Un texte écrit en tombant sur une certaine musique d'une compilation de 3h. Celle-ci : https://www.youtube.com/watch?v=uCVH8RWH2wA. Je ne me suis pas relu, car c'est ainsi qu'il m'est venu et que je voulais le laisser brut, tel quel. C'est de cette manière que s'est formulée la pensée de cet homme, même s'il n'y a peut-être aucun rapport entre le début et la fin de celle-ci.« Pourriez-vous, Monsieur, me prouver que vous êtes bien celui que vous prétendez être ? Je n'ai nullement l'intention de vous faire croire que vous êtes parvenu à me tromper, alors entrons dans le bref du sujet.
» Vous avez voulu me manipuler, me faire croire que seules nos croyances ici-bas comptaient. Que l'on ne pouvait compter que sur soi-même et qu'accorder sa confiance aux autres n'était qu'une illusion. Selon vous, être capable de s'exiler et de rester seul à jamais, seul avec ses pensées, est l'unique moyen de s'émanciper de la société. Sans quoi, prétendez-vous, nous ne pourriez jamais battre de nos propres ailes et nous extirper de cette prison d'or que nous adorons tant. Un rendez-vous avec soi-même qui durerait jusqu'à ce que la faucheuse mette un terme à notre vie ; nous assure d'être à jamais baigné dans nos pensées les plus profondes.
» Comme dans l'un de ces lacs souterrains d'une pureté inestimable où des gouttes chutent du plafond, nues et uniquement composées de leurs pensées les plus sincères pour venir rejoindre l'étendue d'eau qui frissonne alors. Vous souhaiteriez que je me débarrasse de mes apparences. Que je laisse derrière moi ces multiples couches qui m'oppressent au quotidien mais qui me permettent de vivre au contact des autres, qui me protègent des menaces extérieures. Cette protection qui s'est formée tout autour de moi tout au long de ma vie, vous m'obligeriez à la détruire sciemment. Mes doutes, craintes, espoirs, vérités, opinions inchangés, acquis, connaissances, avis, laissés derrière moi comme autant de poids qui m'empêcheraient d'avancer correctement.
» Retrouver celui que je suis, affirmez-vous. Mais, ce faisant, ne me détruirais-je pas ? Mon âme est composée de tous ces artefacts que vous désirez m'enlever.
» Je ne nie pas que ce retour aux sources pourrait m'être bénéfique. J'ai jusqu'ici toujours eu la coutume de réfléchir à des sujets bien abstraits dès que j'en avais l'occasion. M'allongeant sur l'herbe fraîche luisant sous l’œil vigilant de la Lune, je me demande « pourquoi ». « Comment », aussi, car ces deux-la vont de paire. Pourquoi suis-je ici ? Comment y suis-je parvenu ?
» Pardonnez, Monsieur, mais il me semble que je me suis déjà posé ces questions. Je ne les aurais pas suffisamment creusées, dites-vous, sinon pourquoi serais-je assis devant vous ?
» Vous voyez bien que vous aussi vous vous demandez « pourquoi », Monsieur. Personne n'échappe à cette question qui est le fondement de ce que nous sommes, pas même vous, qui invitez pourtant ceux qui vous côtoyez à s'enfermer dans leurs pensées au lieu de s'évader.
» Pourquoi vous écouterais-je ? Je pourrais aller courir, rejoindre mes amis, lire, exercer ce métier qui me plaît tant. Certes, je ne m'extirperais pas pour autant de mes chaînes. Certes, je resterais ainsi l'esclave de la société, comme le martèle le dicton populaire. Est-ce pourtant si mal que cela ? Cette rédemption que vous me proposez, que m'apportera-t-elle, sinon l'éloignement et la marginalisation ? Rien. Pourquoi le ferais-je, donc ? Pour trouver une réponse à ces questions ? Vous croyez ?
» Vous vous méprenez. S'exiler est la pire des choses que l'on puisse faire en ce bas-monde. Cela reviendrait à trancher net les liens qui nous unissent et nous font vivre. Et ce sont ces liens, plus que tout autre chose, qui nous permettent de nous définir tels que nous sommes. Sans cet homme qui marche à mes côtés, sombre silhouette aux pensées à la fois pertinentes et insultantes, aurais-je pu comprendre que ce qui compte, c'est d'obtenir la félicité ? J'aurais pu, mais seulement si j'avais également rencontré cet entraîneur qui m'a appris à rester fidèle à mes engagements. Ainsi que si j'avais pu avoir l'honneur de sonder l'âme de ces professeurs inconnus qui élèvent tout autour d'eux des élèves qui n'en ont même pas conscience.
» Leur travail, plus que le vôtre, Monsieur, est remarquable de sincérité. Pourquoi ne l'entendez-vous pas ? Apprenez à vous contenter de ce que vous possédez déjà, Monsieur. Ne vous as-ton jamais appris que l'on regrette ce que l'on possède à l'instant où il s'échappe, nous glisse des mains pour tomber dans un abîme infini ?
» Cessez donc de tergiverser et partez. Rejoignez ceux que vous aimez, vous aurez tout le temps de rester en face-à-face avec votre esprit par la suite. La vie est courte, Monsieur, mais bien assez longue pour que nous puissions goûter aux plaisirs qu'elle nous offre au quotidien.
Observez la rosée qui scintille sur ces feuilles qui parsèment la sortie de cet endroit. Admirez ses reflets, et soyez heureux. Plus que mille réflexions, cela vous rendra la paix que vous cherchez.
» Puis vous montrez dans votre véhicule, et comprendrez que, ce faisant, vous contribuez à la destruction de la beauté de cette goutte d'eau naturelle que vous aviez dévorée des yeux un instant auparavant.
Alors vous redescendrez, prendrez votre canne ainsi que votre chapeau et arpenterez les rues de la ville en prenant soin de saluer tous ceux que vous croiserez. Enfin, si vous le voulez toujours, vous pourrez vous abîmer dans des tergiversations profondes, mais seulement si vous acceptez de rester en contact avec ce tout qui vous entoure et vous fait vivre.
Marcher est le moyen idéal de vous réveiller, de provoquer en vous une plénitude si agréable que lorsque vous franchirez le pallier de votre maison, vous tomberez à genoux devant vos enfants pour les embrasser, leur témoigner de votre amour sincère. Vous aurez pris conscience que vous n'allez alors ni trop vite ni trop lentement, que vous ne faîtes qu'avancer, inexorablement.
» Vous apprendrez alors que vous avez pu rejoindre votre foyer à l'allure la plus respectable qui soit, et que vous l'avez fait parce que vous avez retrouvé votre humanité. »