Salle A201
« Alors ? Ils l'ont eu ? » demanda Célia, affolée.
Ma blonde amie était blanche de terreur et regardait Eliot comme s'il s'agissait d'un martien. Le jeune garçon châtain nous scruta, les yeux vitreux, avant de répondre :
« Oui… Ils l'ont eu… »
Célia fondit en larmes dans les bras de Max. Ils l'avaient eu… Ils avaient eu Aurélien… C'était horrible… Pourquoi il avait fait ça ? Quel idiot… Il n'aurait pas dut… Il savait qu'il n'aurait aucune chance… Je pris son message dans ma poche. Je vais dans la salle A201. J'y vais seul. Ne cherchez pas à me retenir, je veux découvrir la vérité. Résultat, il y avait laissée sa peau… Le Pikachu de Célia tressaillit. Il avait bien raison. Il y avait plein de légendes et de rumeurs autour des différentes façons dont le directeur s'y prenait pour faire taire ceux qui ont été un peu trop curieux et qui avaient réussit à entrer cette salle maudite. Certains disaient qu'on leur effaçait la mémoire, d'autres qu'on les surveillait constamment, ceux qui avaient la meilleure imagination inventaient bien d'autres techniques... J'aurais dut ne pas jouer la forte tête… Je ne me serais pas retrouvée ici… Avec la peur au ventre que mon tour arrive…
La nouvelle règle que voulait installer le directeur de mon collège ne plaisait à personne. Au bout de trois remarques d'un même professeur, on était illico renvoyé pour trois jours au lieu de se taper une gentille heure de colle. Ça, personne ne l'acceptait : ce collège était déjà très strict, maintenant, ça allait se changer en Enfer. Certains ont commencé à parler de rébellion pour qu'on n'instaure pas cette règle. A chacun sa façon de se rebeller… La plupart des 6ème n'y pensaient même pas, les 5ème séchaient certains cours, les 4ème les plus téméraires faisaient le blocus, nous, les 3ème, on allait en cours mais on « foutait la merde »… J'avais participé un bon moment mais mes parents avaient finit par l'apprendre. Ils m'ont prévenue… Arrête ça immédiatement ou tu vas aller quelque part où l'on est encore plus strict : le pensionnat… J'y ai jamais cru qu'ils le feraient ! Et ben voyez où je me retrouve…
« Alsha ! m'appela Max. Il faut que nous retournions dans nos dortoirs !
-… Oui… »
J'avais si mal… Tellement mal… Qu'allaient-t-ils faire à Aurélien ? Lui effacer la mémoire ? Le renvoyer chez lui sous surveillance ? … Le tuer ? Oui, il paraissait qu'ils tuaient les orphelins… Ce qu'Aurélien était…
Nous étions devant la porte du dortoir des filles. Célia embrassa Volti son Pikachu qui courut dans le dortoir des Pokemon mâles. Ça me rappelait que je n'avais pas dit bonne nuit à Skyfire, ce soir… Pas grave, il n'allait pas me faire la tête pour ça. Je crois que la seule chose que j'appréciais dans ce pensionnat, c'était le fait qu'on pouvait amener un de nos Pokemon, peu importe son espèce… Célia avait put prendre son Pikachu, Max son Gallame, Eliot son Charmina et moi mon Dracaufeu. D'ailleurs, il n'y avait pas que mes parents que j'aurais dut écouter. Skyfire aussi m'a prévenue que ça allait m'arriver, cette bouse d'être mise en internat… Encore une fois, la bêtise de l'âge a eu raison de moi…
Célia poussa doucement la porte du dortoir… Et là, l'horreur : une surveillante qui scrutait nos lits, vides… Elle se tourna vers nous. La lumière de sa lampe de poche nous éblouit et quand nous avons rouverts les yeux, elle se tenait devant nous, son vieux visage peu éclairé nous faisant frissonner.
« Où étiez-vous, jeunes filles ? » grinça sa voix de personne âgée.
Pas de réponse à donner…
« … Bien… Allez vous coucher… Nous verrons cela avec la directrice de l'aile des filles demain matin… »
Elle nous adressa un horrible sourire qui nous permit de voir ses dents jaunes et mal entretenues… Elle sortit du dortoir sans en dire plus pour nous permettre de rentrer. Cette vielle femme allait parfaitement avec l'ambiance qui régnait dans cet établissement… Nous entrâmes dans la pièce où dormaient d'autres filles et fermâmes la porte en douceur. Aussitôt, toutes les « dormeuses » se redressèrent sur leurs lits :
« Qu'est-ce que vous avez fait ?
-Vous Y êtes allez ?
-Vous L'avez vu ?
-Aurélien L'a vu ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ?
-Eliot l'a surveillé comme prévu ? Il a vu ce qui est arrivé à Aurélien ? »
Célia se mit à leur raconter toute l'histoire : quand Eliot est arrivé dans l'angle du couloir, affolé… Tout blanc… Tout rouge… Quand il s'est arrêté devant nous, droit comme un piquet… Et qu'il l'a dit… Ils l'ont eu…
« Qu'est-ce qu'ils vont lui faire ?
-Il va pouvoir nous dire ce qu'il a vu ?
-Bien sûr que non, idiote ! Ils vont lui effacer la mémoire !
-Non ! Ils vont le renvoyez chez lui et il va devenir fou !
-Mais il est orphelin !
-Parlez moins fort ! » ordonnai-je.
Toutes les filles m'obéirent car j'avais parfaitement raison. La vielle surveillante pouvait encore être en train de rôder dans les parages… Je me dirigeai vers mon lit et m'assis, enroulant la couverture autour de moi. Je voyais déjà le regard furieux et plein de reproches de Skyfire quand il allait savoir que j'avais encore joué les fortes têtes…
« Et bien mesdemoiselles, votre punition sera lourde ! »
La directrice de l'aile des filles nous lançait un regard hautain et plein d'assurance à travers ses lentilles de contact bleues. Elle était un peu moins âgée que la surveillante qui nous avait prises mais faisait tout de même partit du 3ème âge. Elle se pencha au-dessus de nous :
« Si vous continuez comme ça, nous allons devoir choisir une punition qui pourrait bien vous décider enfin à vous tenir tranquille… Ce n'est pas la première fois que l'on ne vous retrouve pas à l'endroit où vous devriez être… »
Elle se retourna et alla à la fenêtre derrière son bureau, nous tournant le dos. Son bureau minuscule n'était éclairé que par la lumière du jour que laissait entrer cette fenêtre. La directrice reprit son sermon :
« J'ai cru comprendre que vous aussi aviez ramenés des Pokemon qui vous étaient précieux, vous aussi…
-Oui… répondîmes-nous en chœur.
-Bien. Je veux leurs noms, leurs sexes et leurs espèces. »
Je donna un petit coup de coude à Célia pour qu'elle se lance. Elle ravala difficilement sa salive et bafouilla :
« Le… Mien… C'est un… Pikachu…
-Articulez, bon sang ! s'exclama la directrice.
-Un Pikachu mâle… Qui répond au nom de Volti…
-Merci, Célia. Et vous, Alsha ?
-Dracaufeu mâle, Skyfire… » répondis-je avec froideur.
La femme en face de nous ne fit pas attention à mon ton et je crus voir un sourire se dessiner sur ses lèvres… Elle nous dit de sortir et d'aller en cours, que nous étions collées ce soir de 16h jusqu'à ce qu'elle décide que nous pourrions partir.
Célia et moi nous dirigions vers l'espèce de hangar luxueux où nos Pokemon étaient sensés passer leur journée jusqu'à ce que leurs dresseurs puissent passer du temps avec eux jusqu'au dîner. Skyfire allait me faire la tête… De petits Pokemon jouaient ensemble dehors. Je pus voir Volti lancer une balle à un Machoc. Quand il nous vit, il sauta dans les bras de Célia, tout joyeux. Joie qui ne dura pas longtemps :
-Désolée mon mignon, ce soir, on est collées…
-T'as rien dit à Sky, hein ? A propos de notre escapade nocturne ? demandai-je à la souris.
-Pika ! » me répondit Volti en faisant un « non » de la tête qui paraissait honnête.
Heureusement ! Le voir me sourire, même s'il allait faire la tronche après, ça me ferait le plus grand bien… Nous entrâmes dans le hangar où tous les autres Pokemon, un peu plus matures que ceux de dehors, préféraient discuter, dormir… Et certains se battre dans la salle de combat derrière. Comme d'habitude, Sky m'attendait sur un des canapés. Il évitait de combattre à la fin de la journée quand il savait que j'allais pas tarder à venir le chercher. Quand il me vit, il fit claquer sa queue par terre et se précipita sur moi, magnifique sourire aux lèvres qui n'allait pas tarder à disparaître… Il m'indiqua la porte comme pour me proposer d'aller dehors. Hélas…
« Pas aujourd'hui, Sky… soupirai-je. On s'est fait coller ! »
Skyfire troqua son ravissant sourire contre une mine ennuyée et fatiguée, l'air de dire « qu'est-ce que t'as encore fait ? ». Je lui raconta alors ce qui s'était passé la nuit dernière… Il gémit d'ennui et s'il pouvait parler, il aurait sûrement dit « Même moi je me tiens à carreau, comparé à toi ! »… Volti glissa des bras de Célia et je compris vite pourquoi en entendant la voix de la directrice dans mon dos :
« Dans mon bureau, jeunes filles. »
En me retournant, j'évitai de croiser son regard. Nous allions quitter le hangar mais un petit gémissement de Pikachu me fit tourner la tête. Les pauvres, ils allaient vraiment s'ennuyer… J'aurais pas dut emmener Sky avec moi, il aurait été tellement mieux à la maison. Mais bon, le mal était fait…
Célia s'était endormie sur sa punition. Je regardai la fenêtre du bureau et constatai qu'il faisait nuit. La directrice nous avait oubliées ou quoi ? … Ho et puis zut, puisque Célia dormait, je ne voyait pas pourquoi je devrais me priver d'une bonne pause, moi aussi ! Je me levai de ma chaise et me dirigeai vers la porte du bureau. Je l'entrouvris et regardai le couloir. Rien à gauche, rien à droite, j'ouvris la porte en grand et sortis, refermant doucement. L'aile des filles était un grand bâtiment composé de trois étages, le RDC consacré aux matières scientifiques, le premier étage aux matières littéraires, le deuxième était le dortoir des professeurs et le dernier étage était notre dortoir. L'aile des garçons était identique et les deux bâtiments se rejoignaient grâce à trois « ponts » qui permettaient de rejoindre les différents étages. Hier, c'était grâce à ça que Max et Eliot avaient put nous retrouver dans l'aile des filles.
Je mis les mains dans les poches, pensif, et sentis un truc dans ma main droite, que je sortis alors. C'était le message d'Aurélien, dont nous n'avions toujours pas de nouvelles. Je vais dans la salle A201. J'y vais seul. Ne cherchez pas à me retenir, je veux découvrir la vérité. Je veux découvrir la vérité… Moi aussi je veux découvrir la vérité, Aurélien… Je froissai le papier dans ma main. Pourquoi y avait-il des élèves et des Pokemon qui disparaissaient ? Pourquoi on les appelait en plein cours et on les convoquait en salle 201 et on ne les revoyait plus après ? Qu'est-ce qu'on leur faisait ? Qu'est-ce que le directeur manigançait ? Pas question d'attendre que mon tour arrive sans rien faire ! Si je m'en sortais et que Sky apprenait ce que j'avais fait, il m'en voudrait à mort, mais c'était là le cadet de mes soucis ! Il fallait absolument découvrir la vérité !
Rangeant le message dans ma poche, je pris mon élan et me mis à courir jusqu'à l'aile des garçons au deuxième étage, là où se trouvait la salle A201, là où se trouvait la vérité. J'accélérai la cadence. La salle où se trouvait le bout du pont n'était plus très loin. Là, j'y étais ! J'ouvris prudemment la porte et la referma derrière moi aussi soigneusement que je l'avais ouverte. Le pont. Je ne l'avais jamais traversé. Seuls les professeurs y étaient autorisés. Ce qu'avaient fait Max et Eliot était ce qu'il y avait de plus courageux après ouvrir et pénétrer la salle A201. Je fis un pas sur la passerelle. Houlà… Ma conscience me conseillait de faire demi-tour mais je ne pouvais pas… J'avançais en essayant de faire grincer le métal le moins possible. Je devais le faire… J'en étais à la moitié du pont. Un effort… Enfin ! J'avais traversé la partie la plus difficile du chemin… Je pénétrai dans le couloir de l'étage 2 de l'aile des garçons. En face de moi, la salle A201 m'ouvrais les bras… Je suais de partout. Je tremblais. Qu'y avait-il de l'autre côté ? Tous ceux qui l'avait découvert n'avaient jamais put le dire… On m'a dit que la serrure était facile à crocheter. Je l'espérais car je n'avait pas le crochetage dans l'âme… Je sortis un petit bout de métal que je passai dans le trou de la serrure. Allez, d'autres y étaient arrivés avant moi, dont Aurélien… J'entendis un petit déclic et la porte s'ouvrit. J'allais enfin voir ce qu'il y avait dans cette salle… Cette salle où on disparaissait tous… Je poussai la porte. Horreur ! On se serait cru dans un film de science-fiction ! C'était une salle aussi grande que celles d'arts plastiques, ronde, et contre les murs étaient collées des… Je ne savais pas ce que c'était… Je voyais des enfants à l'intérieur… De 11, 12, 13, 14, parfois peut-être 15 ou 16 ans… Et… Et ils étaient comme endormis… Et ils avaient des choses étranges qui leur poussaient dessus… Ils fusionnaient avec des Pokemon ! ! J'arpentais les murs en regardant cet affreux spectacle lorsque je vis, dans un des étranges tubes où étaient coincés les enfants…
« Aurélien ! »
Mon Dieu… Ils l'avaient fait fusionner avec son Brasegali… Il était loin d'être moche mais… Le jeune garçon roux avait des plumes qui lui poussaient sur le corps. Sa mutation était encore toute récente, on pouvait encore croire que c'était bien un enfant, avant… Un petit grognement me fit tourner la tête vers le fond de la pièce, où se trouvait un tube plus gros que les autres, allongé sur le sol, et non-vitré, m'empêchant de voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Je préférais ne pas le savoir… Il y avait un bureau avec un ordinateur derrière ce tube. Je m'y rendis et regardai l'écran. Il était éteint. Je l'alluma et me retrouva devant la page de démarrage. M**** ! Un mot de passe ! Tant pis, je pouvais facilement le pirater… Je sortis mon portable de ma poche de jean. Il avait la fonction parfaite, mon Blutooth… En moins d'une minute, j'avais ouvert la section… Du directeur ! J'allai dans « mes documents » et trouvai un texte intitulé « recherches sur la fusion (3) » :
Dimanche 21 Juin 2004,
Nos recherches ont finient par porter leurs fruits. Nous avons enfin découvert comment faire fusionner les élèves et leurs Pokemon sans les tuer. Jusque là, tous les cobayes sont morts. Mais Jenny Arway, dresseuse d'un Arcanin, a finalement survécut à la fusion avec son Pokemon après une semaine dans la nouvelle machine. Bientôt, quand nous auront assez de preuves pour montrer aux scientifiques que mon invention n'est pas dangereuse, je la leur soumettrai. Et ils seront forcés de l'accepter ! Oui ! Je vais changer le monde ! L'espèce humaine ne sera plus en dessous des Pokemon dans la chaîne alimentaire ! Une nouvelle race va bientôt exister ! La plus puissante, la plus tenace, la mieux adapter à notre monde ! Mais redevenons sérieux…
Je ne pus lire plus, la porte s'était ouverte et on entrait… Je n'eus pas non plus le temps de me cacher… Le directeur du pensionnant et les directeurs des deux ailes étaient là et m'observaient.
« … Bien… Voici notre prochaine victime… »
Mon sang ne fit qu'un tour. Ils n'allaient pas me faire fusionner avec Skyfire comme ça, hein ! Je n'allais pas me laisser faire ! Je courus vers eux dans l'espoir que la brusquerie de mon geste les laisse sur place et que je puisse m'enfuir… Mais le directeur de l'aile des garçons m'attrapa et me colla contre lui.
« Tu chercherais donc à t'échapper ? demanda le directeur.
-Je vais prévenir les autres et emmener nos Pokemon loin d'ici ! m'exclamai-je.
-J'en doute… répondit le porc en face de moi. En tous cas, même si tu y arrivais, tu ne pourrais pas repartir avec Skyfire.
-… Et pourquoi ? »
Il pointa le gros tube du doigt.
« Devine ce qu'il y a à l'intérieur ? »
J'ai crus que j'allais m'évanouir… Si je comprenais bien… Non… Non, pas ça…
« … SKYFIRE ! ! !
-Tu as tout compris ! Nous lui avons fait respirer quelque chose. Quelque chose de très dangereux. Ca l'a transformé en parfait zombi.
-POURQUOI ? !
-Il est facile d'effacer la mémoire d'un humain… Celle d'un Pokemon, c'est plus dur. Ainsi, même si l'un de vous s'échappait, il ne pourrait rien raconter. De plus, de cette manière, ton Pokemon laissera la fusion faire ce qu'elle a à faire sans s'exciter.
-Ma mémoire n'est pas encore effacée ! Je vais m'enfuir et on va trouver un remède contre vos horreurs !
-Je ne crois pas, non… Nous effaçons d'abord la mémoire des cobayes avant de les faire entrer dans les machines. Sinon, à leur réveil, ils se rebelleraient ! Allez, soit sage, nous allons juste te faire une petite piqûre…
-NON ! LÂCHEZ-MOI ! »
La dernière chose dont je me souvienne, c'est de cette aiguille que l'on m'a plantée dans la peau, et d'un gémissement de désespoir s'élevant du gros tube…