« Chante, Ookami-kun ! »
L'Absol regarda la renarde avec un air interloqué, l'air de ne pas savoir de quoi elle parlait. Car il n'en avait effectivement aucune idée... Elle voulait qu'il chante. Il avait bien compris que c'était de sa chanson qu'elle parlait. Mais il ne l'avait jamais chanté, ce son. Il n'en connaissait ni les paroles, ni la mélodie. En tout cas, pas par cœur. Il ne les avait jamais apprises. Comment pouvait-il chanter cette chanson, qu'il n'avait entendue qu'un faible nombre de fois ? Tsuki sourit. Elle en fredonna quelques notes.
« Ookami, le tout, c'est de comprendre cette chanson. Ferme les yeux, concentre-toi. Quand tu auras compris, tu pourras la chanter. »
http://fr.youtube.com/watch?v=9xuX2EmU5Fg La Noctali recommença à chanter de toute son âme. Pendant ce temps-la, Ookami suivit ses instructions, et ferma les yeux, se concentrant de toutes ses forces sur le chant. Toute son attention était entièrement portée sur la musique et ses paroles. Pas une parcelle de son esprit ne pensait à autre chose. Ookami essayait de ressentir ce que dégageait ce chant. Pas seulement le fait qu'il soit apaisant, bénéfique dans son intégralité. Il voulait ressentir les différentes choses bénéfiques de ce son. Qu'est-ce que les paroles évoquaient ? Et quant à la mélodie ?
Ces paroles lui semblaient antiques, très anciennes. Elles avaient été écrites dans une langue qu'il ne connaissait pas. Une vieille langue que plus personne ne parlait. Est-ce que cela remontait à la Répartition du Monde ? Ou même avant ? Non. Plutôt après. Des images un peu floues se formèrent dans l'esprit du l'Absol. Mais il les reconnaissait quand même. Kyogre et Groudon qui s'unissaient pour former un monde de terre et de mer, afin de mettre fin au chaos qui précédait cela. Le titan de la mer dans une rage folle, sans doute possédé par le démon. Cette image lui fit penser à l'état dans lequel Groudon se trouvait. L'image suivante représentait Groudon et une forme blanche très vague – son ancêtre ? – allier leur puissance bénéfique à celle de Kyogre, afin de faire disparaître Yuurei. Puis vint un paysage en paix. Après cela, une image très sombre : une pièce d'un manoir éclairée de quelques chandelles et dans laquelle se trouvait une tombe, avec une forme blanche qui flottait au-dessus. Au milieu de cette pièce se trouvait une silhouette. Ookami devina qu'il s'agissait de Darkrai. Il semblait concentré. Plusieurs images successives apparurent, toujours la même pièce sombre, où Ookami vit à chaque fois des tombes s'ajouter, avec le fantôme qui allait avec au-dessus. Sur chacune de ces images, Darkrai semblait de plus en plus tourmenté. Sur la dernière image, il ne l'était plus. Il semblait apaisé. Au tour de lui des notes défilaient. Ookami comprit que ces notes se rapportaient à la mélodie qu'il entendait.
Alors, il comprit tout.
Il ouvrit les yeux. Se mit à accompagner Tsuki dans son chant. Il l'avait enfin comprit. Il articulait chaque syllabe même sans comprendre leur sens exact. Peu lui importait. Cela racontait des choses bien. Des choses qui faisaient renaître l'espoir, qui apaisaient les plus tourmentés, des choses si belles et bénéfiques qu'on ne s'en lasserait jamais. Un lever de soleil, une fleur qui s'ouvrait, une coquille d'œuf qui se fendillait pour laisser apparaître un nouveau-né tout curieux envers ce monde si beau qu'il découvrait.
Ces paroles laissaient imaginer que le monde n'était que bonheur, et ne laissaient pas entrevoir une once de mal. A l'entendre, on oubliait tous les malheurs qui pouvaient exister, on ne pensait plus qu'au bonheur personnel ou celui du monde.
Des formes blanches et translucides sortaient du sol une à une, se joignant à Ookami et Tsuki dans leur chant pour arrêter le démon. C'étaient des fantômes, mais eux étaient différents de Yuurei. Yuurei ne voyait que le mal du monde. Eux en connaissaient tout le bien. A chaque nouvelle voix qui s'ajoutait au chœur, le démon semblait perdre un peu plus de sa puissance. Groudon qu'il avait possédé semblait souffrir énormément. Mais ce n'était pas lui qui souffrait. Lui, il se sentait à chaque instant un peu plus apaisé à l'écoute de ce chant.
A un moment, c'est une silhouette noire qui apparut, ajoutant sa voix grave et maladroite aux autres ; à celles des fantômes, très aiguës et sifflantes ; à celle de Tsuki, on ne peut plus douce ; à celle d'Ookami, assez maladroite en apparence, mais en réalité très assurée. Darkrai s'était joint au chant.
Soudain, une aura blanche commença à émaner de Groudon, et le chant sembla encore plus puissant. L'aura était comme éjectée de Groudon. Au bout de quelques secondes, elle s'en échappa complètement et forma une silhouette pâle. Cette silhouette se tordait en tout sens à l'écoute de la musique. Puis, particules par particule, elle s'évapora. Yuurei avait été vaincu...
Le chant ne s'arrêta pas immédiatement. Il continua le temps qu'Atanalopolis reprenne sa forme initiale, en paix. Groudon sembla troublé quelques instants, comme s'il sortait d'un cauchemar. Puis, il grogna quelques mots incompréhensibles et sa silhouette s'effaça. Sans doute était-il retourné dans sa grotte. Mètre par mètre, Atanalopolis se reconstruisait. Dans chaque zone restaurée par le chant, on aurait pu imaginer que Yuurei n'avait jamais existé. Enfin, Atanalopolis finit par reprendre sa forme d'avant.
Et là, le chant s'arrêta enfin, tous les membres du chœur s'arrêtant exactement au même moment.
Les formes pâles des fantômes s'effacèrent lentement, l'air plus apaisés que jamais. Darkrai resta quelques instant de plus mais ne dit pas le moindre mot. Au bout de quelques secondes, il se contenta d'un sourire à l'adresse de l'Absol et de la Noctali avant de disparaître à son tour, rejoignant ses fantômes.
Ne resta qu'Ookami et Tsuki. Pendant un long moment, ni l'un ni l'autre ni dit pas le moindre mot. Leur regard restait obstinément fixé sur un point imaginaire placé devant eux. Pendant un long moment, leur regard ne se croisa pas. et pourtant, ils pensaient tous deux à la même chose. L'un pensait à l'autre et vice-versa. Déjà oubliés, Yuurei, Groudon, Darkrai et tout ce qu'ils avaient vécu dans cette aventure. La paix était revenue. Il n'était plus nécessaire de penser à ces choses qui leur avaient fait mal. Ils restaient là, allongés côte à côté dans la nuit, regardant la lune et les étoiles dans le ciel découvert.
Puis, au même moment, ils se tournèrent pour se regarder. Ils restèrent encore un long moment dans cette position avant de pouvoir dire le moindre mot. Le silence de la nuit pesait. Aucun d'eux ne voulait le briser.
Enfin, toujours au même moment chacun ouvrit la bouche pour parler, et, remarquant que l'autre faisait de même, la ferma aussitôt, attendant que l'autre parle en premier. Alors, Tsuki sourit à Ookami. Celui-ci lui rendit son sourire.
Et là, c'était une autre aventure qui commençait.