SOS Dangerous World de Sélenda

La pleine lune brille, baignant le paysage d'une lumière argentée, presque irréelle. Les milliers d'étoiles scintillantes se reflètent avec une perfection absolue dans le miroir sombre qu'est la surface du Lac Courage.
Deux divinités s'affrontent du regard aux extrémités de cette immensité liquide. Toutes deux ont la respiration saccadée. L'une porte une longue plaie le long de l'épaule, le sang coule le long de son flan. L'autre semble moins souffrir : il se dresse fièrement sur ses quatre pattes.
Une dizaine de sphères bleues se forment autour de lui.
L'autre déité l'imite ; les sphères sont roses, cependant.
Tous deux poussent un long cri de souffrance.
Puis, d'un même mouvement, elles s'élancent avec rage dans l'espoir d'en finir…

Un siècle passe. Le lac demeure dans les mémoires comme celui de l'affrontement final entre Dialga et Palkia. Celui de toutes les légendes de Sinnoh.


***
Voilaroc
Deux adolescentes sortirent du Centre Commercial, chargées de sacs de shopping.

« On va où, maintenant ? demanda l'une d'entre elles.
- On rentre, et demain on essayera nos nouveaux maillots sur la plage de l'Hôtel Grand Lac. » proposa l'autre.

La première était élancée et son sourire éclatant. Sa chevelure blonde et soyeuse cascadait dans son dos et ses yeux en amande étincelaient comme deux cristaux bleutés.
La seconde était sa parfaite jumelle bien que ses mèches soient auburn et que ses grands yeux brillent de deux flammes vertes intelligentes.
Dans un parfait accord elles dégainèrent leurs Pokéballs et les firent décrire une parabole parfaite.
De l'une d'elles en sortit un grand oiseau qui secoua ses longues ailes duveteuses et posa un regard acéré sur la fille aux cheveux bruns.
De la l'autre surgit un grand dragon vert qui s'ébroua et planta sur la blonde ses yeux d'ébène, la fixant avec insistance.
« Coucou, Osilon, murmura la fille aux yeux verts en lissant les plumes du cou de son oiseau.
- Rou ! Rou !
- Tiens, Lydia, tu parles le Pokémon maintenant ? plaisanta sa sœur.
- Tu ne dis jamais bonjour à Shaynar, Cilla ? répliqua l'interpellée au tac à tac.
- Libé ! » renchérit le jeune mâle.
Cilla haussa les épaules devant le regard interrogateur de son Pokémon dragon. Elle préféra changer de sujet :
« On y va ?
- OK ! » fit Lydia en se hissant sur son aigle.

Sa jumelle l'imita ; les deux montures dégagèrent un nuage de poussière en s'envolant dans le ciel d'azur de Voilaroc.


***
Alors que le soleil teintait d'or les gratte-ciels d'Unionpolis, elles atterrirent en douceur sur une pelouse fraîchement tondue. Devant elles, une maison écrasait les autres par sa taille et son activité : de nombreux domestiques fourmillaient dans tous les sens. Une femme vêtue d'un tablier blanc se précipita vers les deux sœurs et leur demanda si elles désiraient quelque chose.
« Merci, ça ira, répondit Cilla avec un grand sourire.
- Ah si ! Un grand verre d'eau pétillante » demanda Lydia.
La servante s'empressa de lui apporter. Pendant ce temps, Cilla sortit un miroir de la poche de sa minijupe plissée et étudia son reflet.
« Oh non ! Mon brushing est fichu ! piailla-t-elle.
- Pareil pour moi, grommela sa jumelle en passant sa main dans ses cheveux. J'suis bonne pour y retourner. »

C'est en poussant des soupirs exaspérés qu'elles rentrèrent dans le hall d'entrée.


***
« Eeeeet… but ! s'exclama Lydia en retirant ses chaussures et en se laissant tomber sur l'édredon rose pâle de son lit tandis que Cilla prenait ses aises sur le canapé de cuir.
- Tu peux appeler le coiffeur, steuplaît ? La pria cette dernière.
- … Elle ne répond pas, cette cruche » soupira sa sœur après avoir raccroché l'interphone accroché au mur.
Lydia secoua la tête, attrapa un oreiller derrière elle et se le cala sous la nuque.
« Plutôt que l'Hôtel Grand Lac, ça te tenterait pas le Lac Courage ? » suggéra Cilla en s'enfonçant dans les coussins moelleux.
Sa sœur ouvrit un œil.
« Tu crois ?
- Ouais ! Et on croisera peut-être Créfadet, gloussa la blonde. On pourra lui demander un vœu !
- Arrêtes ! C'est Jirachi qui exauce les souhaits » lui rappela Lydia dans un éclat de rire.

Elles avaient toujours été attirées par l'Histoire de Sinnoh, bien que Cilla préfère Palkia à Dialga et inversement.
« Bon, rappelle-moi cette fichue coiffeuse. Mes cheveux ne ressemblent à rien !
- Et moi, je vais lui demander de me les raidir. »
On gratta à la porte et une femme exagérément bronzée, maigre comme un portemanteau entra, arborant un gros diamant à la main droite.
« Les filles ? appela-t-elle.
- Mère ? Répondirent Cilla et Lydia en cœur.
- Comment s'est passée votre journée? M'avez-vous pris cette incroyable crème anti-ride ?
- Oui et non, on est allés à Voilaroc, expliqua Cilla, c'était marrant et il n'y avait pas de ta crème. »

Elle pinça les lèvres en apprenant qu'il ne restait plus de sa lotion miraculeuse. Pour leur mère, rien n'était plus important que sa jeunesse. Elle avait failli tuer son visagiste lorsqu'il avait remarqué quelques mèches grisonnantes à son dernier rendez-vous.
« Comment vais-je faire ? marmonna-t-elle. Bon, votre père sera absent ce soir, et j'ai une soirée. Les quarante ans de Kiméra. Ça promet d'être grandiose. »

Après leur avoir donné quelques consignes, elle quitta la pièce. Visiblement, elle ne semblait pas culpabiliser de laisser les jumelles seules dans cette grande maison. Cilla se précipita sur son portable :
« Vite ! J'appelle tout le monde !
- Ah non, pas cette pimbêche d'Aliénor ! Ni nos ex ! Juste une soirée entre vieux potes. »
Au total, elles convièrent une vingtaine de personnes. « Seulement nos meilleurs amis » avait précisé la jeune fille blonde. Elles mirent la musique à fond, organisèrent un défilé de mode, et se couchèrent à trois heures du mat', lorsque leur père rentra, éreinté par sa journée.
« Cilla ? Lydia ? Merci de congédier vos amis. Vous les verrez demain. Je suis crevé, je veux dormir. »