Veillée de nuit.
Jason -Nouveau quartier général de l'OLDS, 00h30.
Il y'avait des moments où l'on voudrait bien pouvoir être au chaud entre ses draps, sans préoccupation particulière. Cette nuit-là en faisait partie.
Une brise glaciale s'infiltrait sous mes vêtements, abominable contraste nocturne avec la chaleur tapante qui avait persisté la journée. La nouvelle base en climat désertique, quelle idée géniale!
Et là, maintenant, avec mon équipe, nous étions tous en garde à minuit.
Six mois s'étaient écoulés depuis la bataille contre Atlantéa qui nous avait valu de nous retrouver ici et la situation ne s'améliorait pas. Toujours plus de dangers, toujours plus d'alertes. Il y'avait des jours où je me demandais ce que je fichais ici.
- J'ai aperçu quelque chose!
La voix cristalline de Flore Vertafeuilla, la mutante plante qui faisait partie de mon équipe venait de briser le silence.
Il y'a deux catégories de gens: les sadiques... et les masochistes. Or moi, je semblais appartenir à la seconde.
Déjà, je me débrouillais pour me foutre dans des situations pas possibles, au point que j'avais plus de cicatrices sur le corps que la plupart des colonels ce qui ne m'aidait pas pour avoir un physique reluisant.
Ensuite, parce que j'étais fou amoureux de la plus belle femme qu'il y eut au monde, alors que j'étais laid comme pas possible.
Et qui en plus d'être ma subralterne, était une mutante, ce qui la rendait encore plus inaccessible.
Mais rien à faire, j'étais épris à mort, et devrais-je dire, probablement jusqu'à ma mort.
Mais comment lui résister?
Flore n'était pas belle, non. C'était la beauté incarnée.
Ses longs cheveux bouclés étaient d'un pourpre étincellant, comme du rubis liquide, et encadraient son visage admirablement fin, où brillaient deux grands yeux noirs en amande ombragés de longs cils. C'était d'ailleurs dans ses yeux qu'on pouvait lire ses émotions, car les mutants ne rougissent pas, surtout pas les mutants plantes. Quand elle était sereine, ils faisaient penser à deux grands lacs profonds recelant le mystère. Quand elle était triste, il y brillait une petite lueur perdue... Quand elle était heureuse, ils étaient remplis de petites lueurs étoilées, faisaient penser à un ciel d'été. En revanche, si elle se mettait en colère... alors même moi, j'avais du mal à ne pas me laisser impressionner! Ses prunelles devenaient d'un noir d'enfer, aussi peu rassurant que possible, et lançaient des flammes. Quant au reste...
Sa peau était d'une teinte nacrée, diaphane et dégageait un parfum entêtant de fleurs, auquel il était très dûr de résister. Quand elle transpirait, cette fragrance était encore plus perceptible, et je savais que ca la gênait énormément. Et le reste de son visage était également réussi; elle avait un petit nez droit et fin, des lèvres roses et fines où brillaient des dents étincellantes et sans défaut. Et bien sûr, sa sillouette était mince, élancée et elle avait la démarche la plus droite et la plus graçieuse de toutes, qui aurait pu la faire passer pour une reine. Remarquez, je ne serais pas surpris si j'apprenais qu'il y'avait eu du sang noble parmi les siens...
Quand je l'avais rencontré la première fois et que j'avais ce petit air triste dans ses grands yeux noirs... J'avais craqué. Immédiatement. Jamais je n'oublierai la brusque décharge qui avait traversé ma colonne vertébrale, mon coeur qui s'était mis à battre à coups redoublés et mes jambes tremblantes. Sur le coup, j'avais mis cela sur le compte d'une simple attirance physique.
Hélas pour moi, elle n'était pas que belle.
Son courage était extraordinaire, sa gentillesse la faisait aimer de tous, même Colin, mon subralterne connu pour sa méfiance et sa haine naturelle des mutants, s'était laissé conquérir. Par contre, j'ignorais la position exacte qu'elle avait vis-à-vis de son peuple, mais j'avais pu voir qu'elle se méfiait beaucoup de l'autorité. Ce qui me posait problème, car il avait fallu qu'elle accepte la mienne... et elle était aussi têtue que moi, voir peut-être même pire.
Et les épreuves que je l'avais vue traverser à mes côtés, sa manière brave de réagir face à cela, et justement ses façons rebelles et parfois sarcastiques ne m'avaient rendu que plus amoureux.
Et moi, qu'avais-je pour briller devant elle?
Déjà, physiquement, je n'étais pas gâté de la nature; j'avais un visage tristement banal, des yeux marrons-vert assez perçants pour répérer mes adversaires, mais pas franchement charmeurs, un nez un poil trop proéminent, juste ce qu'il fallait pour me complexer, une cicatrice sur la joue gauche, juste ce qu'il fallait pour enlaidir encore un peu l'ensemble. Au moins, j'avais des dents impeccables, mais un sourire banal. Question corps, ca allait, je n'était pas trop mince, ni trop gros, il fallait dire que je faisais très attention à ce que je mangeais, car il était hors de question de rajouter "obése" à la liste de mes défauts physiques.
Et je prenais tout de même bien soin de mes abdos.
Mais en plus du physique à chier, j'avais un sale caractère, et ca malheureusement, j'y pouvais rien. Raseur, cynique, chiant, grognon, psychoptathe, insupportable, impétueux, pro de l'harcèlement moral, casse-cou, suicidaire, timbré...
De quoi faire fuir toutes les femmes de la terre!
Ah, et j'allais encore oublier: Masochiste!
Franchement, avec tout ca, pas une chance sur mille de plaire à ma nymphe Gantéréenne...
Qui pour l'instant, ne se recoiffait pas, mais observait les environs d'un air tendu.
Je regardais dans la même direction qu'elle et en effet, au loin, on pouvait voir briller d'étranges lueurs... Violettes, rosées...
- Bordel, mais qu'est-ce que c'est que ce truc?
Maxime, le costaud de mon équipe, était bien réputé pour sa discrétion exemplaire. Il était aussi silencieux qu'un troupeau de Donphan, une chance pour les ennemis... Un "chut!" impérieux de Colin et d'Hélia, plus placides, le fit taire. Je regardais attentivement l'horizon. Les lumières continuaient de clignoter en pagaille. Bientôt, elles cessérent.
- Allons faire un peu de reconnaissance, ordonais-je. Jeep tout le monde!
Nous prîmes donc tous les cinq place dans la jeep et j'accélérai. J'avais d'un coup les nerfs à vif. Je détestais ce désert, à vrai dire. La nuit, encore plus.
Après les événements d'il y'a six mois, il avait fallu déguerpir vite. En effet, Atlantéa tenait à sa revanche, et était revenue nous attaquer directement. Les luttes avaient été sans merci, et beaucoup des nôtres avaient péri, nous affaiblissant davantage.
C'était pour cela que le choix du général pour notre nouvelle base s'était porté sur le désert litonais. En effet, les Atlantéens craignaient beaucoup le soleil brûlant et risquaient donc d'avoir un peu de peine à s'aventurer jusque là. Mais nos effectifs avaient bien diminué, et mon équipe d'élite n'avait jamais eu autant de travail que maintenant.
Il fallait arrêter Atlantéa au plus vite, c'était sûr. Et également s'occuper de Firéa, qui elle, mallheureusement, adorait le soleil. J'espèrais bien qu'ils n'apprendraient pas où se situait notre planque avant un bout de temps. J'avais également intensifier l'entraînement au corps à corps de mes agents. A présent, c'était Hélia qui se démarquait à ce petit jeu. Visiblement, la haine et le chagrin avait décuplé et ses forces, et sa rage de vaince. Elle s'était en effet d'avoir la peau du mutant par la faute de qui nous avions bien failli courir à notre perte, Angeïl Séara, taupe habile, et fiéffé menteur. Ah, et également manipulateur extrême. Seule Flore ne s'était pas laissé piéger. Malheureusement, le temps qu'elle parvienne à découvrir la vérité sur lui, il était trop tard.
Sa mission avait visiblement été couronnée de succés. En effet, les Atlantéens avaient pu déjà s'emparer des côtes, malgré les efforts redoublés du gouvernement litonais. Ce n'était plus le moment de partir en vaccances...
Flore m'avait appris que son roi s'était étranglé de rage en apprenant la nouvelle et avait envoyé des troupes pour les bouter au moins hors d'une partie des côtes est. Mais Ganterra était loin, et son soutien pour l'instant était limité. Néammoins, en nous envoyant l'une de leurs meilleures guerrières avec une de leurs armes, ils nous avaient été d'une grande aide.
Si Flore n'avait pas été présente à la bataille d'il y'a six mois, nous aurions perdu. Et Lito serait sous le joug Atlantéen à l'heure qu'il est.
La nuit paraissait calme, et j'avais du mal à imaginer qu'il puisse advenir quelque chose.
Mais visiblement...
Ces lumières violettes, ce n'était pas normal, nous étions tous d'accord là-dessus. Et ce n'était pas pour rien que nous montions la garde jusqu'à minuit passé.
Nous continuâmes donc, et bout d'un moment arrivâmes sur les lieux. Je grimâçais légèrement.
Trois jeep détruites jonchaient le sol, à moitié calciné. Il y'avait même deux ou trois cadavres de mutants ayant péri dans l'accident de leur véhicules. Au moins, avec ce que nous avions vu, nous étions sûrs d'une chose; ce n'était pas une cause naturelle.
- Qui a bien pu faire ca? murmura Flore.
- De quoi?
- Ces jeeps ont été détruites par de la télékynésie, dit-elle d'un ton sûr d'elle. Il n'y a qu'à voir la façon dont elles se sont heurtées. Mais ce que je ne comprends pas, c'est trois en même temps! Je ne suis même pas sûre que Gil et Lia puissent en être capables, même à deux!
- Alors, on a affaire à quelque chose de bien plus dangereux que ca, fit Hélia d'un ton perplexe. Ou, ce sont plusieurs mutants psy, et ils sont super-nombreux... Ou c'est un mutant tout seul... Et dans ce cas, bien plus dangereux que tout ce que nous avons affrontés jusqu'ici.
- Mais un mutant aussi puissant, c'est dangereux!
- Surtout s'il travaille pour quelqu'un en particulier, dit Colin.