15 - Alexia, où es-tu ?
Depuis l'affaire des cuisines, quelques jours s'étaient écoulés, sans qu'Alexia prenne le temps de s'occuper de nous. Elle nous laissait toujours vagabonder en ville, dormait au centre pokémon, nous donnait à manger, et c'était à peu près tout. Pourtant, elle nous avait prévu un programme bien chargé lorsque nous étions arrivés en ville ! Elle ne faisait absolument plus rien, et passait son temps à soupirer. Nous ne savions plus quoi faire.
- Dis, Salamèche, me demanda un jour Lovdisc. Pourquoi tu gardes tout le temps ton collier et pas nous ?
- Je ne sais pas Lovdisc, c'est une idée d'Alexia, répondis-je.
- D'ailleurs, puisqu'on parle d'Alex, intervint Phyllali. Vous ne la trouvez pas bizarre en ce moment ?
- Bah... Un peu, mais je croyais qu'elle était comme ça normalement, fit Lovdisc.
- Non, pas du tout ! m'écriai-je. D'habitude, Alexia est beaucoup plus dynamique !
- Vous savez ce que je pense ? demanda Phyllali. À mon avis, Alex déprime.
Lovdisc et moi nous regardâmes, étonnés. Apparemment, elle n'en savait pas plus que moi sur ce nouveau mot.
- Elle QUOI ? demandâmes-nous en choeur.
- Vous ne savez pas ce que ça veut dire ? s'étonna Phyllali.
Nous secouâmes la tête.
- En gros, Alex est triste pour une certaine raison, et elle en perd toute motivation. C'est pour ça qu'elle ne nous entraîne plus, elle n'en a plus envie.
- Mais c'est terrible ! s'écria Lovdisc.
- Et comment on y remédie ? demandai-je.
Phyllali s'assit, perplexe.
- Eh bien... Pas grand-chose, en fait. On doit lui prouver qu'on a besoin d'elle, et lui faire oublier son chagrin. C'est tout.
- Qu'est ce qu'on attend alors ? Tous au centre pokémon ! s'écria Lovdisc.
- Attends ! la rappelai-je, voyant qu'elle s'en allait déjà.
Quand elle fut revenue, je demandai à Phyllali :
- Comment tu sais tout ça, toi ? J'avais déjà remarqué que tu savais lire l'humain, mais je n'avais jamais remarqué que tu savais tant de choses à leur sujet !
- Oui, c'est vrai ça ! remarqua Lovdisc.
- Explique-nous comment tu sais tout ça !
- Oui, explique-nous !
- Très bien, soupira le chat végétal. Je vais vous raconter mon histoire.
- Oh oui, raconte-nous !
Nous nous tournâmes tous les deux vers Lovdisc et la foudroyâmes du regard.
- Désolée, minauda-t-elle.
Quand je suis sorti de mon oeuf, j'étais au milieu de plein de petit évolis. Jusque-là, tout est normal. Mais il n'y avait pas nos parents. À la place, il y avait des humains.
- Tes parents sont des humains ?
- Tais-toi, Lovdisc !
- Non, ce n'était pas mes parents mais les propriétaires de l'élevage d'évolis dans lequel j'étais.
Voyant Lovdisc ouvrir la bouche, il s'empressa d'expliquer :
- Certains humains créent quelque chose qu'ils appellent des élevages. Ce sont des endroits où naissent plein de bébés pokémons, qu'ils donnent ensuite à des dresseurs. À l'élevage, nous avions tous un surnom.
- Et c'était quoi le tien ?
- Tais-toi Lovdisc.
- C'était... Oh, je ne sais pas si je peux vous le dire.
- Allez, dit !
- Tais-toi Lovdisc.
- C'était... Non, vous allez vous moquer !
- Mais non !
- Tais-toi Lovdisc.
- Choubibi.
Je me retins de rire. Hélas, il me suffit de croiser le regard de Lovdisc, qui se retenait aussi, pour éclater de rire.
- Et voilà, je m'en doutais que vous alliez vous moquer !
- Pfff... Mais non, pas du tout ! On se moque p... Hahahaha ! Pas du tout ! Hihihi !
- Tais-to... Hahaha ! Toi Lovdisc ! Hahaha !
- Allez, allez ! Pfff... Continue ! Hihi !
- Tais...
- C'est bon, c'est bon, ce n'est qu'un surnom ! Je reprends : Donc, je...
- Hahaha !
- Tais-toi Lovdisc !
- Bref, un dresseur m'a adopté et m'a trouvé un autre surnom, dont je suis plus fier : Destroyator !
- HAHAHAHAHAHAHAHAHA !
- Tais-toi Lov... HOHOHO ! Lov... Hihihi Houhouhou ! Lovdisc ! Hahaha !
- C'est pas un peu fini, oui ?
Nous regardâmes tous vers le haut, d'où provenait la voix. Une femme était penchée à sa fenêtre et nous regardait bizarrement.
- Fichez le camp tout de suite où j'appelle la fourrière !
- Lali lali, lala ! ( C'est bon, pas la peine de vous énerver ! Venez, on s'en va les gars ! )
- Diii ! ( Hé ! )
- FOUTEZ-MOI LE CAMP TOUT DE SUITE !
Nous décampâmes à toutes pattes en quête d'un endroit plus calme. Nous finîmes par trouver un petit parc avec une fontaine au milieu. Un vieux monsieur, assis sur un banc, distribuait des graines à des hordes de roucools, qui venaient se presser en masse à ses pieds. Nous nous éloignâmes de lui pour nous rapprocher de la fontaine, où Lovdisc plongea, abandonnant son Robocal sur le sol.
- Ah, cette eau est géniale, je crois que je vais en emporter dans mon bocal !
- Bref, continua, Phyllali, où en étais-je déjà ?
- À Destroyator !
- Tais-toi Lovdisc.
- Ah oui, merci. Donc, ce dresseur captura d'autres pokémons, me délaissant de plus en plus. Tous ces pokémons étant devenus beaucoup plus puissants que moi, il finit par m'abandonner sur une route. C'est là que je t'ai rencontré, Salamèche.
- Oh, c'est triste...
- Tais-toi Lovdisc.
- Toujours est-il que mon enfance m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur les humains.
- Hé mais oui, c'est vrai ! se rappela Lovdisc. On était partis consoler Alexia !
Arrivés au centre pokémon, nous demandâmes à l'infirmière :
- Didi, didisc ? ( Est-ce qu'Alexia est là ? )
- Je suis désolée, répondit poliment la femme, mais je ne comprends absolument rien à ce que vous dites !
- Lali lali lala ! ( C'est toujours le même problème avec les humains ! )
- Sala ! ( Ça devient embêtant ! )
J'entrepris de mimer les cheveux et les lunettes d'Alexia. La femme éclata de rire.
- Lii ? ( Tu crois qu'elle a compris ? )
- Didi. ( On verra bien. )
Lorsqu'elle eut fini de rire, l'infirmière fit :
- Vous cherchez votre dresseuse ? Elle est partie il y a quelques minutes ? Voulez-vous l'attendre à la garderie pokémon ?
- Phyllali, la ! ( Non merci ! )
Sur ce nous tournâmes les talons. Alors que nous franchissions la porte automatique, je crus entendre l'infirmière dire :
- Que cette fille a de la chance d'avoir des pokémons aussi drôles !
- Bon, on doit chercher Alex ! s'exclama Phyllali. Qu'est ce que vous préférez ? On se sépare où on reste en groupe ?
- Heu... Je préfère qu'on reste en groupe, fis-je. J'ai peur des mauvaises rencontres.
- Des mauvaises rencontres ? Comme quoi, par exemple ? s'étonna le chat.
- Hé bien...
Je ne pouvais pas leur raconter ma mésaventure, j'en avais trop honte. Il me fallait improviser.
- Hé bien, on est pas d'ici, on ne sait pas s'il y a des méchants pokémons dans les rues, où quelque chose comme ça.
- Oui, tu as raison. Allez, cherchons.
Tandis que nous arpentions les rues, il faisait de plus en plus sombre. Chose étonnante puisque nous étions en début d'après-midi ! Je regardai le ciel : Il était couvert de gros nuages noirs, et une lointaine rumeur semblait se rapprocher de nous.
- Il va bientôt y avoir de l'orage... murmura Phyllali.
Sitôt ces mots entendus, je ressentis une intense douleur.
- Aïe ! J'ai reçu une goutte sur la queue !
- C'est trop dangereux pour toi de marcher sous la pluie, remarqua Phyllali. Trouvons-nous un abri.
Il pluviotait à présent, et je me sentais de plus en plus faible. Nous marchions, marchions, à la recherche d'Alexia et d'un abri.
- Si seulement je pouvais rentrer dans ma pokéball...
- Courage Salamèche ! fit Lovdisc. On va bientôt se trouver un abri, et tu pourras reprendre tes forces !
Mais, déjà, j'avais du mal à tenir leur rythme. La pluie était pour moi un véritable fléau.
- Aïe ! Ouille ! Non, arrête, Thomas, je t'en prie ! Rentre-moi dans ma pokéball ! fit une voix.
Phyllali redressa les oreilles.
- Ça vient de par là..., souffla-t-il. Nous nous dirigeâmes dans la direction qu'il venait de nous montrer. Nous aperçûmes bientôt, devant le pont pépite, Thomas et sa ponyta. Ils étaient devant une espèce de gros lapin jaune et blanc, qui sautillait comme un fou. De petites étincelles jaillissaient de lui.
- Encore un shiney ! s'écria Phyllali. Je croyais que c'était hyper rare d'en croiser !
Mais mon attention était portée sur la ponyta. Tenant à peine sur ses quatre pattes, elle avait l'air de souffrir.
- Pony ! gémissait-elle. Pony, ponyta ! Pony ! ( Thomas ! Je t'en supplie, rentre-moi dans ma pokéball ! C'est horrible ! )
Il était vrai qu'il pleuvait maintenant à torrent, et je n'en menais pas plus large qu'elle. Toutefois, seule ma queue était enflammée, contre toute sa crinière. Elle devait atrocement souffrir.
- Regarde un peu ce salamèche ! Il se balade sous la pluie, lui !
J'aurais aimé lui répondre ( mais il ne m'aurait de toute façon pas compris ) que c'était faux, que nous cherchions justement un abri pour que je puisse me reposer, mais je n'en avais pas la force. Je luttais à présent pour ne pas m'évanouir.
- Phyllali ! Lli lali ! ( C'est faux ! Tu ne vois pas comme ils sont ! Ils ont besoin d'un abri ! )
Thomas regarda Phyllali.
- Un salamèche, un phyllali, et un lovdisc shiney... Mais vous êtes les pokémons d'Alexia ! Hé ! L'azumarill est part...
Je n'en entendis pas plus.
Je me réveillai sur une surface dure et froide, probablement en métal. La pièce était éblouissante tant elle était éclairée. Quand mais yeux furent habitués à la lumière, je pus distinguer sur les murs des machines étranges qui clignotaient et émettaient parfois des petits sons. Je pus constater, d'après la proximité du plafond, que j'étais à environ un mètre du sol. Une infirmière et une leveinard s'affairaient autour des machines. J'avais terriblement mal à la tête.
- Oooh... gémis-je.
La leveinard s'approcha de moi, et me dit d'une voix douce :
- Ah, tu es réveillé. Comment te sens-tu ?
Sa voix résonnait dans ma tête, comme dans une grotte.
- Aouch... Parle moins fort... murmurai-je. J'ai mal à la tête...
- Oh, je vois, fit-elle encore plus doucement. Et à part ça, comment te sens-tu ?
- J'ai un peu envie de vomir, mais c'est tout. Où sommes-nous ?
- Au centre pokémon, m'expliqua-t-elle. Je te raconterai tout en détail plus tard, mais pour l'heure, rendors-toi : tu as besoin de repos.
Je suivis son conseil et me rendormis.
- Ça y est, je crois qu'il se réveille ! fit une voix connue.
J'ouvris les yeux sur la silhouette floue de Phyllali. À part lui, je ne voyais rien, trop ébloui. Quand mes yeux se furent habitués à la lumière, je pus distinguer Lovdisc, la ponyta, et la leveinard. Je voyais aussi le ciel. Je m'assis et vis que j'étais dans l'herbe, entouré de beaucoup de pokémons que je ne connaissais pas.
- Nous sommes dans la garderie pokémon ? demandai-je.
- Tout juste ! s'exclama Phyllali.
- Parle moins fort, voyons ! se fâcha Leveinard. Il a peut-être encore mal à la tête !
- Non non, la rassurai-je. Ça va mieux. Que s'est-il passé ?
- Tu t'es évanoui sous la pluie, m'expliqua Phyllali. Juste avant que Thomas ne nous agresse sous prétexte qu'on avait fait fuir l'azumarill !
- Le quoi ?
- Tu sais, le gros lapin jaune et blanc !
- Ah, oui... Continue.
- Alors, Ponyta continuait de le supplier de le rentrer dans pokéball, mais il se contentait de se moquer d'elle. Il lui a ordonné d'utiliser son attaque Danse Flammes sur nous, à cause du shiney, et elle l'a utilisé... sur lui ! Ensuite, elle s'est évanouie aussi. Lovdisc et moi, on savait pas quoi faire, alors on a attaqué Thomas, il s'est barré, et on a crié autant qu'on a pu jusqu'à ce que quelqu'un nous emmène tous au centre pokémon. Par contre...
- Oui ?
- Toujours pas de trace d'Alexia.
- Non, non et non ! L'infirmière Joëlle a clairement insisté sur ce point : vous ne sortez pas tant qu'on n'a pas retrouvé votre dresseuse ! En plus, vos amis doivent se reposer !
- Mais je suis parfaitement en forme, moi ! m'écriai-je.
- Et moi aussi ! s'exclama Ponyta.
Nous étions en train de négocier une sortie avec Leveinard. Ponyta, qui ne voulait plus retourner chez Thomas - ce qui était parfaitement compréhensible - avait décidé de s'incruster à la bande, et de se faire adopter de gré où de force par Alexia. En attendant, nous devions la retrouver, ce qui était impossible - du moins pour nous - depuis le centre pokémon.
- Vous vous sentez en pleine forme, nuance ! Vos défenses naturelles sont affaiblies, et il est strictement interdit de faire sortir un pokémon affaibli du centre !
- Tout va bien alors ! plaisanta Phyllali. Ils sont deux !
- Et toi, arrêtes de faire ton petit malin ! Vous savez, je ne fais qu'obéir aux ordres de l'infirmière, ajouta-t-elle d'une voix douce.
Sur ce, elle tourna les talons.
- Vous savez, je ne fais qu'obéir aux ordres de l'infirmière ! singea Phyllali.
- Je t'ai entendu !
Nous quittâmes le grand hall et nous retirâmes dans la chambre d'Alexia.
- Non mais, et puis quoi encore ! tempêta Phyllali. Elle veut nous empêcher de retrouver notre Alexia !
- Tu sais Phyllali, elle ne pense pas à mal, minauda Lovdisc.
- Oh, toi, tu te la fermes, hein ! cria-t-il.
- C'est bon, c'est bon, je me tais... fit la poissonne.
- Non, se révolta Ponyta, tu ne te tais pas ! Tu as le droit d'exprimer ton opinion ! Même si tu as tort !
- Oh, non, pas la révolte des femelles... se lamenta Phyllali.
L'habituel calme de la petite chambre était en train de se transformer en brouhaha infernal.
- STOP !
Tout le monde se tourna vers moi. Une des feuilles de Phyllali était légèrement brûlée. Dans son bocal, Lovdisc portait de petites coupures. C'était la première fois que j'avais l'occasion d'observer le transfert de dégâts du robot à l'intérieur du bocal. C'était assez surprenant, on aurait dit que Phyllali avait vraiment coupé Lovdisc à l'intérieur de son bocal. Mais le moment n'était pas à l'observation.
- Ce n'est pas en vous battant comme ça qu'on va retrouver Alexia ! C'est vrai, Lovdisc, que tu as droit à la parole. Mais c'est aussi vrai que tu es très agaçante quand tu t'y mets. C'est surtout vrai que te dire de te taire est devenu une espèce de coutume dans la bande. Mais on en discutera plus tard : nous devons trouver un moyen de sortir de ce centre !
À ce moment, un bruit de serrure retentit, en provenance de la porte.
- Oui, mais là, je crois que Leveinard nous a enfermés, remarqua Phyllali.