Chapitre 16: La guerre vient à nous
////8 jours après le début des opérations////
Le lendemain, je me réveillais apaisé. La nuit avait toujours cet effet là sur moi... Elle calmait mes peurs et me remettait dans mon état normal. Antoine dormait encore et Silver n´était déjà plus là. Sans doute était-il parti s´entraîner comme il le faisait assiduement depuis quelques jours. Vu que j´avais assez dormi, autant le rejoindre. Le temps de mettre quelques unes de nos affaires neuves et je sortis de la cabine sur la pointe des pieds.
Comme je le pensais, Silver était en pleine communion avec son épée. Aussi bizarre que celà pouvait paraître, il semblait autant lié avec elle qu´on pouvait l´être avec une personne. Aussi silencieusement que je pus, je m´appuyais contre la rembarde afin de ne pas le géner dans cette intense méditation...
"Bonjour Lilian, bien dormi ? "
Manifestement, pour ce qui était de la discrétion, c´était raté...
"Je ne voulais pas te déranger, fis-je un peu gêné.
-Ne t´inquiète pas, je préfères te savoir là que d´être surpris par ta présence. Quand ce sera un soldat armé derrière moi, il faudra que je sois très rapide pour réagir car ma lame ne me sert à rien si je suis tué avant.
-Tu penses vraiment qu´on a tous une chance de s´en sortir ?"
Pour toute réponse, il se retourna, regardant au loin... et d´un coup précis et mortellement rapide, il lança vers moi son épée. Bien que surpris au début, je la contrais ensuite sans trop de difficultés avec ma télékinésie.
"Si tu réagis toujours aussi vite à l´avenir, tu n´auras pas de soucis pour t´en sortir."
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Bien que très violente, la réaction de Silver me fit comprendre ce qu´il voulait que je saches. C´est en forgeant qu´on devient forgeron et c´est en cotoyant la guerre qu´on apprend à la connaître.
"Lance moi autre chose pour voir ?"
Sitôt dit, sitôt fait, Silver trouva sur le pont des morceaux de ferraille bons à jeter qu´il m´envoya dessus. Des poutres très lourdes aux capsules de bouteille, aussi mortelles que de vraies balles lorsqu´elles étaient lancées à la même vitesse par la force mentale de Silver. C´est ainsi que je commençais mon rituel d´entraînement avec mon ami, une habitude que je ne perdrais plus avant longtemps.
Au bout d´un moment, Aurore nous rejoignit et sans crier gare (enfin, surtout en criant en fait) poussa un hurlement en voyant que Silver lançait sur moi un projectile de la taille d´une bille, mais qui, lancé à un telle vitesse était bien plus dangereux que cette dernière. Sous le coup de la surprise, je ne me concentrais plus sur ledit projectile qui alla finir sa course au niveau de mon épaule...
En posant ma main sur mon cou, je m´aperçois que le sang gicle à grand flots... Finalement, la balle a peut-être touché plus haut que mon épaule... La carrotide ? En tout cas, je m´écroule à terre alors que la dernière image nette que mes yeux me donne est celle d´Aurore à mes côtés, tentant tant bien que mal d´attirer mon attention alors que je suis déjà loin... Alors je sens cette douce chaleur blanche qui m´avait déjà envahi une fois au Mont Couronné, lorsque j´avais failli perdre la vie en me noyant dans mon propre sang. Aurore me soigne...
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Après avoir recouvert les sens basiques de tout être humain, a savoir vision stable et audition correcte, Aurore décida de tester cette dernière en me sermonnant à juste titre.
"On peut savoir pourquoi tu joues les Monsieur Indestructible ?
-Je te signales juste qu´on a une guerre à mener et que j´aimerais bien ne pas être pris au dépourvu, alors je m´entraîne figures-toi...
-Oh, vraiment tu t´entraînes ? On n´a pas la même vision de l´entraînement alors,... parce que pour moi, s´entraîner n´inclut pas risquer sa vie...
-Je te signales au passage que j´aurais évité sans problèmes cette bille d´acier si tu ne m´avais pas déconcentré en criant à la mort...
-Parce que ca va être ma faute maintenant ? fit Aurore en haussant le ton... Ok, la prochaine fois que quelqu´un te visera avec une arme, je ne dirais rien. J´ai peur de te déranger..."
D´un côté, elle avait raison,... De l´autre, si je ne m´entraînais pas maintenant, je n´avais aucun espoir là-bas... Celà dit, mourir bêtement pendant un simple entraînement n´était fraiment pas malin. Ce fut en tirant cette conclusion que je décidais de m´effacer face à Aurore, alors que nous amis nous rejoignaient, certains en pyjama, d´autres habillés à la va-vite, pour comprendre d´où venaient ces cris. On avait du réveiller la moitié des cabines des alentours. L´entraînement était donc de toute façon fini...
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Plus tard, dans la journée, je déjeunais avec mes amis quand la capitaine fit irruption, essoufflée, dans notre cabine.
"Vite... Besoin d´aide... blessé... dans ma cabine... VITE !"
Bien que Sophie eut le souffle court, j´avais compris l´essentiel. Quelqu´un avait besoin de notre aide... et au plus vite si possible.
S´ensuivit donc une course effrénée dans les coursives du bateau. Nous croisâmes au passage des passagers mécontents qui sortaient de leurs cabines pour signaler à la capitaine que de telles nuisances sonores (encore heureux qu´ils ne sachent pas que tout ce bruit venait de nous) étaient intolérables... Ce à quoi Sophie répondit qu´il y´avait eu un accident et qu´en tant que jeunes secouristes, nous allions justement nous occuper de ce petit désagrément. Les éventuels râleurs furent bien obligés de se mettre en retrait face à nous.
Encore une fois, je me maudissais de ne pas pouvoir utiliser mes pouvoirs... Tout aurait été si simple si j´avais pu nous téléporter dans l´autre partie du bateau... Mais non, il ne fallait plus compter que sur nous et sur les petites boules accrochées à notre ceinture.
Enfin nous attegnions le pont. Il fallait maintenant remonter de l´autre côté pour atteindre le bureau de Sophie et juste à côté sa cabine. Nous passâmes devant le poste de pilotage (Comment ça s´appelle déjà sur un bateau ? ah oui, le pont) et devant d´autres cabines aux noms plus que surprenants... "Psychologue"... "Infirmerie"... "Armurerie ? ". Décidément ce bateau recelait bien des surprises... On se croyait peut-être sur une croisière de plaisance mais l´équipage avait de quoi répliquer en cas de besoin !
Finalement Sophie entrouvrit la porte de sa cabine, et j´aperçus un spectacle plus qu´effrayant... Tout comme je l´avais fait tout à l´heure, un homme blessé se vidait de son sang sous nos yeux...
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Aurore se porta immédiatement au chevet du blessé et commença à le soulager de ses blessures.
"Comment diable avez-vous su que l´un de nous pouvait faire quelque chose pour lui ? demandais-je à Sophie.
-A vrai dire, moi, je ne sais rien mais eux ils avaient l´air de savoir où vous étiez..."
Par eux, elle désigna trois personnes que je n´avais pas vu en rentrant, car cachées derrière la porte. Et quelles personnes...
"Spectra, Damien... Marc rajoutais-je plus gêné... Qu´est ce que vous faites là ?"
Je ne les avais cotoyé que quelques heures, une demi-journée tout au plus... Mais leur nom, leur visage resterait gravé dans ma mémoire à vie...
"On dirait que tu n´es pas content de nous voir ? me fit Spectra.
-Si... Bien sûr que si, fis-je un peu gêné... C´est à dire qu´on est sensé être morts alors je m´étonne que vous m´ayez trouvé si facilement.
-Spectra s´est téléportée à Féli-Cité et elle a vu les décombres de ce qu´on prenait pour ton agence ultra-secrète... Et pour tout te dire, on t´a cru mort aussi, mais on a voulu en avoir le coeur net alors on a fait le tour à la seule autre agence qui pourrait nous donner des renseignements fiables...
-La Team Galaxie,... et Mars vous a redirigé ici. Mais Sophie ? Elle avait l´air aussi surprise de vous voir que moi...
-A vrai dire, je transporte parfois quelques paquets, expliqua Sophie disons... un peu spéciaux pour la Nouvelle Armée. Du coup, on se connaît en peu..."
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Tout s´expliquait maintenant. Finalement, tout le monde se connaissait ici... Il n´y avait que moi pour n´être au courant de rien ou quoi ?
"Comment vous avez su pour Aurore ? Que je saches, elle n´avait pas de pouvoirs la dernière fois qu´on s´est rencontré ?
-A vrai dire, le bruit circule dans les rangs ennemis qu´il existe une personne capable de soigner les gens... expliqua Damien. Le Tyran la recherche d´ailleurs activement parmi tant d'autres... On ne savait pas que c´était Aurore mais ca ne m´étonne pas de savoir qu´elle est dans ta fine équipe.
-Apparement le taré a changé ses plans entre temps. Pas plus tard qu'hier, il voulait faire sauter Aurore et Iris en plus de nous..."
De tels propos semblèrent faire reculer mes amis...
"Voyons, vous n´allez pas me dire que vous avez peur de lui, expliquais-je.
-Non, mais le traiter de fou c´est le sous-estimer gravement... Ses intentions sont certes déraisonnables, mais ses méthodes sont mortellement efficaces. T'as qu'à regarder notre invité.
-Il n´y a pas que lui qu´il faille sous-estimer, corrigeais-je... Mais rassure-toi, je n'avais pas l'intention de le prendre à la légère."
Mais ce n´était pas le temps de discuter de ça...
"Comment c´est arrivé ? Comment il a été blessé ?"
Mais surtout un autre problème se posait...
"Pourquoi êtes vous aussi nombreux d´ailleurs... On a besoin de vous sur le front non ?
-On est là pour escorter Spectra... Parce que celui qu´Aurore est en train de soigner n´est pas de notre côté... C´est même un haut-gradé de Sento."
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La nouvelle me coupa le souffle d´un coup...
"Oh, non non non, c'est trop facile..."
Marc cherchait un sens à donner à mes paroles. Du coup, je réessayais de manière plus... explicite !
"Aurore, arrêtes tout... Garde tes pouvoirs pour plus tard.
-Non, surtout pas... s´interposa Spectra, s´il meurt, on perd une source d´informations primordiale...
-Et s´il survit et qu´il vous échappe, c´est moi qui perd ma couverture plus que primordiale... Amener un général ici... Et pourquoi pas me mettre directement une balle dans la tête ? Au moins, je serais sûr que ce ne sera pas douloureux.
-On risque tous notre vie tous les jours, c´est comme ça la guerre... fit Damien d´un ton moralisateur."
Marc commença à s´enerver.
"Tous les jours je joue ma vie, et je m´en suis bien sorti, non ?
-Si tu as aussi joué la vie de Glacia de la même manière, alors excuse-moi de ne pas avoir confiance en ta technique, répondis-je du tac au tac."
Dans les yeux de Marc, je vis que j´avais brisé quelque chose, un grand silence s´en suivit... Le calme avant la tempète...
"Aurore pourra maintenir votre super-soldat dans un état à peu près viable autant qu´elle le veut, mentis-je effrontément, en espérant qu´Aurore serait à la hauteur de ce défi. Mais croyez moi, elle ne fera rien tant que je n´en saurais pas plus."
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C´en était trop, Marc explosa littéralement
"Tu veux en savoir plus ? Glacia est morte depuis un mois et je n´arrive toujours pas à passer une nuit sans que son image hante mes rêves...
-Parce que tu crois que je n´y pense pas moi ? Je te rappelle que ca fait plus de quatre mois que je le supporte avec ces conneries de paradoxes temporels... Et tu sais ce qui est le plus dur ? C´est de se dire que si on ne veut pas changer irrémédiablement le futur, il faut la laisser mourir une nouvelle fois... Non... Excuse-moi, le plus dur c´est de se dire que j´ai changé le futur en voulant sauver Aurore d´une mort tout aussi violente que celle de Glacia et que pour ça, j´ai condamné ton amie à mourir de la même façon, tout ça parce que ce foutu univers se débrouille toujours pour rattraper le temps perdu ! Tu crois que je n´ai pas vécu ça moi ? Que je ne sais pas ce que c´est que de voir mourir son amie devans ses yeux parce qu´on a eu une fraction de seconde d´innatention ? De la savoir morte avant même qu´elle n´ait touché le sol ? De contempler l´impact du rayon qui lui traverse presque tout le corps ? Et contrairement à toi, je ne vis pas cette guerre tous les jours..."
D´un même geste, Damien et Aurore hurlèrent "Stop !" J´étais peut-être allé trop loin, certainement même, je le savais dès que j´avais parlé de Glacia à Marc mais il fallait qu´il sache qu´il n´était pas question que je me laisse marcher sur les pieds sous prétexte que la guerre que je menais n´était pas la mienne.
"On va être clair, fit Damien, soit tu dis à Aurore de soigner ce gars, soit on s´en va tout de suite... C´est gagnant-gagnant, tu ne nous vois plus, et si ta copine est aussi douée que tu le dis, on trouvera bien un hôpital pour réparer ce qu´elle n´a pas encore recollé. Moi aussi je risque ma vie... mais j´ai confiance en ce que je fais..."
D´un autre côté, si je mourrais d´envie de les envoyer se faire voir, ce ne serait pas malin de partir sur des bases aussi malsaines pour une relation d´alliance martiale qui pourrait s´avérer vitale. Il fallait donc que je fasse le premier pas.
"Aurore, soigne-moi cet imbécile au plus vite s´il te plaît, qu´on en finisse."
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Je n´entendis même pas claquer la porte de la cabine de Sophie lorsque je la refermais violemment.. J´étais trop obnubilé par ma rage du moment. Il me fallait de l´ait pur ou cette atmosphère électrique allait finir par me rendre fou. Lorsque j´atteignis enfin le pont, je respirais un grand coup.
"C´est moche la guerre, n´est ce pas ? Mais c´est comme ça..."
La voix de Damien derrière moi m´apprit que je n´étais pas aussi seul que je le croyais...
"Dura Bellum, Sed Bellum, c´est ça ? demandais-je.
-On m´avait appris ça avec Lex dans mes cours de latin mais ca pourrait se résumer à ça...
-Dans tous les cas j´en ai marre. Maintenant, tu vas m´écouter une minute. Je ne suis pas là parce que j´aime cette guerre, je suis là pour retrouver tous les autres élus, tous les gens avec des pouvoirs comme les miens, on lance l´assaut sur l´autre frappadingue... Happy End, et tout le monde se tire chez soi... Enfin, tous ceux qui ont survécu.
-Ca fait quinze ans que je l´attends ce Happy End comme tu dis. Mais même si je sais que toi et tes amis vont accélérer les choses, je ne vois pas encore le bout du tunnel. Mais après tout, qu´est ce qu´on pourrait faire d´autre que se battre encore et toujours ? "
La remarque de Damien était intéressante, mais sur le coup, trop fier pour reconnaître mes torts, je ne la notais presque pas.
"Cette guerre, souriais-je... Je l´ai découvert avec Ed, par la force des choses. Et le but était simple, c´était eux ou nous... Et maintenant, tu arrives la fleur au fusil, tu risques de ruiner notre couverture à tous et tu nous dis de réparer vos conneries ?
-J´ai peur que tu n´ai pas compris... Les quarante-cinq centimètres de dard qui l´ont transpercé... Ce n´est pas un Dardargnan de notre camp qui l´a fait."
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Damien continua.
"Christophe... Enfin, le gars que ta copine soigne, il a été blessé par un des siens, un membre du même conseil que lui. A la base, il voulait se rendre à la loyale parce qu´on avait mis tous ses Pokémon au tapis et qu´il ne souhaitait pas mourir bêtement. Ca n´a pas plu aux autres et ils ont voulu le supprimer...
-Ca devient n´importe quoi cette guerre... concluais-je. C´est ça que tu veux me dire ? Ils commencent à se taper dessus entre eux ? Mais c'est tant mieux !
-Je crains qu´au contraire, ils soient de plus en plus rationnels. Ils durcissent juste leurs modes d´action... Et les traîtres ne font pas long feu. Il n´a pas tellement eu le choix...
-Ne me parles pas de choix ! J´ai passé une semaine à faire exactement ce qu´un bouquin vieux de mille ans avait prédit ce que je ferais... Et j´ai appris il n´y a pas longtemps qu´un autre bouquin du même style existait... Tu ne comprends pas ça toi..."
Devant sa tête un peu bizarre (Il est complètement fou Lilian, c´est ça que tu penses ? ), je déduisais que non, il n´avait pas compris.
"Quand je mourrais, sur le champ de bataille ou ailleurs, je mourrais parce que je n´aurais pas pu faire autrement... Pas parce qu´un manuscrit vieux comme Hérode aura décidé que c´était mon tour de mourir, ici et maintenant... Telle est ma philosophie... et je compte bien l´appliquer jusqu´au bout."
Je me sentais maintenant vidé... Comme si parler de tous ces maux qui m´habitaient avait fait le vide dans ma tête. Mon premier contact avec la guerre s´était fait aujourd´hui, et, que je le veuille ou non, j´entrais à partir d´aujourd´hui dans un monde où beaucoup de choses m´échappaient. Beaucoup, mais pas toutes. Il y´avait au moins une chose dont j´étais sûr... Le seul qui déciderait de ce que je ferais à partir d´aujourd´hui, c´était moi... et moi seul.