La mort d'une étoile [One-shot] de Sélenda

Au crépuscule,
Un cœur battant,
Une âme torturée,
Un esprit dérivant...



Seul le fracas des vagues sur les rochers troublait le silence du crépuscule...
La falaise Arûna surplombait l'océan de sa roche dorée, incrustée d'infimes pépites d'or. Le soleil déclinant se reflétait au loin, sur la mer calme et limpide, son reflet dansant sur l'écume des vagues...
Une Mentali, perchée sur l'Arûna, regardait le ciel rougeoyant, en étudiant l'éclat, immobile comme une statue. Elle baissa la tête, fixant le soleil de ses grands yeux, bleus comme du cristal...
Des larmes perlaient au coin de ses yeux en amende. Elle avait tout perdu...




***

Mercredi 15 Juin 2004...

Cristal rentrait chez elle, exténuée. C'était une jeune Mentali, dix ans déjà. Elle vivait presque heureuse... si seulement ses parents pouvaient tout recommencer ! Sa mère, une Givrali, buvait, depuis deux ans. Elle se saoulai tout les jours à la bave de Tarpau, sans se soucier d'arrêter, sans se soucier de leur bonheur...
Cela faisait deux ans que Cristal ne voulait plus, le soir, rentrer chez elle. Deux ans qu'elle saisissait chaque occasion, qu'elle cherchait des prétextes pour éviter le plus possible le terrier familial. Mais elle savait désormais que son calvaire prendrait bientôt fin, son père, un Pyroli, ayant annoncé le matin même qu'ils partaient, lui, elle, et sa petite sœur Cilla, une Evoli. La laissant seule, boire comme elle le voudrait, après avoir maintes fois essayé de la remettre sur le chemin de la lumière, mais malheureusement sans succès...
Cristal s'aperçut qu'elle de rapprochait du terrier. Mettant fin à sa méditation, elle s'immobilisa quelques instants, se remémorant la raison de sa sortie : elle avait accompagné Cilla chez Magie, une Lixy, sa meilleure ami depuis toujours...
Elle se rendit soudain compte que quelque chose n'allait pas... une odeur inhabituelle... l'atmosphère était lourde, et le silence complet...

... Comme si le monde avait cessé de vivre...

Elle pénétra dans le terrier, sur la défensive, et découvrit sa mère allongée sur un tapis de feuilles, un rayon de soleil éclairait son corps à travers la voûte de terre.
Cristal la poussa du museau, mais la Givrali ne se réveillai pas. Elle sentit un frisson lui parcourir l'échine. Elle la secoua de sa patte, le plus fort possible... aucune réaction.
Cristal avait l'impression que son cœur s'arrêtait de battre... ce n'était pas possible... elle ne pouvait pas... pourquoi... pourquoi, POURQUOI ?

Elle restait là, incapable d'esquisser le moindre mouvement, le corps parcourut de tremblements. Finalement, Cristal sortit en courant, des larmes embuant ses yeux clairs... Pourquoi elle ?



Mercredi 19 Octobre 2005...

Cristal errait, seule. Sa meilleure amie venait de la trahir, elle le savait. Elle pleurait, traînant la patte, elle voulait partir loin... le plus loin possible... voulant échapper à ce monstre qui voilait ses yeux et lui brulait les entrailles. Mais elle savait que ce n'était pas possible. Elle ne pouvait pas abandonner son père, et Cilla qui avait tant besoin d'elle...

Elle se rappelait ses longues nuits à regarder les étoiles, à rire avec elle, celle qui l'écoutait, la comprenait.
Celle qu'elle avait connue alors qu'elles n'étaient toutes deux que des bébés, insouciantes et innocentes...
Celle qui l'avait guidée, l'avait consolée, l'avais toujours soutenue, quelque sois les circonstances, les enjeux...
Celle qui, toujours, avait su trouver les mots quand ça n'allait pas. Avait été là pour elle, même lorsqu'elle-même se sentait mal...
Celle qui l'avait aidé à surmonter sa peine lorsque sa mère, Maud, s'était suicidée, avalant un dard d'Aspicot, mettant fin à ses jours, ses rêves, abandonnant sa famille, ses amis, son mari, son amant... l'abandonnant, elle, jeune et insouciante, la laissant se forger une carapace, construite de son malheur, de sa colère, et de ses doutes...
La laissant sombrer dans un monde envahi par les ténèbres et se rétracter dans un bloc de larmes et de solitude...

Elle n'avait que onze ans et déjà, elle se sentait seule et perdue dans ce monde hostile... Pourquoi elle ?



Février 2008...

Cristal n'avait que 13 ans et déjà elle se sentait lasse... Ses grands yeux bleus ne pétillaient plus, et on pouvait lire sur son visage tout ce qu'elle avait enduré, toutes les épreuves qu'elle avait traversé... Elle ne vivait plus pour elle mais pour les autres, même si eux ne le savaient pas...
Elle cachait ses émotions, ne les montrait à personne, Elle se cachait et pleurait en silence. Ne se laissait jamais submerger par une vague d'amour ou de haine, et gardait un visage froid et impassible, camouflant sa douceur et sa délicatesse.
Elle était malade et le savait. Dépressive, comme sa mère, mais elle ne souhaitait pas mourir. Elle était un bouclier, imperméable à la douleur, mais ce n'était pas elle qu'elle protégeait, c'était les autres. Ses amis, sa petite sœur et même les inconnus, tentant de contenir en elle la détresse des autres, les rassurant, les consolant. Elle savait toujours quoi dire, quoi faire...

Tel était sa mentalité : celui qui faisait du mal méritait de souffrir. Celui qui tuai méritait de mourir. Mais celui qui n'avait rien fait méritait de vivre en paix...

Elle aurai préféré pouvoir diriger sa vie, se sacrifier pour les autres, quitte à en mourir... même si ceux-ci la rejetaient, l'insultaient, et parfois même la frappaient... Pourquoi elle ?




***

Cristal allait sur ses 14 ans...

Elle regardait en dessous d'elle les vagues s'écraser sur les pics rocheux qui émergeaient de l'océan.
Elle pensait que c'était la meilleur solution de mettre fin à ses problèmes, de quitter ce monde où personne ne voulait d'elle, où tout lui semblait injuste ou misérable.
Une larme brillante coula sur le rose pâle de sa joue, ses oreilles, rabattues sur sa nuque, pendaient lamentablement dans son dos. Elle était assise à la manière d'un chat et regardait les rouleaux, se posait des questions...

...La vie vaut-elle la peine d'être vécue ?...

Elle soupira et se leva, fermant une dernière fois ses grands yeux de cristal, et se laissa tomber...




Dans un monde parallèle...



Séléna était une jeune humaine, elle allait sur ses 14 ans...

Elle regardait en dessous d'elle les vagues s'écraser sur les pics rocheux qui émergeaient de l'océan.
Elle pensait que c'était la meilleur solution de mettre fin à ses problèmes, de quitter ce monde où personne ne voulait d'elle, où tout lui semblait injuste ou misérable.

Elle se leva avec la ferme intention de se jeter dans le vide. Une larme roula sur sur le rose pâle de sa joue. Elle s'approchait du vide, sans un regard en arrière... et elle contempla bouche bée une tache rouge s'élargir sur la surface de l'eau... une tache de sang...

Une douleur fulgurante la traversa, la jetant à terre. La crise dura une minute entière. Séléna reprenait son souffle, immobile sur l'herbe bleu qui recouvrait la falaise Ilirea.
Elle se releva et s'étira, tendant ses muscles à l'extrême, et regarda autour d'elle : le soleil s'était couché, laissant les étoiles apparaitre ça et là dans le ciel voilé de pourpre.
Elle resta là une heure durant puis se retourna et, apaisée, les cheveux au vent, pris le chemin de son village alors qu'une aurore boréale zébrait le manteau noir de la nuit, rentrant chez elle en traversant les plaines du Mentalir...


...sous les yeux d'une petite âme brillante parmi les étoiles...
...Sous les yeux de Cristal...



Au crépuscule,
Un cœur battant,
Une âme torturée,
Un esprit dérivant...

Au crépuscule,
Un cœur battant,
Une âme sereine,
Un regard flamboyant...

Et à la nuit,
Elle la surveille...

Tel un esprit,
Glissant sans bruit,
Dans l'océan...