Chapitre 44: Dans les premiers couloirs
Un oeil daigne s'ouvrir... Pas l'autre... J'ai à peine le temps de voir un masque et deux yeux au dessus. Cette personne me dit vaguement quelque chose... Puis plus rien...
Cette fois-ci, les deux yeux s'ouvrent, ils veulent même tourner un peu dans leurs orbites, la salle dans laquelle je suis est vide. La salle d'opération... Ca me revient un peu... Mais les dernières gouttes de l'anesthésique ne veulent pas me laisser tomme ça. Je resombre dans une douce tiédeur.
Des chocs, des coups, ca bouge autour de moi. Sous l'effet de ces sollicitations, j'ouvre un oeil, pour le refermer aussitôt, un grand soleil brille, mais sa lumière est bien trop forte pour mes yeux fatigués... J'ai entraperçu deux mains derrière ma tête. Je suis sans doute sur un brancard, mais je n'en saurai pas plus...
L'endroit est froid, mes pieds sont découverts, et c'est cette sensation qui me maintient finalement éveillé. Mes yeux s'ouvrent avec peine une fois, puis une deuxième moins douloureusement. Je suis dans une pièce inconnue. A l'angle d'un mur, une caméra. Manifestement, le peu de neurones qui me reste fonctionne toujours, mais le démarrage est un peu lent... Je me rappelle du bateau, de la cellule... et mon bras ?
Un coup d'oeil à mon épaule m'apprend que tout semble aller pour le mieux. Le bandage est propre, j'ai l'étrange sensation que tout celà n'était finalement qu'un mauvais rêve. Les réfugiés, Sento, le bateau, le médecin et l'infirmière... Tout celà semble si loin. Seule la caméra me rappelle où je suis... Et que tout celà n'était pas un cauchemar... Hélas...
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Une fois sûr que les dernières molécules d'anesthésique présentes dans mon corps ne me causeraient plus de problème, je tentais de me lever, avec succès... Juste en dessous de la caméra, je vis une pile de vêtements, mes vêtements. Comprenant que celle-ci avait un angle mort conçu précisément pour que je puisse me changer sans avoir à montrer toute mon anatomie à ceux qui surveillaient derrière leurs écrans de contrôle, je me dirigeais vers le tas d'habits.
Après fortes contorsions, notamment au moment où je dus passer mon maillot, je réussis finalement à me vêtir convenablement. Mon bandage ne se voyait presque pas et je n'avais presque aucune sensation de douleur. Je soupçonnais le docteur d'avoir usé d'une méthode un peu particulière pour m'assurer un rétablissement aussi prompt. Mais quelque soit mon état, je suivrais ses recommandations. Une semaine sans trop bouger le bras et ce serait fini.
Instinctivement, je voulus vérifier si un dispositif Crépuscule se trouvait dans les environs.
Rien ne semblait y ressembler dans la pièce, mais il me fut impossible de faire quoi que ce soit d'exceptionnel.
Celà confirmait que j'étais bien là où je croyais être... Dans les premiers couloirs de l'endroit où je resterais un bon moment... Là où tous les élus connus croupissaient depuis un certain temps déjà.
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Vu le froid qui régnait dans cette pièce, je mis ma main dans ma poche pour la réchauffer. Quelle ne fut pas ma surprise en trouvant un petit papier chiffonné au fond... Restant à l'abri du champ de vision de la caméra, je le dépliais de ma main valide. C'était un message qu'on avait laissé à mon attention.
"Bonjour Lilian, j'espère que tu te rétablis bien. Modère tes mouvements pendant les prochains jours, et tout ira bien. Il ne devrait y avoir aucun problème avec la plaie, Tia et moi avons usé d'une méthode un peu particulière pour ton bras. Une fois la balle extraite, nous avons pulvérisé de la super potion sur ton bras. Pour ce genre de blessures, c'est relativement semblable à ce qu'ont les Pokémon en combat, et cette méthode a déjà fait ses preuves pour améliorer l'état jugé très grave de certains soldats. Mais chez toi,... Wouah, je dois reconnaître que j'en suis tellement fier. Ton bras a cicatrisé sur le coup... En cinq secondes, le trou béant n'était plus d'une petite égratignure..."
Je pris un moment pour jeter un coup d'oeil à mon bras... Tu m'étonnes que ca a marché, pensais-je. Vu toutes les mutations que j'ai dans mon ADN, je suis presque autant Pokémon que tous ceux qui peuplent cette île...
Une fois cette constatation effectuée, je me remis à la lecture.
"Comme tu le remarqueras certainement, tu sens toujours une douleur dans l'épaule."
Effectivement, je ne pouvais nier que j'avais une certaine gêne...
"C'est tout à fait normal, vu qu'on a camouflé entre deux couches de bandages le petit bout de métal que tu nous avais confié... On a passé les détecteurs de métaux en disant que c'était une plaque de métal qui maintenait ton épaule en place... Ne nous remercie pas, et fais autant de dégâts que tu peux avec. J'ai souvent fait le trajet sur ce bateau, et les scientifiques sont réputés pour être sans déontologie là où tu es... Ca te fera un joker de plus. Bien évidemment, je compte sur toi pour faire disparaître ce petit papier au plus vite."
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C'était signé Doc et Tia... Ils soignaient les soldats plus à contre-coeur qu'autre chose et avaient vu en moi l'éxécutant de leur vengeance... C'était logique, et pourtant tellement risqué de leur part... Ils auraient pu jeter ce morceau de tôle dans une poubelle et ne rien tenter pour moi, mais ils s'étaient mis en avant pour m'assurer un atout... Je me promettais de tout faire pour les tirer de leur condition dès que nous serions sortis d'ici...
La porte s'ouvrit soudainement. Je fourrais le papier dans ma poche avant de me retrouver nez à nez avec deux hommes en blouse blanche.
"Et bien, on dirait que notre nouveau cobaye est réveillé. Comment t'appelles-tu ?"
Un ton froid et sans émotions, ces deux hommes étaient de véritables armoires à glace. Il se ressemblaient étrangement, mais l'un d'eux, celui qui n'avait encore rien dit avait l'air euphorique, et en même temps un peu troublé...
"Lilian, fis-je sans conviction...
-C'est joli, Lilian, oh, oui, c'est très joli... fit le deuxième homme."
Je soupçonnais de savoir la raison de cette étrange gaieté sur le visage de cet homme. Il devait lui manquer quelques cases (si ce n'est plus).
"Je m'appelle Igor, et voici Tito... Comme tu le devineras, il est un peu "spécial"... Quelques finitions à revoir...
-Pauvre Tito, Tito n'a pas tout ce qu'il faut a dit le maître..."
Voilà où j'en étais, au fin fond de nulle part, à peine habillé et déjà entouré de deux masses sans cervelle... Mais où étais-je tombé ?
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Je décidais de poser directement la question. On ne savait jamais, peut-être que le dégénéré saurait me renseigner sans s'en rendre compte.
"On est où là ? "
Igor se renfrogna et Tito sursauta.
"Il ne faut pas poser les mauvaises questions ! fit-il presque en criant. Ca rend Igor méchant..."
Sans attendre de réponse, je me laissais finalement guider par mon escorte semi-débile et à moitié psychopathe... Dans d'autres contextes, j'en aurai presque ri, mais là... Lorsque le dénommé Igor me montra la porte sans un mot, je savais que ce n'était pas nécessaire d'en dire plus.
Dans les couloirs, un blanc étincelant régnait. Sous des néons lumineux, la couleur "hôpital psychiatrique" ainsi que les blouses de mes deux gardes me laissaient supposer que nous étions dans un environnement coupé du monde et de ses bactéries, du genre lieu d'internement ou, ce que je craignais plus, laboratoire...
Autour de moi, la couleur blanche n'était jamais entâchée par un quelconque objet d'une autre couleur, pas une poignée de porte, pas une plinthe, et, ce qui n'étonna plus, pas un seul dispositif Crépuscule. Je voulais bien admettre que je n'ai pour le moment connu que des boitiers noirs, mais même en blanc, rien de ce que je voyais autour de moi n'y ressemblait. Je savais par expérience que les particules que ces dispositifs émettaient pouvaient traverser les murs fins, mais enfin, dans une prison pour Elus, les murs ne devaient pas faire que quelques millimètres...
Après la traversée de ce long couloir, j'arrivais enfin à l'endroit qui semblait être le coeur des opérations...
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Je fus tout d'abord estomaqué par la beauté de ce lieu. Tranchant radicalement avec le côté froid des couloirs blancs, cette pièce était bleutée avec des reflets magnifiques. J'en compris l'origine lorsque je vis le dôme de verre qui recouvrait le sommet de cette pièce sphérique. Le soleil traversait l'onde bleue et teintait les murs, déja peints, des couleurs de la mer. Lorsque je reformulais cette phrase dans ma tête, un détail me frappa d'un coup. Nous étions sous l'eau... La base était sous-marine.
La pièce semblait immense, mais en fait c'était un ensemble de petites pièces qui n'avaient pas de toit, le tout autour d'un grand tube qui semblait faire office de pilier central. Etait-il creux et vide ou bien au contraire était-il plein de matériel vital ? Etait-ce un simple pilier de soutènement ou bien se cachait-il les choses les plus secrètes à l'intérieur ? Le fait qu'on ne puisse pas le voir de l'extérieur confirma la deuxième hypothèse, car tout ici semblait avoir été conçu de manière à pouvoir être surveillé depuis un poste unique, que je voyais maintenant, légèrement en avant de la structure sphérique. Dans une des excroissances de la sphère, juste en face de ce nid d'aigle, on voyait de nombreux compartiments fermés par de lourdes portes renforcées... Pas de doute, c'était les cellules des Elus.
Dans la structure, tout semblait être fait pour pouvoir vivre en autharsie. Alors que je descendais petit à petit vers ce que je considérai comme une cellule, ce qui était logique si j'avais raison, j'aperçus en vrac un self, de nombreuses salles de travail, une infirmerie, un laboratoire... Tout était prévu pour que cette base sous-marine soit indépendante...
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Au moment où j'allais enfin visiter le lieu qui allait me servir de chambre pour un bon bout de temps, un autre homme en blouse, plus svelte et plus important semblait-il que le duo de muscles que j'avais derrière moi interpella justement mes catcheurs préférés.
"Igor, Tito, par ici, changement de programme...
-Un problème docteur ?
-Non, pas de problème, Tito a fait son boulot comme il faut ! Le docteur a une idée, fit le colosse au cerveau ravagé.
-C'est bien Tito, tu comprends vite, ca m'étonne d'ailleurs de toi, fit l'interessé. Effectivement, vous me le mettrez dans la cellule 5 au lieu de la 9.
-Mais il y'avait déjà quelqu'un dans la 5, et le maître a dit qu'on ne devait pas mettre deux gens dans la même cellule si c'était possible.
-Je sais Tito, mais celui-là est particulier, il a un traitement de faveur. C'est le maître lui-même qui l'a décidé.
-Tu as de la chance, toi, tu auras un copain avec qui discuter, me glissa le géant dans le creux de l'oreille, manquant de me broyer l'épaule qui n'était pas bandée..."
Le docteur partit comme il était venu, sans donner son nom ni rien de plus, juste cette consigne... et les deux gorilles s'exécutèrent, me jetant dans la cellule 5. Les barreaux que j'avais vus étaient purement décoratifs vu que la porte et les murs sur lesquels ils étaient posés étaient pleins... Je lançais un regard désespéré à mon escorte, mais ils ne remarquèrent rien. Face à la porte, je n'obtins rien d'eux.
A peine fut-elle refermée que derrière moi, une voix se fit entendre.
"Alors toi aussi, ils t'ont eu..."