Photographie
Oldy, 15 octobre.
Trois jours avaient passé. Durant ce temps, Eliott n'avait pas cessé de s'entraîner à maîtriser son pourvoi le « feu ». Malheureusement, il n'y parvenait que très difficilement et aléatoirement... Ce pouvoir lui était encore inconnu, et plus le temps passait sans qu'il n'arrive à faire porter ses fruits à son travail, plus ce pouvoir lui semblait lointain et inaccessible. Combien de temps Lucy avait-elle dû s'exercer afin de le maîtriser correctement ?
Elle lui avait dit de ne pas s'en faire, que trois jours était largement insuffisants pour parvenir à l'utiliser convenablement en toute circonstance. Elle-même n'y était arrivée qu'au bout de plusieurs années, même en s'entraînant chaque jour. Elle avait failli ajouter quelque chose, mais s'était ravisée, et à ce moment, Eliott avait clairement vu de la tristesse mélangée à de la nostalgie dans son regard. Un peu plus et les larmes auraient perlé au coin de ses yeux. Du moins, ce fut son impression. Il se demanda simplement ce à quoi avait pu penser Lucy à cet instant.
...
« William ? Viens avec moi, je pense devoir te montrer quelque chose que j'ai retrouvé... »
L'adolescent eut un instant d'hésitation avant de suivre Lucy. Elle monta jusqu'à une pièce qui semblait être un grenier. En effet, la salle était on ne peut plus poussiéreuse, hormis quelques traces de pas prouvant que la jeune fille y était passée peu auparavant. Les volets d'une lucarne étaient entrouverts afin de laisser la lumière du jour, éclairant ainsi un mobilier assez vieux. Quelques commodes dont les tiroirs étaient ouverts d'où dépassaient des liasses de papiers. Des bibelots anciens étaient posés un peu de partout – sur les tables, commodes ou même sur le plancher lui-même. Le tout était un beau fouillis d'affaires diverses et n'ayant quitté la pièce depuis plusieurs années.
Lucy se dirigea vers une commode dont un plusieurs tiroirs étaient ouverts et regorgeaient de papiers divers. D'autres feuilles étaient éparpillées sur le sol, mais Lucy semblait avoir tout de même donné un ordre à tout ça. En effet, elle retrouva immédiatement ce qu'elle voulait montrer à William. Il y avait plusieurs documents : une photo, et ce qui semblait être des coupures de presses, des articles découpés de journaux quelconques. Elle commença par montrer la photo à son ami.
La photo représentait deux hommes. L'un était plutôt jeune, une vingtaine d'années environ, l'autre un peu plus âgé, peut-être dans la quarantaine. Ils semblaient êtres grands amis et travaillaient ensemble dans un laboratoire au milieu de fioles et de livres.
« Cette photographie date d'à peu près dix-huit ans. Lui, ajouta-t-elle en désignant l'homme le plus âgé des deux, c'est l'homme qui s'occupait de moi à une époque... Mais je n'étais pas encore là quand cette photographie a été prise. »
Ensuite, elle lui montra plusieurs articles de journaux, tellement petits que la plupart du monde ne les avait sans doute même pas remarqué. William se dit que la personne qui avait découpé ces articles devait lire tous les journaux du pays de fond en comble. Les coupures de presses parlaient de diverses choses en apparence anodines. Des résultats de recherches quelconques annoncés machinalement dans la presse pour la plupart, à part un qui annonçait la disparition d'un homme quelque part dans le Nord. Au milieu de tous ces articles, il y avait ce qu'on aurait pu prendre pour une lettre – et apparemment c'en était quand même une – s'il n'y avait pas eu qu'une phrase écrite sur une feuille.
« Ne me cherche pas. »
William fronça les sourcils. Quel était le lien entre tous ces documents, et pourquoi Lucy les lui montrait-elle ? La jeune fille prit une grande inspiration avant de commencer ses explications.
« Comme je te disais, l'un des deux hommes sur la photographie était celui qui avait ma charge il y a maintenant quelques années... A présent, il est mort. Lui et l'autre homme étaient amis et collègues dans un laboratoire de Huge City, la capitale du pays... Souvent, ils faisaient des recherches ensembles ici, dans cette maison. Les résultats de recherches présentés dans les articles sont les leurs. Et un jour, peu après cette photo, le plus jeune des deux est parti on ne savait où, sans aucune explication... L'autre a reçu la lettre le jour où est paru cet article-là (elle désigna le morceau de journal annonçant la disparition d'un homme), il y a une quinzaine d'années, trois ans environ après qu'il soit parti mystérieusement. Il y a donc fort à parier que l'homme disparu en question était celui photographié là.
- Je comprends, approuva le garçon en hochant la tête, ayant compris le lien entre les papiers. Mais pourquoi est-ce que tu me montres ça, à moi ?
- Réfléchis un peu. Cela peut te concerner. L'homme a disparu dans le Nord et avait fait beaucoup de recherches. On pouvait donc dire qu'il était scientifique. Cela ne te dis rien ? »
Si, cela lui disait quelque chose. Il y avait une forte, et même très forte probabilité pour que cet homme disparu soit devenu l'un des scientifiques du Laboratoire du Nord, l'un de ces scientifiques qui avaient décidé de tenter des expériences interdites, l'un de ces scientifiques qui les avaient réussies à leur propre surprise et pour le malheur des sujets d'expérience. William pensa alors à autre chose. Apparemment, un scientifique du Laboratoire du Nord avait fait des recherches dans cette maison même. Il y avait donc forcément un laboratoire dans cette demeure où il se trouvait... Et avec, qui savait, des comptes-rendus des recherches entreprises ?
Soudain, une voix se fit entendre au-dehors. Eliott. Il était censé s'entraîner. Que faisait-il là ?
« Euh... Lucy ? Je crois que j'y suis allé... un peu fort... Tu peux venir m'aider ? »
Apparemment, il avait accidentellement déclenché un petit incendie... Avec un soupir, la jeune fille se leva et se dirigea vers l'escalier menant à la sortie.
« Le laboratoire de la maison se trouve dans les sous-sols. L'escalier pour y accéder est dans la cuisine. »
Sur ces phrases qui avaient tout l'air d'être une invitation à explorer ce laboratoire, elle alla rejoindre Eliott qui l'appelait à nouveau, n'ayant pas entendu de réponse à sa demande. William, lui, n'hésita pas, et descendit derrière Lucy pour se diriger, lui, vers ces sous-sols.
La pièce était au moins aussi poussiéreuse que le grenier. Elle avait pour seul éclairage une vieille ampoule mal accrochée au plafond qui ne produisait qu'une faible lumière vacillante. C'était un laboratoire assez banal, avec ses plans de travail, ses armoires, ses fioles. A la seule différence qu'il n'y avait pas le moindre compte rendu écrit. Les seules feuilles présentes étaient désespérément blanches et vierges.
Tout avait disparu.