Chapitre 15: Le grand départ
Mars nous avait finalement dégoté des papiers de grande qualité et après quelques ultimes recommandations, nous avait laissé partir pour l´embarcadère de Joliberges, solidement escortés par quelques personnes expertes en la matière, dont à ma plus grande surprise faisaient partie les deux sbires qui voulaient nous mettre dehors à l´accueil il y´avait à peine quelques heures.
Arrivés à Joliberges, j´embarquais sans trop de problèmes avec mes amis. Au moment où Kim allait nous rejoindre sur le bateau, un douanier s´interposa cependant.
"Désolé, mais ce bateau est à destination d´une zone de guerre, et les personnes agées de moins de seize ans ne sont pas autorisées à voyager seules. De plus, même agés de seize ans, vous n´êtes pas autorisés à voyager sans adulte.
-Je suis majeure, fit Iris en montrant à nouveau sa fausse carte d´identité à l´agent.
-Désolé, je n´avais pas fait attention. Mais ca ne change rien au fait que je ne peux pas laisser monter cette jeune fille.
-Laissez Tony, ils sont avec moi, fit une voix féminine derrière le douanier.
-Mais madame, les règles de sécurité...
-Je les connais par coeur, ces règles, Tony, je les ai rédigé moi-même. Laissez monter cette petite fille sur le bateau, j´en prends l´entière responsabilité.
-Bien capitaine..."
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Capitaine ? Notre contact était-il la capitaine du bateau ? Rien que ça... Mars avait vraiment des relations très influentes. Une fois l´agent écarté, la jeune femme nous prit à part.
"C´est vous, le contact de Mars ? demandais-je.
-Contact, disons ça... Sachant que nous avons toutes deux le même père et la même mère, ca fait surtout de moi sa soeur, mais passons. Enchanté de vous rencontrer, je m´appelle Sophie."
La capitaine nous accompagna vers nos cabines. En chemin, elle nous expliqua comment elle s´était engagée dans la marine et dans la résistance, transportant souvent des réfugiés hors des champs de bataille et au contraire ammenant tant bien que mal des provisions quand des hommes armés dans des hélicoptères ne lui volaient pas tout dans l´autre sens.
"Quant aux personnes comme vous, c´est des petits "extras" que je m´autorise. Et quand c´est si gentiment demandé par ma soeur chérie, ca me fait d´autant plus plaisir."
Elle continua à nous parler de tout et de rien, glissant ça et là des allusions très bien calculées à son activité de résistance.
Mais comme elle nous le dit à un moment avec un clin d´oeil:
"N´allez surtout pas dire que vous connaissez de près ou de loin des résistants, ne prononcez même pas ce mot, sinon, c´est la prison assurée. Et c´est le genre de prisons dont on ne revient pas..."
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Alors que le bateau s´apprétait à amarrer, et que la capitaine nous eut laissé pour effectuer ces manoeuvres, j´eus un dernier coup d´oeil pour ce pays que je n´avais jamais quitté que quelques heures, et encore, par la force des choses... pour me prouver que je pouvais aller où je voulais par la force de la pensée. Soudain, je songeai au professeur. Avait-il compris la menace qui planait sur lui ? Ou était-il déjà sur un autre cargo, inconscient et solidement gardé par le commando de choc qui avait tenté de mettre fin à nos jours... Voire même déjà dans une prison... qui sait.
"Il devra se débrouiller seul, ce coup-ci... me fit Kim en s´appuyant à côté de moi sur la rembarde.
-Je ne me demandes même pas comment tu as deviné que je pensais à Sorbier... fis-je en souriant.
-Je ne savais pas de qui tu parlais, je savais juste que c´était quelqu´un... Tu as fait le reste... J´analyse des choses en te regardant faire, et tu me dis tout parce que tu crois que j´ai tout deviné alors qu´en fait je sais juste le début. C´est toi qui finis les phrases..."
C´était la première fois que la jeune fille se confiait à moi. Au premier abord, elle m´avait semblé vraiment gamine, mais déjà, une grande maturité semblait se trouver en elle. A y regarder de près, on verrait peut-être apparaître les premiers signes de la puberté sur sa poitrine naissante. C´était sans doute ce grand état de changements que provoquait l´adolescence qui la rendait aussi émotive,... et aussi perspicace.
"Très douée, jeune fille, si tu es aussi battante que tu es intelligente, ca va être une partie de plaisir cette guerre.
-Si seulement les Dieux pouvaient t´entendre..."
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Le bateau n´avait pas quitté le quai depuis une demi-heure que déjà Sinnoh se trouvait à l´horizon. J´avais contemplé cette scène avec Kim tout en disctutant un peu avec elle. Elle était à la fois déconcertante quand elle jouait les Madame Irma et pourtant tellement attendrissante. Elle aurait l´âge d´être ma soeur et je crois que c´était ce qu´elle était effectivement devenue dans le coeur de tous...
Une fois les manoeuvres terminées, la capitaine nous rejoignit, laissant le boulot à ses marins. Elle nous montra nos "chambres", deux cabines pour trois personnes chacune. Il fut décidé conjointement que les filles iraient dans l´une et nous dans l´autre, au grand dam d´Antoine.
"Je suis juste à côté de toi, le rassura Aurore, et puis rien ne t´empèche de venir nous voir... si tu frappes avant d´entrer, bien sûr..."
Alors que mes amis préparaient leurs lits, je m´aperçus que dans notre fuite, nous n´avions pas pris d´affaires de rechange. Heureusement la capitaine avait tout prévu...
"Si vous saviez comme Mars est dure pour ce qui concerne le porte-monnaie, alors le fait qu´elle m´ait laissé carte blanche, enfin carte bleue, pour vous habiller, j´en étais presque trop heureuse... Bon, d´accord elle va me tuer quand elle saura que j´ai pris pour moi ces chaussures hors de prix que je reluques dans la vitrine depuis deux semaines mais bon... Tout est dans les placards."
Malgré la bonne humeur de la capitaine, je savais que nous partions pour un voyage dont certains d´entre nous ne reviendraient peut-être jamais... Aussi fallait-il en savoir un maximum sur nos adversaires.
"Capitaine ? Vous pourriez m´en dire plus sur le bazar qui règne là-bas ?"
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La jeune femme ne sembla pas, contrairement à tous ceux que j´avais vu jusque là prendre un ton grave avec la guerre, c´était un peu comme si elle la cotoyait tous les jours (imbécile, bien sûr qu´elle la cotoie tous les jours...), m´autorisant même à l´appeler par son prénom...
"Le trajet d´ici à Hoenn dure un mois pour l´aller et un peu plus pour le retour. On passe un peu par le continent et on file droit sur la guerre ensuite. Vous arriverez donc là-bas vers la mi-janvier si tout va bien. On débarque à Poivressel, et d´après les dernières rumeurs, qui commencent quand même à dater, le QG de la Nouvelle Armée se trouve du côté de Lavandia. Mais certaines nouveaux faits comme quoi ils auraient été forcés de se retrancher me sont parvenues aux oreilles. Après, je n´en saurais plus qu´en même temps que vous, une fois que nous aurons atteint notre port d´arrivée. Une fois que vous les aurez trouvé, vous pourrez vous estimer heureux. Mais je ne comprends toujours pas ce que des gamins comme vous vont faire dans ce bazar... J´espère ne pas avoir fait monter cette petite à tort."
Elle s'arrêta, me jugeant de la tête au pieds avant de faire une moue de dégoût. J'avais dix-sept ans. J'étais tout aussi jeune et influencable qu'elle, nous étions tous comme elle, nous avions juste un peu plus de vigueur.
"Sophie, si vous me permettez, fis-je en faisant léviter discrètement une ball dans ma main, nous sommes un peu plus que des ados irresponsables qui partent là où ca se tape dessus.
-Mon Dieu, et moi qui prenait ma petite soeur pour une folle quand elle me disait que des gens avec des pouvoirs avaient détruit ce qui restait de l´ancienne Team Galaxie... C´est à vous que je dois ce miracle ?
-Disons que la Team Galaxie se porte au mieux, mais qu´elle a changé de cheval de bataille, et il se pourrait qu´on n´y soit pas étrangers, mais ne nous remerciez pas, on a fait plus de mal que de bien à Mars pour qu´elle ait cette illumination..."
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Alors que je me promenais toujours dans les couloirs avec Sophie, celle-ci continua de me remercier de lui avoir rendu la Mars avec laquelle elle avait vécu toute son enfance. Vivement que je sois au milieu du champ de bataille... Au moins, là bas, on ne passerait plus le temps à me congratuler car j´étais le maître de la ligue ou le sauveur de telle ou telle personne. Non, ils seraient sans doute trop occupés à me tuer pour ça...
"Si on a des problèmes là-bas, vous savez sur qui on peut compter ? Je ne connais que la Nouvelle-Armée là-bas...
-Oh, vous devez bien connaître le professeur Seko et sa famille... mais c´est vrai qu´hormi eux, il n´y a pas beaucoup de personnes de confiance. Tu devrais bien t´en tirer, si tu as à t´enfuir, du côté du Mont Chimnée. Même si notre grand dictateur qui n´a peur de rien affirme qu´il ira partout... les patrouilles sont quand même rares du côté du volcan, trop chaud pour eux... Enfin, ce ne sont que des rumeurs..."
Je remerciais chaudement Sophie pour ses conseils avisés... Même si elle n´en savait pas beaucoup, elle m´avait appris quelque chose que je me devais de prendre pour règle numéro 1, voire numéro 0, là bas, sous aucun prétexte, il ne fallait faire confiance à personne... Ce sur quoi, elle nous invita tous au banquet du réveillon de Noël demain soir (mon Dieu, nous sommes le 23... déjà...). Avant de partir, elle me demanda si j´avais des Pokémon solides avec moi... car ca risquait d´être très dur de se battre seul là-bas si nous voulions garder nos pouvoirs secrets...
Je portais instinctivement la main à ma ceinture... Elle ne le savait pas, mais dans la ball qui lévitait se tenait Palkia. Et dans les autres, tous mes fidèles compagnons étaient là... Je rassurais donc la capitaine et la laissais vaquer à ses occupations.
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Je ressortis sur le pont. Sinnoh était déjà loin derrière la ligne de l´horizon... Mes contrées natales disparaissaient de mes yeux en même temps que le soleil derrière la mer. Sauf qu´au contraire de ce dernier, je ne les verrai pas à nouveau demain à l´aube. La croisière durerait donc un long mois... Quand je penses qu´il m´avait fallu à peine quelques secondes pour me téléporter la dernière fois... renoncer à ses pouvoirs devenait dur quand on avait appris à vivre avec.
Mais ce qui était le plus dur, ce soir, c´était de laisser mon pays... La traquillité de Bonaugure, la modernité de Féli-Cité, la silouhette imposante du Mont Couronné, les lacs si purs, la neige de Frimapic... Je crois d´ailleurs qu´une goutte d´eau salée tomba de ma joue pour rejoindre ses congénères de l´océan. Ce n´était pas de partir qui m´attristait, c´était de ne jamais revenir.
"Saloperie de guerre, si tu me mets dans des états pareils maintenant, qu´est ce que ca va être quand je vais devoir me battre..."
Cachant du mieux que je pus ma faiblesse passagère, je rejoignis mes amis dans la chambre, ils étaient tous dans la même cabine, la nôtre, les filles à aider Antoine et Silver à finir de s´installer, et sortant des placards forces vêtements qui même si, on le voyait, étaient prévus pour ne pas faire déplacés dans une ambiance de guerre, donnaient pourtant une certaine élégance. Même si moralement et physiquement je n´en pouvais plus de cette journée de folie, je le cachais bien... Je ne devais pas désespérer mes amis alors que c´était moi qui devait les mener entre les bombes et les tirs ennemis...
Nous nous couchâmes heureusement tous très tôt et je pus sans problème prendre un bon repos... Malgré mon état assez attristant (et attristé), je ne pus m´empécher de sourire en me rendant compte qu´après avoir échappée à la mort, nous courrions derrière elle, avec la stupide mais néanmoins ferme intention de gagner cette course...