Chapitre 13: Suppots de Satan
Au jugé, il y´avait une quarantaine de soldats. Leurs armes avaient l´air puissantes. Fusils automatiques, armes blanches, grenades... Je ne m´y connaissais pas beaucoup en la matière, mais je pouvais différencier un presse-agrumes d´une grenade. Après, il était vrai que j´avais du mal à différencier les presse-agrumes à fragmentation des simples presses-agrumes aveuglants. Je savais que j´avais le pouvoir de mettre à mal nos adversaires, mais il refusait obstinément de fonctionner à ce moment précis… Je n'y prêtais qu'une attention limitée, même si cette nouvelle tombait bien mal. Il allait donc falloir la jouer à la régulière, au moins pour l'instant.
"Que voulez-vous exactement ? demandais-je, même si je redoutais la réponse. Il y´a ici pour plusieurs millons de technologies diverses.
-Je m´en contrefiche de ce matériel. Mon job, c´est de veiller à ce que vous finissiez vos jours ici et maintenant.
-Et à quoi ça va vous servir de tous nous tuer ?
-Je m´en fiche, moi, je suis juste payé pour faire ça.
-Vous savez tout ce que nous pouvons faire ? tout ce...
-Epargnes ta salive, gamin, tu aurais le pouvoir de m´accorder l´amnistie présidentielle que je m´en foutrais. Je suis un tueur à gages et vous tous êtes un gros contrat, c´est tout ce qui compte. Jo, amène le matos..."
Le dénommé Jo ammena une petite valise qu´il ouvrit sur ordre de son chef. Dedans, se trouvait un petit écran à affichage digital. En appuyant sur une télécommande, le soldat fit apparâitre des chiffres... Un compte à rebours...
"C´est... une bombe... Vous allez tous nous faire exploser, n´est ce pas ?"
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Le chef eut un petit rire narquois.
"Non, les explosions, c´est dépassé, et surtout, trop bruyant dans une ville telle que Féli-Cité. Non, il faut que ca ait l´air d´un accident. Vous n´avez pas senti une petite odeur en rentrant ?"
Je n´y avais pas tellement prêté attention, mais il était vrai que juste avant de rentrer, j´avais cru déceler une fragrance, une odeur de...
"Du butane... du gaz de ville... Vous allez faire passer ça pour une fuite de gaz.
-Ce n'est que la commande centrale du dispositif, expliqua t'il. Les détonateurs sont en réalité aussi dangereux que des pierres à briquet. Mais quelques étincelles silencieuses et Boum.... Et comme votre société est secrète, on ne déplorera dans le journal que la mort de quelques employés d´une usine comme les autres."
J´en eus des frissons dans le dos... Mais il y´avait cependant un espoir. S´ils partaient juste après avoir armé la bombe, ils nous resterait du temps pour téléporter tous les autres. A supposer que j'arrive à faire quelque chose de mes dons.
"Et vous allez faire quoi ? Le compte à rebours est armé, vous pouvez bien partir dès maintenant...
-Ne crois pas t´en tirer comme ça. Mon client m´a stipulé de ne quitter la pièce en me téléportant juste avant que ca n´explose, même s'il a tout prévu d'avance. Histoire de vérifier ses suppositions. Rassure toi, tu n´auras à supporter ma présence que cinq minutes de plus... Enfin... 4 minutes 33..."
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"Et ne comptez pas sur ce petit téléporteur pour vous sortir de là, je vais le bloquer dès mon arrivée là haut... Il vous reste 10 minutes"
Voilà que la scène de Voilaroc me revenait en mémoire. Sauf que là-bas, on avait eu une chance de s´en sortir... Ici, tout avait été prévu. Qui que soit ce mystérieux commanditaire, il savait des choses sur nous... D´ailleurs, en en reparlant... Il n´était pas le seul.
"Vous êtes bien plus impliqué que vous ne le dites...
-Un bon tueur à gages n´est jamais impliqué... même lorsque...
-Arrêtez de réciter votre leçon. Vous n´êtes pas un groupe de mercenaires payés par n´importe qui... Comment savez-vous que c´est une société secrète ? Seul celui qui a commandité ceci devrait-être au courant... Vous travaillez pour lui, vous êtes peut-être même sa garde rapprochée..."
Le soldat tiqua. J´avais percé ce secret, c´était déjà ça...
"Bravo Lilian, en plus d´être puissant, vous êtes très intelligent."
C´était à mon tour d´être estomaqué, il connaissait mon nom...
"On vous a observé depuis un petit bout de temps... La guerre a beau se passer loin de Sinnoh, un évènement tel que celui qui s´est passé au Sommet du Mont Couronné a été vu par tous les satellites d´observation qui étaient en orbite dans le coin... Et on en possède deux ou trois..."
La guerre, il en parlait comme s´il la vivait tous les jours... D´un seul coup tout devint clair.
"Vous bossez pour Sento, n´est ce pas ?"
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Evidemment, même si on n'avait pas envie de les voir débarquer dans l'affaire, seuls les soldats d'élite de la garde du Tyran, ce despote sanguinaire qui m'avait valu quelques sueurs froides par le passé, oui, seule sa bande de petits soldats de plomb pouvait être menacée par l´Alliance. C´étaient lui le mystérieux commanditaire.
"Au fait, comment ca va là-bas ? Toujours en train de perdre, comme d´habitude ?" fit Antoine avec son éternel humour acide.
Pour une fois, j´étais bien content qu´il l´ouvre un peu... Déstabiliser notre adversaire semblait le seul moyen de gagner cette guerre des nerfs. Mais il était résistant.
"Riez, riez, mais pour vous, c´est fini. De toute façon, sans Sorbier, vous ne pouvez rien faire... Et Sorbier n´a pas l´air d´être là... Il rejoindra d´ici peu de temps les élus déjà prisonniers...
-Parce que vous savez où il est peut-être ? On est les seuls en qui il ait confiance. Une fois morts, il saura qu´il faut partir. Et lui, il a tout son temps.
-On sait plus de choses sur les élus que tu crois, jeune idiot. Mon patron garde soigneusement les autres dans un endroit secret. Seuls le feu, l´espace et l´acier sont jugés trop dangereux pour nous. Les autres sont déjà en cellule ou le seront bientôt...
-Et les autres ? Je suis sûr que vous savez qu´Iris est l´élue des plantes...
-C´est bien dommage pour Aurore et Iris, elles mourront avec vous..."
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Le soldat continua alors que le temps s´égrénait... Plus que deux minutes...
"Nous savons que si nous vous tuions, elles refuseraient de coopérer ensuite. Et puis, à quoi celà servirait il d´avoir une experte en plante vertes ? A faire pousser des orties sur le champ de bataille ?
-Mais Aurore pourrait soigner vos soldats...
-Lilian, tais-toi... fit l´intéressée.
-La ferme Aurore, m´énervais-je. Si je peux sauver l´un d´entre nous, je le fais..."
Le soldat eut un rictus.
"Noble intention... Je me demandes pourquoi elle sort avec ce grand dadais d´Antoine plutôt qu´avec toi..."
Antoine commença à perdre son calme à son tour. C´était maintenant notre ennemi qui jouait avec nos nerfs.
"Tais-toi petit bâtard ou je te jures que je te...
-Que tu quoi ? Tu comptes faire quoi ? Tu n´es même pas un élu. Laisses tomber Antoine, tu n´es pas à la hauteur..."
Un craquement sourd se fit entendre. Derrière le mercenaire, un de ses collègues avait subi mon courroux et par la même celui d´Antoine. S´écroulant à terre, il suscita de la part des autres un grand brouhaha d´armes qu´on pointe, qu´on charge, et autres cliquetis du genre. J'avais débloqué mon pouvoir, je ne sais trop comment, mais je l'avais de nouveau.
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"Ne t´avises pas de recommencer ça, m´ordonna le garde, désarmé mentalement un bref instant, ou sinon...
-Sinon quoi ? Tu vas me tuer ? De toute façon, je mourrais ici. Et quitte à y passer, autant qu´on emporte quelques-un de tes copains avec nous."
La situation avait à nouveau tourné à notre avantage. On pouvait peut-être en finir maintenant. Ou alors... Il savait que j'avais des pouvoirs, mais il ne s'attendait pas à ce que je les utilise. Un peu comme s'il savait qu'ils s'étaient bloqués d'eux-mêmes. A supposer qu'ils se soient effectivement bloqués tous seuls.
"N´essaies plus d´insulter un de mes amis ou le prochain qui part, ce sera toi..."
Antoine me supplia du regard de le laisser se lancer dans la bataille. Mais d´un coup d´oeil, je le dissuadais. Se lancer tête baissée, c´était mourir à coup sûr. Je ne comprenais pas ce qui avait pu casser mes pouvoirs, même un bref instant et je ne pourrais peut-être pas tous nous téléporter à temps, et je ne pouvais pas être sûr d´avoir téléporté tous les mécanismes qui pouvaient produire des étincelles... Non, il n´y avait qu´un seul moyen de gagner... Et il était très risqué.
Comme si le compte à rebours avait entendu mes pensées, il se mit à sonner, indiquant aux soldats qu´il ne restait plus que vingt secondes. Immédiatement, chacun d´entre eux sortit un Pokémon de sa ball, visiblement pour se téléporter...
Quinze secondes...
"On dirait bien qu´il est temps de nous séparer... Adieu, on se revoit en enfer... fit le mercenaire avec son éternel sourire narquois...
-Et peut-être plus tôt que tu les crois, me contentais-je d´ajouter..."
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Dix secondes... Les gardes commençaiuent à être inquiets... Leur chef les calma tout de suite.
"On est payé pour partir cinq secondes avant l´explosion. Si l´un de vous part avant que le chiffre cinq soit affiché, il prendra une balle dans la tête dès votre sortie..."
Le chiffre en question s´approchait... 7...6...5 !
Toujours avec son rictus, le soldat disparut ainsi que ses amis en se téléportant...
Dehors, seule une petite odeur était perceptible par les passants. Une jeune chef d´entreprise se fit d´ailleurs cette remarque alors qu´elle passait devant la vitre blindée des locaux de l´Alliance. Mais elle prit cette frangrance bizarre pour un produit normal de la fabrication des colorants alimentaires que produisait officiellement cette usine.
Cinq secondes plus tard, la jeune chef d´entreprise était étalée morte sur le macadam. Les cinq centimètres de vitre blindée n´avaient pas supporté le choc de l´explosion et un fragment s´était fiché dans son coeur et dans pas mal d´autres organes vitaux. La morsure du feu finit de brûler le corps.
Demain, les quotidiens de Sinnoh titreraient: "Explosion accidentelle de gaz dans une fabrique: Cinq morts.
Hier, en début d´après-midi, une fuite de gaz a conduit a une violente explosion. L´usine était heureusement vide d´employés mais des passants à proximité sont morts dans le souffle destructeur. La police a conclu à un tragique accident industriel, et a mis hors de cause un éventuel mauvais entretien des installations. Les employés sont au chômage technique. Les détails en page 5..."
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Au quatrième sous-sol, là où se trouvaient avant des êtres humains pris en otage et un appareillage informatique d´une valeur de plusieurs millions, il ne restait plus que... les êtres humains pris en otage, presque tout le matériel informatique et quelques débris de ferraille.
J´avais étudié tous les scénarios dans ma tête. Silver n´aurait peut-être pas le temps de pirater le dispositif de mise à feu, je ne pourrais pas tous nous téléporter mais je connaissais une petite fille qui maîtrisait ses pouvoirs bien mieux lorsque des émotions fortes la guidaient. C'était exactement comme ça que j'avais libéré le mien de cette emprise oppressante. Juste avant que le compte à rebours n´arrive à zéro, j´ordonnais à Kim de se mettre au centre de la pièce, et, espérant que la peur de mourir dans quelques secondes serait une émotion forte suffisante, je lui demandais d´aspirer les flammes de la déflagration. Après, il n´y avait plus qu´à espérer...
Vu mon état relativement entier et ma faculté de respirer toujours présente, j´en avais déduit que j´avais fait le bon choix. Nous avions certes à déplorer quelques brûlures mais notre petite Kim nous avait bel et bien sauvé la vie. Antoine me sauta à la figure, à la fois pour menacer de me tuer si je reprenais de tels risques une prochaine fois, et en même temps, il me congratulait pour cet "incroyable coup de génie pas piqué des hannetons" (fin de citation).
Dans la pièce, la déflagration était finalement passée et seules les oreilles de tous bourdonnaient encore un peu.
"J´ai bien réfléchi, fis-je à Antoine. S´ils nous croyaient morts, ils ne lanceraient pas d´autres assauts. Il fallait donc laisser repartir les soldats pour qu´ils proclament leur victoire à leur chef. Et je devais agir dans les cinq secondes qui précédaient l´explosion. Je l´avoue c´était un coup de poker formidable, mais j´avais confiance en notre petite Kim."
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Sous les compliments, Kim rougit. Mais elle méritait bien plus. Je me mis à applaudir et dans une frénésie incontrôlable, tout le monde me suivit, trop heureux d´être encore en vie... Ce fut une véritable ovation qui s´offrit à la fillette, qui tant bien que mal, essaya de calmer tout le monde avec, en même temps, un grand sourire de satisfaction qui lui montait jusqu´aux oreilles.
Lorsque cette joyeuse folie s´arrêta finalement, Aurore me rappella à la réalité en me demandant:
"On fait quoi maintenant ? "
Même si c´était dur de gâcher ce grand moment, il fallait que j´expliques tout à tout le monde. Montant sur un des bureaux, je demandais la parole.
"Ecoutez-moi tous. Nous avons eu une grande victoire ici. Mais pour survivre, nos ennemis doivent continuer à croire que nous sommes morts."
Un grand silence remplit la salle. Mais je souris malgré tout, refusant de leur avouer encore que mes pouvoirs m'avaient lâché au moment critique.
"Heureusement, ces abrutis nous ont donné une couverture encore meilleure que notre usine de colorants, ils nous ont offert une ruine. Après quelques réparations, l´Alliance pourra continuer de plus belle, avec cependant un ordre absolu... Aucun pouvoir ne devra plus être utilisé ici..."
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Là, les employés ne comprirent pas tout de suite.
"Vous allez continuer à travailler ici. Vous êtes toujours une association qui n´existe pas, payée par le fond secret de la Ligue... Mais les élus et moi-même devrons nous éloigner de vous pour votre sécurité."
Grande déception dans la foule, voire même un peu de peur...
"Attendez, nous resterons quand même en contact rassurez-vous. Le satellite est toujours en orbite, et Arno se fera un plaisir de mettre ma tête sur le grand écran quand j´aurai besoin de vous. En plus de la technologie, nous avons nos pouvoirs et votre dévouement, ainsi que quelques jokers au cas où, fis-je en pensant à la flûte... Et croyez moi, ca pèse dans la balance. Si certains ont trop peur pour continuer, vous pouvez partir et reprendre une vie normale. Mais il faut choisir maintenant."
Un silence pesant suivit ma déclaration. Puis Arno leva la main.
"Moi, j´en suis, dit-il."
Suivant son exemple, Joris leva sa main, puis un autre, puis encore un autre. Petit à petit, tout le monde leva la main, m´accordant par la même leur confiance la plus totale. J´en avais presque les larmes aux yeux.
"Puisque tout le monde est d´accord pour me suivre.... Qu´est ce qu´on attend ? "
Derrière ma harangue, explosa finalement un cri de joie, de colère, de désir de revanche... tout celà mêlé... Je descendis de l´estrade.
Arno donna un DS à la petite nouvelle de notre équipe, et nous fûmes prèts pour partir.
"Où on va, demanda Antoine ?
-Voir de vieux amis... Et ensuite... on part pour Hoenn. Mais n´oubliez pas... Discrétion absolue."