Oleum Perdidisti
Voilà quelques temps que je m'essaie à écrire sans finir perdu et migraineux dans le brouillard mental, à assouplir un peu ma prose pour qu'elle sorte, dansante, du bout de mes doigts.
Je constate plus que jamais que tout naît de la régularité, qu'un jour sans écrire va assécher toute ma semaine en terme d'inspiration et de formulation. Encore aujourd'hui, il m'arrive de remettre à plus tard mes séances, à attendre l'instant propice : après 20h généralement, quand les horaires du repas dans mon foyer de jeune travailleur ne me somment plus de quitter ma chambre juste après le travail, et que la populace qui m'environne ne m'agace plus par sa simple présence.
Je me relis encore trop. Je reviens sur les pas que je viens de faire. Je n'ai pas encore la sérénité de lâcher la bride, de laisser naturellement la ligne courir vers la droite pour la corriger ensuite. Avec une machine à écrire au lieu d'un PC, j'aurais fait la fortune des papetiers à force de jeter toutes mes feuilles à peine noircies, et le malheur des vendeurs d'encre.
Je suis encore trop sprinteur et pas assez coureur de fond. Je tiens mal sur la longueur. Mes séances restent encore des efforts de courte durée, souvent tranchés tout net par des distractions que je me mets à rechercher ou un soudain retour à un état plus conscient, plus pusillanime et tempéré. Un état qui me fait repasser sur l'encre de pixels encore fraîche avec la froideur de ces profs guindés que l'on a tous eu. Qui me fait manquer le coche, descendre du train de pensée qui devance de quelques secondes les mots tapés. J'ai alors soudain honte de ces élans de pur esprit, cette flaque trouble, cet instant aérien qui ne parle qu'à nous et dédaigne le reste du monde plus qu'elle ne s'adresse à lui. Ces damnés anglois-saxons appellent ça le flow : ces moments où rien ne reste autour de nous, sinon notre œuvre juste devant le nez. Où toujours l'une après l'autre, les zones du cerveau s'activent au seul but de créer. Je le recherche et je m'en méfie, de ce flow. J'ai encore trop peur d'être incompris, d'être lu pour des mauvaises raisons. J'ai horreur des transes vides de sens et du mysticisme creux des faibles de spiritualité. Peur de sonner creux en usant de tous mes instruments simultanément (on pouvait s'en douter avec mon article précédent).
Depuis peu, je commence un nouveau remède : condenser mon propos au maximum. Mon maitre à penser moustachu est revenu me l'exprimer comme ça : "Le secret d'être ennuyeux est de tout dire" et "mon orgueil est de dire en dix phrases ce que tout autre dit en un volume. Ou plutôt : ne parvient pas à dire en un volume." et je m'efforce dès lors de me relire avec l'objectif d'enlever un bon quart de ce que j'ai écrit. J'affectionne beaucoup la forme de l'aphorisme, mais encore une fois, la peur d'être incompris et trop éthéré me pousse à toujours en rajouter sur les miens (voir l'exemple ci-dessus...).
Soit dit en passant, j'ai le même souci en cuisine ; à toujours vouloir rajouter une pincée de ci ou une couche de ça, à me dire - exemple récent - "Cette tarte bourdaloue est pas mal, mais si je mettais une compote de coings en dessous ?". Dans mon métier, on me répète soit que je manque de rigueur et grille les étapes, soit que je "pinaille" : terme bien à nous dans le bâtiment qu'exprime cette injonction de casse-caillou "Tu es tailleur de pierre, pas gratteur de pierre !". Je n'arrive pas à faire simple alors que j'y réussis bien ; comme si je ne pouvais pas me résoudre à être académicien (une étape à laquelle peu de personnes parviennent pourtant). Je traque l'originalité, le panache des chemins de traverse et des raccourcis de surdoué, au point où mes escapades deviennent de pénibles traversées dans la bourbe.
Au fond, tout vient toujours de ma confiance en moi. Un muscle que je ne parviens toujours pas à travailler.
Mais trêve d'introspection. Si vous avez survécu aux paragraphes ci-dessus ou que vous descendez en diagonales en quête d'un peu d'espace entre les lignes, j'ai à annoncer deux choses.
- Que Tombe la Foudre est bel et bien en cours de création ! Je caresse l'espoir que le premier chapitre arrive durant le mois, mais un autre projet me retient pour le moment...
-... J'écris aussi un One Shot ! Le fameux projet que je ne cesse de laisser tomber à chaque reprise en main. Pour éviter ça, je me suis fixé une dizaine de jours pour l'écrire, à compter d'hier samedi 13. De quoi me délier les poignets et me mettre dans une cadence soutenue.
C'était Kibouille, nous nous reverrons.
"Pour une section moins creuse." Kibouille 2022.
Article ajouté le Dimanche 14 Février 2021 à 20h07 |
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