Chapitre 45: Sous les flots
Avant de me retourner, je savais que j'allais tomber sur un visage familier. J'avais au moins entendu cette voix une fois dans ma vie. Mais lorsque j'ai finalement fait face à mon destinataire, un grand doute m'avait rempli. Je ne voyais plus du tout qui celà pouvait être...
"Allons, tu ne me reconnais pas ?
-Je suis désolé, mais avec tous les récents évènements, ta tête ne me dit rien...
-Allons, c'est moi,... Al ! Tu sais, l'incendie de Bonville, l'élu du vol ?"
Bien sûr que je me rapellais du moment où Bonville avait failli brûler d'un coup... Mais Al ? Le Al que j'avais quitté était souriant, avec un bras dans le plâtre certes, mais il était en bonne santé. J'avais face à moi un individu qui semblait dix ans plus vieux, avec une barbe qui n'avait pas souvent été rasée et des marques bleues sur tout le visage.
"Bon sang, Al, qu'est ce qui c'est passé ?
-Ah, ca y'est, ca a tilté... Je suis arrivé hier soir, je croyais être le seul, mais je vois que toi aussi ils t'ont eu...
-On est pas que tous les deux... Ils ont attrapé plus de la moitié des Elus. Tu ne les a pas vus ?
-Ecoute, je suis à peine sorti deux fois depuis que je suis là. Une fois ce matin pour prendre un cachet, et une fois juste après mon arrivée pour qu'ils me fassent des tests... Tu vas y avoir droit toi aussi, je pense..."
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Al semblait littéralement métamorphosé. Il semblait survolté, apeuré, comme s'il craignait pour sa vie.
"Ne te fais pas de souci, on sortira vite...
-Tu as déjà un plan ? Dis vite !
-Holà, du calme. On n'est pas sûr que la pièce ne soit pas infestée de micros. Et non, je n'ai pas encore de plan. Au premier abord, cette prison est une véritable forteresse.
-Si tu savais comme j'en ai bavé...
-Je vois ça. On te donnerait presque trente ans. Tu as fait quoi durant ces mois où on ne s'est pas vu ?
-Ne m'en parle pas. A peine vous êtes partis de Bonville que ça a commencé. Des gars sont venus me voir en me disant qu'ils avaient une offre à me faire. Tu penses que j'ai tout de suite flairé le piège. J'ai filé au plus vite, mais ils m'ont pisté pendant des mois. Je ne vivais plus... je fuyais. J'ai essayé de te contacter, mais à Feli-Cité, rien... J'ai appris après que vous aviez subi une attaque...
-A ce moment, on devait déjà être sur les flots... Désolé. Il nous restait peu de forces et j'ai préféré fuir directement à Hoenn.
-Ne te fais pas de soucis... J'ai donc fui pendant deux longs mois, mais ils m'ont finalement retrouvé... Et tu connais la suite. Et toi ?"
Après ce long monologue, je ne savais pas quoi dire... Lui raconter la vérité était un bon début, mais avec tous les micros qui pouvaient traîner, ça aurait été un risque inconsidéré pour le reste des Elus encore en liberté... Je pouvais cependant lui révéler les détails qui n'étaient pas sensibles...
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Après lui avoir fait part de notre "escapade", qu'Al écouta avec attention, j'eus un petit moment pour découvrir la cellule. Elle était somme toute assez spacieuse, avec un lit superposé. Dans un coin, derrière un semblant de paravent, le coin toilette était sommaire mais existant. Ce n'était pas un 4 étoiles mais on ne voulait manifestement pas qu'on meure dans nos cellules...
Al s'était installé dans le lit du bas, je n'avais aucune objection pour prendre le lit du haut... Il faudrait bien apprendre à cohabiter si l'on voulait s'en sortir ensemble.
Mais je n'eus pas le temps de laisser passer ces considérations dans mon esprit que la porte de la cellule s'ouvrit à nouveau dans un bourdonnement de serrure électrique. Quelqu'un entra, c'était Igor. Il passa l'encadrure et demanda à ce que je le suive. Sans doute pour les tests dont parlait Al. On allait très bientôt le savoir.
Dans la grande salle, les murs atteignaient les trois mètres de haut de telle sorte que seul quelqu'un situé en hauteur pouvait vraiment voir ce qui s'y passait. De là où j'étais, je ne voyais qu'un long couloir qui s'incurvait des deux côtés, faisant manifestement le tour de la base.
Au centre, le mystérieux pilier suscitait autant de curiosité de ma part que la dernière fois. Je ne pouvais décidément pas l'ignorer. Pourquoi faire une salle aussi gigantesque si ce n'était pas pour que les cloisons de chaque zone montent jusqu'au sommet ? Le poste d'observation me narguait du haut de sa dizaine de mètres, mais il aurait pu se situer cinq mètres plus bas que ca ne l'aurait pas empéché de voir tout ce qui se passait. Décidément, si j'arrivais à faire quelque chose ici, alors je devais aller fouiller par là-bas.
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Mais pour l'heure, le gorille me dirigea vers une salle bien plus terre à terre. Je ne mis pas longtemps à savoir où j'allais car il ouvrit une porte sur ma gauche et me poussa à entrer, passant derrière moi et verrouillant soigneusement la porte. Le même médecin que j'avais vu tout à l'heure me fit signe de le rejoindre. Avec une certaine appréhension, je le rejoignis alors qu'il sortait une aiguille d'une armoire.
"Assis-toi sur la table...
-Et vous-êtes ?
-Quelqu'un que tu n'as pas besoin de connaître.
-Si, j'aime bien connaîter les gens qui vont m'enfoncer quelque chose dans le corps."
Je ne vis pas arriver la chose qui me frappa le crâne mais je la sentis. Je tombais à la renverse sous le coup et en tenant de me relever de mon bras valide, je vis le docteur, un grand sourire aux lèvres.
"J'en ai maté des bien plus forts que toi alors ne joues pas au héros et donne ton bras."
J'aurais bien aimé lui renvoyer une pique, mais je tenais trop à finir la journée entier. Lorsque je vis que la masse d'Igor se tenait juste derrière moi, j'eus un frisson. Un homme de cette corpulence si silencieux ?
Je repensais à ma lame improvisée, cachée sous mon bandage... Je l'avais légèrement décalée pour qu'elle ne me gène pas, mais si je venais à prendre une autre rouste comme celle-ci, elle ne tarderait pas à tomber pour de bon. En silence, je m'asseyais donc sur la table, me jurant que tôt ou tard, je finirais par l'avoir...
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Après avoir ôté mon maillot, il me piqua avec, je le devinais, ce même sourire narquois accroché aux lèvres en m'anonçant:
"Ca risque de faire un petit peu mal..."
Il enfonça l'aiguille jusqu'au bout, oui ! Je sentais presque le plastique de la seringue me toucher la peau... Une folle envie de lui en tourner une me prit, mais le visage carré d'Igor me rappela à la raison. Lorsqu'il eut fini, il retira la lame et contempla avec satisfaction le petit tube de mon sang qu'il avait prélevé.
"Vous trouverez la même chose que dans les autres...Et ah, je vais vous faire gagner du temps, c'est sur le chromosome 17 ou 18 qu'il faut fouiller..."
Le médecin sembla hésiter un moment, mais il reprit son activité juste après comme si je n'avais rien dit.
Il posa une compresse qu'il fixa avec un sparadrap et demanda:
"Igor, ramène ce monsieur dans sa cellule.
-Bien docteur..."
Sans plus d'explications, je repartis comme j'étais arrivé. Igor me suivit, et je fus encore une fois surpris par son aisance. Il se déplaçait comme un spectre, et c'était d'ailleurs sans doute la raison qui lui avait permi de me frapper aussi violemment sans que je ne me rende compte de rien. Un rien terrorisant cet Igor...
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De retour dans la cellule, Al s'enquit immédiatement de mon état. J'allais plutôt bien physiquement, même si mentalement, ce n'était pas la forme olympique.
"Et toi, ton bras ? demandais-je.
-Oh, ca m'a embêté pendant ma cavale... Plus d'une fois j'ai cru que je serais trop lent et maladroit pour leur echapper. Je pensais visiter un centre Pokémon de temps en temps, mais chaque fois que je rentrais dans une ville, je devenais une proie facile... Et puis finalement, j'ai pu quitter mon plâtre il y'a une semaine...
-Ca s'est vite réparé, dis-moi..."
Al sembla gêné, comme si j'avais touché un point sensible.
"Ok, tu ne veux pas en parler, c'est ton choix... fis-je calmement. T'as vécu des choses que je ne peux pas comprendre, c'est ça ? "
Un brin rassuré, Al acquiesca en silence. Il y'avait un voile de mystère qui planait au dessus de ce jeune homme, mais pour le moment, ce n'était pas le moment de s'en préoccuper.
La porte s'ouvrit à nouveau, même Al sembla étonné.
"D'habitude, on ne nous fait sortir qu'une fois par jour, pour les médocs, mais là..."
Bizarrement, ce n'était pas pour moi que le visiteur venait, mais pour Al. Le regardant sans comprendre, il me rendit mes doutes car sur son visage il avait les mêmes, et il partit sous bonne escorte.
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Il était temps de vérifier toute la pièce. Al était ici depuis à peine plus de 24 heures et des micros pouvaient traîner ça et là sans qu'on les devine... Retournant mon matelas, je cherchais dans le sommier, des puces, ou n'importe quoi d'électronique. Je savais qu'on pouvait les miniaturiser à un point difficilement imaginable, mais quelque soit le micro, il restait visible à l'oeil nu...
Ce fut ensuite le tour du sommaire placard... Rien sous les lavabos, ni derrière les toilettes. Les murs étaient faits d'un seul tenant et le plafond était une grosse dalle coulée d'un bloc. Manifestement, il n'y avait aucun micro. Au moins une bonne nouvelle. Je pourrais comploter en paix.
Une fois cette petite vérification faite, je sortis la lame d'acier de mon bandage. Un rapide tour de l'objet m'apprit qu'elle était bien plus coupante et dangereuse que lorsque je l'avais trouvée... Doc et Tia avaient fait bien plus que me rendre mon outil mortel, ils l'avaient aiguisé ! Je cachais la lame derrière le tuyau d'évacuation du lavabo, dans un petit recoin invisible pour quiconque ne fouillait pas trop mais assez stable pour que l'objet ne tombe pas tout seul... Je vérifiais que mon bandage tenait bien, car si l'on me croyait infirme, on aurait moins de méfiance à mon égard, et si j'arrivais à nous faire partir d'ici très tôt, ce serait d'autant plus utile...
Nous étions certes sous l'eau, mais j'étais bien sur un bateau, à l'air libre pas plus tard que ce matin... Du moins était-ce le matin d'aujourd'hui ou d'hier ? Le temps semblait s'écouler différemment ici du fait de l'absence des rayons du soleil. Bref, toujours était-il que pour être aujourd'hui sous l'eau, il devait au moins y avoir un endroit ou la base émergeait... Il y'avait toujours une partie visible dans l'iceberg...
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Très vite, un semblant de plan s'organisait dans ma tête. Je savais par où j'étais arrivé, et cet endroit était légèrement plus haut que la salle principale du complexe... Ce devait donc être par là que se faisaient les entrées ici. Le personnel était certes autonome, mais la nourriture ne venait pas du ciel. Il devait donc y avoir un ravitaillement par quelque endroit que ce soit... Peut-être même y'avait il deux issues. Et, autre détail important, je n'avais vu ici que des blouses, pas un seul uniforme. Chercheurs, médecins, infirmiers... Tout celà était très utile dans un hôpital psychiatrique, mais pour retenir une telle force que celle que nous avions tous en nous, il en fallait bien plus.
En parlant de ce détail, je n'avais toujours vu aucun Crépuscule nulle part. Dans ma cellule, pourtant sûre et enourée de murs épais, je ne voyais aucun dispositif rond quelque fût l'endroit ou je portais mon regard. Comment dans ce cas arrivaient-ils à neutraliser nos pouvoirs ? Un moment, une pensée me glaça le sang... Et s'ils avaient réussi à les annihiler définitivement ? J'avais passé plusieurs heures dans les bras de Morphée, qui sait ce qu'on avait pu m'injecter, me faire avaler ou autre ? S'ils maîtrisaient une telle technique alors qui pourrait donc faire le poids face à eux ? Bientôt, ils arriveraient à créer ces pouvoirs... Si ca se trouvait ils l'avaient déjà fait !
Quelque soit la solution que je choisissais, il y'avait toujours deux impératifs: faire vite, très important... mais le plus vital, c'était que seul, je n'arriverai pas à grand chose et j'aurais surtout fait tout ça pour rien... Aussi sûr que j'étais de vouloir partir d'ici, j'étais sûr d'une autre chose... Je ne pouvais pas partir seul. Il fallait que je rassemble les Elus.