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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 25/02/2009 à 18:14
» Dernière mise à jour le 14/04/2012 à 18:57

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 17 : Une amitié à toutes épreuves (1/2)
-chapitre 17-

Le mont Sélénite, une montagne si souvent parcouru innocemment par les nouveaux dresseurs.

Comment résister à ces paysages magnifiques ? A ces arbres aux feuilles d'émeraude ? A la douce mélodie du coulis de l'eau tombant des glaciers ?

Et bien tout simplement en se trouvant pris dans les sous-sol de la chaîne de montagnes, piégé des mètres sous la terre avec une bande de voleurs tout près, en étant balloté par le courant incroyablement fort, ou en attendant, anxieux, les nouvelles des amis en danger.

Bref, nos héros se souviendraient toutes leurs vies de cette traversée du mont Sélénite, et pas en bien.

« C'est pas possible ! Comment est-ce possible ? Pourquoi ça nous arrive à nous ? »

Chris et Angie couraient partout, en proie à un pic de stress frôlant l'altitude du mont Couronné. Ils répétaient en boucle les mêmes phrases, hurlant comme des damnés et s'arrachant les cheveux. Certes, cela n'avait guère d'utilité mais ça les défoulait et leur permettait d'évacuer la pression ; ils en avaient besoin après qu'une autre secousse ait fait trembler le sol, au détriment des spectateurs. D'ailleurs, un des « spectateurs » en eut plus qu'assez des cris et il se leva en hurlant un « LA FERME » digne des disputes Eléanore VS Samantha.

Lucas s'avança en tapant des pieds et en grinçant des dents, il pointa les deux ex voleurs du doigt et continua avec une voix grondante :

-Taisez-vous ! On a plus grave : Daniel s'est jeté droit dans la gueule du loup, si ça se trouve il va arriver droit dans le labo de ces bandits et il n'y a aucun moyen pour le prévenir ! ALORS LAISSEZ NOUS REFLECHIR !

Les deux gaillards se jetèrent dans les bras l'un de l'autre et ne bougèrent plus, comme statufiés, mais pas plus rassurés pour autant. Et si la Team Rocket leur tombait dessus ? Pire, s'ils tombaient sur Silver alors qu'il venait de trahir ? C'en était fini d'eux, ils allaient croupir dans une cellule froide, leurs pokémons allaient être éparpillés et départagés aux sbires, et ils allaient mourir ici ! Seulement à cause d'un stupide éboulement ! C'était trop injuste !

Lucas, quant à lui, se massa les tempes pour récupérer. Il tenta de garder son souffle mais rien ne vint, juste la morsure glacée de la réalité. Il ne pouvait rien faire pour son ami, pour Sam, rien du tout. Tout ce qui était en son pouvoir, c'était contempler l'évolution des choses.

Non.
Non pas tout à fait.

Il fit volte face et attrapa Gabriel par le col. Il l'éloigna du groupe et fit signe à son Mentali d'approcher. Le pokémon chat arriva près de son maître, les oreilles dressées.

-Yin, je veux que tu utilises Choc Mental pour faire sortir Gabriel de là et le mettre à l'abri en haut - il pointa le faible trou, qui laissait filtrer des rayons lumineux, et la cascade.

Gabriel voulut protester mais Lucas lui coupa la parole immédiatement :

-J'ai promis à ton frère de te protéger, et il est hors de question que je te laisse dans un endroit aussi dangereux ! Rugit-il.

Yuki s'avança et calma le jeune garçon mais celui-ci refusa d'entendre raison.

Malheureusement, un grondement sourd couvrit leurs cris, le sol trembla, le monde devint flou et instable, et un son inhumain sortit de sous leurs pieds, comme un créature mugissante. Tout un pan du mur s'effondra. Les Pokémons protégèrent leurs dresseurs mais ils ne pensèrent pas à protéger la rivière, dont la sortie souterraine s'affaissa sur elle-même.

Lucas tomba à genoux, les yeux écarquillés. Gabriel, brusquement relâché, ne bougea plus d'un pouce, les pupilles rétractées, blême. Ensemble ils murmurèrent : « Daniel... » Avant que leurs voix ne s'éteignent au fond de leurs gorges, comme si l'éboulement les avait ensevelis elles aussi. Ensevelies, comme Daniel.

Chris et Angie poussèrent une longue plainte terrifiée tandis que Gold, pétrifié, s'arrêtait en plein milieu d'une phrase.

Et Yuki, Yuki lui ne bougea pas d'un pouce, mais son regard en disait long.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

« Qu'est-ce que je fais ici ? »

Eléanore était sûre d'avoir prononcé cette phrase, et pourtant personne ne l'avait entendue. Bah, cela n'avait pas d'importance, elle-même ne savait plus exactement ce qu'elle avait voulu dire la seconde précédente. Il y avait trop de bruit, beaucoup trop, elle n'arrivait pas à se concentrer.

Elle saisissait une sorte d'effervescence autour d'elle, mais tout était flou quand elle ouvrait les yeux. Puis, le boucan ne venait pas de là, non, il était caché quelque part, beaucoup plus profondément, grouillant comme des vers dans le sol.

Elle devenait folle, complètement folle, un son qui se cache ? Qui grouille ?

Eléanore aurait bien rigolé de sa propre bêtise, mais une sensation glacée la saisit. Elle eut l'impression qu'on lui avait enfoncé une aiguille dans la colonne vertébrale et que de l'eau gelée venait de remplacer son sang.

Elle dut pousser un cri mais il se fondit dans des milliers d'autres. Comment était-ce possible, pourquoi personne ne réagissait, pourquoi personne ne les entendait, tous ces hurlements, alors qu'ils se répercutaient contre les parois de son esprit et lui griffaient l'intérieur du crâne ? Pourquoi ? Pourquoi était-elle la seule à les entendre ?

Ash se frotta contre elle.

Elle avait peur, elle était terrifiée... Non, non c'était lui qui l'était. Lui ou elle ? Elle ne savait plus. Il fallait que quelqu'un l'aide, elle ne savait plus quels sentiments étaient les siens, à la fin. Quelle douleur était réelle ?

Elle voyait des images disséminées dans sa mémoire ; ce n'était pas ses souvenirs, ce n'était pas non plus son point de vue. Mais elle les vivait, où tout du moins elle croyait les avoir vécu. Un haut-le-cœur la prit, et elle voulut se pencher, mais pile au moment où elle entamait son mouvement, ses bras cédèrent, elle s'affala au sol et vomit dans la boue.

« Même plus capable d'être malade proprement »

Cette voix, cette voix railleuse, elle la connaissait ? Non ? Samantha se pencha vers elle et l'aida à se redresser ? C'était Sam, hein ? Elle ne voyait pas bien, la silhouette se constituait seulement de quelques taches bleues. Elle n'entendit même pas le quart de la phrase de son amie. Ash s'accrochait à sa veste.

Elle devait le mettre à l'abri. Il avait peur, tous ses pokémons avaient peur, il fallait les mettre à l'abri... Elle voulut prendre ses pokéballs mais le monde tournait, elle aussi elle tanguait non ? Est-ce que, est-ce que les balls avaient glissé de sa ceinture ? Elle ne les trouvait pas... Elle tourna la tête, ce qui lui arracha une grimace, elle avait la nuque raide et chaque mouvement trouvait écho à l'intérieur de son crâne... Non, son bras ne bougeait même pas ? Pourquoi est-ce qu'il ne bougeait pas ?

« Calme-toi, sinon tu n'arriveras à rien. » Continua la voix.

Qu'elle se taise, c'était elle qui l'empêchait de se concentrer, elle la décourageait. Une nouvelle douleur incendia sa poitrine cette fois, une brûlure insoutenable lui remonta la trachée et implosa dans sa gorge. Elle porta ses mains à sa bouche, mais elle ne parvint pas à respirer. Un poids immense écrasait sa poitrine. Elle tomba à nouveau au sol, y cherchant vainement la moindre goutte d'oxygène. Elle toussait, crachotait, un caillot de sang s'écoula de ses lèvres, mais rien n'entrait. Une flamme immense la dévorait de l'intérieur et la rongeait, il lui fallait de l'air, de l'air !

Samantha, affolée au-dessus d'elle, se brouilla. L'autre garçon vint lui coller la main sur la bouche - pour l'empêcher de crier, probablement. Non, il fallait qu'elle respire, qu'est-ce qu'il faisait ? L'idiot ! Elle s'affola mais son corps demeura inerte. Un nouveau tremblement de terre vint clore ce drôle de manège et le garçon glissa. Eléanore avala une grande bouffée d'air, mais celui-ci lui parut rance, âcre, et il n'apaisa en rien le brasier qui lui rongeait les entrailles.

Bon sang... Elle ne pensait pas que ça arriverait si vite, elle pensait avoir encore un peu de temps. Elle ne voulait pas mourir si vite, elle avait fait attention pourtant : bien couvrir son visage lors de projection de fumée, bien prendre ses médicaments, elle avait fait attention... Elle ne voulait pas mourir tout de suite... Elle n'avait pas dit au revoir à sa mère, ni à son père... Elle n'avait pas encore donné Ash, Pilou et Torch, ils avaient besoin d'un dresseur, d'un bon dresseur pour qu'ils soient heureux... Comment réagirait Sam ? Et les autres ? Est-ce qu'ils auraient des ennuis si elle mourait maintenant ? ...

Une pensée la traversa, refroidissant à nouveau tout son être.

Comment était-ce, la mort ?

Allait-elle fermer les yeux, s'endormir pour ne jamais se réveiller ? Allait-elle disparaître, tout simplement ? Deviendrait-elle une partie de ce monde ? Un grand arbre qui abriterait ses amis, les verrait grandir, et mourir à leurs tours ? Ou bien le sol que fouleraient leurs pieds ? Se réincarnerait-elle, attendrait-elle dans un autre monde, ou deviendrait-elle un esprit errant ?

Oublierait-elle jusqu'à son existence même ?

« Tu es idiote, qui a dit que tu allais mourir ? Tu en as encore à revendre dans le bide ! » Se moqua sa voix.

Un visage apparut alors, quelque part, perdu dans les volutes lumineuses qui aveuglaient sa vision. Le sien. Non, pas tout à fait. Elle le reconnaissait, c'était le sien, mais en plus masculin, c'était celui de son ami imaginaire. Quand elle était petite, l'esprit inventé qui l'avait rassuré quand elle avait compris quel destin morbide l'attendait...

« Miyu... » Souffla-t-elle.

Le songe sourit, puis doucement il souffla :

« Calme-toi, ce ne sont pas tes sentiments que tu ressens, il faut que tu fasses la part des choses. Je suis désolé, c'est de ma faute si tu subis tout ça. »

Il pencha la tête sur le côté et lança joyeux :

« Allez, repose-toi, je m'occupe de tout. Maintenant que tu es calme, ce sera plus simple, si j'ai déjà pu établir une connexion, je peux soigner cette angine et occulter toutes ces voix... »

Eléanore se sentit disparaître lentement, doucement, comme bercée par une douce lueur chaude et réconfortante. Son camarade imaginaire se dissipa, seule sa voix demeura :

« Tu ne peux pas encore mourir ! On a trop de choses à voir dans ce monde ! »

Bizarrement, cette constatation lui rappela le jour de l'accident, alors qu'elle sombrait dans l'inconscience à cause des Abos... Cette phrase lui parut soudain si familière...

Est-ce que ce n'était pas elle qui l'avait prononcée, la première fois ?

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L'eau était glacée. Normal, après tout il y avait toutes les chances pour qu'elle provienne d'un glacier en amont.

Daniel jeta un coup d'œil à Ramoloss à côté de lui ; il semblait comme d'habitude, amorphe, pourtant le garçon savait que contrôler le courant de ce genre de rivière était une épreuve difficile pour lui, même si, comme dans ce cas, cela ne s'appliquait que sur une toute petite région protectrice autour d'eux.

Le jeune garçon ferma les yeux et se concentra sur l'appareil qui lui fournissait de l'oxygène.

Il adorait cette sensation, celle de flotter, de ne peser plus rien. Si les circonstances avaient été autres, et l'eau un tout petit peu plus chaude, il se serait probablement laisser porter par le doux remous transformé par son pokémon. Les bras étendus, juste porté par la magie du liquide, il pouvait sentir un semblant de paix intérieure, plus rien ne l'atteignait, plus de soucis, plus de joie, plus de problème, le temps s'arrêtait. Le monde se résumait alors qu'à la bulle protectrice autour de lui. Si tous les hommes pouvaient ressentir ça, se plonger rien qu'une seule fois dans cet océan serein et accéder à cette sagesse qu'apportait le liquide, alors peut-être, peut-être qu'ils comprendraient. Bordé par le son palpitant de leur cœur apaisé, peut-être arrêteraient-ils de gaspiller les ressources naturelles, de déclarer des guerres, de détruire ce fragile équilibre du monde...

Daniel sourit.

Il était un peu trop idéaliste, et puis il devait se concentrer, pour l'instant ce qui importait c'était Eléanore, Sam et le garçon roux, il devait les retrouver. Il aspira une bouffée d'air artificiel.

Le tunnel était étroit, il s'était déjà frayé un passage dans une faille pour descendre d'un ou deux « étages », et à présent le chemin semblait interminable. Droit devant, la seule restriction demeurait les parois à sa gauche et à sa droite. Il voyait bien que le courant était fort en dehors de la protection, les bulles d'airs défilaient autour de lui à une vitesse folle et s'écrasaient contre les rochers. Heureusement que Lucas ne l'avait pas suivi : si un accident arrivait, lui parviendrait peut-être à éviter les pics non amoindris par l'érosion, mais son ami n'en était pas capable.

Il continuait de nager droit devant quand soudain un mouvement attira son attention. Il s'arrêta et stoppa Ramoloss d'un signe de la main - même si le mollusque mit quelques secondes avant de comprendre. Là, juste dans la paroi, qu'est-ce que c'était ?

Le garçon s'approcha et fixa le mur, ses yeux s'habituèrent enfin au mouvement irrégulier du courant et il parvint à décortiquer une image. C'était une porte ?

Daniel arqua un sourcil, il s'en approcha lentement et la tâta du bout des doigts. Il vit plusieurs trous à peine aussi gros que sa main, sûrement pour permettre de laisser passer de l'eau et rien d'autre. Curieux, le jeune garçon tenta de voir ce qui se trouvait derrière. Il discerna deux bras, de l'autre côté. Un qui continuait plus profondément, si loin que le liquide devenait noir, si obscur qu'il ne ressemblait même plus à de l'eau mais à de l'encre grumeleuse. En revanche, l'autre bras continuait plus haut, et là il perçut de la lumière. Les habituels éclairs lumineux et rassurants montraient que l'eau était calme et lisse à la surface. Non, plus que ça, il voyait du mouvement en dehors, entre deux raies envoûtantes.

Daniel plissa les yeux.
Il remarquait des tâches bleues, vertes, rouges...

Le corps du garçon se réchauffa, c'était sûrement ses amis ! Il n'était plus loin, il n'avait plus qu'à franchir cette porte en acier.

...Ouais, ce n'était pas gagné, qu'est-ce que faisait ce sas ici, de toute manière ? Ce n'était sûrement pas là à l'origine. Quelque chose clochait, mais il n'avait pas le temps de vérifier quoi.

Daniel n'essaya pas d'ouvrir la porte par la seule force de ses muscles - certes, il était costaud mais pas à ce point, ses bras avaient la taille de spaghettis trop cuits, et il n'avait pas encore la carrure pour jouer le « monsieur muscles » des cirques ambulants. Le jeune garçon recula pour avoir une vue d'ensemble. Peut-être que Gobou pouvait faire quelque chose, ou Carapuce ? Ramoloss ne pourrait rien faire avec le Choc Mental pour le protéger du courant...
Peut-être pouvait-il annuler l'attaque de son pokémon, juste quelques minutes histoire de pouvoir se frayer un passage... ? Non, mauvaise idée.

Brusquement, alors que Daniel allait sortir sa pokéball, une secousse sismique se produisit.

Daniel attrapa instinctivement la poignée de la barrière de métal et cala Ramoloss sous son bras.Le tunnel trembla, le plafond au-dessus de sa tête s'effrita, des monceaux de roches se détachaient et se faisaient aspirer par le courant. Un roc se fracassa à quelques centimètres de lui, Daniel tenta de conserver son calme et se bloqua un maximum contre l'acier. On lui avait toujours dit qu'en cas de séisme, à défaut de cave il fallait se réfugier sur le seuil ou sous une arcade.

Daniel frissonna à nouveau quand Ramoloss, paniqué, relâcha son emprise psychique. Sa main se crispa sur la poignée, la surprise manqua de lui déboîter l'épaule, il retint son cri qui aurait emporté au loin son seul moyen de respirer.

Il fallait qu'il tienne, ça allait passer.
Il fallait qu'il garde un souffle régulier, sinon ses poumons risquaient gros.

Une plaque entière de roche se détacha, le tunnel par lequel il était arrivé s'effritait, des pans entiers de murs s'effondraient, projetant sur lui des centaines de pierres !

Daniel essaya de se rapprocher à nouveau près de la porte, mais il n'y parvint pas, le courant le ballotait à son gré, il ne tenait ici que par la force de son unique bras retenu à la porte. Ses jambes, elles, s'amusaient à danser, manipulées par le flux. Il se serait cru dans un siphon. Ses doigts glissèrent.

Bon sang ! S'il lâchait maintenant, c'était fini, il pouvait dire adieu à la vie.

Puisant dans ses dernières forces, il réussit à se hisser miraculeusement un peu plus à l'abri. Il le croyait. Il souffla un peu plus sereinement et mit son pokémon à l'abri, quand brusquement un grondement surpuissant retentit, il l'entendit même à travers le liquide affolé. Daniel n'eut pas le temps de réaliser ce qui se passait, le tunnel s'ébranla, une force incontrôlable lui fit lâcher prise.

Il roula, roula, pris par le courant, incapable de déployer ne serait-ce qu'un bras pour se rattraper.Son dos heurta violemment un roc. Cette fois, ce fut plus fort que lui : le souffle coupé, il ouvrit involontairement la bouche pour crier et l'appareil de plongée fut emporté comme une plume dans un ouragan. Daniel plaqua immédiatement sa main sur son visage pour empêcher les restes d'oxygène de lui échapper eux aussi.

Il n'avait plus qu'une minute, maintenant - au grand maximum.

Mû par le désespoir, alors que la force des éléments l'emportait à nouveau dans une pirouette, il s'accrocha à une aspérité du sol.

Un autre grondement survint.

Le plafond chuta.

Daniel fut incapable de fuir à contre-courant.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

« Espèce d'imbécile ! Hors de question que je me lance là-dedans ! S'écria Sam, ponctuant la fin de sa phrase par un grand geste de refus.
-Tu préfères attendre que quelques sbires viennent nous choper et nous enfermer ?
-J'ai dit non ! Sois réaliste aussi, c'est bien les dessins animés mais dans la vraie vie c'est pas une bande de gamins qui va arrêter les méchants ! Dans la vraie vie, la bande de gamin se fait trucider ! Continua-t-elle.
-Mais puisque je te dis qu'on n'a pas le choix ! Relança Silver. Et puis tu arrêtes de crier, tu vas nous faire repérer !
-Je crie si je veux, héros à la manque !
-Tu cries toujours pour un rien !
-Un rien ? UN RIEN ? ON EST COINCE LA-DEDANS ET TU...

Elle ne put pas terminer sa phrase, Eléanore s'affala au sol et vomit. Samantha abandonna sa colère et se pencha près de son amie pour la redresser. Inquiète, elle sentait venir les larmes. C'était trop, comment était-elle censée agir, maintenant ?

Pourquoi cela leur arrivait ? Comment pouvait-elle arranger les choses ? Etait-elle si impuissante ?

Elle camoufla sa peine et se frottant les yeux avec sa manche. Hors de question de montrer sa faiblesse. Elle tourna la tête et reporta son attention vers Eléanore. Soudain, alors que la gamine blême semblait enfin aller mieux, elle se mit à hurler comme si on lui arrachait un membre.

Samantha n'eut pas le temps de faire un geste paniqué que Silver se jeta sur Eléa et la fit taire en mettant sa main sur sa bouche.

-Bande de braillardes ! Maugréa-t-il dans sa barbe.

Pourtant, son teint blafard, la légère sueur qui s'écoulait sur son front, sa respiration rapide, tout cela démentissait ce calme qu'il voulait montrer.

Le visage de Eléa se tordit de douleur. Samantha frissonna, elle reconnut cette position, les mains à la gorge, le buste se soulevant de manière anarchique : elle s'étouffait.

-Espèce de crétin, tu es en train de la tuer ! S'écria-t-elle.

Brusquement, une secousse foudroyante fit tituber le rouquin et il glissa. Samantha se plaqua au sol, apeurée, terrifiée par l'idée irrationnelle que la montagne leur tombait dessus. Mais les plus grandes terreurs ne sont-elles pas irrationnelles ?

Le tremblement de terre perdura plusieurs minutes, et Samantha continua de frémir encore plus longtemps.Heureusement pour eux, le séisme ne fut pas aussi important que cela, c'était surtout sous leurs pieds que cela se déchaînait. Les deux adolescents ne virent leurs vies défiler qu'une fois, quand Silver, le nez sur sa pokémontre, demanda quelque chose à Gold et qu'une stalactite s'écrasa à un mètre de sa tête.

Finalement, le monde redevint stable aussi promptement qu'il s'était mis à chanceler. Samantha poussa un soupir de soulagement qui fut de courte durée, Silver la plaqua à nouveau au sol, main sur la bouche pour l'empêcher de hurler.

Plusieurs sbires débarquèrent, affolés. Ils vérifièrent que les accès à leur QG n'avaient pas été ensevelis et rentrèrent à nouveau en maugréant contre les foutus pokémons sol du labo.

C'était donc ça, voilà pourquoi le Mont Sélénite avait sombré dans l'anarchie, ils gardaient des pokémons sol en captivité ! Ces idiots, ils étaient assez bêtes pour planquer des créatures manipulant la terre dans un souterrain !

Silver attendit que les bruits de pas disparaissent et libéra Sam de l'emprise de sa main. Ni une ni deux, l'adolescente lui asséna une claque retentissante.

Non mais pour qui se prenait-il ? Finalement, elle s'était trompée : ce garçon était une brute, il y avait d'autres moyens plus doux pour la faire taire - et beaucoup plus courtois.

Le jeune rouquin mit pas mal de temps à comprendre ce qui venait de lui arriver. Les yeux écarquillés, il tenait sa joue en feu, n'en revenant pas. Gold, à travers la pokémontre, semblait tout aussi halluciné – mais ils ignoraient que c'était pour une autre raison.

Samantha revint auprès d'Eléa, mais elle se redressa, étonnée : sa camarade reprenait des couleurs, elle semblait dormir paisiblement. Certes, elle avait toujours mauvaise mine, mais ce n'était rien comparé aux dernières minutes.

-Eléa semble aller mieux, constata-t-elle simplement à haute voix.

Silver, remis de ses émotions, sursauta et enchaîna immédiatement :

-Dans ce cas, on peut la laisser là. Ici, elle est à l'abri, et si on lui laisse ses pokémons, elle sera totalement hors de danger en attendant les secours pendant que nous, on s'occupera de ces bandits.

Samantha le foudroya du regard, furieuse qu'il ne lâche pas prise et qu'il émette une idée aussi imprudente.

-C'est-à-dire que... on a un problème avec les secours... Balbutia Gold de l'autre côté de l'écran.

Derrière lui, Gabriel pleurait à chaudes larmes dans les bras d'Angie et Chris. L'effervescence leur indiqua qu'une chose grave venait de se produire.

Yuki courait dans le fond de l'écran, portant des rochers. Il semblait trempé jusqu'aux os, son Staross et Lucas l'aidaient dans la tâche. Le jeune brun pleurait silencieusement.

Que se passait-il ? La sortie avait-elle été ensevelie ? C'était la première fois que Sam voyait une telle expression sur le visage de son professeur, et aussi qu'elle constatait qu'il savait courir.

La nouvelle tomba rapidement.

Samantha n'en crut pas ses oreilles, Tarsal émit une longue plainte à côté d'elle.

Impossible, Daniel en danger ? Le visage du gamin à l'ouest lui apparut. Mais qu'est-ce qui lui avait pris ? Non, pourquoi ne l'avaient-ils pas arrêté ?

Le petit monde qu'elle s'était construit ses derniers mois se fendilla. Elle se rendit alors compte combien ses nouveaux compagnons comptaient à ses yeux. Et combien son bonheur actuel en était fragile.

Sa poitrine se contracta et elle retint à nouveau des larmes.

Non, il ne fallait pas qu'elle pleure, surtout devant le rouquin, il allait la trouver ridicule. Et puis, elle ne devait pas inquiéter les autres davantage, ils souffraient eux aussi. Mais ce fut plus fort qu'elle, les barrières cédèrent.Elle tenta vainement de les sécher avant qu'elles ne coulent mais de nouvelles arrivaient pour remplacer les autres, et bientôt ce fut le déluge.

Qu'est-ce qu'elle pouvait faire, maintenant ? Daniel était piégé quelque part sous ses pieds, peut-être même déjà mort, ou prisonnier de ces bandits, et Eléa ? Eléa, elle ne pouvait pas la laisser comme ça... Comment allaient-ils sortir de cet horrible endroit ? Cette montagne prenait des allures de tombeau.

-Merde, siffla-t-elle entre deux sanglots.

Elle devait se reprendre, elle n'arriverait à rien dans cet état, elle devait se calmer, arrêter de chouiner et agir, sinon ils allaient croupir sous terre dans cette prison naturelle. La montagne ressemblait déjà à un étau se resserrant sur eux, aggraver les choses ne serviraient à rien.

Elle repensa à Daniel. Lui, elle ne l'avait jamais vu verser une larme.

Silver, à côté d'elle, se leva et l'obligea à se redresser à son tour en la tirant par le bras. La jeune fille rechigna, ce qui fit frissonner le roux - celui-ci mit automatiquement un bras en avant pour se protéger d'une hypothétique nouvelle baffe.

-Allez, cette fois on a plus le choix, si ton ami se retrouve là-dedans, il faut aller le secourir...

Samantha secoua la tête et demanda :

-Et Eléa ?

Silver observa la gamine. Celle-ci dormait ; cette fois, elle semblait vraiment mieux : à part sa respiration sifflante, rien ne laissait croire en la crise de tout-à-l'heure.

-Ici, je le répète, elle ne risque rien... Surtout si on lui laisse ses pokémons, ils sauront la protéger. Par contre...

Il marqua une pause et chercha ses mots, gêné.

-Il vaudrait mieux les mettre dans leurs pokéballs : ils pourront sortir en cas de problème, mais ne risqueront rien si jamais les sbires les trouvent. Planque les pokéballs dans un endroit qu'ils n'oseront pas fouiller, par contre...

Samantha laissa passer un silence, réfléchissant au pour et au contre, mais elle dût bien se rendre à l'évidence, ils n'avaient pas un choix très large. Aussi large que cette stupide pièce qui les retenait entre ses quatre murs. Exaspérée, résignée, elle balbutia :

-Dans la brassière, ça va ?

Les deux concernés détournèrent le regard, rouges, mais Silver opina du chef.

Il se tourna pour ne pas voir Sam rappeler Ash, Pilou et Torch pour les cacher sur Eléa à l'endroit convenu.Le nez levé vers le plafond, il songea plusieurs minutes à cette Sam. Le mystère ne restait pas moins complet, malgré la découverte de l'identité du fantôme.

Il ferma les yeux pour se concentrer sur le visage de l'apparition. Celui de sa mère.

Le même visage fin, les mêmes yeux bleu argenté dont il avait hérité, la carrure frêle, petite, les traits doux. Les seules différences notables avec la jeune fille, outre l'âge, restait que sa mère avait les cheveux noirs aux reflets violacés et non pas outre mer. Sans oublier que sa mère était borgne : depuis un accident, son œil droit avait été fauché et elle le cachait sous une des rares mèches rebelles de sa chevelure soyeuse.

Qu'est-ce que signifiait cette ressemblance ?

Quelque chose clochait, dans ce schéma... Sa mère avait disparu lors de ses dix ans, donc il ne répondait pas de ses actes passé cette limite, mais...

Samantha n'avait pas sept ans, elle avait presque son âge, sa mère aurait-elle eu un enfant caché dans le dos de son père ?

L'idée lui donna des hauts-le-cœur, pas de dégoût mais de terreur.

Le visage de son géniteur s'imprima dans son esprit et son corps lui rappela tout ce que sa colère pouvait engendrer...Il secoua la tête, chassant le cauchemar aussi vite qu'il put par le peu de raison qui lui restait face à sa peur. Impossible, Samantha avait une famille à elle, et puis sa mère était toujours là dans sa petite enfance, il se serait souvenue d'une éventuelle sœur... Une grossesse ne passe pas inaperçue, et il avait une mémoire d'éléphant, il se souvenait parfaitement de chaque détail de l'entraînement rocket qu'il avait subi à trois ans, alors la naissance d'une possible sœur à quatre ou cinq, il ne l'aurait jamais oublié.

Silver sentit le mal de crâne poindre. Quel casse-tête. En plus, il y avait cette étrange plume qu'elle avait dans les cheveux, comment avait-elle pu tomber dans ses mains ?

-Comment allons-nous nous infiltrer dans leur repaire ?

La voix de la brune lui fit faire un bond de plusieurs mètres. Il dût attendre plusieurs secondes avant que les battements de son cœur ne reprennent une allure normale.

Gold, de l'autre côté du fil, grognait. « Ne fais pas ça Silver, c'est trop dangereux tout seul !! »Lançait-il. Mais le rouquin l'ignora.

Il se tourna vers Sam et sortit de son sac deux uniformes noirs, deux tenues de Rocket.
Le sien, débarrassé de l'émetteur, et un autre de rechange, tout aussi vierge, qu'il gardait pour Gold au cas où. Il espérait que cela irait à la jeune fille.

Encore une fois, il se tourna pour la laisser se changer rapidement tandis qu'il faisait de même. Une constatation le força à s'arrêter alors, sûrement pas la phrase furieuse de son coéquipier au bout du fil.

-Bah, vas-y, fais-la intégrer l'organisation pendant que tu y es, prend-la comme coéquipière à ma place, je suis sûr que personne n'y verrait d'inconvénient ! Cria-t-il.

« Voir » Songea Silver.

Son hurlement ramena l'attention autour de lui, bientôt la nuée de curieux apprirent vite son plan et protestèrent face au danger. Agacé, Silver coupa le son. Débarrassé d'eux, il lança à Sam :

-Surtout cache ton visage au maximum sous le chapeau, et enlève cette plume : c'est un signe trop distinctif.

L'adolescente acquiesça - évidemment, il ne fallait surtout pas qu'on l'identifie. Plus que cela, Silver avait une autre préoccupation, car si lui avait pu voir sa mère en elle, alors il n'imaginait même pas ce que ferait son père si jamais il tombait sur le visage de Samantha.

La concernée attacha son sac et le cala sur ses hanches, elle se servit de la sangle pour ajuster l'uniforme noir. Le pantalon était un peu trop grand, et le buste mal coupé la moulait plus que ses vêtements habituels. Elle se fit une nouvelle coiffure et soupira, gênée. Tarsal, sur son épaule, la rassura timidement, mais elle conserva ses pokéballs à portée de la main, prête à appeler Galifeu et Farfuret dès le premier cri.

Elle se retourna, puis, remarquant que le rouquin était toujours torse nu, fit volte face, écarlate.

Pourtant un frisson la parcourut : le dos du gamin, il était couvert de plaies, de brûlures et cicatrices anciennes...

Après plusieurs minutes, les deux adolescents changé, s'avancèrent vers l'entrée du repaire. Samantha, mal à l'aise avec ses cheveux attachés en queue de cheval et cachés sous son chapeau, jeta un dernier coup d'œil à Eléa, camouflée sous le rocher pendant que Silver trafiquait le code pour ouvrir la porte.

Un déclic sinistre lui parvint, la plaque d'acier se souleva, laissant place à un couloir dont le sol semblait encore plus boueux malgré la présence proche de machines. Elle attrapa le pan de la veste noire de Silver et le suivit, la tête basse, le cœur battant la chamade.

Pourvu que tout se passe bien.

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Le professeur Yuki se rongea l'ongle du pouce, en proie à un stress inhabituel. Lucas et lui venaient d'abandonner la cause vaine de déblayer le passage. Ce rite se révélait beaucoup trop dangereux, le jeune garçon avait faillit finir écrasé lui aussi après avoir enlevé un roc qui supportait tout l'assemblage.

Dévasté, voilà le seul mot qui lui venait pour décrire la situation. Lucas ne bougeait plus, incapable de faire un geste, Gabriel séchait ses larmes en serrant nerveusement son PC, et les seuls adultes présents semblaient encore moins enclins que les enfants à réagir. Pour couronner le tout, Gold avait annoncé que Sam et Silver partaient jouer les justiciers.

Bon sang, il ne lui avait donc rien appris à cette gamine ? Les héros se font toujours tuer dans la réalité, ce n'était pas comme dans les livres.

Il se maudit intérieurement, si seulement il avait appris à nager plus jeune, quand son frère aîné lui avait gentiment proposé ! Il aurait pu aider ; à la place il était bloqué, obligé de s'accrocher à Staross dès qu'il s'approchait de l'eau.

Il détestait sa flemme, par moment.

La petite voix qu'on appelait communément conscience lui déchirait les tympans. Dire qu'il croyait l'avoir éliminée depuis des lustres, celle-là... Et cette fois pas de bol, il ne pouvait pas faire comme à la fac pour la calmer. Sûr que juste ouvrir son livre d'étude sans le lire la veille d'un examen avait longtemps étouffé la petite bête, mais là il doutait que la même astuce fonctionne.

Il ne pouvait toujours pas appeler les secours ! C'est ce qu'il criait à sa conscience, mais lui-même commençait à se demander si c'était raisonnable.

Il ne pouvait pas non plus demander à un de ses pokémons de pulvériser l'amas de roche, il risquait de blesser Daniel avec l'attaque si le gamin se trouvait derrière.

Akira fronça les sourcils. Une solution, il y avait forcément une solution. Il y avait toujours une solution...

Qu'est-ce que Lily ou son frère Shinobu lui manquaient dans ce genre de moments...

Mais ils n'étaient pas là.

Cette fois, cet enfant était en danger à cause de lui, et ça, c'était intolérable, même de sa part.

Il voulait bien laisser des gosses se débrouiller seuls mais sûrement pas risquer leurs vies... A cet âge, il est tellement facile de se faire manipuler, embobiner, tromper, et casser. Un gamin, il y croyait dur comme fer, devait grandir et apprendre l'autonomie mais en toute sécurité, sans pression, sans crainte.

Sa flemme avait été un petit peu trop grande cette fois, elle avait dépassé la limite et empiétait sur ses convictions, et ça il ne se le pardonnerait pas.

Il s'avança, décidé, vers Gabriel. Le petit, pris de hoquet, ne bougeait plus. Yuki s'accroupit auprès de lui. Son cerveau vrombissait sous son crâne.

Si la Team Rocket avait intégré un repaire sous leurs pieds, alors il y avait forcément un accès jusqu'à lui. Les bandits étaient stupides mais sûrement pas assez pour s'enterrer vivants, en plus, même si c'était le cas, il devait y avoir au moins un passage qui y menait, sinon comment auraient-ils construit le labo ?

Les données avaient changé par rapport à tout-à-l'heure, la crevasse avait certainement été « causée » par un tunnel sous-jacent, donc elle n'était pas naturelle et accessible par un autre chemin. Il était donc possible de descendre.

Akira posa une main pour rassurer le gamin de neuf ans et lança sur son ton professoral :

-Tu es un génie, non ? Tu dois pouvoir réussir à localiser ce repaire de bandits, non ? Tu peux entrer dans la base de données et en trouver les entrées et les sorties ?

Lucas, un peu plus loin, se leva d'un bond, rouge de fureur.

-Qu'est ce qui vous prend ? Daniel est coincé là-dessous ! Pourquoi vous l'abandonnez ? IL EST ENCORE VIVANT ! IL FAUT FAIRE QUELQUE CHOSE, LES BANDITS PEUVENT ATTENDRE !

Yuki se tourna vers lui, et le fixa, impassible. Ce geste eut le don de faire enrager le brun, qui secoua la tête en signe de dénégation, et fit voleter quelques larmes.

-DANIEL EST SEUL, ENSEVELI ! JE REFUSE DE L'ABANDONNER LA-DESSOUS ! TOUT SEUL...

Il s'écroula, les pleurs coulant librement sur ses joues.

-Je ne sais pas ce que vous cachez tous... Je sais pas ce qu'il me cache... Mais il reste mon ami... Mon meilleur ami, je refuse de le laisser tout seul... Si vous ne faites rien, alors moi je ferai quelque chose ! hurla-t-il.

Gold tressaillit imperceptiblement. Chris et Angie baissèrent les yeux. Gabriel, lui, était stupéfait. Il avait toujours pensé que Lucas se servait de son frère comme bouche-trou.Yuki, quant à lui, se leva et observa le gamin avec un air froid dans lequel même Sam n'aurait pas reconnu son professeur.

-Calme-toi, t'emporter ne sert à rien à part t'épuiser, et que pourrais-tu faire à part aggraver les choses en partant seul ? C'est bien beau d'agir, mais il faut réfléchir avant. A l'heure qu'il est, ton ami est soit mort, soit sous l'eau, sauf mais allant droit vers le repaire des Rockets. Notre meilleure option est donc de chercher ce foutu repaire pour aller les récupérer.

Lucas s'arrêta, essayant d'assimiler les propos durs de ce professeur. Celui-ci l'ignora et retourna auprès de Gabriel.Yuki était plus en colère contre lui-même que contre l'enfant, mais il n'avait pas le temps de se faire une psychanalyse de son cas, ni de réconforter. Pour le moment, tout ce qui importait, c'était Samantha, Daniel et Eléanore.

Tant pis pour la voix de sa conscience qui prenait le timbre de celle de son frère.
Tant pis pour cette phrase qui revenait hanter son esprit, qui le ramenait au lendemain d'une de ses disputes avec Lily.
Tant pis, Shinobu avait eu raison et lui tort. Oui, il se berçait de faux semblants. Plus de « S'ils ne m'acceptent pas comme je suis, avec ma flemme, ce ne sont pas de vrais copains » qui tienne. Oui, une amitié, ça s'entretenait, une relation ça se recollait, il fallait des efforts, des deux côtés. Oui, sa flemme faisait beaucoup de mal...

Mais pas cette fois.

Gabriel pianota sur son ordinateur et balbutia, chassant toute trace de sanglot :

-Je ne peux rien faire, tout ce qui est en mon pouvoir c'est capter un signal, mais cela ne me permettra pas d'intégrer la base de données, et encore moins à le trouver, même le son se perd dans ces galeries... Il me faudrait un poste présent sur les lieux pour infiltrer l'ordinateur, aussi petit soit-elle, il faut quand même une base...

L'enthousiasme d'Akira chuta, et l'ambiance se glaça.

Soudain, une toute petite proposition vint troubler l'atmosphère grave, celle de Chris :

-Et la pokémontre de Monsieur Silver ? Il la garde toujours allumée même s'il a dû couper le son comme d'habitude... On ne peut pas se servir des ondes qu'elle émet pour inflitrer l'ordi ?

Gabriel se redressa et contempla droit dans les yeux l'adulte devant lui, Akira et Lucas se penchèrent en demandant naïvement si ça marcherait, vu que pour eux le discours informatique était moins compréhensible qu'un texte crypté.

-C'est totalement stupide... Cracha Gabriel.

Chris et Angie baissèrent la tête, honteux, Gold se renfrogna.

Le jeune garçon se tourna et lança abruptement :

-Mais ça peut marcher... Vous deux, prenez mon portable, je sors mon cellulaire, vous m'aidez.

Les visages s'illuminèrent. Gabriel eut un rictus et rassura Lucas du regard, doucement, pour la première fois, il s'adressa à lui sur un ton dénué de tout ressentiment :

-On va sortir mon crétin de frère de là.

Lucas sécha ses larmes.

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Il ne savait pas par quel miracle il n'avait pas sombré dans l'inconscience.

Probablement l'instinct de survie : il savait parfaitement que perdre connaissance ici, à des mètres de profondeur, le menait à sa perte. Néanmoins, le corps humain ne pouvait supporter qu'une dose de douleur restreinte : quelle que soit la situation, si la limite était franchie, l'individu tombait dans le coma pour éviter qu'il ne s'inflige, en proie à la souffrance, des lésions pires encore.

Apparemment, même s'il avait du mal à le croire, il n'avait pas dépassé la borne de la douleur. Daniel retenait son souffle difficilement, tâchant de ne laisser aucune bulle d'oxygène lui échapper. Mais rien n'y fit, cela resta vain. Il chercha du regard son Ramoloss. Celui-ci lui caressait la tête de son museau, l'air inquiet. Il avait repris le contrôle de son Choc Mental, c'était sûrement la raison pour laquelle le tunnel les avait épargnés. Il ne restait à présent qu'un tout petit espace, bouché des deux côtés, arrêtant le courant mais les coinçant là. La seule sortie, chance de salut, était maintenant la porte en acier trempée.
Ils étaient vernis.

Daniel tenta un sourire, mais il dût bien avouer qu'à part réveiller la douleur de sa cheville, cela ne lui servit à rien pour remonter son moral.

Il porta sa main à sa jambe et la tâta, retenant un cri qui lui aurait fait perdre tout ce qui lui restait d'air.

La tête lui tournait, il voyait trouble, ou bien c'était à cause du liquide... Il discerna son membre enseveli sous les roches. Il n'avait pas été assez rapide pour arriver entier sous la protection de Ramoloss. Le mollusque poussa un gémissement désolé, Daniel le caressa pour lui faire comprendre que ce n'était pas sa faute.

Mais le mouvement lui coûta beaucoup trop et il cracha une dose conséquente de son oxygène. Il plaqua sa main à sa bouche, mais une envie de vomir lui faisait douter de son geste. Sa poitrine compressée lui faisait croire qu'il allait couler à pic dans la seconde, même s'il se trouvait déjà au sol.

Son crâne le lança, il avait l'impression que des dizaines d'aiguilles pénétraient ses tempes. Il devait faire vite.La main tremblante, il chercha dans sa poche l'appareil de plongée qu'il avait emporté en double. Heureusement qu'il avait songé à la possibilité qu'il faille rentrer par le même chemin, et pris celui-là pour les autres. Cette idée pouvait lui sauver la vie.
Son monde tangua, il ne comprit qu'il venait d'avoir un « flash » que quand il se trouva face contre la roche. Ses mouvements se précipitèrent, il reconnut la sacoche imperméable, les pokéballs, puis soudain, le contour familier de l'appareil se posa sous ses doigts.

Ni une ni deux, le garçon l'installa dans sa bouche et se pinça le nez. Il prit grand soin de ne pas aspirer tout de suite une grande bouffée d'air, car cela aurait entraîné une toux rude, puis un rythme respiratoire intenable qui aurait forcément aboutit à l'implosion de ses poumons. Ces petits engins capricieux ne supportaient qu'un seul rythme et ne se montraient pas vraiment compréhensifs.

Il savoura avec délectation la première inspiration, puis la rejeta lentement, se délectant de pouvoir en trouver une autre après. Ses idées se firent plus claires et sa tête s'allégea. Il se laissa aller le flanc contre le sol, ferma les yeux, touchant du bout des doigts ce repos qu'il désirait mais qu'il s'interdisait.

"Non, allez, encore un petit effort" se dit-il.

Le brun se redressa et examina plus attentivement sa jambe. Hors de question de tirer dessus comme une brute, il ne sentait déjà plus que la souffrance dans son membre, alors il ne voulait courir aucun risque. Il devait trouver un autre moyen. Il réfléchit quelques secondes aux possibilités qui s'offraient à lui, puis en choisit une rapidement.
D'un geste, il sortit la pokéball de Gobou. Le bébé pokémon arriva, étonné de se retrouver dans son élément naturel. La créature vit avec incompréhension son dresseur dans une mauvaise posture et se jeta sur lui dans une plainte déchirante. Mais Daniel n'avait pas le temps pour ça, il le repoussa gentiment et fit deux trois signes de la main.

Gobou était encore trop petit pour combattre, mais pas pour s'entraîner : Daniel lui avait appris quelques tours, notamment les bases de la plongée. Il pointa la porte en acier, plus précisément les ouvertures dans le métal, juste assez grosses pour qu'il puisse s'y faufiler.

Daniel fit ensuite le signe d'aller chercher de l'aide.

Le pokémon tressaillit, mais en voyant le pied de son dresseur enseveli, il n'hésita plus.
Danny vit son protégé disparaître derrière la porte.Il ferma les yeux, espérant que le Gobou parviendrait à joindre Eléa, Sam et Silver pour qu'ils envoient leurs pokémons.

Malheureusement, quand l'animal émergea la tête hors de l'eau, de l'autre côté, il ne vit qu'Eléa inconsciente, luisant d'une étrange lumière. Comprenant que la gamine ne lui serait d'aucune utilité, il replongea et chercha plus profondément.

Des lueurs rouges étincelèrent entre deux volutes ténébreuses.

Daniel respira à nouveau une bouffée dans l'appareil. Il essayait de trouver une position confortable pour son membre piégé quand un craquement sinistre le fit sursauter. Il se releva, oubliant sa jambe – qui se fit un plaisir de lui rappeler sa présence. Pourvu que cela ne soit pas un autre tremblement de terre. Gobou revint en traversant à nouveau un trou de la porte de métal, tout guilleret. Danny vit alors avec terreur des tentacules immenses suivre son pokémon, puis attraper la masse d'acier. Elle saisirent leur proie et la tordirent comme de la tôle, le crissement fit penser à un orage, et voir ces choses détruire aussi aisément cette matière, comme du beurre, fit craindre le pire au dresseur.

Plus encore, quand le sas sortit de ses gonds et alla flotter un peu plus loin, laissant place à une horde de Tentacool et de Tentacruel.

Daniel fixa son Gobou, les yeux écarquillés.

Comment en avait-il ramené autant ?

Le bébé se tourna vers son dresseur et lui fit un simili de sourire pour montrer qu'il voulait une caresse. Malheureusement, Daniel n'était pas en état de le féliciter. Il réprima un tremblement. Les pokémon eau arrivèrent, prenant très à cœur leur mission de sauver le gamin. Les plus petits d'entre eux déblayèrent les rocs, et l'évolution finale de leur espèce s'approcha de sa victime. Daniel voulut reculer, mais sa jambe fut soudain libérée du poids qui la piégeait, une gerbe de sang se répandit dans l'eau, et il put sentir toute l'étendue des dégâts en l'espace d'une seconde.Toutes ses forces l'abandonnèrent, un nouveau flash lui fit voir le sol de près, et il crispa sa mâchoire sur l'engin pour s'empêcher de hurler.
Il se recroquevilla et ramena sa jambe blessée auprès de lui. A partir de sa cheville il ne voyait plus qu'une masse sanguinolente.

Le Tentacruel vint près de lui et entoura le gamin de ses tentacules. Danny tenta de chasser les membres venimeux de sa main, mais en vain. Ces créatures en avaient en moyenne quatre-vingt, toutes virulentes de poison.Daniel n'eut pas le temps de protester plus que ça, la paralysie le saisit, sa colonne vertébrale se raidit à mesure que les décharges éléctriques parsemaient sa peau. Sa tête tomba mollement contre son flanc, les yeux grands ouverts, contemplant le désastre, incapable de réagir.

Les mollusques l'emportèrent avec eux, Ramoloss et Gobou suivirent leur dresseur, brusquement inquiets de ne plus le voir bouger.

Le banc de créatures aida leur chef à hisser le gamin hors de l'eau, Daniel se laissa choir tout entier sur la terre ferme. Les tentacules le déposèrent juste à côté de Eléanore. Danny se demanda si le poison n'avait pas aussi atteint ses pupilles quand il crut voir la gamine briller d'une auréole douce et chaude.

Une fois la besogne accomplie, les Tentacools se retirèrent dans les eaux sombres, heureux d'avoir pu aider.

Goboue les remercia d'un petit cri et chercha une récompense auprès de son dresseur. Il donna un doux coup de tête à sa jambe mais celle-ci ne réagit pas. Il respira un peu le sang et tâta vite fait les plaies. Ramoloss vint l'imiter après une minute de réflexion.Danny était couvert de marques noirâtres aux endroits où les tentacules venimeuses l'avaient touché, et son pied retourné saignait abondamment.

Gobou chercha à réveiller son maître, mais il venait de perdre connaissance. Sa main resserrée sur celle de Eléa, il avait atteint son but, et ses forces, contentées par cette maigre consolation, l'avait lâché.

Au moment le plus inopportun, car un Rocket entra en courant dans la salle souterraine, et se rua près de la rivière. Il avait reçu un signal du sas avant sa destruction. Ce qu'il vit lui coupa le souffle. Mais pas assez pour qu'il ne s'écrie, paniqué : « De... Des intrus ! »

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Samantha se cacha un peu plus derrière Silver.

Celui-ci, les cheveux attachés également, la casquette tellement rabattue sur son crâne qu'elle se demandait comment il pouvait encore voir, marchait normalement à travers ce dédale de couloir. Il semblait dans son élément. Quand un des gardes les avaient interpellés, il lui avait fait la conversation le plus simplement du monde. Samantha ne savait pas ce que cela signifiait, il paraissait totalement à son aise, plus que dans la vraie vie en tout cas. Il parlait avec fluidité, sans crainte de se faire attraper ou quoi que ce soit d'autre. Du moins en apparence, car une fois il lui semblait avoir perçu un tremblement de sa part.

Le garde leur avait permis de passer, étant totalement dupe face à l'excuse de Silver. Samantha se répéta son rôle pour le mémoriser : ils étaient envoyés par le QG central pour vérifier que le labo respectait les temps. Elle se le répéta trois fois pour bien l'assimiler.

Ils débouchèrent sur un autre carrefour.

Le roux parût hésiter une seconde, puis choisit la voie de gauche. Ils arrivèrent dans une salle remplie à ras bord d'ordinateurs, avec en prime les savants qui pianotaient dessus. Samantha rabaissa sa casquette quand elle remarqua une caméra pas loin.

Les chercheurs se retournèrent sur leur passage, mais retournèrent vite à leurs besognes.

La place était trop bondée pour qu'ils puissent tenter quoi que ce soit, ils devaient trouver la salle de contrôle, lui souffla Silver. Samantha voulut transmettre l'idée discrètement à la pokémontre mais celle-ci n'affichait plus que de la neige. L'adolescente soupira, bien que cela sonna plus comme une plainte à moitié contenue. C'était déjà un miracle qu'ils puissent se joindre dans un souterrain, elle le savait, le réseau avait supporté autant qu'il avait pu, mais elle ne pouvait s'empêcher d'être désespérée. Maintenant, ils étaient vraiment seuls.

Ils continuèrent leur chemin, le son de leurs pas se faisant happer par la boue.

Ils pénétrèrent enfin dans une immense pièce vide. Personne à l'horizon, tout semblait mécanisé, même la sortie de secours semblait obéir aux ordinateurs. Bien que la boue continue à faire office de sol, une grande table de contrôle trônait au centre, et les murs, eux, étaient parsemés d'écrans. Ils reconnurent sur l'un d'eux la pièce par laquelle ils venaient de passer. Ils purent constater également qu'on surveillait aussi l'extérieur de la grotte. Un étrange pokémon venait d'ailleurs de passer dans le ciel sans nuage, tandis que Sam reconnaissait Armand, accompagné de Lily, passant près d'un grand arbre. Sam remarqua également que sur l'un d'eux, elle voyait une cage renfermant des dizaines de pokémon de base. Son sang se glaça.

La montre au poignet de Silver émit un grésillement. Le jeune roux l'observa incrédule.

Brusquement, comme si l'unité centrale voulait répondre au petit objet, une alarme retentit.
Samantha sursauta et ce fut plus fort qu'elle, elle s'écria, paniquée :

-Qu'est-ce qui se passe ? On est repérés ?

Silver devint blême, il balbutia un « je ne sais pas » et la porte s'ouvrit brusquement.
Le sang des adolescents ne fit qu'un tour.

Il leur fallait une excuse pour se trouver là.

Silver voulut partir se cacher ni une ni deux, mais la jeune fille le retint par le bras. Sans préavis, elle se jeta au cou du rouquin et se serra fort contre lui, leurs visages n'étant plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Le concerné vira au rouge vif. Elle lui chuchota rapidement, à contre cœur :

-Fait semblant de m'embrasser, crétin ! Sinon ils vont voir qu'on a pas à être là !

Il eut à peine le temps de mettre ses bras autour de sa taille qu'un des sbires les vit et hurla :

-Non mais... ! Allez faire ça ailleurs, enfin ! Ce n'est pas le moment, vous n'avez pas entendu l'alarme ? On a trouvé des intrus devant la porte principale !