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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 14/01/2009 à 17:08
» Dernière mise à jour le 28/02/2012 à 20:06

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Episode 14 : devenir coordinateurs
-Episode 14-

La dernière fois, nous avions laissé nos héros dans une mauvaise posture. Alors que la journée avait si bien commencé, après une dispute plus violente que d'habitude, Eléanore et Sam décidèrent de ne plus se parler. De plus, un ancien rival de Samantha était apparu et, furieux de la voir refuser son défi, lui avait laissé en souvenir un Magicarpe et un goût amer dans la bouche.
Arrivé à la place où devait se dérouler un concours pokémon, le groupe rencontra Drew et Flora, ainsi qu'une gamine du nom de Christelle. Après une prestation qui l'effraya, l'adolescente proposa de faire un échange avec Eléa : les deux pokémons qui la terrifiaient contre son Papilusion. Après bien des refus, Eléanore, excédée, eut une réaction si familière : elle paria. Et voilà donc nos héros obligés de participer au concours pokémon, qui plus est de se classer dans les trois premiers s'ils veulent sauver l'honneur....
Enfin, finalement, dit comme cela, cela ne semble pas si terrible...

-NOOON PITIE ! PITIE JE VEUX PAS !
-DANIEL CESSE DE FAIRE L'ENFANT ET VIENS T'INSCRIRE AVEC MOI !
-NOOOOOOOOON !

Je veux démissionner, ou me mettre en grève, je ne supporterai pas longtemps les personnages de cette fic...

Daniel, fermement accroché à un des pilônes de la structure de l'accueil, tenait bon. Hors de question de lâcher prise, malgré Lucas qui tirait de toutes ses forces sur son pied.
Ils pouvaient s'y mettre à plusieurs, à cent, qu'il tiendrait ! Jamais, au grand jamais il ne participerait à ce concours devant tous ces gens, devant les caméras, devant... devant le monde entier ! Plutôt mourir !
-Mais enfin avec qui je vais me mettre, moi, si tu viens pas ?! S'écria Lucas.
-Avec Sam ! Rétorqua Danny du tac au tac.
-J'aimerais bien, mais Mr. Yuki a été plus rapide que moi ! Le sale traître !
-Avec Poussifeu alors !
-MAIS ARRETE J'AI BESOIN D'UN COEQUIPIER HUMAIN !
-AVEC ARMAND ! JE SAIS PAS MOI, AVEC QUI TU VEUX, MAIS PAS AVEC MOI ! Pleura Danny, pétrifié face à l'image de la foule scrutant la moindre erreur de sa part, à l'idée que ses frères et sœurs, que sa mère, que même son père puissent contempler l'ampleur du désastre.
-Tu m'énerves ! S'écria Lucas en abandonnant la lutte. Un éclair de génie le frappa, et d'une voix mielleuse, il murmura à l'oreille de son meilleur ami :
-Tu préfères peut être passer pour un lâche qui ne respecte pas le pari devant Eléa ?
La réponse ne se fit pas attendre.
-OUI !

C'était peine perdue. Lucas, dépité, alla s'inscrire seul, tandis que Daniel s'esquivait par la porte de derrière. Pour son propre bien, mieux valait que son ami ne le retrouve pas jusqu'à la fin du tournoi, sinon il était bon pour mourir de rire sous les chatouillis. Il allait demander à Sam de s'occuper de l'œuf pokémon et se cacher sous la caravane. Il avait vu un casier là-bas, avec un peu de chance il tiendrait dedans...

Un peu plus loin, devant une caravane à toit rouge, le reste de la troupe semblait en plein dans un entraînement spécial. Du moins trois d'entre eux.

Mr. Yuki, allongé dans l'herbe grasse, ronflait bruyamment devant une Samantha dépitée, un Drew perplexe, une Flora amusée, et un Tom inquiet.
-Monsieur, vous êtes censé vous entraîner avec moi pour l'épreuve en duo ! Gémit Sam, excédée.
Le professeur fit un signe de main signifiant qu'il s'en fichait éperdument et déclara :
-On a encore une heure demain pour voir ça ! Essaye d'abord de passer la première épreuve. On a encore le temps. Ajouta-t-il en baillant.
-C'est de la procrastination ! Se lamenta Samantha qui ne supportait pas ce genre de comportement qui lui mettait encore plus la pression.
-A ton avis, pourquoi suis-je devenu professeur ? Termina-t-il.

Cette phrase, montrant toute sa mauvaise foi, ne pouvait supporter aucune réplique. Samantha partit en marmonnant, voyant l'image qu'elle entretenait de Mr Yuki complètement fendillée. Puisque c'était ça, elle allait travailler deux fois plus ! Hors de question de se faire éliminer ou même humilier, surtout qu'elle avait vu Armand prendre une place dans les tribunes.

D'un geste, elle libéra ses pokémons. Tarsal, Galifeu, Farfuret et Magicarpe apparurent. Le nouveau, sûrement étonné d'avoir une nouvelle dresseuse, remua dans tous les sens avant de s'affaler, inerte, fatigué par son effort.

L'adolescente regarda son équipe. Tarsal commençait déjà à se téléporter un peu partout, Galifeu jouait des coups de pieds et faillit en envoyer un à Farfuret qui s'énerva, tout ça devant un Magicarpe amorphe.
Elle allait se tuer.
Samantha soupira un grand coup, se disant que de toute façon elle n'avait pas de corde pour aller se pendre. Elle prit son courage à deux mains et s'approcha de ses compagnons. Elle attrapa le Magicarpe : l'heure des présentations était venue. Elle ne savait pas vraiment quoi lui dire, elle pouvait bien lui avouer qu'il n'avait pas de chance car il était tombé sur une mauvaise dresseuse, mais, cela ne l'encouragerait pas à travailler. Or, dans tous ses livres, on privilégiait l'encouragement vis-à-vis des créatures faibles et de base.
Elle fixa le poisson frétillant un moment, la gorge serrée, incapable de balbutier quoi que ce soit. Elle voyait déjà un discours grandiloquent, mais se sentait incapable de le lui communiquer. Finalement, en désespoir de cause, sentant Tarsal, Galifeu et Farfuret venir la soutenir, elle se lança :
-E-Écoute... Ton ancien dresseur a décidé de te donner. Je sais, ça ne doit pas faire très plaisir, surtout après ce que tu as du entendre. Il croit que je ne suis pas capable de t'élever, et que l'un comme l'autre, on se complète par notre nullité.

Elle s'arrêta, se rendant bien compte qu'elle aggravait les choses. Samantha soupira, se gratta la joue à la manière de Danny quand il était embarrassé. Elle devait continuer, sinon cela ne ferait qu'empirer, et même si chacune de ses phrases lui faisait l'effet d'un coup à l'estomac.

-Mais... Il a tort ! S'écria-t-elle.

Elle mentait.

-Il va voir, nous ne sommes peut être pas forts tous les deux, mais hors de question de lui donner raison, on va travailler, et on va le surpasser et le lui prouver ! C'est vrai, je ne suis pas une grande dresseuse, ni toi très, très fort, mais si on travaille dur il n'y a pas de raison qu'on ne progresse pas !

Elle se leva d'un bond. Ses propres paroles lui donnaient du baume au coeur, elle sentait cette confiance en elle revenir, lentement, lui réchauffer les membres et réveiller son esprit engourdi depuis des jours. Elle observa le Magicarpe, revigoré, et fixa son équipe avec fierté. Non, ils n'étaient pas encore forts, mais cela n'allait pas tarder.

-Allez, on mange et ensuite on file à l'entraînement !! Lança-t-elle, les joues rougies par son enthousiasme.

Celui-ci mourut dans la minute qui suivit quand elle vit que son Magicarpe ne pouvait même pas se nourrir seul, frétillant devant sa gamelle. Elle dut préparer un aquarium pour lui et lui jeter les croquettes dans l'eau.

Une rectification s'imposait, ils allaient avoir beaucoup, mais alors beaucoup de travail. Qu'aurait fait Eléa à sa place ?


Silver, non loin de là, avait vu le manège et constata avec plus ou moins de gêne que ce n'était pas gagné. Néanmoins, le problème était autre : comment la garder à l'œil si elle participait au concours ? A la fin de la cérémonie, des dizaines de personnes se pressaient habituellement autours des coordinateurs, et il suffisait de lâcher la cible des yeux une petite seconde pour qu'elle disparaisse.
Il contempla à nouveau la scène. L'adolescente venait de prendre le poisson dans ses bras, pour le soupeser probablement, mais celui-ci lui donna une paire de claque avec ses nageoires en bougeant un peu trop.

Le rouquin, dépité, détourna les yeux. Heureusement, lui avait capturé son Léviator Rouge au lac colère et n'avait pas eu à entraîner un Magicarpe.

Il reporta son attention sur sa montre, où Gold continuait à parler dans le vide, ne se rendant pas compte que Silver avait coupé le son depuis belle lurette. Qu'est-ce qu'il pouvait être bavard quand il le voulait quand même...
Le fils du boss, ensuite, se reconcentra pour trouver une solution à son problème. Il remarqua Chris et Angie en train de bidouiller un autre appareil électronique qu'il leur avait donné. Ce n'était pas grand chose, juste une TV « ABC » qu'il avait volé à une jeune dresseuse. S'ils parvenaient à la modifier pour qu'elle permette une communication entre eux, alors il pouvait s'incliner, et au pire s'ils n'y parvenaient pas, ils pouvaient apprendre la base du dressage.

Le dressage ?

Silver se releva d'un bond : il avait une idée.
La voix mielleuse de leur supérieur parvint à Angie et Chris, et à son ton, à son air diabolique, cela n'annonçait rien de bon.
Les deux ex-voleurs déglutirent.

Derrière le cadran de la pokémontre, Gold remarqua l'expression de Silver, et il ne put réprimer un frisson. Il plaignit les pauvres créatures qu'il avait du choisir pour être les victimes, à tous les coups, d'un nouveau plan tordu.

*

Eléanore soupira d'exaspération. Elle regrettait déjà son pari, mais ça hors de question de l'avouer. Elle jeta un coup d'oeil à sa droite. Ash et Pilou s'entraînaient aux enchaînements habituels, elle supposait que cela conviendrait. Elle regarda à gauche. Christelle bichonnait Happy et Ditto, et sa Papilusion semblait adorer ça. Devant elle, Héricendre et Ouisticram tiraient des têtes de six pieds de long.

Pourquoi devait-elle faire équipe avec cette gamine qui ne voyait même pas à quel point ses amis avaient été blessés par ses paroles ? Elle se promit, la prochaine fois, de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, même si elle savait pertinemment qu'elle n'en serait jamais capable.

Elle grogna de rage. En plus de ça, elle ne trouvait rien comme nouvel enchaînement ! Cela lui arrivait pour la première fois de sa vie. Un peu plus loin, Samantha semblait avoir du fil à retordre avec son Magicarpe. Elle aurait bien eu besoin de ses conseils en cet instant. Cependant, son orgueil lui interdisait d'aller s'excuser.
Daniel s'avança vers la brune, et lui demanda l'œuf. A peine l'objet dans les bras qu'il partit se cacher sous la caravane sans lui adresser un mot.

...


Rah non ! Elle devait se concentrer ! Concentration ! Go !

Elle détestait quand son esprit s'égarait comme ça, cela lui rappelait trop le temps qui s'écoulait et filait sous son nez.

Lucas revint rapidement du comptoir des inscriptions en déclarant qu'il les avait tous notés. Il demanda après s'ils avaient vu Danny, en lançant qu'il allait le mettre à mort dès qu'il le trouverait. Le jeune garçon derrière le dos d'Eléanore la supplia de ne pas révéler sa cachette, aussi elle ne révéla rien et le stratège partit s'installer un peu plus loin en tapant des pieds.

Flora émit un rire clair, amusée par le spectacle, Drew esquissa seulement un rictus moqueur, ils se levèrent et partirent aider l'adolescent qui grommelait dans son coin comme quoi il n'y connaissait rien au concours et qu'en plus il était tout seul.

Maintenant, le seul adulte qui leur restait était Tommy, mais celui-ci ne semblait pas vraiment apte à l'aider.

Pourquoi ce genre de choses n'arrivait-il qu'à elle ?
La réponse lui parvint immédiatement : parce qu'elle ne faisait jamais attention aux conséquences de ses actes.

La prochaine fois, elle se promit de se mordre la langue jusqu'à ne plus pouvoir parler.

*

Lucas, de son côté, avait sorti Arcko, Ying et Yang. Il avait décidé de garder Arcko pour le combat, car il l'avait certes entraîné, mais pour des batailles et non pour des concours, alors que sa stratégie en équipe avec Noctali et Mentali pouvait marcher dans cette compétition. Du moins, il le pensait.

Il avait demandé à Daniel les caractéristiques de Arcko grâce au pokédex de son ami quand il l'avait capturé, et il avait une petite idée pour utiliser les aptitudes personnelles de la créature.

-Des pattes adhésives qui lui permettent de marcher sur les murs, une queue sensible à l'humidité, et un pokémon très rapide... Marmonna-t-il.

Il aimait poser la base de ses théories à l'oral, tout devenait plus clair ainsi d'après lui. Cependant, cette habitude lui joua un tour.

-Tu as besoin d'aide ?

Lucas se retourna, surpris. La femme brune de tout à l'heure lui souriait. S'il n'avait pas été amoureux de Samantha, peut-être l'aurait-il draguée, mais ce n'était ni une bonne attitude morale envers sa «petite amie», ni même le moment. Le brun retint à grande peine un de ses célèbres sketches.

-Le plus important dans un concours Pokémon... Commença-t-elle.

Le garçon aux cheveux verts s'approcha et lança avec elle :

-Exploiter les qualités propres de son pokémon et les mettre en valeur.
-Surtout se battre jusqu'au bout, sans jamais abandonner la mise !

Nouveau silence. Lucas se demanda comment ces deux-là pouvaient s'entendre, mais surtout pourquoi ceux-ci l'aidait.

-Nous n'avons rien à faire, et l'ambiance est un peu lourde là bas. Expliqua Flora quand il l'interrogea. –C'est rageant de ne pas participer alors qu'on est si proche de la scène... Enfin, heureusement le banquet de clôture et la soirée habituelle me remonteront le moral !

Ouais, il n'était qu'un passe-temps en gros. Néanmoins, il n'était pas assez bête pour refuser de l'aide quand il en avait besoin. Lui n'avait pas une dignité qui lui compressait le cerveau. Drew et Flora se mirent donc à lui donner quelques conseils sur le déroulement de la compétition.

Drew prit dans le sac de Flora un petit objet nommé « Kit du dresseur ». Le petit panier en osier regorgeait d'objets en tout genre. Les coordinateurs sortirent d'ailleurs un mini-PC, de faible puissance mais tout de même capable de se connecter à Internet grâce à une clef fournie, donc à la GTS. Un compartiment à CD fut posé à terre également, ainsi qu'un sac à baies, un mini mixeur pour pokébloc, et vu que le matériel pour les poképains étaient le même qu'en cuisine, il n'y avait qu'un livre de recette. Lucas aperçut rapidement divers objets pratiques, tels qu'un mémoridex, un cherche VS, un cherch'objet, des pierres stases, des bons pour les boutiques de Celadopole, des cartes informatives sur les pokémons...
L'adolescent d'1m70 en avait déjà vu en rayon, parfaits pour les débutants, mais assez chers.

-Ceci, commença Drew en montrant le compartiment à CD, est une boîte à Capsules. Il l'ouvrit et en passa une à Flora qui, elle, le chargea dans l'ordinateur. L'écran se mit alors en route, et montra un petit clip dans lequel un pokémon effectuait l'attaque éco-sphère. Lucas avait déjà utilisé ce genre d'engin pour Mentali et Noctali. Il suffisait de suivre les instructions qui étaient dictées dans le DVD pour que le pokémon puisse utiliser l'attaque - avec un peu d'entraînement en plus bien sûr.
Drew et Flora se mirent alors à lui expliquer combien il était indispensable de maîtriser parfaitement les capacités des pokémons et de ne pas hésiter à leur en apprendre artificiellement comme ici, mais de les choisir avec attention pour ne pas les gaspiller.
Le jeune homme expliqua rapidement les avantages et les inconvénients de cette stratégie, tandis que la femme, elle, étoffait le discours d'exemples tirés d'expériences personnelles.

Lucas fut totalement abasourdi par ce qu'il avait encore à apprendre. Cette idée le réjouissait au plus haut point, malgré sa patience limitée. Le monde regorgeait vraiment de secrets, il n'avait encore que vu la partie apparente d'un iceberg.

L'heure du déjeuner arriva plus rapidement qu'il ne le crût. Il avait été totalement absorbé par les explications des coordinateurs professionnels. Peu à peu, il avait compris que, malgré leurs différences, les deux adolescents partageaient une complicité incroyable. Leurs yeux s'illuminaient, et à peine parlaient-ils de prestations, qu'au lieu de se contredire, ils complétaient leurs phrases tour à tour. Ils exécutaient les mêmes gestes, débattaient calmement d'un avis, échangeaient leurs hypothèses, et respectaient l'opinion de l'autre avec une grande tolérance. A part quelques remarques de Drew quand Flora allait un peu trop loin –comme quand elle lança l'idée d'organiser une épreuve de cuisine-, rien ne laissait entendre à une quelconque tension.

Ils partageaient la même passion, et entretenaient une rivalité, une réelle amitié. Lucas se demanda si un jour il aurait le plaisir de voir Eléa et Samantha se conduire ainsi. Après mûre réflexion, il comprit qu'il valait mieux que non, car après cette conversation les deux coordinateurs se regardaient amoureusement l'un l'autre.

Brr ! Rien que d'imaginer Eléa et Sam à leur place donna un frisson de détresse au garçon.

*

Christelle s'étira longuement. Tom venait d'apporter le repas aux enfants, et elle le remercia d'un sourire rayonnant. Elle observa la scène. Tandis que Eléa plaçait discrètement le plateau de Daniel dans sa cachette, Samantha fixait dans le blanc des yeux son Magicarpe, l'air concentré. Lucas, un peu plus loin, semblait suivre les instructions de Flora et Drew.
Une pointe de jalousie lui compressa la poitrine en voyant ses coordinateurs préférés aider ses rivaux, mais elle la chassa bien vite de son esprit. Plus facilement encore quand Tom apporta un repas au groupe, et que le couple s'éloigna pour le prendre en tête à tête derrière la caravane.

Quand elle disait qu'ils étaient faits pour être ensemble ! Peu importe ce qu'ils nient, elle avait déjà dessiné la robe de mariée de Flora et le costume de Drew pour leur mariage !

Les deux amis se penchèrent sur une part de poulet et leurs mains se frôlèrent. Ils la retirèrent immédiatement, puis Flora éclata de rire tandis que Drew sortait leurs pokémons, légèrement déstabilisé.

Ouais, y avait encore du chemin, peut-être ne devrait-elle pas envoyer le faire-part de la cérémonie avant la semaine prochaine...

Un grognement attira son attention. Eléa venait de crier en se prenant la tête pour trouver une prestation. Christelle sourit. Voilà, maintenant elle comprenait la difficulté des concours. Un problème s'imposait tout de même : elle avait besoin d'une coéquipière, et elle avait accepté le pari plus pour cette raison que pour le reste...

La rousse s'avança vers Eléanore, mi-figue, mi-raisin. Elle s'assit à ses côtés, tandis que Happy se jetait avec joie sur sa véritable dresseuse. La jeune fille l'accueillit avec délectation.

-Alors, besoin d'aide ? Demanda Christelle, ne pouvant empêcher une grimace de vainqueur d'illuminer son visage.
-Non ! Rétorqua Eléa immédiatement. La coordinatrice sursauta, étonnée.
-Quoi ? Tu as déjà une stratégie ? ! Balbutia-t-elle.
-Avec mes pokémons habituels, évidemment. Je cherche encore une attaque pour Héricendre et Ouisicram, une attaque qui leur conviendra.
-Pourquoi veux-tu leur avis ? C'est stupide ! Donne-leur des instructions, point barre ! S'offusqua Chris.
Eléanore ne préféra même pas répondre à la remarque, tant elle l'agaçait. Elle sentit la colère de Héricendre monter en elle alors que la peine envahissait Ouisticram.

-Je ne vois pas ce que tu reproches aux pokémons, déclara finalement Eléa au bout d'un moment, après avoir retrouvé un semblant de calme. –Tu sembles pourtant t'y connaître énormément, moi je ne sais pas ce que c'est la GTS, les super bonbons ou ces trucs en capsules...
-Et moi, je sais pas ce que vous avez tous avec ces pokémons ! Pourquoi tout le monde ici semble fasciné par eux ? Les boutiques leur sont toutes consacrées, la moitié d'Internet leur est dédiée, et pour chaque boulot intéressant aujourd'hui il faut avoir fait un voyage initiatique. Lança Christelle, les sourcils froncés, la mine renfrognée. Ce ne sont que des animaux ! Mince à la fin, la philosophie est pourtant formelle, on n'a pas à respecter un animal ! Pourquoi des dizaines de personnes leur vouent leurs vies, en oubliant pratiquement leurs propres familles ? Continua-t-elle.

Tom, un peu plus loin, se retourna et contempla sa soeur avec amertume.

-Comment peux-tu ne pas respecter un pokémon alors qu'il fait son possible pour t'aider ? Qu'il fait des efforts pour toi ? Les pokémons sont bien plus que des animaux ! Ils ont une âme, voyons ! S'exclama Eléa.
-Je n'en ai pas encore vu la preuve de ça ! Je ne crois que ce que je vois.
-Parce que tu vois ton âme peut-être ?

La réplique abasourdit la rousse quelques secondes. Bien que la conversation se faisait sur un ton calme et froid, l'ambiance devint aussi lourde que lors des disputes légendaires de Sam et Eléa.

Christelle se rassit, le bec cloué par la répartie de la gamine. Les bras croisés, une moue agacée sur sa frimousse carrée, elle sembla refuser de poursuivre la discussion.
Eléanore se détendit. Elle soupira, et reporta son attention envers Héricendre et Ouisicram. Les créatures, les têtes basses, étaient abattues.

Elle aurait aimé que Christelle puisse ressentir tous les sentiments qui émanaient d'eux, qu'elle puisse comprendre que chacune de ses paroles les heurtaient, qu'elle ne parlait pas dans le vide. Malheureusement, elle était et resterait la seule spectatrice de la tristesse des deux pokémons. Cela avait toujours été comme ça, pourquoi cela changerait-il ? Même si elle parvenait à percevoir les émotions des pokémons de plus en plus clairement durant le voyage, qu'elle parvenait à percer la barrière de leurs esprits facilement à présent, elle doutait pouvoir atteindre un niveau pareil, au point de rendre cela visible aux yeux de tous.

Pour le moment, tout ce qu'elle pouvait faire, c'était les consoler comme elle pouvait. Doucement, elle caressa le crâne de Ouisticram, même si celui-ci suppliait Christelle du regard pour qu'elle le prenne dans ses bras. Soudain, quand elle voulut avancer sa main vers Héricendre, le dos de celui-ci s'enflamma. Eléanore retira son membre rapidement en gémissant. La coordinatrice réagit plus vite que son ombre, Eléanore avait à peine vu la mine désolée d'Héricendre de sa bêtise que celui-ci se prit un grand coup sur la tête.

-Héricendre ! Tu devrais avoir honte, tu lui as fait mal ! Pourquoi tu n'es pas comme Ditto ? Pourquoi tu ne comprends pas ? Hein ?

Le pokémon se recroquevilla sur lui-même. Eléanore s'interposa entre lui et sa dresseuse, les yeux écarquillés, le souffle coupé par l'étonnement.

-Ça va ! Il ne m'a pas fait mal ! Hurla-t-elle. Il n'a pas fait exprès !

Sa voix s'entremêla à celle, muette, du pokémon feu.

-Regarde ta main ! Comment peux-tu ne pas avoir mal ? S'écria l'adolescente en pointant du doigt la peau qui rougissait déjà et dont des plaques blanches.
Eléanore hésita, elle chercha une issue rapidement mais n'en trouva pas.
-Je... A... A... Commença-t-elle... Brusquement, elle dénicha Ash au fond de son champ de vision. –Parce que je suis dresseuse de pokémon feu ! Je ne sens plus rien avec cette main, à force de me la brûler ! Elle tenta de rire pour cacher son mensonge mais elle n'eut qu'un gloussement peu réaliste.

Christelle plissa des yeux jusqu'à ce qu'ils ne soient plus que deux minuscules fentes lançant des éclairs de reproche. Eléanore crut un moment qu'elle allait lui donner une claque également, mais la rouquine grimaça, se leva violemment et disparut dans la caravane. Elle en sortit quelques minutes plus tard avec un sac de voyage assez gros.

Elle en dépêtra plusieurs objets, un PC portable, une mallette en osier avec marqué dessus « kit du dresseur », un manuel, plusieurs croquis, un matériel à couture, une trousse de maquillage, et enfin sortit la boîte des premiers soins. Elle saisit le bras d'Eléa sans aucune douceur, mais elle s'en fichait. Plus rien ne l'atteignait à ce bras, elle s'en était rendu compte avant sa fugue, elle avait défendu le parc du prof Chen contre des voleurs de grands chemins et s'était rendue compte après plus d'une heure que son bras saignait, sa paume écorchée et sa chair à vif à la suite de la course poursuite. –Très théâtrale au passage car elle avait chassé les brigands avec la fourche dont le prof se servait pour nourrir les pokémons-. Plus rien ne l'atteignait sur cette partie du corps. Au final, cela l'arrangeait. Après tout, c'était un endroit qui ne risquait pas de l'embêter, et puis c'était sûrement un des nombreux symptômes de sa maladie, pour une fois que ceux-ci n'entravaient pas ses pas... Pourquoi se plaindre ?

Christelle commença à lui faire un pansement, elle alla quelques secondes chercher du lait auprès de ses Ecrémeuh et du vinaigre, qu'elle mélangea et dont elle imbiba les bandelettes au préalable, pour les cloques. Un long silence s'installa. Eléanore vit des plaies similaires sur les mains de Christelle. Elle avait du se brûler plus d'une fois, elle aussi...

Plus la rouquine continuait les soins, plus des questions venaient hanter l'esprit d'Eléa. Ouisticram s'approcha de sa dresseuse et lui passa les instruments de la boîte, celle-ci ne le repoussa pas, mais ne le félicita pas non plus... Pourtant, la fillette aux couettes vit là le petit singe vivre un des plus beaux instants de sa courte vie. Il était si simple de faire plaisir aux autres quelque fois, pourquoi l'homme s'évertuait-il à semer le mal derrière lui, alors que cela se révélait bien plus compliqué ?

Elle, elle aimait les pokémons. Pour la simplicité de leurs sentiments. Il n'y avait pas d'hésitation chez eux, pas de prise de tête, ils ne tournaient pas autour du pot, et se donnaient à fond pour ceux en qui ils croyaient. Elle admirait cette société, cette mentalité commune à ces créatures, prêtes à vendre leur vie pour leur dresseur, sans même en garder rancune. Le lien qui se tissait avec l'enfant et son pokémon, pour elle, demeurait le plus beau des trésors, car il s'agissait d'une relation éternelle et toujours sincère. Il n'y avait pas de mensonge, pas d'hypocrisie, juste des amis.
Aussi, elle parvenait difficilement à comprendre la répugnance de Christelle face à Héricendre et Ouisticram, surtout quand elle la voyait faire preuve de douceur avec Happy ou Ditto.
Tout comme elle ne comprenait pas la volonté de Samantha à fuir l'amitié.

L'être humain était bien trop compliqué pour elle.

-Tu sais... -L'écho de sa propre voix la surprit autant que Christelle. –Mon père a connu ma mère lors de son voyage initiatique, quand il avait à peu près mon âge. Il savait très bien ce qu'il allait devenir plus tard, reprendre la société familiale, mais il voulait tout de même parcourir le monde avant de s'enfermer dans un bureau. Quand j'étais petite, il me disait souvent qu'un enfant qui grandit trop vite est plus fragile que les autres, et qu'il refusait de gâcher sa jeunesse de façon précoce.

Chris arqua un sourcil, se demandant quelle mouche piquait à sa coéquipière, et en quoi cela la concernait. Eléanore sourit.

-Il adorait les pokémons, comme ma mère, et je sais que leur sang bouillonne dans mes veines. Ils ont dédié leurs vies aux les pokémons, jusqu'à ma naissance. –Son visage s'assombrit- Puis, quand j'étais petite, j'ai eu un accident. Des pokémons m'ont blessée, gravement.

Daniel, derrière les deux filles, dans sa trappe secrète, écoutait attentivement, chaque phrase renforçant ses doutes.

-Tu sais ce qu'ils ont fait ? Ils ont relâché tous leurs pokémons. Sans exception. Ils ne voulaient plus que ces créatures m'approchent. Parfois, j'échappais à leur surveillance et j'allais en voir en cachette, mais ils étaient terrifiés à la simple idée que je sois en contact avec eux. Ils ont sacrifié leurs amis d'enfances, pour leur famille. Tu vois, la famille passe avant les pokémons. Bien des choses passent avant les pokémons. Mais on ne peut nier que ces créatures existent, que le lien qui nous unit à elles est réel, que ce soit de l'amitié, ou simplement de la dépendance.

Christelle baissa la tête, apparemment exaspérée. Pourtant, au fond de ses iris, Daniel aurait juré voir luire un éclair de compréhension et de regret.
Lui-même fut éclairé par le discours de son amie. Il était à présent certain de sa véritable identité. Le garçon caressa la coquille de l'œuf de Barpau. Les dés du destin étaient jetés.

-Mon oncle est le prof. Orme, de Johto - je suis native de là-bas, d'ailleurs. Commença-t-elle, après une seconde. –Ma famille s'est toujours tournée vers les pokémons. Il était normal que mon frère et moi fassions de même. Mais je veux devenir styliste. Mes parents n'ont jamais vraiment digéré cela, et même s'ils disent le contraire, la tension est là. Il n'y a que Tom qui me comprenne un tant soit peu, tous les autres essayent toujours de me faire changer d'avis en m'envoyant tel pokémon ou tel kit de dressage. Déclara la voix de Christelle dans son dos.

Elle pointa du doigt les objets de son sac et les pokémons feu.

-J'ai voulu leur clouer le bec, alors je suis allée voir une grande créatrice de mode pour lui montrer mes patrons. Elle m'a avoué que j'avais du talent, et elle voulait m'en emprunter quelques uns, mais elle m'a dit que je ne pouvais rien faire parce que je n'étais pas connue. Il fallait d'abord avoir un nom dans les milieux tels que les concours pokémons ou l'esthétique pokémon. Elle n'a donc pas clamé mon nom sur les toits lors du défilé, et il y a juste mon pseudo sur l'étiquette des tenues, avec les consignes de lavage. Après ça, mes parents ont refusé de compatir, ils m'ont dit que c'était ça le monde où je voulais faire ma vie. Pile à ce moment-là, mon frère est parti !

Elle jeta un regard vers Tom.

-Il voulait aider à la préparation des concours, faire une sorte de voyage initiatique, lui aussi. Il voulait me laisser seule dans cette ambiance lourde qu'était devenue la maison ! J'ai du faire des pieds et des mains pour pouvoir l'accompagner, j'ai du mentir, renier mes ambitions ! Et si mon Ditto n'était pas venu à ma rencontre, je serais encore chez moi ! Alors ne me dis pas que la famille passe avant les pokémons !

La boule de gomme vint se loger dans les bras de sa dresseuse, et la jeune rousse le caressa, pleine de tendresse.
-Au final, dans un ou deux ans, peut-être que j'aurai une réputation assez importante pour pouvoir devenir styliste sans l'accord de ma famille. Murmura-t-elle.

Elle se leva en tapant sur la blessure d'Eléa pour lui signifier qu'elle avait fini. Si Eléanore avait senti la douleur, ce coup aurait pu la plier en deux. Mais elle ne réagit pas.

-De toute façon, que tu les veuilles ou non - Héricendre et Ouisticram bien sûr - je les échangerai sur la GTS bientôt. Ils ne m'obéissent pas, et ne comprennent rien aux concours, j'ai déjà gâché trop de temps, je n'ai pas besoin de bestioles dans mes pattes.

Sur ce, elle s'en alla, laissant Eléanore plus furieuse que jamais.
Hors de question d'en rester là, elle se tourna vers les pokémons attristés.
Elle avait un enchaînement.

*

Plus tard dans la soirée, après une journée éreintante, Daniel osa enfin sortir de sa cachette pour aller se promener avant d'aller manger et dormir. Lucas, bien trop épuisé par l'après-midi, lui lança un regard las, et lui donna l'absolution d'un signe de main et avec un soupir.

L'artiste ne put s'empêcher de sourire. Au moins, il n'aurait pas à faire tente à part ce soir, c'était déjà ça. Il n'avait aucune envie de partager celle de Mr. Yuki, celle de Samantha était hors de toute considération et malheureusement, Eléa donnait des coups de pied pendant son sommeil et semblait sans cesse en train d'essayer d'attraper quelque chose. La dernière fois, elle lui avait tiré l'oreille en plein milieu d'un rêve, si fort que Danny avait cru qu'elle allait la lui arracher. (Il avait raison : si Ash n'avait pas été frappé lui aussi, cela serait arrivé... juste à titre informatif)

Enfin, là il pouvait enfin respirer sereinement, ou réfléchir au calme, plutôt.
Ainsi, il savait la vérité, et il en était certain. Il savait également qu'il était hors de question de la dénoncer, il tenait beaucoup trop à elle et au groupe qu'ils formaient tous les quatre. Cela faisait des années qu'il ne s'était pas senti aussi bien.
En fait, s'il comptait bien, depuis la naissance de Jimmy, après le divorce de ses parents...
Une ombre passa sur le visage de Danny. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à son père, et il savait bien combien sa mère rencontrait des difficultés à le regarder en face. Elle l'aimait de tout son coeur, mais il lui rappelait trop son mari et leur divorce. Les réactions de ses frères aînés n'avaient guère été meilleures. Il avait toujours tout fait pour ne pas attirer l'attention, pour supporter sa famille dans l'ombre. Mais quand Jimmy avait prononcé ses premiers mots, il l'avait nommé « papa », à la place de son vrai géniteur : il n'avait vu son vrai père qu'en photo, et petit, il croyait sincèrement que Daniel et Nathaniel étaient la même personne. Jamais il n'oublierait le regard de sa mère ce jour-là, plein d'effroi, de chagrin.

Il n'avait jamais été très fort pour sauver les gens, le fantôme de son père avait toujours hanté ses pas, et quand il avait retrouvé son frère lors de sa fugue, elle lui avait dit « Merci Daniel, tu tiens vraiment de ton père ». Sans cesse on le rattachait à son géniteur... Il avait fini par ignorer ce genre de remarques, et avait tenté de vivre avec. Mais même s'il avait cru être heureux, il se rendait compte aujourd'hui que c'était faux.

En revanche, avec ses amis, avec Lucas, Sam, Eléa, jamais il ne subissait de comparaisons, on lui demandait juste d'être lui. Cette idée lui gonflait le cœur de joie et il se sentait pousser des ailes, une envie irrésistible de dessiner, de peindre, de chanter, d'écrire, d'immortaliser ces moments sur photo le prenait. Avec eux, il allait bien, vraiment bien. Une seule ombre au tableau, la maladie d'Eléa.

Que devait-il faire ? Lui révéler qu'il savait ? Garder ça en lui ?
Non, lui avouer la vérité ne ferait que la mettre mal à l'aise et entacherait sa relation avec elle. Il ne fallait surtout pas qu'elle sache, il allait suivre son plan de base et la surveiller de loin. La protéger à son insu. Cette fois, il réussirait. Comment ? Il l'ignorait encore, mais il se refusait à changer d'idée.
Pour la première fois de sa vie, pour un autre domaine que l'art, Daniel montrait de la volonté.
Son regard luisait d'un éclat étrange, rassurant, mais effrayant à la fois. Il était prêt à tout pour ne pas échouer.

Cette expression sérieuse sur son visage disparut à l'instant même où il croisa un gamin dans la foule. Elle se transforma du tout au tout, il ouvrit la bouche en un « o », pointa du doigt la silhouette gracile de l'enfant, incapable de prononcer un mot de plus.

Le gamin devait atteindre les 9 ans. Son visage ovale lui donnait cet air innocent qu'on attribue aux bébés. Ses joues rondes, rouges, contrastaient totalement avec son teint blafard dû au manque de soleil. Ses cheveux noir jais, peignés à la perfection, tombaient gracieusement en une frange sur le côté sur ses yeux d'un bleu outre mer, cachant légèrement quelques tâches noisettes sur la rétine gauche.

Le petit, maigre, semblait à peine capable de tenir debout, un simple coup de poing aurait pu lui briser le corps. Il tenait un ordinateur portable d'une main, et de l'autre un téléphone portable, il scrutait la foule discrètement.

Daniel retrouva enfin la parole et il s'écria brusquement :

-GABRIEL !

Le garçon, entendant son prénom, fit volte face. Il ne parut même pas surpris que Daniel l'appelle, et lança platoniquement :

-Tiens, coucou grand frère.

Danny avait douze frères et sœurs, alors, pourquoi, pourquoi fallait-il qu'il tombe sur Gabriel ?
Franchement quelque fois, il se demandait si Arceus ne lui en voulait pas, là-haut.

Pour comprendre la réaction de Daniel, il ne faut pas chercher loin. Gabriel était un génie, il avait explosé le test de QI, et avait même été pris dans une école de surdoués, qu'il séchait ouvertement parce qu'il s'y ennuyait. On l'avait même pris sur le fait alors qu'il avait infiltré la base de données de l'école pour augmenter le niveau des tests mensuels alors qu'il avait six ans.
Gabriel avait grandi presque sans père, et cela lui convenait, il n'en avait pas besoin, son grand frère et sa mère lui suffisaient, pour la simple et bonne raison qu'ils étaient incroyablement manipulables. On ne pouvait pas dire que Gabriel était un gamin prétentieux, mais il savait ce qu'il valait, et malheureusement il se trompait trop rarement pour qu'on le reprenne. A la connaissance de Daniel, cela n'était même jamais arrivé.
Il ne sortait presque jamais de sa chambre, restait cloué devant l'ordinateur et arrivait à convaincre son oncle d'effectuer sa part de travail à la ferme. Les seules fois où il était sorti, dans un autre but que de se rendre, exceptionnellement, en cours, un désastre était arrivé.

On comprend alors facilement la soudaine, et surtout inhabituelle, hausse de tension de Daniel à la simple vision de son cadet, dehors, à au moins 100 km de chez eux.
Il s'approcha de l'enfant, une expression proche de celle des zombies dans les films d'horreur, chopa son frère et l'emmena immédiatement dans un coin tranquille.

Gabriel resta stoïque, et son visage d'ange n'allait pas du tout avec son air d'adulte.
-Qu'est-ce que tu fais ici ?? S'époumona Danny, au bord de la syncope.
-Je faisais mes recherches habituelles –Qui ne te regardent pas- à la maison, mais en fouillant de façon plus approfondie, j'ai découvert plusieurs signaux étranges. J'ai donc voulu découvrir d'où ils provenaient.

Daniel sentit son cœur rater au moins plusieurs battements. La dernière fois que son frère avait découvert un « signal » et qu''il avait « recherché la source », toute la maisonnée avait cru à une fugue et au final, l'histoire avait frôlé le kidnapping. Danny avait couru à travers tout Azuria avec Lucas à sa recherche et l'avait sauvé de trafiquants de pokémons. Ceux-ci n'avaient pas apprécié qu'un enfant ait découvert leur moyen de communication illégal. Heureusement, Ondine d'Azuria les avait accompagnés, sinon ils ne s'en seraient sûrement pas sortis indemnes.

-Tu ne te souviens pas de la dernière fois ? Grommela l'aîné, se grattant la joue avec colère.
-Bien sûr que si, répondit le petit, mais je contrôlais la situation la dernière fois également, jusqu'à ce que vous arriviez avec vos gros sabots.

Danny se demanda brusquement si un frère pouvait filer une claque à son cadet.

-Et maman ? Comment as-tu fait pour berner maman ? Balbutia-t-il après plusieurs minutes de silence.
Gabriel prit une inspiration. La réponse serait longue.

-Et bien, c'est très simple, j'ai dit à maman que je partais en week-end avec un ami de l'école.

Impossible. Gabriel n'avait aucun ami, il ne respectait personne à part lui-même ou les grands savants, morts et enterrés à ce jour, aux dernières nouvelles en tout cas. Comment sa mère avait put se faire avoir par un mensonge pareil ? ... Il devait y avoir autre chose.

-Alors j'ai crée une fausse identité, et une fausse famille grâce à Internet, ensuite j'ai géré une conversation téléphonique bidon avec maman. Rien de plus facile. Mais elle a voulu vérifier à l'école auprès du psy et du directeur pour être sûre.

Evidemment, l'année dernière, trouvant son fils bien trop solitaire, sa mère avait décidé de le faire suivre par le psychologue de son école privée. Le pauvre, il le plaignait. Le psy, évidemment, pas son frère. S'il se souvenait bien, Gabriel avait réussi l'exploit de le mettre hors service en moins d'une semaine et le pauvre homme avait été emmené dans un asile psychiatrique. Six autres avaient suivi dans les six mois. Gabriel connaissait par cœur toutes les questions que ces types pouvaient lui poser et prenait un malin plaisir à transformer le docteur en patient.

Bref ! Là n'était pas la question.

-Alors j'ai aussi intercepté l'appel de maman envers l'école, et je l'ai rassurée quant à mes « amis ». Sous couverture, bien sûr.
-Et elle s'est contentée de ça ? Elle n'a pas appelé le ministère pour savoir si tes amis existaient bel et bien ? S'exclama Danny.
Gabriel haussa les épaules avec un geste de dédain.
-Quand bien même elle l'aurait fait, le dossier existe virtuellement, donc légalement ils existent. Et puis, elle était bien trop occupée par son nouveau copain pour aller chercher plus loin.

Un gros "bong" retentit. Daniel venait de se taper le front contre une poutrelle en acier, juste pour voir s'il parviendrait à se tuer comme ça. Malheureusement, force était de constater qu'il possédait une tête plus dure que le fameux roi il-ne-savait-plus-combien.
Franchement, il adorait sa mère, sa famille et tout le reste, mais pourquoi rien ne fonctionnait dès qu'il s'absentait plus de deux jours ?

Rien que pour le plaisir, Gabriel crut bon d'ajouter :

-Je crois qu'elle et son petit ami veulent avoir un autre enfant.

BONG !

A force de frapper, il allait bien réussir à se tuer. Il fallait qu'il y arrive.

*

La dernière journée de préparation au concours s'écoula. Lucas avait eu la mauvaise surprise, la veille, de voir Daniel arriver avec son petit frère. Son corps avait trahi sa pensée et il avait émis un gémissement plaintif.

Danny avait douze frères et sœurs, alors, pourquoi, pourquoi fallait-il qu'il tombe sur Gabriel ?
Franchement quelque fois, il se demandait si Arceus ne lui en voulait pas, là-haut.

Pour prendre la défense de Lucas... Non ce n'est même pas la peine, imaginez juste ce que peut faire un gamin machiavélique au meilleur ami de son frère quand il ne l'apprécie pas...Vous aurez alors la réponse, multipliez cela ensuite par cent et vous aurez une idée approximative de l'enfer qu'avait vécu le pauvre garçon.

Inutile de préciser en ce cas que Lucas ne fut guère courtois, surtout que Gabriel avait refusé de préciser les raisons de sa venue. Ils devaient se contenter de ce mystérieux signal qu'il avait perdu alors qu'il prenait le train contournant le mont Sélénite mais que le gamin comptait bien retrouver.

Daniel avait voulu emprunter le téléphone d'Eléa immédiatement pour appeler sa mère, mais pour une raison mystérieuse il ne l'avait pas fait. Lucas en ignorait la cause, mais il savait que cela lui retomberait sur le nez, dès que cela concernait Gabriel cela lui retombait TOUJOURS dessus, étrange coïncidence n'est-ce pas ?

Bref.
En vérité, Daniel avait réussi à demander à Eléanore son pokématos oméga, celle-ci s'entraînait toujours, déterminée à réussir. Il lui avait rapidement présenté son frère, seulement les choses n'avaient pas tourné comme prévu.
Dès qu'il avait vu Eléanore, Gabriel avait écarquillé les yeux et l'avait pointée du doigt. A ce moment précis, son grand frère s'était souvenu qu'il lisait chaque jour plusieurs journaux, et qu'en plus quand l'article l'intéressait il n'hésitait pas à pirater l'agence pour récupérer toutes les informations complémentaires non publiées.
Nul doute qu'il savait pour Eléanore, pire que tout il l'avait tout de suite percée à jour.
Heureusement, le brun parvint à faire taire son cadet avant qu'il ne crie la vérité sur tous les toits. Gabriel avait immédiatement senti le filon, et sans une hésitation, l'avait exploité.

Son grand frère le laissait mener son enquête, et si, rentrés chez eux, il n'avait toujours rien trouvé, il rentrerait calmement à la maison et, promis, il garderait ce secret pour lui.

Eléa récupéra son pokématos sans rien connaître du complot dont elle était la victime, pire elle eut un grand sourire en apprenant que le frère de Daniel les accompagnait et qu'elle allait même aller visiter sa maison pour le ramener chez lui.

Cependant, la gamine avait bien vu le mouvement du petit quand il l'avait vue, aussi elle lui demanda avec un sourire ce qui lui avait pris.

-Je sais que je sens pas très –elle huma son chapeau et ajouta- Très bon, mais quand même, c'est pas une raison. On peut savoir pourquoi tu m'as pointé du doigt ?

Gabriel, peu anxieux, déclara calmement :

-Effectivement, une douche ne serait pas mal vue. –Eléanore fronça les sourcils, mais se retint en se rappelant qu'il s'agissait tout de même du petit frère de son ami- Ma réaction cependant n'a rien à voir avec ça. Je dois avouer avoir été surpris par ton pokédex.

La gamine regarda l'objet qu'elle tenait. Elle venait de l'utiliser pour observer la croissance de ses pokémons.

-Oui, c'est cool hein ? Daniel aussi en a un. C'est le prof Chen qui l'a inventé, tous les dresseurs ayant fait un tour à Palette en ont un. Déclara-t-elle, heureuse de pouvoir faire part de ses connaissances réduites à quelqu'un.

Gabriel haussa les épaules et lança une phrase avec un air pompeux qui ne lui allait pas du tout.

-Je ne dirais pas ça. Certes, on peut reconnaître quelques qualités au pokédex, mais c'est plutôt une gêne.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? S'étonnèrent les gamins présents.
-Tout simplement que le pokédex peut scanner le profil d'un pokémon, l'aider lors de l'apprentissage des attaques avec CT ou CS, à la manipulation en combat, ou à l'évolution, de passeport et d'encyclopédie mais rien de plus. « Un kit de dresseur » et on obtient tout ce qui nous manque, pour une place il est vrai un tout petit peu plus grande, mais au moins sans désavantage : normal, ce produit vient de la Sylphe.

Eléanore observa son encyclopédie électronique, incrédule. Elle ne pensait pas que ça pouvait faire tant de choses... Il faut dire, elle avait du pas mal le détériorer pour enlever la puce GPS...
Gabriel continua, ravi de pouvoir donner un cours privé à la gamine.

-Toutes ces options sont simples à programmer sur un autre support quand on connaît le système, je peux l'installer sur ton pokématos par exemple, ou sur le pokénav de Danny. Un jeu d'enfant.

Eléa n'arriva pas à rire devant sa blague.

-En revanche, le pokédex a deux gros points faibles : d'abord la puce GPS qui indique constamment où l'on se trouve au chercheur de sa région, ensuite, l'impossibilité de transporter plus de six pokémons sur soi.

-Pardon ? S'exclamèrent les deux autres.

-Evidemment, vous ne le saviez pas... Les chercheurs pokémons estiment qu'il est difficile de dresser plus de six pokémons à la fois, ils se sont alors mis d'accord pour intégrer un dispositif dans le pokédex pour limiter le nombre de créatures par dresseur. Les autres dresseurs dépourvus les stockent dans des pensions quand ils estiment en avoir trop, beaucoup pensent comme les chercheurs, mais il reste néanmoins la possibilité pour eux d'en élever un peu plus.

Eléanore fut abasourdie. Elle pensait avoir un avantage avec cet objet du prof, mais apparemment elle avait eu tort... En plus, un kit du dresseur devait être dans ses moyens... Pourtant, c'était une invention du professeur de son village, s'il apprenait qu'elle s'en était débarrassé, cela risquait de lui faire de la peine... Qui plus est, il avait pensé au bien des pokémons en installant ce programme. La voix de Gabriel la tira de ses songes.

-Tu veux que je m'occupe de ton pokématos ? Ainsi tu pourras jeter ton pokédex ou le donner à un nouveau dresseur crédule.

Eléanore hésita un instant, puis répondit qu'elle verrait plus tard. Gabriel n'insista pas, et il repartit en expliquant à son frère tous les avantages qu'il aurait en lui cédant son pokénav pour qu'il puisse l'améliorer.
Cependant, Daniel aussi refusa : quelque chose lui soufflait que Gabriel désirait juste démonter son appareil.

Enfin, revenons à nos Wattouats.

Le dernier jour d'entraînement venait de se terminer, nos amis se sentaient plus ou moins prêts. Samantha se rongeait les ongles, et le fait que Mr. Yuki n'ait rien fait y était pour beaucoup. Elle et Eléa ne se parlaient toujours pas, Lucas grommelait dans un coin ses diverses stratégies, et Christelle se préparait pour le lendemain.

Epuisé, le petit groupe pensait calmement se ressourcer autant mentalement que physiquement cette nuit-là. Ils avaient torts.

Eléanore fut tirée hors du lit à trois heures du matin. Un seau d'eau glacé la tira de ses songes. Elle ne fut pas la seule. Bientôt, tous subirent le même sort, sauf Danny et Gabriel.

Christelle, la coupable de ce carnage, la criminelle qui avait osé voler leurs heures de repos, tenait encore l'arme coupable de cet acte ignoble.

-Il est l'heure de se préparer pour la compétition ! s'écria-t-elle.

Mr. Yuki eut le malheur de se rendormir debout et il se prit une autre douche. Devant son air ahuri, la rouquine déclara :

-Bien ! Vous, vous n'aurez pas besoin de vous laver, au moins !
-Je peux aller me recoucher alors ? Demanda-t-il, ravi.
Chris eut un sourire diabolique et, le regard sombre, elle déclara : « essayez donc pour voir... ».
La réponse était donc non.

Christelle s'approcha de la caravane, déplia un compartiment secret, et une dizaine de tenues de soirée apparurent, comme sortant de nulle part.

-Essayez, regardez, trouvez. Vous devez être bien habillés pour un concours, vous et vos pokémons.

Les spectateurs déglutirent. Eléa dut comprendre la suite du programme, mais à peine avait-elle esquissé un mouvement de fuite que Christelle, les bras croisés à la manière d'un PDG tout puissant avait murmuré :

-Ditto, attaque.

La pauvre fillette se fit engluer sur place sans la moindre chance de « survie ». Ses pokémons, témoins du spectacle, tremblèrent. La coordinatrice posa son regard sur la Pikachu au pelage indomptable. Il y eut un moment de flottement, et le même schéma qu'avec sa dresseuse se produisit.

Tom, Drew, et Flora, les yeux encore embués par le sommeil, contemplèrent le massacre. Décidément, Christelle était sans pitié avec l'apparence.

Après plusieurs essayages, tout le monde finit par trouver une tenue potable pour la compétition. Toutes créées et ajustées par Chris.
Lucas était vêtu d'un smoking spécial - en vérité cela ressemblait plus à une tenue militaire, blanche, moulante, double rangée de boutons raffinés. Mais enfin, qui était-il pour critiquer ?
Yuki, lui, avait préféré opter pour un costume décontracté, la chemise ouverte, un foulard autour du cou, tout en noir et en bordeaux pour faire ressortir ses yeux. Christelle avait voulu lui détacher les cheveux, mais il avait refusé et, dans un compromis, il les noua en natte basse.
Christelle portait une robe simple, rose à dentelle violette, retenue au niveau de l'épaule par un nœud et une broche en forme de papilusion.

Samantha, elle, portait un ensemble étrange, très « branché ». Une sorte de haut moulant, et de pantalon qui était recouvert par un fin drap transparent légèrement argenté. Elle avait coiffé ses cheveux dans un chignon complexe et des dizaines de tresses le nouait.
Enfin, Eléanore fut la plus longue à préparer. Christelle s'enferma deux heures entières avec elle et ses pokémons. Elle tenait en entrant une brosse à cheveux dans les mains et ses amis perçurent un hurlement strident chasser tout ce qui leur restait de fatigue.
Cependant, quand Christelle ressortit, à dix heures du matin, la brosse cassée sous le bras, elle parut satisfaite.

Daniel et Gabriel se levèrent à l'instant même où Eléanore sortait (ou plutôt fut projetée) de sa cabine de fortune.
L'adolescent eut le souffle coupé.
La voix de son frère, à peine plus forte qu'un murmure, lui glaça le sang.
-Je pense que tu vas avoir du mal à garder son identité secrète, là.

Eléanore venait de voir s'effondrer en une matinée des efforts de six mois. Six mois de dreadlocks. Elle avait découvert que ses cheveux ne bouclaient plus quand elle arrêtait de les coiffer par accident, et depuis ce jour, elle avait tout simplement arrêté et avait vu sa tignasse devenir incontestablement rebelle, pleine d'épis et de fourches. Les laver ne faisait que les alourdir et rendre l'ensemble plus désastreux encore. Mais là, quand elle se regarda dans le miroir, coiffée, propre, vêtue d'une robe bleue de dentelle, avec des grelots accrochés un peu partout, elle se reconnut.
Exactement la petite sur la photo. De belles anglaises tombaient en cascade dans son dos, et des mèches encadraient son visage, arrondissant ses joues enfantines.

Pour la première fois depuis le pari, elle se souvint que la compétition était filmée.
Elle se pétrifia, insensible aux compliments et aux vantardises de Christelle sur son miracle. Son regard fixait dramatiquement son reflet sur la paroi glacée.

Les premières caméras, qui enregistraient l'évènement en direct, passèrent non loin et avec un sourire, la présentatrice pointa son groupe en déclarant : « Comme vous le voyez, l'enthousiasme est à son comble, tous les participants se préparent déjà ! Ils sont même aidés par leurs aînés ! Déclara-t-elle en mettant en valeur Drew et Flora.

D'un même mouvement paniqué, Drew, Flora et Eléanore s'enfermèrent dans la caravane et verrouillèrent la porte à double tour.

Mais il était trop tard.

Régis, toujours à Argenta, venait de passer devant l'écran géant de la ville. Il l'avait vue. Elle, son amie d'enfance, blêmir, puis se ruer à l'abri du danger et s'enfermer dans le refuge. Et ce n'était pas ses amis tambourinant à la porte qui l'en délogeraient.

Une pensée traversa l'esprit du petit fils de Chen. Non, ce serait lui qui la sortirait de sa cachette. Sans plus attendre, il sortit Arcanin et l'enfourcha. Le chien partit en trombe dans l'instant qui suivit l'ordre de son dresseur.

*

-Eléa sort d'ici TOUT DE SUITE ! Hurla Christelle en donnant un coup de pied rageur à la porte.
-NON ! La voix de la gamine, filtrée par la barrière en bois, leur parvint aussi fortement que celle de la coordinatrice.
-C'est pas le moment d'avoir le trac ! Tenta Lucas.
-ET BAH JE L'AI ! Répliqua Eléanore immédiatement.
Le visage de Christelle vira au rouge écrevisse.

Dans la caravane, Drew et Flora devaient bien avouer qu'ils ne s'attendaient pas à avoir de la compagnie. A vrai dire, ils pensaient être les seuls à fuir les médias.

-JE TE PREVIENS, TU PERDS LE PARI SI TU NE VIENS PAS ! S'écria Christelle.

Eléanore se figea. Sa prise sur la poignée de la porte se relâcha, elle baissa la tête, confuse, en proie à un combat entre la liberté et la dignité.
Elle ferma les yeux, grimaça, fronça les sourcils. Les battements de son cœur tambourinaient contre son crâne, ses membres tremblaient. Elle revoyait tous ces paysages magnifiques qu'elle avait parcouru, ce voyage, la douce odeur de l'air... Puis Happy, son premier pokémon, même si sa capture n'était qu'un accident. C'était soit l'un, soit l'autre.
Une douleur brûlante lui déchira la trachée, elle eut l'impression de se trouver les deux pieds, chacun posé sur les bords opposés d'un gouffre sans fond.
Ses genoux lâchèrent, elle tomba à terre, et sa tête heurta le bois de la porte.
Drew et Flora s'avancèrent vers elle, et ils crurent moment qu'elle allait vomir tant elle devint pâle.

Mais la fille unique des Sarl émit un sanglot. Ses ongles se plantèrent dans la porte, une larme unique s'écrasa sur le sol.
De l'autre côté, le groupe entendit alors clairement un son brisé par son choix en mille et un éclats de chagrin :

-Pardon Happy... Je suis désolée... Je ne peux pas y aller...

Un vent glacé souffla sur l'assemblée. Christelle arrêta son geste en plein mouvement, les yeux écarquillés.
Samantha porta les mains à sa bouche, incapable de saisir ce qu'elle venait d'entendre.
Eléa abandonnait tout orgueil ? Son propre pokémon ?
Elle devait rêver. C'était impossible.
Happy atterrit doucement au sol, et frotta la matière qui la séparait de sa dresseuse. Elle aussi ne comprenait pas ce qui se passait.

Comment Eléa pouvait-elle dire ça ? Après tous ses discours ?
La terreur, mais pire que tout la déception, la désillusion frappa le groupe plus fortement qu'un blizzard de Frimapic.

Le visage de Chris se déforma. Elle sembla reprendre contenance, et souffla :
-Qu'est-ce que tu viens de dire ?

Son ton menaçant vibra et stagna dans l'air, pendant une seconde qui leur parut interminable.

Eléanore, de l'autre côté, s'affala un peu plus sur le sol. Le visage entre ses mains, elle répéta sa phrase, les pleurs roulants sur ses joues. Elle eut l'impression d'être comme Flora et Drew, une auditrice catastrophée et impuissante devant ses propres mots.

-Tu as gagné. Je n'y arriverai pas. Prends soin de Happy.

Il y eut un silence durant lequel ils crurent entendre les morceaux de leur monde se fissurer.
Puis, soudain, Happy gratta de toutes ses petites forces contre la vitre de la fenêtre en émettant une longue plainte.

Eléa ne leva même pas la tête dans sa direction. Elle se plaqua les mains sur les oreilles pour ne pas entendre l'esprit tourmenté de son pokémon, dont elle occupait toutes les pensées.

Christelle recula d'un pas. Samantha crut qu'elle allait partir furieuse, surtout quand Tom arriva auprès du groupe, ignorant la situation. Mais pas du tout.
La coordinatrice frappa la caravane et le bois émit un craquement sinistre.

-Comment OSES-TU DIRE CA ? Hurla-t-elle. –Tu n'as pas le droit ! Tu m'entends ! Je te l'interdis ! TU M'AS DIT QUE LES POKEMONS DEVAIENT ETRE TRAITES AVEC RESPECT !

Ash et Pilou sortirent de leurs pokéballs. Eux aussi avaient subi une séance de relooking : ils arboraient un collier à clochette, et Pilou avait le poil lisse. Ils dévisagèrent leur dresseuse.

La voix de Christelle reprit de plus belle :

-JE N'EN VEUX PAS DE TON PAPILUSION ! RENDS MOI OUISTICRAM ET HERICENDRE ! JE NE VEUX PAS QU'ILS RESTENT AVEC UN DRESSEUR COMME TOI ! JE REFUSE QU'ILS SOUFFRENT AVEC UN DRESSEUR MOINS MOTIVE QUE MOI ! JE REFUSE QU'ILS SOIENT TRAHIS PAR TOI !

Les deux pokémons sortirent à leur tour des balls. Ouisticram s'avança contre la paroi, et gratta en concert avec Happy.

-Rends-les moi... Balbutia Christelle... Ils méritent un dresseur capable de les entraîner, surtout Ouisticram... C'est encore qu'un bébé... Rends-le moi...

La porte s'ouvrit.

Drew et Flora venaient de mettre fin à cette torture. Happy se rua sur Eléa tandis que Ouisticram sautait dans les bras de sa dresseuse. Héricendre ne bougea pas d'un pouce. Il ne pouvait pas pardonner lui, lui était plus vieux, lui se souvenait du coup qu'il avait reçu.

Christelle grimaça, triste, mais elle serra d'autant plus son Ouisticram dans ses bras.
Elle avait toujours su qu'elle n'était pas patiente, et elle voulait des pokémons tout de suite performants, pour ne pas perdre de temps. Elle se croyait incapable de s'attacher à ces créatures si elles ne lui étaient pas utiles. Mais les voir jouer avec Eléanore ces deux derniers jours lui avait fait prendre conscience qu'ils lui manquaient. Qu'ils pouvaient se montrer forts, qu'ils faisaient des efforts pour elle, surtout Ouisticram, alors qu'il était encore bébé, tout comme Ditto avait tout donné pour qu'elle puisse suivre son frère...

Bien sûr, elle était déçue que Héricendre ne lui pardonne pas, et elle voyait en lui l'enfant qui n'avait pas pardonné à ses parents de ne pas croire en ses rêves. Elle avait fait la même erreur. Elle la savait irréparable.

L'attention se reporta sur Eléanore. Happy enfonçait sa tête dans ses bras, mais elle ne bougeait pas. Pas d'un pouce. Daniel s'élança à sa rencontre, et il l'attrapa par les épaules. Ce contact sembla la ramener à la réalité. Son visage se déforma en une grimace de terreur.

-Je ne veux pas retourner là-bas ! Je ne veux pas être de nouveau enfermée ! S'écria-t-elle. Elle plongea ses mains dans ses cheveux, comme si elle voulait les arracher et hurla cette phrase vide de sens sauf pour Daniel, Yuki et elle :
-Ne les laissez pas m'emmener !

Tout le monde était perdu.

Yuki s'avança et lança d'une voix qui ne supportait aucune réplique : - Allez à la salle de concours, on vous rejoint avec Eléa.

La troupe obéit plus ou moins bien, et à reculons, à contre-cœur, ils s'éloignèrent.

Daniel et Yuki prirent Eléanore par les épaules une fois leurs camarades hors de vue. Gabriel n'avait pas bougé, mais Danny fit signe à Yuki que c'était normal. Il était lui-même étonné que le prof sache lui aussi la vérité, mais il devait constater que cela relevait d'une certaine logique en même temps. Il réprima sa déception de ne pas être le seul détenteur du secret d'Eléa et se pencha vers la gamine.

-Eléa, j'ai une idée... Pour... Pour t'empêcher d'avoir le trac !

La fillette leva des yeux suppliants vers lui.

-Je vais te couper les cheveux... Et mon frère va pirater le système, personne n'entendra ton nom, et ton visage sera un peu flou... Hein ? Tu peux faire ça, Gabriel ? Hein ?

-Etant donné que toutes les caméra et leurs contenus sont sur le même serveur...
Il sourit.
-Cela sera aussi facile que de démonter la théorie de Descartes sur Dieu.

Daniel l'observa, blanc, et son cadet soupira.

-C'était une plaisanterie, ça veut dire oui. Expliqua-t-il.

Ce n'était jamais bon signe quand son frère faisait des plaisanteries non plus, mais il n'avait pas le temps pour se demander si le ciel leur tombait sur la tête.

Eléanore se redressa, n'en croyant pas ses oreilles. Son souffle sembla réchauffer l'ensemble de son corps gelé.

-C'est... C'est vrai ? Balbutia-t-elle. Le groupe hocha la tête.
Pour affirmer les propos, Gabriel partit en direction de la régie, armé de son portable. Avant de partir, il lança tout de même - car après tout, ses services n'étaient pas gratuits, même pour la famille : « Tu me dois une faveur, Danny ! ».

Quelques minutes plus tard, Daniel coupait les cheveux d'Eléa avec un ciseau de basse qualité. Il trancha net les deux couettes de son amie. Il les coupa vraiment courts, au carré pour qu'ils ne bouclent pas du tout. Eléanore admira son reflet une nouvelle fois. Pour la première fois, elle aspira une bouffé d'air pur sans problème, plus rien n'entravait sa poitrine. Sans réfléchir, sans même penser que Mr. Yuki était encore présent, elle s'approcha de Danny et l'embrassa sur la joue pour le remercier.

Le garçon resta tétanisé, puis un sourire esquissa ses lèvres, tandis qu'il portait sa main sur sa joue et il lança : « Allez faut y aller, sinon tu vas être en retard ! Il ne faudrait pas perdre le pari ! »