La référence.Bien. J'avais commencé l'année en vous parlant de la philosophie et de mon amour pour cette matière. Vu que j'en avais parlé sur ce blog-même, je me permets d'y revenir et de vous laisser entrer un instant en ces lieux pour que nous parlions au coin du feu. Mais avant tout, un retour sur ma vie actuellement, qui justifie le titre.
La majorité de ce qui se passe dans la vie va vite, aujourd'hui. Beaucoup trop. Les concours, les révisions, les bacs blancs, les lectures à boucler, le travail à finir, le sport, les nuits, la déprime de certaines personnes que je côtoie. Paradoxalement pourtant, je reste presque léthargique face à tout cela, comme à mon habitude. Je prends de la distance avec tout ce qui m'arrive, comme si je n'étais qu'un spectateur de cet autre homme, Suroh, qui vivrait. Or, ce n'est pas le cas.
La Terminale est décidément une année qui me fait changer. Trois éléments me font changer en profondeur : la perspective des années à venir, la majorité qui arrive à grands pas, la philosophie. Chacun de ces points a une foule d'implications que je ne détaillerai exhaustivement pas ici, mais, Dieu, j'ai l'impression de m'être engagé sur un chemin bien différent de tout ce que j'ai pu expérimenter jusqu'alors.
Comment appréhender les années à venir lorsque mon affectation future est si incertaine ? Je ne sais pas si je vivrai à Paris, Nantes, Rennes, dans le Sud ou le Nord. C'est étrange. Malgré mes quelques déménagements, j'ai toujours vécu au même endroit et, surtout, sous l'aile de mes parents ; et je vais les quitter d'ici moins de neuf mois. J'ai tout à la fois hâte d'être l'année prochaine et peur de ce que ce sera, en bref : cette plongée dans l'inconnu me fait douter. D'autant plus que, nonobstant la raison, je ne me vois l'année prochaine qu'à Sciences Po Paris, alors que je ne suis pas sûr d'y mettre les pieds un jour. En cas d'échec, je risque d'être immensément déçu... Cette perspective n'est pas des plus réjouissantes. Je peux réussir, je peux rater.
La majorité, elle, apporte avec elle la responsabilité du citoyen libre. Ce sont peut-être des "grands mots", mais j'ai hâte, à ce niveau, de m'assumer. La liberté de me déplacer, de décider de mes horaires, de ce que je désire manger et quand, de l'organisation de mon temps. Je sais pertinemment que cette liberté s'accompagne nécessairement d'une certaine précarité ; la vie d'adulte n'est pas toute rose. Mais le désir de n'être plus que le seul et unique qui répond de mes actes n'est pas négligeable. Rien que de voir que je ne puisse pas donner mon adresse à Kloana pour avoir la chance d'avoir l'un de ses jolis marque-pages, ça me chagrine ;-;
Bien, et puis la philosophie. Je suis un débutant, un gamin qui découvre l'immensité de l'océan de connaissances qu'il a devant lui, un bébé. J'ai pour le moment étudié le Bonheur, la culture, la religion, le temps & le langage. Cette année m'offre une lecture transversale de la philosophie... Oh, quelle chance nous avons de ne pas nous mettre à la philosophie qu'en études supérieures, contrairement à nos pays voisins. Même si cela reste un peu brumeux, je comprends pourquoi j'aime la philosophie. En réalité, ce n'est pas la matière que j'aime, elle n'est pas le plus important. C'est l'idéal porté par le terme "philosophie", littéralement "la recherche de la sagesse", qui permet à notre pensée de s'approfondir d'elle-même, de se libérer de toutes les contraintes.
Des pistes de réflexion s'offrent à moi sur la philosophie, sur ce pour quoi j'aime cet idéal. Je crois que ce qui nous différencie des animaux est selon certains notre faculté de penser, et la philosophie est la réflexion introspective de la pensée sur elle-même ; philosopher me permettrait donc de m'assumer en tant qu'homme. Dans le même ordre d'idées, elle me permet d'affiner mon vocabulaire, de mieux comprendre une partie des mots que j'utilise. J'apprends d'ailleurs, en ce moment-même, ce qu'est le langage. Dame. Cette réflexion me captive, je dois être le seul dans ma classe à ce point porté par ce que dit la professeure. L'abstraction qu'est le langage, le fondement de ce qu'est un langage, comment fonctionne un langage, ce que sont les mots, m'est expliqué petit à petit.
Évidement, la philosophie permet aussi de m'émanciper de ma culture, voire de ma raison elle-même. Deux exemples simples issus du cours, qui ne sont pas des vérités absolues : je parle en français. Chaque mot, la manière dont je structure mes phrases, la culture portée par l'histoire de notre langue, sa prononciation propre, me permettent de penser. Ce n'est pas anodin ; cela signifie que ma manière de penser est liée à ma langue natale, de même qu'elle est liée à la culture française (et à celle apportée par la mondialisation, certes) dans laquelle je baigne depuis des années. Ça me fait comprendre que j'ai encore beaucoup à découvrir, beaucoup, beaucoup, beaucoup. J'ai été élevé dans un système de pensées particulier, je dois m'en extraire pour mieux le comprendre et pour me comprendre moi-même en tant qu'homme.
Quant au fait de l'émancipation de la raison elle-même; je vous laisse sur cette affirmation de ma professeure ce matin lorsque je lui ai demandé comment s'était opérée la transition de l'état animal à l'état humain : "La raison ne peut pas concevoir son absence. Ça nous est impossible, d'ailleurs la réponse à ta question n'est pas importante. Il ne s'agit pas de savoir d'où vient le langage/la pensée, mais de savoir comment il/elle fonctionne. Ne t'inquiète pas, moi non plus je ne parvenais pas à l'accepter, mais avec le temps on finit par le comprendre." (ce ne sont pas les mots exacts, mais l'idée reste la même). Je pars du principe qu'elle a, à première vue, raison. Donc ça voudrait dire que ma propre manière de penser, la raison, doit être remise en cause. C'est vertigineux.
Ainsi, tout va vite et se bouscule. Les connaissances d'histoire, de philosophie, d'anglais etc. s'accumulent et j'ai l'impression que tout s'accélère encore, avec les deadlines des révisions pour les concours qui vont bientôt arriver. Il me faut prendre mon temps. Respirer. Et ralentir.