que je cherchais et je devais faire vite. Presque à l'aveuglette, je tentai de trouver l'objet de ma venue. Il était sur l'étagère droite. Ni une ni deux, je la saisis. Une boîte en fer blanc barrée d'une étiquette collée de travers. On pouvait y lire « Pokéball inutilisées ». J'entendis à nouveau le craquement.

J'ouvre la boîte. Ma main se glisse à l'intérieur tandis qu'un sentiment de culpabilité me ronge. Je sens le contact glacé du métal contre la pulpe de mes doigts... Cela me fait tressaillir. J'accentue la pression. Je referme la main. Je sens l'objet sphérique tout entier dans ma paume. Il se réchauffe petit à petit. Mon souffle s'accélère. J'en attrape un autre. Je fourre mon larcin dans ma poche. Je referme la boite. Je sors de la remise. La porte se referme doucement sur ce lieu mystérieux. Je souffle.

Le bruit... Je jetai un oeil discret à la salle. Le panneau des toilettes indiquait « Occupé ». Ouf... Je souris en touchant ma poche.

Avant une nouvelle confrontation avec la furie, il me fallait accomplir quelque chose. Une chose que personne ne pourrait faire à ma place. A cet instant précis, ma seule et unique ambition était de capturer moi-même mon premier propre pokémon.