CONFESSION D'UN ENFANT D'UNE DECENNIEChapitre troisièmeLes herbes s'agitent. Une ombre se profile. Elle fend les touffes d'herbe drue. Elle passe, dépasse la parcelle de végétation et trépasse dans l'éclat crépusculaire de l'horizon. Les enfants la regardent s'évaporer par les fenêtres de leurs maisons. Ils ne sont pas encore dresseurs. Ils n'ont pas le droit de quitter le havre de paix qu'est l'enceinte du village. Un jour, peut-être…
Le professeur Chen s'approche. Bourg Palette et le monde de l'innocence passent. Trois PokeBall. Un choix. L'enfance est dépassée. Une Master Ball. Un combat. La raison trépasse.
Jean ouvrit subitement les yeux. Une insipide lueur frappa ses pupilles tandis qu'il prit conscience qu'un air sans fragrance passait dans ses narines. Une lumière s'éteint. L'hôpital de Cramois'Iles venait de sonner le couvre-feu. Les portes de la clinique allaient se fermer jusqu'au lendemain…
Au bout de quatre jours, Jean était
remis. Enfin, aussi remis que pouvait l'être un garçon dont le cœur s'était arrêté de battre… Il avait rapidement appris tous les détails de cette fameuse nuit : l'incendie, la destruction de l'arène et, surtout, ce mystérieux Pokemon qui les avait sauvés, Auguste et lui. Tout le monde semblait éprouver le besoin de lui raconter en détail l'apparition du volatile au milieu des décombres. Mais les rumeurs allaient bon train et Jean avait même entendu une infirmière affirmer aux Leuphorie du service qu'il s'agissait d'un Canarticho que l'on avait transformé en Pokemon Feu au Labo Pokemon. Elle avait déjà alerté les autorités continentales de la S.P.P ( Société de Protection des Pokemon ) que l'on attentait à l'intégrité de ces pauvres êtres dans le cadre d'expériences horribles et malsaines.
Ayant encore des difficultés à respirer normalement, Jean ne quittait pas vraiment sa chambre. Tout au plus faisait-il quelques pas dans le couloir mais l'effort le faisait suffoquer au bout de quelques minutes. Il rageait intérieurement de ne pas pouvoir se rendre au niveau du Centre Pokemon de l'hôpital. Protégés dans leur PokeBall, ses Pokemon n'avaient que peu inhalé de fumée et s'étaient rapidement remis. Ses quatre PokeBall l'attendaient à quelques dizaines de mètres et il était incapable de se rendre jusque là…
Florizarre, Kabutops, Melodelfe et… une Ball vide portant un M gravé. Telle avait été la réponse du médecin lorsque Jean lui avait demandé ce qui était arrivé à ses Pokemon. La scène avec Mewtwo était alors revenue dans sa mémoire. La commode, le lit : ces éléments qu'il avait pris pour des visions cauchemardesques avaient alors réintégrés les rangs du souvenir. La haine du clone de Mew avait rejailli en lui. Il l'avait haï pour avoir percé jusqu'au tréfonds de son être. Le jeune garçon avait vu des images qu'il n'aurait jamais dû voir. C'était là ce qui s'était
vraiment passé…
In vino Veritas. La Vérité par le vin.La vérité. C'est là quelque chose de bien vain. Pourquoi la chercher alors que l'on sait qu'elle ne nous apportera que souffrance ? Elle ne fait que brimer la volonté. Savoir est futile. Cela ne sert aux hommes qu'à cacher leurs mensonges…
De toute façon, le savoir a depuis longtemps déserté ce monde-ci. Seules quelques traces féeriques subsistent sur cette terre aride de l'humanité. Ce monde n'en a plus pour longtemps. Il ne me reste que très peu de temps…
Le journal de Cramois'Iles inscrivait dans sa rubrique des faits divers du surlendemain de l'incendie :
« Marée noire à Cramois'Iles ? Alors qu'ils effectuaient des prélèvements afin de vérifier que l'incendie de l'arène n'avait eu aucune conséquence au niveau écologique, les chercheurs du Labo Pokemon ont découvert un taux anormalement élevé en mercure au niveau du Nord de l'île. Ce phénomène reste inexpliqué. Toute baignade dans ce secteur est déconseillée pour le moment. »
« L'arrivée d'Erika ? Certaines rumeurs courent selon lesquelles Erika, la championne de l'arène de Céladopole et grande amie du Maître actuellement hospitalisé, se préparerait à venir sur notre petite île pour prendre des nouvelles du Champion et du Maître. Sorti ce matin même, Auguste a paru en forme à notre reporter. Néanmoins, l'état du Maître est toujours incertain. Son pronostic vital est encore engagé par le personnel hospitalier… ( cf. article en page 2 ) »
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Un matin, une infirmière amena un petit paquet avec une lettre à Jean ainsi qu'un grog pour le remettre d'aplomb. Après avoir bu cette spécialité médicinale de Cramois'Iles passablement alcoolisée, le jeune dresseur ouvrit, intrigué, la lettre. Un homme entouré d'une cape l'avait laissé à la réception durant la nuit.
« Jean,
J'espère que tu te remettras rapidement. En fouillant les décombres à la recherche d'indices sur cet Oiseau Mirage dont tout le monde parle, j'ai retrouvé cela. Ne me demande pas comment cela a pu échapper aux flammes. En tout cas, c'est intact.
La piste de l'Oiseau devrait me conduire en direction des Îles Sevii. Je serais absent un bon bout de temps mais sache que j'ai retrouvé ton Pokemon ayant fait l'école buissonnière. Il est au Nord de l'île. Je n'ai pas osé m'approcher de peur de le faire fuir. A toi de gérer ça. Après c'est
toi le Maître.
Avec toute mon amitié,
Peter
PS : Agatha veut te voir. Elle m'a dit de te faire savoir qu'elle loge dans un bouge de Céladopole. C'est le bar le plus décrépi près de l'arène. Je n'en sais pas plus. A toi de voir. Après tout, c'est
toi qu'elle veut voir. »
Le papier à lettre portait le sceau mauve en forme de Léviator du maître des dragons du Conseil des 4. L'esprit encore confus après les révélations de Peter, Jean défit maladroitement l'emballage marron qui entourait le « colis ». Un livre passablement noirci par le feu en émergea. On pouvait lire sur la couverture :
Confession d'un enfant d'une décennie.
Les nuages se massaient de plus en plus le long de la côte Ouest de Cramois'Iles. Un vent humide se leva doucement puis avec violence. Un orage se préparait. Des éclairs commencèrent à zébrer l'horizon. Les pêcheurs se hâtèrent de rejoindre les rives et d'abriter leurs embarcations. Un homme aidé de son Laggron mettait à terre son navire tandis que les autres marins faisaient de même en compagnie de leurs Pokemon et de leurs garçons.
L'air se mit à vibrer au rythme des bourrasques. L'orage allait se muer en une horrible tempête. Des vagues de plus en plus hautes s'écrasaient contre la jetée. On n'avait que peu de temps pour se mettre à l'abri.
Au milieu de ce déchaînement des éléments et de cette trépidation humaine, Mewtwo restait inflexible et immobile. En méditation depuis près d'une semaine, il n'avait cessé de passer en revue les derniers événements. Entre l'arène et le Manoir Pokemon, il ne savait pas sur quoi fixer sa pensée. Les images l'assaillaient et il avait beaucoup de mal à faire le vide dans son esprit. Son contrôle mental se relâchait dès lors qu'il se remémorait certaines images dont, pourtant, il ne savait rien. A ce moment-là, il sentait toujours un drôle de liquide visqueux couler le long de son visage. Néanmoins, il ne se laissait pas déranger par ces futiles éléments concrets. Il était à la recherche de lui-même et cela l'avait conduit dans une tourmente intérieure bien plus forte que ne l'était ce phénomène climatique…
Anxiété. Perte. Mewtwo s'efforça de focaliser sa pensée. Quel était ce creux à l'estomac qu'il ressentait ? Ce ne pouvait pas être la faim, sa constitution lui permettant de rester plus de trois mois sans manger. Il lui fallait aller plus loin… Tempête. Peur. Seul dehors. Peter. Ce dernier élément lui rappela quelque chose… Un antipathique humain aux cheveux roux. De l'eau. Des difficultés à respirer. Une douleur. Le clone de Mew porta machinalement la main à la gorge. Encore cette gêne, là. Mais pourquoi ? Il devait aller plus loin…
Tout vient à point à qui sait attendre.Il a l'air étrange… Pourquoi ces sourcils continuellement froncés ? Nous approchons pourtant de son but… Il ne me regarde plus comme avant… Je crois qu'il a vu que je n'étais pas vraiment ce drôle de têtard bleu… Je pourrai peut-être reprendre ma forme véritable… Ou celle d'un nuage. Pourrai-je devenir aussi mou et cotonneux ? Mais je n'aime pas le blanc… Je préfère la douce lueur rose de l'aurore…
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Enfin, nous y sommes parvenus. L'île volcanique du Sud. Après avoir dû affronté les avanies des marées et des orages sur notre radeau de fortune, nous sommes arrivés sur cette terre rouge où tout semble flamboyer, où les esprits s'embrasent, où rien n'est impossible. C'est ici que nous, survivants de la civilisation des Azuréens, nous rebâtirons notre royaume. Nous l'appellerons
Cramois'Iles, soit l'île portant à jamais la marque de l'incendie d'Oripolis…
Un tien vaut mieux que deux tu l'auras.Je crois que je vais partir d'ici. On ne bouge plus et je préférerai m'amuser de nouveau. Je crois qu'il est temps de partir. Je ne sais pas si je vais revoir cette île un jour. En tout cas, lui, c'est sans aucun doute la dernière fois que je le vois mais bon… Je ne peux pas m'éterniser. D'autres tâches m'appellent. Au moins la Volonté est sauve…
Un Leveinard fit choir la
Confession d'un enfant d'une décennie tandis qu'il époussetait la table de chevet de Jean.
Une drôle de créature mauve… Mewtwo était arrivé au plus profond de sa conscience. Au milieu du noir total qui y régnait, se profilait une sorte de halo dont l'occiput était violacé. Deux yeux d'or illuminaient le visage de la créature. Qu'était-ce ? Sa conscience ? Etait-il un Pinocchio en face de son Jimmy Criquet ? Mewtwo tenta de se rapprocher. Il avait déjà vu cette créature, il y a bien longtemps. Ou en était-ce une autre ? Les yeux d'or hypnotisaient le Pokemon. Il avançait, avançait mais ne parvenait jamais à les atteindre. Soudain, la créature se mit à chantonner et Mewtwo sut qui il avait devant lui : il venait de rencontrer la
Vérité.
Rapport : Île lointaineSuite aux travaux menés il y a un certain temps, nous avons retrouvé la trace de Mew. Les expériences ont d'ores et déjà débutées. Les résultats ne sont plus qu'une question de semaines. Equipe Sylphe SARL. Courriel : sylphe@hoenn.pkmn
Mewtwo ouvrit les yeux. Tout s'était éclairci… du moins, tout ce qui s'était passé sur Cramois'Iles. Rapidement, le Pokemon observa les alentours. Il savait qu'il allait devoir traverser cet océan noir qu'était la tempête. Jean était sorti, malgré son état convalescent, afin de le ramener à l'abri. Deux gouttes de mercure filèrent dans le hurlement du vent. Mewtwo ne s'en étonna plus. Il avait vu la Vérité, il avait appris que cela s'appelait l'
émotion. Il ne lui restait plus qu'à expérimenter plus avant ce domaine qu'il ne maîtrisait pas encore. On ne lui avait pas appris à ressentir, à avoir des sentiments lors de son entraînement au Manoir Pokemon. Cela s'était Jean qui le lui avait appris et, comme exercice d'application, il ne lui restait plus qu'à porter secours à celui qui était désormais pour lui
son dresseur.
L'air était lourd en électricité. Le vagabond le sentait. Dans le Sud, les éléments grondaient. Cela n'annonçait rien de bon. Le vagabond frissonna en traversant une parcelle de hautes herbes. Décidément, ce voyage se révélait de plus en plus ardu. Les choses se dégradaient extrêmement rapidement. Plus rapidement que l'on ne l'avait prévu…
Jean se réveilla dans sa chambre d'hôpital, Auguste à son chevet. Il avait bien cru y passer cette fois-ci lorsqu'il s'était évanoui de fatigue au cœur de la tempête. Voyant que le garçon revenait à lui, Auguste se précipita pour avertir l'infirmière de garde. Après une perfusion, Jean put enfin connaître le fin de mot de l'histoire : il vit à la fenêtre le visage de Mewtwo ruisselant de pluie. Le plus gros de la tempête était passé mais une fine bruine tombait, encore à présent, sur l'île de flammes, la drapant d'une grisaille sépulcrale. Croisant le regard du Pokemon , Jean comprit tout et murmura un timide « merci ». Il était désormais temps pour eux de se rendre à Céladopole.
Le vagabond passa à côté d'une ville hérissée de multiples immeubles. Quelque chose se préparait près de ce bâtiment aux vitres transparentes. Mais il n'avait pas le temps de s'arrêter pour en découvrir plus. Il accéléra encore. En quelques instants, Créfadet avait dépassé Céladopole, passé le Souterrain et avancé vers ce qu'il savait pouvoir être son propre trépas…
Fin du chapitre troisièmeChapitre illustré par Sketi